Chapitre 25
Sander
Domaine, Comté du King, 2018
Hors d'haleine, je m'ébroue contre les cordes du ring, le flanc douloureux, et lorgne en direction du front opposé. Les épaules de mon adverse se soulèvent et s'abaissent aussi rapidement que les miennes, ce qui a le mérite de me rassurer un peu quant à ma condition physique – je lui en fais baver aussi. Mais l'homme se tient plus droit que moi. Il souffre moins, mes coups ne parviennent pas à le déstabiliser ou à l'épuiser. Je chasse tout l'air encore dans mes poumons en me disant que c'est une bonne comme une mauvaise chose...
— Tu te débrouilles très bien, Allan. Ce coup-ci m'a sans doute brisé une côte, lancé-je à l'interpellé avec un hochement de tête.
— Continue, Allan ! Tu es à deux doigts de la victoire.
Je tique et serre la mâchoire devant l'exclamation encourageante de Gillian. Debout près des bancs dans un angle de la pièce, la sorcière presse ses deux mains ensemble, comme sur le point d'applaudir nos joutes, et ne lâche pas du regard notre ami. Je grommelle par-devers moi, le poing sur mon côté souffreteux pour le solidifier, et sens une vague de mauvaise humeur me monter à la tête.
J'ai bien conscience que Gillian et moi sommes ici pour soutenir Allan et lui changer les idées, cela étant dit je n'apprécie que moyennement sa façon de congratuler les beignes que je me prends... Elle n'a pas entendu ce que je viens de dire ? J'ai une côte pétée ! Bon, elle est déjà en train de guérir et dans une poignée de secondes ce ne sera plus que de l'histoire ancienne, OK, mais tout de même... Un peu plus de considération, c'est trop demandé ?
Toutefois, aussi vite qu'est apparu mon élan d'animosité, il disparaît lorsque je remarque le pincement continuel des lèvres de la sorcière, ainsi que sa manière de serrer autant ses doigts entre eux, au point que ses phalanges se mettent à blanchir. En réalité, elle ne prend aucun plaisir à nous voir nous battre, elle feint son enthousiasme devant nos échanges. D'habitude, Gill évite de nous visiter lors de nos entraînements. Même si nous n'y mettons jamais notre pleine puissance, empêchant ainsi de trop gros dommages sur nos personnes, elle n'aime pas cela. Elle ne veut pas que nous soyons blessés, pire encore que nous nous blessions l'un l'autre.
Mais, à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles : cet entraînement n'est pas un entraînement comme les autres. Cette journée n'est pas une journée comme les autres. Il suffit d'ailleurs d'observer la silhouette immobile devant moi pour le comprendre...
Au lieu de s'assurer de ma guérison, ou de me présenter des excuses, Allan n'ouvre pas la bouche et n'esquisse aucun mouvement dans ma direction. Ses traits restent lisses, son regard est perdu dans le vague et son corps est comme mis sur pause, dans l'attente de la prochaine directive qui lui sera soumise. Trois jours ont passé depuis que l'hybride a tenté de confronter Eleuia, dans le sous-sol du domaine, et que cette dernière a pris la fuite. Encore une fois.
Et cela fait donc trois jours qu'Allan alterne entre un état proche de l'apathie, où il préfère s'isoler et nous garder à l'écart, et un comportement hostile, qui doit être évacué à travers l'exercice physique. En urgence.
Une fois qu'il s'est déchargé de ces pulsions, il redevient amorphe, comme détaché de tout. Et, à mesure que je le détaille, je crois que nous arrivons à la fin du cycle à présent.
Le bilan de cette séance est indéniable : quelques contusions qui mettront plusieurs heures à se résorber, une côte cassée donc, des élancements dans le dos et la sensation que ma peau va se détacher d'un instant à l'autre de mes muscles. Allan s'est contenu mais de justesse, il ne lui aurait pas fallu beaucoup plus pour me foutre au tapis. J'aurais peut-être mis un ou deux jours pour me tenir droit de nouveau et marcher d'un pas souple...
Je pense qu'il va nous falloir espacer nos combats au corps-à-corps et privilégier davantage des entraînements au sac de frappe et sur les machines. Allan est trop... instable en ce moment pour autre chose. Son crochet du droit et son coup de pied retourné m'ont convaincu, cette fois.
— Bien, hum... Désires-tu reprendre pour quelques nouvelles passes ou on s'arrête là pour aujourd'hui ? l'interrogé-je en faisant craquer mes cervicales pour les soulager.
Mon flanc gauche prie pour qu'il choisisse la seconde option, cependant je ne l'influence pas pour autant. Je ne comprends que trop bien sa colère et sa frustration, je sais à quel point elles peuvent nous ronger de l'intérieur... Alors, si me prendre encore quelques torgnoles peut les apaiser et les faire refluer encore un peu, je suis prêt à lui sacrifier une autre de mes côtes.
Mon apprenti pose ses prunelles éteintes sur moi, sa respiration revenue depuis longtemps à la normale, et l'air qu'il arbore me donne la chair de poule. Trop vide, trop détaché, trop lointain... ça ne ressemble pas du tout au Allan de tous les jours, celui que nous avons rencontré avant les fêtes de Noël. Il ne sourit plus, ne parle quasiment plus. L'étincelle de curiosité et de sérieux mêlés dans ses yeux a vacillé, elle aussi, remplacée par un gouffre d'inanité.
Alors qu'il ne me répond toujours pas, je le hèle une seconde fois et suis pris d'un nouveau doute : nos efforts pour le contenir et le distraire de sa peine vont-ils vraiment s'avérer efficaces ? Plus les jours passent, moins il semble aller mieux. Plus les jours passent, plus je me dis qu'il va falloir redoubler de vigilance. Au cas où...
— Non, on peut s'arrêter là, finit-il par souffler sur un ton monocorde. J'ai besoin d'une douche.
J'acquiesce en silence et écarte les cordes pour lui créer un passage. Un vague merci s'échappe de ses lèvres alors qu'il se penche entre elles, et j'ébauche un bref sourire en réponse. Le Allan que j'ai toujours connu n'est pas totalement en sommeil non plus, son sens de la politesse refait surface de temps en temps.
À peine a-t-il touché terre que Gillian se précipite à sa rencontre et l'ensevelit sous une avalanche de compliments en tout genre, dans un but évident de réassurance. Son débit de parole est fluide et rapide, les mots s'enchaînent, ses louanges semblent sans fin tout comme ses attentions. Transformée en véritable mère poule paniquée par la baisse de moral de son petit, la sorcière est à deux doigts de le cajoler, purement et simplement.
— Respire, Gillian, et par la même, laisse Allan respirer, la sermonné-je, les yeux levés au ciel. Il n'a rien de cassé, pas de vilain bobo ni d'égratignure. Tout va bien...
Les émeraudes dures de Gill m'épinglent sur place, et sa bouche se tord dans une grimace.
— Qu'en sais-tu ? Tu ne t'en es même pas assuré avant de le faire descendre du ring !
— Tu ne crois pas que tu exagères un peu ? Tu étais là, tu as très bien vu comment je me suis pris une raclée, et comment il a eu à peine un cheveu de décoiffé, m'agacé-je, la moutarde au nez.
— Tu l'as quand même frappé assez fort à deux ou trois reprises. Tu aurais dû faire plus attention, Sander.
— Moi, faire attention ? Mais ce n'est pas moi qui lui ai fracturé une côte que je sache, ni qui lui ai bourré le dos de tellement de coups qu'il résiste maintenant à l'envie de se plier en deux !
La hargne me fait exagérer mes accusations, mais sur le coup je n'en ai rien à faire. Je suis outré par son manque d'empathie et de considération à mon endroit. On dirait qu'elle se fiche pas mal de mes éventuelles blessures, à moi...
— Mais qu'est-ce qui te prend de dire de telles choses ? s'exclame-t-elle, choquée, tout en coulant un regard inquiet vers Allan. Tu ne mesures pas tes propos, là, Sander.
Le coup d'œil qu'elle m'adresse ensuite est un mélange de « Par pitié, ne l'accable pas davantage, le pauvre ! » et de « Ouvre-la encore une fois, et je te jure que je te le ferai regretter », qui me scie les nerfs. Je bougonne tout bas, autant blessé qu'ulcéré par son attitude, et alors que je m'apprête à lui lancer une nouvelle pique – c'est vraiment plus fort que moi, je ne peux pas m'en empêcher –, histoire de lui prouver que ses menaces silencieuses ne m'atteignent pas, je suis coupé dans mon élan par l'intervention d'Allan.
— Stop, arrêtez de vous chamailler ! Ou si vous tenez absolument à le faire, laissez-moi en dehors. Sur ce, je vais aller me doucher, comme prévu, et vous retrouve plus tard dans la soirée.
L'hybride tourne ensuite les talons, s'élance d'un pas vif jusqu'à la sortie, ramasse son tee-shirt échoué au sol sur son passage, et claque la porte derrière lui. Gillian et moi en restons comme deux ronds de flan. Ce sont les plus longues paroles qu'il nous a adressé d'une traite depuis un sacré bout de temps... et il a fallu qu'elles soient pleines d'irritation et de froideur à notre encontre.
Génial, on a vraiment tout gagné, là...
Je pousse un long soupir, une main accrochée à l'arrière de mon crâne, sans dévier du battant clos.
— Et merde ! m'exclamé-je dans un grondement.
Gill ne réplique pas, mais sa fragrance m'apprend en une inspiration qu'elle est aussi dépitée que moi.
— On n'a pas été très brillants sur ce coup-là...
— Non, c'est le moins que l'on puisse dire, admet-elle, les épaules basses.
Un court silence s'instaure entre nous, durant lequel la sorcière se contracte soudain de tout son long et fait volte-face vers moi, les yeux incendiaires.
— Je peux savoir ce qui t'a pris de te comporter comme un imbécile ? C'était quoi ce numéro, Sander ?
Le mordant de sa voix me fait réagir au quart de tour et oublier par la même occasion mes griefs.
— Et toi alors, tu m'expliques un peu ton attitude ? C'était quoi cette manière d'être aussi encourageante et mielleuse avec Allan ? Nan, mais tu t'es entendue parler ? « Bravo, Allan ! C'est parfait, Allan ! Continue comme ça, Allan ! »
La sorcière ouvre de grands yeux devant mon imitation d'elle, pour laquelle j'ai usé de ma voix la plus haut perchée et fluette. Ça ne rend pas du tout justice à son véritable timbre, mais peu importe : je suis à nouveau trop en colère pour être rationnel et sensé.
Après s'être remise de sa stupeur, Gill secoue plusieurs fois la tête, la mine dure, et me jauge de haut en bas.
— Dites-moi que je rêve... Toute intelligence t'a quitté, on dirait. Allan t'aurait-il si violemment frappé que cela a décroché un ou deux neurones sous ta caboche ?
— Tiens, c'est la première fois que tu te « soucies » de mon état depuis la fin du combat, contrattaqué-je, avec des guillemets tant verbaux que physiques à l'appui. Mais ma tête va très bien, merci quand même !
— Dois-je te rappeler que notre meilleur ami n'est pas au top de sa forme, qu'il a même le moral au plus bas en ce moment ? Alors bien sûr que je me montre très encourageante et réassurante avec lui ! Il en a besoin, même s'il ne l'avouera sans doute jamais. Je n'ai fait que me comporter comme une bonne amie avec lui, tandis que toi, tu as été exécrable, Sander !
— Et donc pour être aussi gentille avec lui, tu avais besoin d'être aussi peu agréable avec moi ? grommelé-je, toujours irrité bien que ses remarques commencent à faire leur cheminement en moi.
— Ta jalousie est extrêmement mal placée, Sander. Et ridicule.
Elle ponctue sa phrase d'un roulement d'yeux vers le ciel, ce qui déclenche un autre grognement de ma part.
— Je ne suis pas jaloux...
— Oh que si ! Ton mensonge ne prendra pas, c'est beaucoup trop flagrant ! Tu arbores l'exacte même expression que l'autre jour, dans la chambre d'Allan, lorsque nous avons découvert ses pouvoirs de sirène, se récrie la sorcière, un doigt accusateur pointé sur mon visage.
Je me renfrogne un peu plus. Le souvenir de ce moment réveille une pique chauffée à blanc sous mes côtes, et se mêle à la douleur déjà existante un peu plus haut, là où les contusions provoquées par Allan ne sont pas encore parfaitement guéries. Je déteste me remémorer cette journée et la façon qu'avaient Allan et Gillian de se tenir si près l'un de l'autre. Un écran de fumée rouge, aux relents de souffre avait obstrué ma vision et ma trachée lorsque mon regard s'était posé sur leur proximité... et la main de l'hybride glissée juste sur la naissance de sa poitrine à elle.
Après coup, je m'étais autant morigéné que l'avait fait la sorcière sur le moment, je m'étais laissé aveugler par de simples apparences et la rage qu'elles avaient crée en moi. Je m'étais promis de ne plus jamais sauter aux conclusions hâtives, cela dit l'insécurité et le doute sont encore possibles, on dirait...
Avec un soupir, je tourne la tête et frotte ma tempe pour éviter le regard trop acéré de mon vis-à-vis.
— Je ne mens pas vraiment... J'évite juste de formuler à haute voix la vérité. Après tout, envier son meilleur ami n'est pas très glorieux...
Sans crier gare, Gillian éclate de rire devant mon semi aveu et pose une main sur mon visage pour me ramener face à elle.
— Ah, Sander... ! Tu me surprendras toujours.
— Dans le bon ou dans le mauvais sens ? lâché-je sans réfléchir, trop secoué par sa soudaine tendresse.
Ses iris s'accrochent aux miens tandis que ses doigts délicats caressent ma joue.
— Les deux, je crois.
Un sourire espiègle étire ses lèvres. L'affection et l'amusement brillent dans ses émeraudes pendant qu'elle me détaille.
— Pebezh immobil! Met ma immobil...
{— Quel imbécile ! Mais mon imbécile...]
Je retiens mon souffle lorsque sa bouche effleure le coin de la mienne. Gillian s'est hissée sur la pointe des pieds pour m'atteindre, et la chaleur de son corps s'unit à la puissante touffeur qui m'enveloppe, désormais. Quatre cents ans ont passé, mais l'effet qu'elle a sur moi n'a jamais faibli une seconde. Mon cœur s'emballe dans ma poitrine et mes muscles se détendent et se crispent tour à tour sous l'influence de sa proximité, de son odeur... et du bel éclat empli de douceur dans ses prunelles.
— Je suis désolée de t'avoir blessé. Ça n'était pas mon intention.
— Tu es pardonnée, lui assuré-je d'une même voix basse et pénétrante qu'elle.
Son sourire s'élargit avant que ses lèvres reviennent se poser sur le bas de mon visage.
— Tu as toujours mal ? s'informe-t-elle en survolant mes flancs de son autre main.
— Plus tellement. Ce n'est plus l'affaire que de quelques minutes, à présent.
Je colle mon front contre le sien et passe mes bras autour de sa taille, rasséréné par notre étreinte et la suavité de ses gestes.
— Je peux m'en charger si tu veux, propose la jeune femme au creux de mon oreille.
Je hoche la tête, trop grisé pour parler. Je m'attends à ce qu'elle presse ses deux paumes sur mes blessures afin que son flux d'énergie les soigne, comme elle et ses semblables le font sur chaque mutilé après le combat, mais non, pas cette fois. Elle choisit de procéder différemment... pour mon plus grand bonheur et ma plus grande surprise.
Avec lenteur, Gillian place ses mains en coupe autour de mes joues, puis m'embrasse, son corps pressé contre le mien. Je suspends ma respiration, avant de pousser un râle de plaisir lorsque sa langue rencontre la mienne. Elle ne perd pas de temps pour approfondir notre baiser, exigeante et tendre à la fois, et tandis que j'y réponds avec ardeur, je sens des vibrations de chaleur se propager de sa bouche à la mienne. Elles filent à vive allure dans ma gorge, arpentent ma cage thoracique et libèrent tout leur pouvoir dans mon ventre, en une centaine de petites décharges électriques indolores.
La sensation est vivifiante, digne du meilleur des toniques. En l'espace d'une seconde à peine, le restant de ma douleur disparaît, reléguée au rang de lointain souvenir. J'ai recouvert toute ma force, en mille fois plus intense cela dit, car sa façon de se déployer dans chacun de mes atomes rend plus profond les effets de notre baiser.
Cela fait longtemps que nous n'avons pas été proches ainsi, si longtemps même que je préfère ne pas me rappeler la date que je connais pourtant. Je ne veux pas penser à cette période, ne plus me représenter la tension et l'évitement qui l'ont accompagnée. Je profite de cette proximité, de cette symbiose inattendue qui se coule en nous. Mêmes sentiments, mêmes désirs, même impatience, même plaisir... Ils se reconnaissent entre eux, se déploient un à un et ne risquent pas de se déloger de sitôt de nos êtres.
Mes mains courent sur ses formes, les retracent avec dévotion et appétit. Mes lèvres ne dévient pas des siennes et brûlent de la plus agréable des manières. Mon corps épouse le sien, ma tête se vide de toute autre pensée qui n'est pas elle... et je me sens planer sous l'influence de la meilleure drogue qui soit.
Gillian use de la même délicatesse pour rompre notre baiser, puis réappuie son front contre le mien dans une grande expiration.
— Tu ne dois plus rien ressentir, maintenant.
Pour ce qui est de la douleur, non, plus rien du tout. Mais pour tout le reste, c'est loin d'être le cas : les décharges continuent à se répandre avant de se transformer en fourmillements dans mes extrémités. Je suis définitivement shooté, défoncé au Gillian et je me languis déjà de la prochaine dose.
— Si je te dis que j'ai encore quelques courbatures ici ou là, tu recommenceras à m'embrasser ?
Elle éclate d'un rire cristallin, qui n'arrange pas mon état, et le coin de ses yeux se plissent. Elle est belle, détendue et insouciante entre mes bras. Ça lui va à merveille, la rend encore plus fabuleuse qu'elle ne l'est déjà. Un sourire heureux monte sur mes lèvres tandis qu'elle secoue la tête, comme si je venais de lui sortir une très bonne plaisanterie.
— Tu n'en rates jamais une ! s'esclaffe encore la sorcière, pendant que mes lèvres s'attardent sur le bas de son visage.
— Ah ? J'avais pourtant l'impression d'être très sérieux, lui fais-je savoir près de sa gorge.
Gillian serre à nouveau mes épaules sous l'assaut de mes lippes. Elle frémit lorsque je m'arrête sur le point sensible s'y trouvant avant que son corps se relâche complètement. J'aime cette réaction, et j'en raffole encore plus quand je suis en elle et que l'effet de ma bouche se combine à l'effet de mon sexe allant et venant dans sa moiteur.
Les images de nos étreintes passées engloutissent mon esprit, le souvenir de ses halètements, de ses orgasmes me donne envie de lui en déclencher un tout de suite, rien qu'en la pressant contre mon être bouillonnant et qu'en l'embrassant.
Ma main se fiche dans le creux de son dos, la fait se cambrer un peu plus en avant, de sorte que sa gorge et son buste soient offerts à mes intentions. Je picore sa peau, passe mes lèvres sur la chair de poule de son décolleté, darde ma langue là où les pulsations de son cœur effréné vibrent. Je savoure chaque réponse formulée par Gillian, de la tétanie de ses muscles à ses gémissements diffus, de sa façon de rejeter plus loin la tête en arrière, pour me permettre un meilleur accès à son corps, à sa respiration chaotique.
— Sander..., m'appelle-t-elle quelques minutes plus tard, d'une voix saccadée.
Je dépose un autre baiser sur sa poitrine gonflée avant de remonter vers le haut, désireux de sentir à nouveau sa bouche sur la mienne.
— Il faudrait que tu ailles prendre une douche. Ton entraînement a été intense.
Je contiens mon souffle dans mes poumons durant une seconde. C'est tout Gillian, ça : dès que la situation s'emballe, elle redevient terre-à-terre, se recentre sur des broutilles. Malgré le désir qui la parcourt, malgré la brume torride qui nous enveloppe ensemble, elle voudrait garder la tête froide, les idées claires... Mais j'ai appris à composer avec cela, il m'en faut donc plus pour me démonter.
— Seulement si tu viens la prendre avec moi, répliqué-je à deux centimètres de ses lippes roses et entrouvertes.
Son regard fiévreux monte et descend sur mon visage, tiraillé par des sentiments qui ne devraient pas s'affronter en ce moment. Mais Gillian étant Gillian, je la laisse débattre avec elle-même, les prunelles fixées aux siennes et mes doigts sur sa colonne vertébrale. Je la caresse par-dessus l'étoffe de sa robe et patiente ainsi ; je ne suis pas complètement fair-play, le fait de continuer de la toucher embrouille a minima ses pensées, j'en ai conscience. C'est une autre chose que j'ai apprise auprès de cette femme : la laisser prendre ses décisions est primordial, ses luttes internes doivent se dérouler sans heurt... mais un petit coup de pouce de ma part est parfois le bienvenu.
Gillian a le temps de me voir venir lorsque je me penche doucement sur elle, jusqu'à ce que nos souffles ne fassent plus qu'un, lui permettant ainsi de statuer sur nos prochains mouvements. Elle accepte le baiser doux et délicat que je lui donne, puis replante ses iris penseurs dans les miens. J'ébauche un sourire en coin, me décale de quelques pas pour tendre entre nous une de mes mains. C'est une invite à danser une valse en harmonie plutôt qu'à nous lancer dans un nouveau combat, plein de larmes et de sang. Gillian et moi ne fonctionnons qu'ainsi, il n'existe aucun entre-deux ; elle le sait aussi bien que moi, quand bien même elle s'est longtemps persuadée du contraire.
Ma paume ouverte devant elle passe sous les rayons x de ses émeraudes. Ils pèsent inlassablement le pour et le contre, sont habités par les flammes tantôt avides, tantôt couvantes de sa délibération. Je me suis habitué à tout cela et entreprends donc de rester calme et confiant. Je connais par cœur cette belle Anglaise au tempérament aussi trempé que l'acier, et de la même façon qu'elle apprivoise mes contradictions, je travaille sur les siennes.
Je tiens ma promesse, reste toujours là où je suis pour mieux la laisser me rejoindre.
— Alors qu'en dis-tu, Gillian ? Tu viens ?
Mon ton n'est pas pressant, mon corps n'a pas bougé d'un iota, et mon regard demeure franc et direct. Ni lassitude, ni colère, ni débordement d'aucune sorte qui risquerait de la braquer ou de la plonger plus encore dans ses doutes. J'attends malgré les ondes lascives qu'elle a fait naître en moi, je suis confiant et imagine avec délectation ce que pourrait être cette prochaine heure, elle et moi enfermés dans ma salle de bain... jusqu'au moment où sa main se glisse dans la mienne.
Nouveau pas de deux. Nouvel espoir. Nouveau moment d'extase.
La lutte est terminée pour aujourd'hui, et c'est avec un même sourire fier et rayonnant que nous nous tournons vers la sortie. Nos doigts se lient entre eux, notre chaleur se mêle l'une à l'autre et bientôt, nos êtres ne feront plus qu'un.
* * * * * * * * * * * * *
Bonjour, comment allez-vous ? :)
Allez, entre deux rebondissements positifs et négatifs autour de la sortie d'AD 1, je n'oublie pas de vous poster un chapitre du Spin-Off ;) !
Comment avez-vous trouvé cette partie ? Vous resituez bien à quel moment du tome 1 on est ? Ce petit inédit vous plaît du coup ? Revenir dans leur vie contemporaine est sans doute plus familier pour vous déjà ^^
Petit à petit, on en arrive à la "résolution" pour Gillian et Sander, à la période (courte, hélas) de leur relation où tout va enfin bien, où ils se trouvent sur la même longueur d'onde. D'ailleurs, la semaine prochaine, on va revivre un moment très fort de leur relation, j'ai nommé le bal ;) ! (Petite précision : quelques modifications éditoriales du tome 1 ont transformé ce bal grandiloquent en soirée plus intime ; ne soyez pas étonné.e.s de ce remaniement, si vous n'avez pas lu la nouvelle version du tome 1 ^^)
A la semaine prochaine donc !
Bisous <3
A. H.
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