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Chapitre 17


Sander

Aux abords de Cambridge, Angleterre, 1659

Le souffle en berne et le corps endolori, je m'affale dans l'herbe retournée. Mes yeux se ferment quelques secondes d'eux-mêmes, tant le poids de mon harassement pèse lourd sur moi. Une grimace naît sur mes lèvres ensanglantées lorsque des picotements remontent dans mon bras gauche. Je suis blessé, touché jusqu'au muscle, une chose que je n'ai pas eu le temps de remarquer dans le feu de l'action. Ce combat a été plus sauvage que tous les précédents menés depuis mon arrivée en Angleterre. Ces quatre dernières années ont été longues et courtes à la fois, rythmées par moult assauts contre les vampires. Nous avons arpenté toutes les terres anglaises afin de croiser leur route et leur faire payer leurs actes ignobles.

Et une fois encore, alors que j'observe le champ de bataille ravagé que nous avons créé, j'estime que nous avons su venger leurs victimes efficacement.

Je secoue la tête pour mieux me maintenir éveillé, – le repos n'est pas pour tout de suite, la fin d'un combat n'annonce pas pour autant la fin des labeurs – et me redresse un peu, la main droite ramenée sur l'épaule opposée. Je dois remettre en place l'os qui s'est déboîté avant de bander le reste de mon bras mutilé. Cela servira une heure ou deux, le temps que mon corps de berserker se régénère et pour éviter de perdre plus de sang que nécessaire. Une fois mes pansements appliqués, je pourrai rejoindre les autres soldats de mon armée qui commencent tout juste à se rassembler, à quelques pas de moi. Depuis le temps, notre fonctionnement est bien au point : chacun sait ce qu'il doit faire à chaque étape de ces conflits. Lorsque nous avons tué nos ennemis, ou que leurs derniers survivants ont battu en retraite – comme cela semble être le cas aujourd'hui –, nous nous rafistolons au plus vite, nous réunissons et faisons les comptes, tant des morts, des vivants que des blessés.

Je grommelle au moment où mon épaule claque dans son articulation. Cela fait toujours un mal fou sur le moment, mais la minute suivante je peux me lever en m'aidant de mon bras, puis faire signe à mes acolytes. Ces derniers me retournent mon geste et me regardent les rallier.

— Vous allez bien ? leur lancé-je.

— Plusieurs coupures et entailles plus ou moins profondes, mais rien que notre essence ne peut guérir, me répond Friedrich, éreinté et confiant à la fois.

— Et de votre côté ? fais-je en pivotant vers les sorciers de notre groupe.

— Nous sommes assez nombreux à ne pas être tombés... cela nous suffit pour affirmer que ça ira.

Le ton grave de Thomas me pousse à éplucher les visages autour de lui, aussi marqués que le sien par la douleur et la fatigue. Ils sont dix-sept toujours debout et quelques autres de nos amis doivent être couchés sur le sol, à se ressourcer et reprendre des forces grâce à l'énergie de la terre. Du côté berserkers, nous sommes vingt-deux pour l'heure. Nous allons devoir faire le tour de la clairière pour soutenir les soldats restants. Une partie de mon esprit se focalise déjà sur Gillian : je n'ai pas manqué de remarquer qu'elle ne se trouvait pas parmi les dix-sept mages. Son absence m'inquiète sans pour autant me terrifier car, même si je ne la vois pas, je sens qu'elle n'est pas en danger. Je sais qu'elle est en vie, quelque part, et que je mettrai peu de temps à la repérer.

— Bien, séparons-nous et formons des équipes de trois ou quatre pour couvrir plus de terrain, et...

— Il se passe quelque chose, me coupe William, la voix soudain tendue.

Un à un, les sorciers tournent la tête vers le sud, parcourus de tremblements diffus. Quelques secondes plus tard, une lourde puissance se diffuse dans l'atmosphère et l'odeur qu'elle porte ne peut vouloir dire qu'une chose...

— Un sortilège a été lancé, exprime tout haut Willem.

— Je ne comprends pas..., murmure William, les yeux plissés. Ce qui se joue là-bas... n'est pas un sort ordinaire. Je n'ai jamais rien ressenti de tel.

Au vu des expressions interloquées des autres sorciers, il en va de même pour eux. Cette fois, mon inquiétude se meut en une émotion bien plus forte qui hérisse les poils de mon corps. Si même le sorcier le plus âgé que nous connaissons ne reconnaît pas cette énergie, alors c'est que ce qu'il se passe est très, très grave...

— Tu crois que...

— À l'aide ! Vite, venez m'aider !

Nous convergeons tous d'un bloc vers la voix féminine qui nous hèle, et ouvrons des yeux encore plus ronds en avisant la silhouette de Lizzy, en train de nous faire des grands gestes.

— Venez ! Il faut les arrêter !

— Que se passe-t-il, Lizzy ? Nous avons ressenti...

— Il n'y a plus de temps à perdre ! Vous devez les arrêter ! crie-t-elle encore, catastrophée. Dépêchez-vous !

Ni une ni deux, je détale à toute vitesse, mes compagnons sur mes talons, complètement terrifié à présent. Je me rue en avant, le souffle court au bout de quelques minutes tant je ne me maîtrise pas, et ne ralentis qu'une fois que les vibrations émises par les sorcières commencent à me remuer, jusque dans la poitrine.

— Bon sang, mais que font-elles ? s'insurge Oda en freinant elle aussi, le regard écarquillé posé sur son propre buste.

J'échange un coup d'œil agité avec William, tout près de moi. Il ne comprend toujours pas. Je déglutis avant d'accélérer à nouveau. Que se passe-t-il à la fin ? Que fabrique Gillian ?

— Elles sont là !

Au moment où Lars crie et tend le doigt droit devant lui, nos amies apparaissent dans notre champ de vision. Elles forment un cercle autour d'un arbre et semblent être sorties de transe désormais. Tous leurs regards sont baissés vers le sol et scrutent intensément ce qui repose là.

Nous arrivons tous ensemble à leur niveau, mais avant même de pouvoir parler, d'autres présences s'ajoutent à la nôtre dans ce vallon... Des présences qui ne nous sont pas étrangères et qui nous raidissent de tout notre long.

— Que faites-vous ici, maudits buveurs de sang ? crache Thomas, une lueur assassine dans ses iris.

— Repartez d'où vous venez si vous ne voulez pas finir comme vos amis, renchérit Magnus avec un rictus mauvais.

L'un des vampires s'avance d'un seul coup, l'envie de tuer transpirant par tous ses pores, mais son voisin le plus proche le retient par le bras.

— Ignobles créatures, vous osez nous menacer alors que c'est à cause de vous si nous sommes en guerre ! éructe le soldat brun. Vous êtes la plaie de ce monde, tous autant que vous êtes !

— C'est de notre faute si le malheur s'abat sur nos terres ? C'est de notre faute si vous aidez les hommes à nous chasser et nous condamner à mort ? Vraiment ? rugit à son tour Marc, le poing levé tandis que certains sorciers et berserkers grondent de rage.

— Vous n'êtes que des erreurs de la nature qui méritent tous de finir au bout d'une corde ! Les hommes sont d'ailleurs cléments avec vous. Si ça ne tenait qu'à moi, vous mourriez étouffés dans vos viscères et votre sang !

Les deux camps ennemis s'emballent et s'invectivent avec virulence, à deux doigts de reprendre les combats tant leurs rancœurs sont puissantes... mais c'était sans compter sur l'intervention redoutable de l'un des leurs.

— Paix ! Cessez immédiatement vos querelles !

Comme par magie, une partie de la tension ambiante retombe et les vampires reculent de quelques pas pour dégager le passage à celui qui doit être leur chef. Grand, la peau tannée, les yeux et les cheveux foncés, l'homme porte un pourpoint serré sur son torse, un pantalon plus lâche sur des bottes molles, ainsi qu'un feutre à panache aussi sombre que son regard. Je crois n'avoir jamais vu un physique comme le sien ni jamais senti autant de puissance se dégager d'un être. Ma peau se couvre de frissons qui résistent aux frictions de mes mains ; l'énergie de ce vampire est phénoménale, elle résonne en nous sans pour autant nous écraser sous son poids.

À l'instar de mes compagnons, je ne lâche plus des yeux le nouvel arrivant, et me tends un peu lorsqu'il se rapproche du cercle de sorcières.

— J'aimerais comprendre ce qui se passe ici, s'enquiert-il sur un ton moins brusque que celui de ses soldats. Qu'arrive-t-il à ma fille ?

Je cille à plusieurs reprises, m'attendant à tout sauf à cette question. Sa fille ? De qui parle-t-il ?

Secoué, je finis par suivre la trajectoire de ses prunelles et me rends enfin compte qu'au milieu des sorcières, une jeune femme est allongée sur les racines de l'arbre et bat lentement des cils, comme si elle se réveillait d'un long sommeil.

Maia gijia*...

Le vampire se penche sur le visage surpris de la guerrière et passe une main douce sur son front, puis sa joue. Sans mot dire, les sorcières s'éloignent un peu, créent un semblant d'intimité au père et à la fille vampire, ce dont je profite pour me ressaisir et gagner Gillian.

— Tu vas bien ? l'interrogé-je en la jaugeant de haut en bas.

Mis à part de la poussière et quelques traces de boue sur ses vêtements, je ne remarque aucune blessure, ce qu'elle me confirme à voix basse.

— Mais que vous est-il arrivé ? la relancé-je, à nouveau en proie au malaise. Nous avons senti... quelque chose se répercuter jusqu'à nous, quelque chose que vous avez provoqué. Qu'est-ce que c'était ?

— Cela vous a impactés vous aussi ? s'étonne-t-elle, les sourcils froncés.

— Tout le monde l'a été, Gillian. Même eux, répliqué-je avec un geste pour les vampires. Sinon ils ne seraient pas revenus sur leurs pas. Qu'est-ce que vous avez fait ?

La sorcière ne me répond pas. Son regard dévie de moi, passe par-dessus mon épaule. Je l'imite et comprends qu'elle échange en silence avec Agnès, non loin de là. Sa tante arbore une expression aussi neutre que possible, mais comme je commence à bien la connaître, je capte un fragment d'inquiétude et de nervosité passer dans ses orbes. Je serre les dents, sur les nerfs pour de bon. Seigneur, mais qu'ont-elles fabriqué ? Je crains le pire...

Je passe sur les visages des autres femmes qui étaient avec Gillian et y lis un mélange de doute, de crainte, de confusion et de détermination qui ne m'apporte aucune réponse claire et précise, hélas. Mon attention s'attarde aussi sur la silhouette toujours allongée par terre, soutenue par les bras de son père et entourée par les autres vampires. La guerrière écoute les paroles chantantes, mais incompréhensibles de l'homme au feutre, tout en s'examinant. Ses iris noirs inspectent ses bras, ses doigts fins courent sur ses jambes, palpent la chair et les muscles à mesure qu'elle les remonte sur son sternum.

Au vu des coupures dans le tissu et des taches séchées de sang, la lutte n'a pas été de tout repos pour elle, mais grâce à sa condition et ses pouvoirs, son corps a guéri, comme toujours... Alors pourquoi semble-t-elle si perplexe en tâtant ses membres ? Pourquoi sa bouche est pincée, comme si elle ne comprenait pas par quel miracle elle ne percevait plus de meurtrissures sur son corps... ?

Interpellé à mon tour par son attitude, je me tourne vers Gillian, dont l'expression grave n'a pas changé d'un iota, et découvre qu'elle m'observait déjà. Je répète ma question, avec plus de fermeté cette fois, même si au fond de moi, mes entrailles se détériorent.

— Nous avons fait ce qu'il fallait, ce que nous sommes destinées à accomplir depuis notre naissance, consent-elle à répondre, avec un détachement qui ne lui sied pas.

— Et qu'est-ce que cela implique exactement, ma chère ?

Je referme la bouche et pivote vers le vampire de tout à l'heure, qui s'est relevé et épingle désormais du regard mon amie. L'ensemble de sa troupe suit le mouvement, tendue et fébrile. Ils attendent tous des explications.

— Ma fille est... différente en quelque sorte, à présent, continue l'homme au feutre. Elle ne dégage plus tout à fait la même essence qu'auparavant. Pourquoi ?

— Elle était sur le point de mourir. Mes sœurs et moi l'avons sauvée.

Le ton posé qu'emploie Gillian contraste avec les réactions que ses paroles suscitent. J'émets moi-même un hoquet stupéfait et sens à nouveau mes orbes s'agrandir alors que je la dévisage.

— Vous... vous avez sauvé la vie de cette... vampire ? ânonné-je.

— Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? ajoute la voix estomaquée de Lars.

Un vent de panique souffle sur l'étrange assemblée que nous formons. Personne ne sait comment réagir, et de nombreuses exclamations s'élèvent de tous côtés. Mes mains s'abattent sur les épaules de Gillian pour la forcer à s'extraire de son œillade avec le vampire brun et se concentrer sur moi.

— Gilly, explique-moi s'il te plaît. Qu'est-ce qui vous a pris ? Pourquoi avoir fait cela ?

Elle demeure figée et grave durant de longues secondes, cependant, plus notre contact dure, plus sa résistance s'amoindrit. Elle s'évapore complètement quand les tendons dans son cou se relâchent. Elle expire à fond, les paupières fermés, le buste un peu voûté vers l'avant, ce qui me pousse à la serrer davantage contre moi.

— Tu peux tout me dire, Gilly, murmuré-je aussi bas que possible pour qu'elle soit la seule à m'entendre. Je suis là... Je te soutiens.

Ses prunelles se plantent dans les miennes, plus expressives que tantôt et d'un vert profond qu'elles ne révèlent que lorsque Gillian est submergée par ses émotions.

— Je suis fatiguée, Sander. Si fatiguée... Nous le sommes tous.

Ses mots prononcés avec lassitude, son regard trouble, sa posture courbée, le manque d'éclat en elle... tout cela fait soudain sens et trouve une résonance en moi. Je sais, je comprends ce qui se passe et je ne peux que compatir à sa détresse.

Les dernières années écoulées ici, en Angleterre, se résument à bien peu de choses : la rage et l'indignation. Tantôt, nous combattons nos ennemis en pleine campagne, comme aujourd'hui ; tantôt, nous retournons en ville pour assister aux châtiments réservés aux vraies comme fausses sorcières. Notre vie tous ensemble a perdu de sa saveur initiale, de son entrain également. À vrai dire, nous ne nous autorisons plus à éprouver de la joie, à rire, à nous satisfaire de l'instant présent... Nous avons oublié, les avons laissés derrière nous dès lors que nous avons été témoins de la décadence des terres anglaises. Seule notre mission première comptait et compte encore à l'heure actuelle, le reste devra attendre que nous en finissions.

Sauf que le goût de cendres et de terre retournée dans nos bouches nous refaçonne petit à petit, il nous submerge tout entier, nous rend insensibles à tout autre chose que la guerre ou la mort dans ses effluves. Et il est temps que cela cesse, avant que nous perdions toute consistance, toute essence. Nos esprits sont plus faibles, nos corps sont rompus, malgré leur régénérescence après chaque combat. Au plus profond de nous-mêmes, nous n'en pouvons plus. Toute cette souffrance, toute cette colère, toute cette peine... elles nous dévorent bien trop. Notre énergie, celle qui nous motive et que nous motivons jour après jour, s'épuise.

Hélas, si nous nous arrêtons, si nous ne courons plus après les vampires, la menace qui pèse autant sur nos têtes que sur celles d'autres sorcières, qu'adviendra-t-il alors ? Nos ennemis continueront à s'en prendre aux nôtres, ils useront de nouveaux stratagèmes peut-être pour nous faire ployer plus rudement... C'est avant tout cette peur-là qui nous retient de hisser le drapeau blanc. Notre sens du devoir – et peut-être un peu du sacrifice – nous encourage à ne rien lâcher, il nous rabâche sans cesse le danger que représentent tous ces vampires ligués contre nous. Car, après tout, quelle autre issue existe-t-il ? Que pourrions-nous faire d'autre face à nos ennemis ? Ils ne nous laisseront jamais en paix. Ils s'attaqueront toujours aux innocents. C'est inéluctable.

Du moins, ça l'était... jusqu'à aujourd'hui.

Gillian a peut-être trouvé une porte de sortie à ce malheur et à cette désolation. Et à mesure que je la regarde dans le blanc des yeux, je devine qu'elle l'a fait pour nous, mais aussi pour elle. La sorcière révoltée et vengeresse, qui a débarqué sur le sol anglais quatre ans plus tôt, s'est volatilisée ; elle aussi est au plus mal et ne peut plus se satisfaire d'une existence pareille. La douleur est bien souvent une excellente ressource pour avancer envers et contre tout, mais sa puissance finit par se tarir lorsque nous perdons beaucoup en cours de route. Gillian est l'une de ses victimes, et ce qu'elle a perdu ne se remplacera jamais...

L'une de mes mains remonte sur sa nuque et caresse l'arrière de son crâne au rythme de sa respiration.

— Je sais, Gilly, je sais... Je suis désolé.

— C'est peut-être la seule solution. La Nature avait déjà commencé son œuvre, alors... nous l'avons juste aidé un peu, explique mon amie contre mon torse.

— Imbéciles, lâche Lizzy en entendant la fin de sa phrase.

Gillian se raidit, mais ne contrattaque pas. L'inimitié entre les deux femmes est ancienne, il était donc certain qu'une initiative de ce genre n'allait pas du tout arranger leurs relations...

— Arrête, Lizzy, la réprimandé-je en me tournant vers elle. Gillian et les autres nous ont peut-être sauvé la vie !

— Nom de non, mais quelqu'un va bien finir par nous exposer clairement la situation ? s'énerve l'un des vampires, les traits crispés par l'hostilité. Vous parlez par énigmes ! Je vous jure que si vous ne nous expliquez pas, je...

— Je vais peut-être pouvoir apporter quelques éclaircissements, Conrad.

L'intervention, presque moqueuse, provient de la vampire à l'origine même de ce chaos. Nous l'alpaguons tous du regard, soudain à nouveau conscients de sa présence, et la découvrons assise sous le frêne, le bras de son père autour de la taille.

Mon esprit s'attarde une seconde sur leur ressemblance, frappante maintenant qu'ils sont côte à côte. Le même grain de peau mate, la même chevelure et les mêmes prunelles onyx... Vraiment, leur physique est un sacré contraste avec tous ceux que j'ai pu rencontrer ; ils m'évoquent tout deux des pays chauds, exotiques, où le soleil brûlerait une peau aussi pâle que la mienne, mais qui leur accorde, à eux, une jolie teinte foncée.

La vampire hoche la tête pour rassurer l'homme au feutre, lorsqu'il plonge ses iris inquiets dans les siens, puis accepte son aide pour se relever. Ses longues boucles maculées de sang collent à son dos et à sa poitrine, mais malgré son allure effrayante, elle demeure sérieuse et déterminée. C'est une vampire très puissante, comme son père, en plus d'être redoutable et téméraire.

— Six berserkers m'ont attirée dans ce vallon, durant la bataille. Et ils se sont tellement bien acharnés sur moi qu'ils ont réussi à me vider de mes forces... et de mon sang.

Des grondements accueillent le début de son récit, mais un rapide geste du bras discipline les soldats qui les ont émis.

Vraiment très, très puissante, donc...

— Je me suis traînée jusqu'à ce frêne, persuadée qu'il n'y avait plus rien à faire. C'était d'ailleurs vrai, je me savais mourir, jusqu'à ce que... l'arbre et moi nous...

Elle ne termine pas sa phrase, elle ne sait sans doute pas comment la finir au demeurant. Ses orbes se perdent sur la silhouette de Gillian, toujours serrée contre moi.

— Tu es celle qui les a convaincues de me venir en aide, n'est-ce pas ? Je reconnais ta voix et ton odeur.

Mon amie s'éloigne un peu et acquiesce, l'air aussi grave que la vampire.

— Nous avons répondu à l'appel de la terre. Elle avait déjà commencé son œuvre pour te sauver, pour vous sauver, explique Gillian en englobant l'arborescence dans son discours. Nous nous devions de communier avec elle.

— Tu espérais aussi que cette entreprise vous serve à obtenir quelque chose en retour, ajoute la vampire sans méchanceté.

— Oui. C'est vrai. Et j'espère toujours.

L'ancienne blessée esquisse un vague sourire devant la franchise directe de Gillian. Elle paraît apprécier, à coup sûr parce qu'elle-même est de ce genre-là. Je n'en serai pas étonné en tout cas.

— Quel est ce quelque chose que cette sorcière espère en retour ? Et que t'est-il arrivé au juste, Eleuia ? s'impatiente le soldat nommé Conrad.

Ladite Eleuia se remet debout cette fois, l'ombre de son père suivant chacun de ses mouvements, puis elle adresse un coup d'œil preste au vampire couvert de boue.

— Ce que désire cette sorcière est très simple : la paix. Elle veut établir un armistice entre vampires, berserkers et sorciers.

— Comment ? C'est exclu ! Il n'est pas question de traiter avec ces créatures infâmes ! explose l'autre, accompagné par les troupes dans ses protestations.

Une odeur de soufre et de cendres les enveloppe à nouveau, signe que la tension et l'hostilité reviennent sur le devant de la scène. Quelques-uns de mes amis se replient un peu sur eux-mêmes dans l'éventualité d'une nouvelle offensive.

— Quant à ce qui s'est produit dans ce vallon, reprend la guerrière avec intensité, la réponse est tout aussi simple : désormais, je fais partie des leurs.

Un silence confus remplace les clameurs et s'abat sur toute l'assistance. Bouche bée, nombre de belligérants, amis comme ennemis, dévisagent la vampire et sentent leur cœur s'emporter dans leur poitrine.

— Non... Cela ne peut... Ce n'est pas possible.

— Il faut pourtant croire que si, Conrad. Tout le monde ici l'a ressenti. Tout le monde sait que je ne suis plus la même... plus tout à fait.

La voix d'Eleuia vibre, aussi dure que ses prunelles qui vont et viennent sur les visages effarés.

— Lors du cercle, j'ai communié avec les sorcières. Mon esprit s'est lié aux leurs et la Nature m'est apparue. Elle m'a acceptée et m'a ramenée à la vie.

— Avec une contrepartie, complète Agnès, le regard fixé sur Eleuia.

— C'était le prix à payer pour être certain qu'elle revienne, déclare Kathryn à son tour.

— Sans cela, elle serait morte en tant que vampire, énonce Martha, concentrée elle aussi sur la concernée.

— Six sorcières contre six berserkers... la symbolique est forte mais ne ment pas. Tout était donc prévu, intervient Jane, plongée dans ses pensées énigmatiques.

— La Nature a fait son œuvre et lui a permis de renaître, dit Mary en désignant Eleuia du menton.

— Mi-vampire, mi-sorcière, conclut Gillian dans un souffle déférent qui m'interpelle.

L'écho de leurs paroles résonne de longues secondes autour de nous, claires dans leur forme, mais incertaines et nébuleuses quant à leur sens profond. Une même question fleurit sur toutes les lèvres entrouvertes, s'esquisse sur les traits hagards des soldats ; la même que celle qu'a posé le père d'Eleuia à Gillian, mais qui dorénavant est la préoccupation première de tous : qu'est-ce que cela implique exactement ?

Berserkers comme vampires s'entre-regardent avec embarras. Nous ne savons que dire, et encore moins que faire. Nous sommes indécis, plus immobiles que des statues, le corps raide et le souffle court. En revanche, les sorciers semblent moins déboussolés que nous : la manière qu'ils ont de contempler Eleuia se veut plus posée et réfléchie que la nôtre. La majorité d'entre eux s'en remet aux desseins de la Nature, comme le ferait le dévot avec Dieu. Leur méfiance à l'égard des vampires est loin d'avoir disparu, bien sûr – elle persiste et brille vivement dans les iris d'un très grand nombre –, mais même le plus sceptique est prêt à accorder le bénéfice du doute à cette situation inédite. Lizzy par exemple, qui était si paniquée et folle d'indignation en venant nous trouver tantôt, a recouvré son calme et demeure les bras croisés devant elle, dans l'attente de la suite des événements.

Après m'être autorisé ce tour d'horizon, je me racle la gorge et ose formuler nos inquiétudes tout haut :

— Alors... que faisons-nous ?

Eleuia et son père se déportent vers moi, dissèquent mon allure ainsi que ma posture défensive devant Gillian, et réfléchissent quelques secondes à l'énoncé exacte de leur réponse.

— Eh bien, il semblerait qu'une trêve s'impose, avance donc l'homme avec l'appui de sa fille. En tant que père, il m'est impossible de renoncer à la chair de ma chair... à mon dernier enfant... Peu importe ce que sa nouvelle condition implique, je ne veux pas la perdre. Et nous avons besoin de vous pour comprendre et appréhender ce qu'elle est devenue.

— Necahual..., tente d'intervenir l'un des soldats, le regard suppliant et horrifié porté sur le chef vampire.

— Quant à ma famille ici présente, elle a autant besoin d'Eleuia que moi, même si certains commencent déjà à l'oublier. Elle est notre commandante, la gardienne de nos vies, et jamais ce titre n'a eu plus de sens qu'aujourd'hui.

Il adresse un large sourire à la guerrière, une lueur de fierté et de tendresse dans ses prunelles.

— Ma fille est destinée à faire de grandes choses depuis sa naissance... Je ne vois donc là qu'un nouveau signe de cet avenir prometteur et précieux.

Eleuia souffle quelques mots, et même si là encore le sens m'échappe, la voix gutturale et empreinte d'émotions qu'elle emploie me laisse entendre qu'elle est touchée. Toutefois, elle reprend bien vite contenance et une expression rigide lorsqu'une autre voix craintive s'élève.

— Mais elle est des leurs, elle vient de nous l'avouer...

— Je le suis en partie seulement, réplique la vampire sur un ton sec. Tout le monde ici doit bien avoir conscience que je ne trahirai pas ma famille, jamais... mais que je suis tout aussi incapable de trahir ma nouvelle nature. Je suis autant votre alliée que la leur désormais.

— Comment ? s'alarme encore l'autre vampire. Comment cela se pourrait-il ?

— En arrêtant de nous faire la guerre. En trouvant un moyen de nous entendre. En acceptant la paix.

— C'est ce que nous voulons, nous aussi, assure Gillian pour soutenir Eleuia.

— Nous n'obligerons jamais qui que ce soit de nous suivre. Vous avez toujours été maîtres de vous-mêmes, de vos vies et de vos décisions. Vous aviez d'ailleurs choisi, chacun et chacune à des époques différentes, de nous rejoindre, mon père et moi, reprend la guerrière avec plus de douceur. Nous vous proposons aujourd'hui de renouveler ou non ce choix à nos côtés...

— Et si nous nous y opposons ? Si nous refusons de rester avec vous et ces mages ?

— Alors nous devrons nous séparer, avertit Necahual. Il nous sera impossible de rester bons amis, hélas.

Un éclair de peine traverse son regard sombre à cette perspective, mais le chef vampire se ressaisit peu après, conscient du fait que cela ne dépend pas de lui et qu'il n'y pourra rien.

Quelques murmures prennent racine dans de petits groupes vampires ; l'heure du débat est venue chez eux, ce qui interpelle et inspire nos propres troupes. Certains berserkers se rassemblent à leur tour en nous épiant du coin de l'œil, et s'entretiennent à voix basse.

Au bout de plusieurs minutes étranges, les vampires se redressent et pivotent vers Necahual.

— Ne chercherez-vous pas à nous traquer ensuite ? Si nous choisissons de partir, nous laisserez-vous tranquille ? interroge l'un d'eux, la mâchoire serrée par l'appréhension.

— À la seule condition que vous ne nous traquiez pas non plus et que vous nous laissiez en paix en retour, argue Eleuia à la place de son père.

Le vampire hoche la tête lentement, puis avise ses compagnons. Ils acquiescent à leur tour et commencent donc à se tourner en direction du sud, mais le premier ne leur emboîte pas tout de suite le pas.

— Renonce, Necahual, lance-t-il à l'homme au feutre, de l'urgence et de la tristesse dans la voix. Renonce, mon ami. Tout ceci n'est que folie.

— Non, Matthias, réfute le vampire. C'est une nouvelle ère qui s'annonce, une chance de faire différemment les choses... de les faire mieux et en ayant recours à moins de douleur et chaos. Je n'y renoncerai pas. Ni à elle, ni à ma fille.

Une pointe d'admiration se plante dans mon torse à l'entente de ces mots forts et justes. Cet homme souffre de cette situation, à l'instar de nous tous, mais à la différence près qu'il n'a pas peur de l'admettre... et encore moins d'agir en conséquence.

Les vampires, indécis jusque-là, prennent un à un leur décision, les uns ne bougeant pas d'un pouce, les autres s'éclipsant avec prudence hors de ce vallon, leurs excuses et adieux dans leur sillage. En définitive, ils ne sont qu'une petite poignée à préférer partir, ce qui est assez... rassurant quelque part. Enfin je crois...

— Bien, à présent... peut-être que quelques-uns parmi votre armée ont aussi des réserves quant à cette alliance future ? intervient ensuite le chef vampire, ses yeux revenus sur nous, berserkers et sorciers. Vous voulez sans doute...

— Des réserves ? Le mot est faible ! explose soudain Heinrich, l'écume aux lèvres. Nous n'allons pas pactiser avec l'ennemi ! Vous êtes tombés sur la tête pour ne serait-ce qu'envisager cette éventualité, ou quoi ? Ce sont des vampires ! Des buveurs de sang qui n'hésitent pas à nous trucider ! Il faut tous les tuer jusqu'au dernier !

Ses cris nous sont adressés, le berserker nous fusille du regard alors que Gillian, moi et d'autres encore sommes trop choqués par son emportement pour répliquer tout de suite. Heinrich a dû garder ça pour lui tout ce temps, sans plus pouvoir se retenir à la nouvelle intervention ennemie... Il bouscule tous ceux présents sur son passage pour se rapprocher du tronc de l'arbre, là où nous nous sommes postés.

— Vous avez oublié pourquoi nous les combattons ? Ce sont des monstres ! Ils ont tué des amis, des frères, des sœurs. Ils ont dénoncé des sorcières aux humains et les ont fait brûler ou pendre ! Notre mission est de les arrêter, pas de sympathiser. Notre mission est de leur rendre la monnaie de leur pièce, de les faire souffrir autant que nous avons souffert.

— Ils doivent tous payer, rebondit Ulrich, qui a suivi le soldat enragé avec d'autres.

— Pas de pitié pour les assassins, ajoute Franz derrière lui.

— Et nous y serions arrivés avec elle, si elle ne s'était pas autant accrochée à la vie ! crache encore Heinrich en pointant un doigt hargneux vers Eleuia.

J'inspire avec force et me raidis alors qu'il toise la vampire et que les alliés de celle-ci feulent. Ainsi, c'est lui qui a attaqué Eleuia, avec Franz, Ulrich et trois autres qui encadrent leur meneur en ce moment même. Tous les six sont loin d'être disposés à en rester là, leurs muscles bandés et le brasier dans leurs iris parlent pour eux. C'est donc accompagné de ma détermination toute martiale, mais aussi avec la mort dans l'âme, que je mets sur leur chemin et les empêche d'atteindre ceux dans mon dos, mes anciens ennemis devenus... quelque chose d'indéfini.

— Vous feriez mieux de reculer et d'oublier ces chimères de vengeance. Elles sont inutiles à présent.

— Tu préfères te rallier à nos ennemis plutôt que de nous suivre, nous ? tempête Heinrich, rouge de colère.

Je pousse un soupir, puis oblique mon regard sur l'armée derrière moi.

— Je ne vois pas d'ennemis ici, seulement de nouveaux alliés, des personnes prêtes à faire des efforts pour que l'on s'entende, pour que l'on se soutienne...

Je mets tout mon espoir dans ces mots et refais face ensuite aux six berserkers.

— Vous êtes libres de partir si vous ne voulez pas accepter notre entente. Nous ne vous chasserons pas si, comme les vampires de tout à l'heure, vous promettez de ne pas nous rechercher non plus.

— Espèce de vermine ! Tu es un traître à ta race !

Sur ce cri, Heinrich charge en avant, mais il est vite stoppé par l'arrivée éclair de mes propres partisans à mes côtés.

— L'offre que nous proposons garantit sécurité et tranquillité à tous, leur rappelle William sur un ton ferme. Nous ne voulons pas nous battre contre vous...

— Mais nous le ferons si vous ne nous laissez pas le choix, prévient Olaf, les poings serrés et le regard dur.

— Alors choisissez-bien, conclut Gillian.

Nous sommes une dizaine à faire bloc devant eux et je ne doute pas que d'autres nous rejoindraient si la situation s'envenimait. Toute notre armée ne le fera pas bien sûr, certains seraient encore indécis et trop troublés, mais nous serons plus nombreux, et pas seulement composés de berserkers et sorciers. Plusieurs vampires, à commencer par leurs chefs, nous prêteraient main forte. Ce serait là une nouvelle bizarrerie, une véritable première ! Mais elle aurait lieu, nous en avons conscience... y compris Heinrich et ses compagnons.

Atterrés, les six berserkers nous fixent avec des yeux ronds. Leur souffle se perd quelques secondes, puis repart de manière précipitée alors que les tendons dans leur cou saillent.

— Alors vous nous chassez, vous abandonnez vos frères sans ciller, déclare Ulrich, l'air de ne pas vouloir y croire encore.

— Pauvres fous ! Vous regretterez très vite cette décision, fulmine Heinrich en se détournant. Venez ! Ce sont des traîtres. Nous n'avons plus rien à faire avec eux.

Nos anciens amis le suivent ensuite, non sans nous jeter quelques coups d'œil effarés.

— Je ne vous reconnais plus, souffle Franz avant de disparaître en haut de la côte.

— Nous non plus..., répliqué-je tout bas pour moi-même.

Je soupire à nouveau et me fige une seconde en sentant des doigts chauds caresser les miens. Je me détends complètement face au réconfort de Gillian. Elle sent à quel point je suis mal à l'aise devant le départ de ce groupe et perdu par la décision que nous venons de prendre. Ses prunelles émeraude croisent les miennes et me communiquent la même forme de détresse que celle qui me tance, mais aussi un sentiment de paix et de soulagement inédit. Pour la première fois depuis des années, Gillian espère en quelque chose, écoute une autre part moins belliqueuse en elle. Elle essaie et souhaite que moi aussi je le fasse, que moi aussi j'espère et tente d'y croire... Et la voir emplie de ce nouvel optimisme, ressentir l'énergie qui pulse en elle, est tout ce dont j'ai besoin pour faire ce qui doit être fait.

Je dépose un baiser sur le dos de sa main avant de m'écarter et de me diriger vers Necahual et Eleuia, toujours entourés de leurs soldats. Sans hésiter, je tends les doigts à l'homme au feutre et me présente :

— Je m'appelle Sander, et les miens et moi désirons une trêve.

Ancré à mon regard franc, Necahual attrape ma main et la serre dans la sienne, un petit sourire ravi aux lèvres.

— Je suis enchanté de faire ta connaissance, Sander, et encore plus de voir nos deux familles faire la paix.

Je hoche la tête, puis présente ma poigne à sa fille tandis que nos deux clans se rapprochent. Gillian se faufile jusqu'à nous et se poste devant Eleuia, l'air avenante et encore un peu bouleversée.

— Bienvenue à toi, Eleuia. Mes sœurs et frères et moi-même sommes heureux de t'accueillir parmi nous.

La guerrière sourit et remercie mon amie avant d'échanger une nouvelle poignée de main avec elle. D'autres sorcières arrivent pour s'introduire à leur tour, puis petit à petit, berserkers et vampires s'apprivoisent également, laissant de côté leurs réserves et craintes l'espace d'un instant. Je les observe se lancer, amorcer quelques discussions maladroites ou écouter celles déjà en cours, et sens la présence de Necahual s'installer à ma droite.

— Quelle étrange assemblée, déclare-t-il sur le ton de la conversation.

— Très étrange, en effet.

— Nous avons beaucoup de chemin à parcourir qui nous attend...

— Une longue route semer d'embûches, acquiescé-je avec gravité.

Necahual pivote son attention vers moi et me décoche un clin d'œil complice qui tranche avec le sérieux de nos expressions. Je réfrène un sourire amusé en même temps que lui.

— Je fonde toutefois de très grands espoirs dans cette alliance, avoue-t-il en revenant sur sa fille et Gillian, en train de parler à quelques pas de là.

Cette fois, je ne retiens plus mon sourire.

— Oui, moi aussi. De grandes choses vont naître de notre entente, soyons-en sûrs.

* * * * * * * * * * * *

* Maia gijia = Ma fille, en maya dans le texte

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Bonjour à vous ! Voilà pour ce chapitre 17 où vous avez pu assister aux prémices des relations (pacifistes) entre vampires, sorciers et berserkers :)

Vous aviez pu en découvrir le récit plus ou moins détaillé dans le tome 1, mais là, vous l'avez en direct et en plein dans l'action haha ! Est-ce que cela vous a plu ?

La semaine prochaine, discussion à cœur ouvert entre Gillian et Eleuia ! L'occasion pour elles de tisser les liens si forts qui les uniront plus tard ;)

A. H.

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