Jace se prépara, et prit la première bulle qu'il trouva. La bulle le déposa devant une énorme avenue, bordée de cerisiers en fleurs et parsemée de pétales.
Le jeune homme se demanda avec inquiétude s'il ne s'était pas trompé, mais la rue portait bien le nom d'"avenue de Mulenhaimer". Il s'engagea sur la route, cherchant des yeux le numéro 57.
Finalement, il la trouva. C'était une jolie petite maison, qui faisait tâche dans ce quartier si clinquant. Bizarrement, cela apaisa Jace qui trouvait que ce lieu faisait irréel avec ses maisons aux fenêtres bordées d'or et ses rideaux de velours.

Il sonna à la porte de la petite maison. Il entendit le bruit étrange, car plus personne n'en utilisait de leurs jours, d'un loquet qu'on ouvre.

- Entre, entre

Jace suivit le vieil homme dans son salon avec émotion : il sentait confusément que cette rencontre allait changer sa vie. Mais tout d'abord, le vieil homme lui servit un thé avant de s'installer confortablement en face de Jace.

- Tu dois te poser beaucoup de questions. Je ne pourrais sûrement pas répondre à toutes, mais je peux essayer de t'éclairer...

- D'abord, qui êtes vous ?

- Mon nom est celui de cette rue. Je suis Mulenhaimer. L'inventeur et le constructeur du Dôme.

Jace faillit recracher son thé sur le canapé.

- L'inventeur du Dôme ? C'est vous ? Mais pourquoi me parler ? Pourquoi aller au parc animalier ? Pourquoi...

- Doucement ! Je vais essayer d'être le plus concis possible. Oui, j'ai inventé le Dôme. J'étais un scientifist  de l'ancienne Ère, et j'ai vu comment les hommes développaient des sciences de plus en plus atroce pour détruire son prochain... J'ai donc mis au point le Dôme, qui a permis de protéger une partie de la population. Néanmoins, le Dôme n'était qu'une solution temporaire ! Jace, la nature est plus forte que tout. Depuis combien de temps végétons-nous sous ce Dôme ? Cela fait maintenant 200 ans...

Jace écarquilla les yeux. 200 ans ? Le vieil homme avait 200 ans ? Sous le Dôme, grâce à la parfaite calibration de leur pilules et de leur activité physique minime, la durée moyenne de vie était de 150 ans. Et Mulenhaimer l'avait dépassé de 50 ans ! Jace allait de découvertes en découvertes...

- La nature a depuis longtemps purifié la Terre, et les hommes ne sont pas fait pour rester enfermés eternellement ! Je suis un scientifist, pas un politikes. Ce n'est pas moi qui est décidé du système de l'anima, je pense au contraire que l'homme doit être libre de créer, de rêver, d'imaginer...
A la vérité... j'ai besoin de toi, Jace.

Jace se pencha en avant, captivé. Il avait bu toutes les paroles du vieux scientifist  avec avidité, et il avait l'impression d'en avoir plus appris en 5 min avec lui qu'en 19 ans à l'académie.

- Si nous restons sous ce Dôme, ce sera la fin de notre humanité. Nous ne serons plus que des machines a calculer, sans sentiments ni émotions.

Une émotion ? Jace ne comprenait pas. Pour lui, les seules emotions connues était la frustration de l'échec, la joie ou la tristesse lors de l'affichage des résultats du test d'anima, ou encore l'ennui et le désoeuvrement. Inconscient de son trouble, Mulhaimer continuait :

- Mais toi, tu n'es pas comme les autres. Tu rêves... et cela te permet de me comprendre, de faire des choses que d'autres ne pourraient pas faire. Tu as la curiosité, et même si tu ne sais pas encore ce que c'est, tu recherches instinctivement la liberté. Au parc, tu aurais pu me dénoncer aux autorités, ou fuir. Non. Tu étais juste étonné, et tu voulais savoir comment j'avais fait, comment c'était possible... Ce sont ces qualités qui sauveront les hommes. 

Jace avança encore. Il sentait que le plus important arrivait.

- Je veux que tu ailles a l'extérieur.

Jace écarquilla les yeux. Aller à l'extérieur ? Pourquoi faire ? Et surtout, que pouvait il faire seul, dehors ? 

- Tu dois repeupler l'extérieur. L'être humain est un animal. En temps que tel, nous avons une capacité d'adaptation incroyable. Je suis sûr qu'il reste des humains hors des barrières du Dôme. Peut être sont-ils sauvages, ou alors ont-ils évolués physiquement ? Mais ils sont humains. Et toi, tu dois leur apprendre. Pas ces sottises qu'on t'enseigne a l'académie, non. Tu dois leur apprendre à rêver... Les hommes doivent repartir de zéro. Et s'ils veulent être heureux, ils doivent apprendre à avoir des sentiments, à aimer, à être humain... Et je t'ai choisi pour leur enseigner cela. Ce sera une dure tâche. Mais tu en es capable.

Mulenhaimer regarda Jace droit dans les yeux. Celui-ci ne dévia pas le regard. Ici, rien ne le retenait. La notion d'amis ou de famille n'existait pas, et il savait qu'il ne pourrait jamais être heureux avec sa... particularité. Alors qu'il avait perdu tout espoir de s'épanouir sous le Dôme, voilà que Mulenhaimer lui proposait d'aller a l'extérieur, loin de l'académie et de ses leçons ennuyeuses, loin de ses  padres qui ne faisaient que le surveiller, loin de cete société sans âme... Jace n'hésita pas.

- J'accepte. 

- Très bien ! Toi, tu peux agir. Depuis que je suis contre l'internement des humains, les politikes  m'ont consigné ici et mes mouvements sont surveillés. Néanmoins, j'ai un très bon ami qui peut me faire entrer dans le bâtiment du générateur central. J'ai tout préparé, et je peux provoquer une panne d'au minimum 5 min. N'ai crainte pour les habitants, de multiples protections ont été conçus en cas de panne du générateur central, et personne ne souffrira des miasmes, s'ils existent. Toi, tu dois profiter de ce bref moment pour sortir.

Jace passa beaucoup de temps avec le vieil homme. Mulenhaimer lui passa un sac soigneusement préparé, et lui expliqua chacune des fonctions des étranges objets qu'il contenait. La majorité dataient de l'ancienne Ère, comme cette étrange paquet "d'allumettes" et cette chose cylindrique appelée "gourde". En effet, Jace comprit qu'il serait loin du Dôme et de sa technologie, aussi écoutait-il le scientifist  avec beaucoup d'attention. Jace sortit de la maison de Mulenhaimer alors que le soleil se couchait.

Il est derrière le Dôme, devenu transparent. A travers, il voit des animaux, et lorsqu'il lève les yeux, il aperçoit des oiseaux qui tournent. Mais soudain, tout cela disparaît. A placé de tout cela, il voit ses padres qui l'accusent de les avoir abandonnés. Il voit Mulenhaimer qui se fait arrêter par un garde effrayant, et qui meurt sous ses coups. Il voit le Dôme, et tous ses habitants mourir, paralysés par les gaz toxiques de l'extérieur. Il voit des centaines de visages inconnus, qui hurlent et l'accusent, qui souffrent en se tordant de douleur, qui...

Jace se réveilla en sursaut, le coeur battant la chamade. Il eut besoin de 5 min pour reprendre son souffle, avant de regarder l'heure qu'affichait l'écran mural de sa chambre. 23h45. C'était de là que venait la sonnerie stridente qui l'avait réveillé. Cela faisait 3 jours que s'était déroulé son entrevue avec Mulenhaimer...Et c'était ce soir qu'ils agissaient. 

Jace sortit par le fenêtre de sa chambre, son sac à dos sur l'épaule. A minuit, si tout allait bien, le Dôme serait levé. Et Jace serait libre. Il se prépara psychologiquement.

- Qu'est ce que tu fais là ?

Jace sursauta et se tourna, découvrant l'origine du bruit avec effroi : c'étaient ses padres.

- Jace... Je croyais qu'ils ne remontaient que des bêtises, mais... tu veux vraiment sortir, n'est ce pas ? lui demanda sa mater, l'air scandalisé.

Tout ce que put répondre Jace, la voie rouée, fut :

- Comment ?

Un homme imposant sortir à l'ombre. Il avait une moustache noire et soigneuse, et une allure de militaire. Mais ce qui frappait le plus, c'étaient ses yeux froids et calculateurs, qui vous regardaient fixement dans les yeux. 

- Jeune homme, croiyez vous vraiment que nous n'avions pas prédit cela ? Mulenhaimer a cru nous tromper, mais nous avons surveillé et espionné chacun de vos gestes. Toujours... En ce moment même, il a dû être arrêté et mis en détention. C'est fini, jeune homme.

L'univers de Jace tout entier s'ecroula. Il avait été tellement bête ! Comment ne pas se douter que les politikes surveillaient tout le Dôme, et lui ne faisait pas exception... Il baissa la tête, silencieux dans son désespoir.

- Mais nous allons vous sauver.

Jace releva la tête vivement. Le sauver ?

- Nous pouvons vous faire rééduquer dans un de nos centres, et même vous guérir de la pathologie profonde de rêve ! Nous pouvons vous donner une place dans la société...

Jace se frotta les yeux. Il ne voulait pas arrêter de rêver, mais il ne voulait pas mourir non plus, et il se doutait qu'ils n'allaient pas gentiment le laisser partir si il refusait la proposition... Il regarda furtivement l'heure sur un appareil donné par Mulenhaimer, la "montre". 00h04. C'était fini. Le vieux scientifist  n'avait pas réussi.

- Très bien, je vais vous suivre.

Jace n'arrivait plus a réfléchir. Ils n'avaient pas réussi. Il passerait sa vie sous le Dôme, à travailler avec des yeux éteints, à marcher comme les autres, à oublier de rêver...

Krtshhhhh zuuuuuuum
A ce moment précis, le Dôme, après avoir protégé les hommes durant 200 ans, disparut.

Jace cligna des yeux, ébahi. Le vieil homme avait donc réussi ? Il pouvait sortir ? A côté de lui, ses padres criaient de panique, se couvrant la tête avec leurs bras. Jace se redressa. Il avança d'un pas, puis de l'autre.

-Jace !

Jace se retourna. C'était l'homme a la moustache qui l'appelait.

- Pense a tout ce que tu vas perdre ! Tu ne sais même pas ce qui se trouve derrière,  c'est peut-être la mort qui t'attend ! Qui te dit que ce vieux fou t'a dit la vérité ? Nous pouvons tout te donner ! Nous t'assurerons un revenu haut, sans avoir besoin de l'anima !

Mais pour Jace, la véhémence de l'homme à le garder sous le Dôme lui prouvait juste que Mulenhaimer lui avait dit la vérité. Il regarda une dernière fois ses padres, dévisagea l'homme à la moustache.

- Vous ne pouvez pas m'offrir la liberté, monsieur.

Et il franchit la barrière.