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Chapitre 20

Un frisson se loge dans ma poitrine palpitante. Toujours plongée dans son regard, je le sens s'étendre jusqu'à la pointe de mes orteils. Allan et toutes ses ténèbres sont là. Il me contemple sans un mot, mais le chaos en lui, par contre, parle à mon chaos. Ils se reconnaissent, s'apprivoisent lentement. Comme nous.

Le désir souverain, tant de courir me jeter dans ses bras que du haut d'une falaise, s'empare de mon être. Il m'écartèle, me fait disjoncter à l'intérieur... mais mon visage, lui, revêt un masque de neutralité. En partie tout du moins, car la souffrance qui résulte dans mon cœur ride et chiffonne mes traits. Allan, lui, parvient à être impassible, rien ne semble pouvoir l'atteindre.

Comme lors de son éveil macabre...

Cette pensée me frappe de plein fouet et menace de rompre plus sérieusement mes digues internes. Ce regard froid et obscur, cette immobilité... suis-je arrivée trop tard cette fois encore ? Une quelconque intervention pourra-t-elle être bénéfique à ce stade désormais ? Le doute m'assaille et agrandit la plaie purulente en mon sein. D'un seul coup, je ne sais plus si je dois ou si je peux faire quoi que ce soit. Mon esprit toujours parasité par mon altercation avec la vampire ne m'aide pas à trouver les réponses à mes questionnements. Alors nous restons à nous observer en chiens de faïence, durant une nouvelle minute... puis une autre... et encore une autre...

Un défilé d'émotions violentes, quoi que familières, m'habite, et elles sont toutes motivées par la seule présence muette de mon lié. Tristesse, culpabilité, désespoir, colère, désir, amour, angoisse... Là où elles trouvent une place pour se loger dans mon corps et mon âme, elles le font et croissent jusqu'à vrombir. Elles grondent et vibrent de plus en plus fort, de plus en plus loin. La terre sous mes pieds accueille elle aussi un morceau de leur énergie et tonne, comme le ferait le ciel un jour d'orage.

Clouée sur place, meurtrie dans mes chairs, je suis submergée, engloutie par cette tempête. Incapable de me détourner de l'objet de tous mes désirs et de tous mes maux réunis, je le scrute, le contemple et le toise tout à la fois. Je suis perdue. Découragée. Indécise.

Jusqu'à ce que...

Quelque chose se déclenche. Un tremblement diffus, autre que celui que je provoque, remonte dans le sol. Il grouille et rampe jusqu'à moi, chétif mais présent, cependant. Et dès qu'il passe de la terre à mon organisme, il fuse.

Sa faiblesse n'était qu'un leurre, sa véritable puissance explose en moi et me coupe le souffle. Cette énergie trouve immédiatement un écho dans mes veines, les électrisant en un claquement de doigts. Elle se propage comme une traînée de poudre, poignante et chaude. Elle a la force d'une gifle et la tendresse d'une caresse, elle est virulente et souple à la fois.

Je reconnaitrai cette signature entre mille. Je l'ai tant attendue, tant espérée durant toutes ces semaines, tous ces mois ! Elle m'a effleurée sur un autre champ de bataille et j'avais cru renaître à ce moment-là. Comme si je retrouvais un foyer longtemps abandonné. Comme si je respirais à pleins poumons pour la première fois de ma vie.

C'est la marque du lien qui nous unit, Allan et moi. Ce miracle escompté qui me fait rouvrir des yeux remplis de larmes d'émerveillement.

Il est là.

— Allan...

Le faciès de l'homme change, ce qui fait battre mon cœur plus vite. Il m'a entendue. Il est là, sous ces couches de noirceur et de rage mal contenue, il est vraiment là. Je le sens dans toutes mes fibres maintenant que notre connexion se rallume petit à petit.

— Allan, l'appelé-je encore tout en faisant un pas vers lui. Allan, c'est moi, tu te souviens ?

— N'approche pas.

Deuxième choc prodigieux, qui pourrait presque me statufier comme il me l'ordonne. Il parle. Il parle ! Mon Dieu, il parle ! Sa voix est plus caverneuse qu'à l'accoutumée, plus rude en un sens, mais elle résonne comme la plus douce symphonie à mes oreilles.

Mon cœur caracole, passe la vitesse supérieure, pendant que de nouveaux tremblements s'approprient mes membres. La bouche grande ouverte, j'esquisse d'autres mouvements en avant, sans m'arrêter sur l'expression farouche de mon lié.

— Allan ! Oh, Allan, tu es là ! sangloté-je presque, la cage thoracique allégée d'un poids.

— J'ai dit, ne t'approche pas !

Cette fois, sa voix n'est définitivement plus la même. Acerbe et féroce, elle claque dans l'espace qui nous sépare, plus menaçante que n'importe quel aboiement bestial. Un aiguillon de peur brute m'éperonne une seconde, mais je chasse bien vite cette sensation. Je refuse d'avoir peur de lui, pas maintenant que je touche au but !

Ne tenant pas compte de son avertissement, je poursuis mon avancée, un mètre après l'autre. Un grondement sourd et mauvais répond à ma hardiesse, suivi par un grincement de dents.

— Arrête-toi !

Je n'obéis qu'une fois à presque trois mètres de son corps tendu. Mes prunelles affrontent ses iris durs et je suis soulagée de constater que l'emprise des ténèbres a diminué depuis notre dernière rencontre. C'est assez peu flagrant au premier coup d'œil, mais comme je ne relâche pas mon attention sur lui, j'ai fini par le repérer. Ainsi, les plans de Jarlath n'ont pas réussi à assommer la conscience de mon lié. Peut-être ne pouvaient-ils qu'être temporaires, ou peut-être est-ce dû à ma présence et notre lien indéfectible... Je ne sais pas bien ce qui a opéré ce changement, cela dit je m'en délecte au fond de moi.

— Tu n'as plus à faire ça, Allan. C'est moi. Je suis là. Je t'ai retrouvé, comme promis.

— Tais-toi ! rétorque-t-il sèchement, les mains refermées en poings. Tu racontes n'importe quoi.

— Non, tu dois m'écouter cette fois ! Tu dois revenir auprès de moi. Reviens, Allan ! Ta place est avec moi, lui assuré-je sur un ton fervent.

Mes mains s'approchent des siennes, prêtes à les porter contre mon cœur, mais l'hybride fait un pas de côté avant de plonger sur moi et me catapulter contre un arbre. Ses bras d'airain compressent mes épaules pour m'empêcher de bouger et de me débattre, tandis que son regard colérique me transperce.

— La ferme ! Tu m'entends ? Tu es bien plus stupide que je ne le pensais ! Alors tais-toi avant que je te fasse complètement regretter d'avoir osé proférer autant d'inepties !

Je le dévisage, choquée par sa véhémence et son venin. Les muscles de ses mâchoires et joues sont raidis par la fureur qui le consume tout entier. Je ne l'avais jamais vu dans cet état auparavant.

Mes doigts récalcitrants cherchent une nouvelle fois à remonter sur lui, incapables de résister à l'envie de le toucher, mais ils échouent car sa prise se renforce. L'énergie et l'impulsion qu'il y met sont décuplées par son émotion, au point d'envoyer l'arrière de ma tête cogner dans le bois rugueux.

— Arrête de bouger, arrête d'essayer de me toucher ! éructe Allan, le visage proche du mien. Je devrais te rompre la nuque, je serais sûr d'avoir la paix, comme ça.

— Mais...

Je hoquète lorsqu'il m'attrape et me jette à terre en un éclair. Mon coccyx heurte avec violence le sol et ma cage thoracique se bloque sous le coup du choc.

— Et arrête de parler ! hurle l'hybride au-dessus de moi.

Mes cils papillonnent à toute allure et je mets un temps pour comprendre que ce n'est pas tant dû à ma stupéfaction qu'à un besoin intense d'ouvrir les vannes. Les larmes affluent dans mes yeux et ma gorge est comprimée par une boule plus grosse que mon crâne.

Mon regard mouillé reste levé vers Allan, fournissant un immense effort pour discerner l'expression froncée et l'éclat sauvage qu'il arbore.

La respiration lourde, mon lié serre et desserre ses poings sans relâcher son attention sur moi. Ses orbes féroces se chevillent aux miens, provoquent une chair de poule glacée le long de ma nuque. Mon instinct voudrait me pousser à reculer devant le danger qu'il voit en l'hybride, mais je ne peux pas. Je ne peux pas l'écouter. Ma volonté demeure, elle ne fléchit pas dans mon cœur malgré l'agressivité qui me fait face et l'accablement qui pointe.

Ça doit paraître fou et insensé que d'être prête à se jeter dans la gueule du loup, alors même que le loup lui-même nous met en garde de le faire... Mais c'est à l'image de ce que je ressens pour Allan : déraisonnable, incohérent et irrationnel.

Je ne peux pas le laisser dans cet état, dans cette situation. Si je le faisais, si je l'abandonnais à nouveau, autant m'arracher le cœur moi-même. Ça me semblera moins douloureux et intolérable que de le voir ainsi, enragé et impétueux...

Redressée sur les paumes des mains, je déglutis du mieux que je peux et me concentre sur le flux qu'il me transmet sans le vouloir. Cela hérisse derechef mon duvet et laisse un goût amer sur mon palais pâteux. Sa colère et son désir de souffrance sont au bord de l'explosion. Ils le dirigent et me donnent froid dans le dos, mais ils ne sont pas seuls. Bien enfouie à l'arrière, il y a une autre sensation plus secrète qui influence Allan. Une émotion que mon lié refoule, tente désespérément de dissimuler... c'était toutefois sans compter notre connexion et mon acharnement.

Fermant un instant les yeux, je le sonde plus en profondeur, brave les sombres loquets et murailles qu'il a érigés jusqu'à arriver là où se cache la vérité...

Exaspéré, Allan m'agrippe et me hisse dans les airs, ses doigts déchirant en partie mon derme. Mais je n'en ai que faire, ça ne m'atteint pas. Je rouvre les paupières et plante mes iris dans le bleu céruléen des siens au moment où je comprends tout.

Allan a mal.

Il souffre atrocement. Parce que l'emprise de Jaralth se tarit de plus en plus. Parce qu'il est vraiment revenu à lui. Parce qu'il sait tout ce qu'il a fait. Allan a mal... et ce constat m'inspire les pires tourments comme les meilleurs espoirs.

Des larmes se libèrent de ma contrainte et roulent sur mes joues alors que l'homme expulse un râle belliqueux et se détourne de moi. Je titube en retrouvant l'herbe sous mes bottes, puis observe les frappes de mon âme sœur se défouler sur l'arborescence alentour.

Il sait que je sais et adopte le comportement d'une bête blessée en réaction. Si je n'étais pas déjà écorchée de l'intérieur, cette vision pourrait m'achever... Mon Dieu, quel enfer !

Il est enfoncé dans une spirale de douleur, mais refuse de l'affronter. Il répugne à le faire, car il a conscience qu'à la seconde où il s'y heurtera, elle le submergera tout entier.

Il a peur de ne jamais s'en relever.

Sauf que je suis là, moi, et qu'il est hors de question que je le laisse sombrer. Je ne laisserai pas Allan se perdre et me perdre par la même occasion. Je vais l'aider, et je sais très bien comment m'y prendre.

Même si cela veut dire y inclure de la douleur...

Vaincre le mal par le mal. C'est là, la seule solution si je veux le libérer de ses chaînes. C'est là, la seule solution qui s'est imposée à moi, il y a des semaines... La douleur est la clef : c'est ce qui l'a arraché à moi, mais c'est aussi ce qui va le ramener.

Sois courageuse. Ne lutte pas pour y arriver.

Il n'y a que ça qui compte. Que ça qui a de l'importance désormais. Peu importe la douleur, peu importe la déception ou l'incompréhension passée et à venir.

Plus émue et tremblante que jamais, je marche jusqu'à sa silhouette toujours affairée à grogner et à abattre sa cible végétale. Mes poumons brûlent comme le reste de mon corps lorsque j'inspire une goulée d'air entre mes lèvres sèches. Les élancements dans ma poitrine m'incitent à me rapprocher de mon lié, tout comme ils ravivent la blessure qui s'y trouve. C'est à cinq petits mètres du dos robuste de l'hybride que j'entrouvre enfin la bouche et souffle dans un murmure doux et lancinant à la fois :

— Je t'aime.

Allan fait comme s'il ne m'avait pas entendue et allonge ses frappes, mais la crispation violente de ses épaules ne me trompe pas. Je ravale ma salive, le cœur en déroute, et supprime un nouveau mètre entre nous.

— Je t'aime, répété-je, la voix plus forte pour couvrir le bruit qu'il fait. J'aime tout ce que tu es, Allan. Tout ce qui te fait.

Un grognement bestial roule dans sa poitrine alors que mes doigts frôlent l'une de ses omoplates. Il se retourne d'un bloc et claque ma main levée pour empêcher l'approfondissement de mon contact. Son œillade sévère et réfrigérante me considère avec mépris, et malgré le chagrin que cela me cause, je ne recule pas. Je persévère et ne lâche rien.

— Tu mérites que quelqu'un chérisse ta personne, parce qu'elle est formidable. Tu es formidable, Allan. Tu es bon, gentil, tendre, courageux et sensible. Tu es le plus bel homme qui soit et la créature la plus exceptionnelle que j'ai rencontrée...

— Tais-toi.

— Je suis cette personne-là pour toi, Allan. Je suis faite pour toi et il ne pourra jamais en être autrement, poursuis-je encore.

— Tais-toi !

— Tu ne peux pas renier tes bons côtés. Tu ne peux pas lutter contre, déclaré-je en approchant malgré la fureur qui irradie par tous ses pores. Tout ce qui s'est passé... tout ce que tu as pu faire... ce n'était pas de ta seule volonté, Allan. Ce n'était pas de ta faute.

— Tu vas la fermer, à la fin !

Mon lié vocifère son ordre et me bouscule contre un autre tronc, sa main refermée sur ma gorge. Nos souffles sont chaotiques et nos poitrines aussi palpitantes l'une que l'autre. Les iris bleutés qui me font face sont injectés de sang et pleins de fiel. Sa mâchoire est verrouillée, ses muscles tressautent sous la pression. Mais derrière cette apparence de furie pure, je sens brûler le feu de la souffrance. Il le dévore et s'achemine par vagues puissantes dans tout son être.

L'une de mes paumes rejoint la sienne autour de mon cou pour la caresser, tandis que mon front se renverse sur le sien.

— Pardonne-moi de ne pas t'avoir dit toutes ces choses plus tôt, lui soufflé-je, mes prunelles vrillées dans son regard troublé. Je les pense pourtant depuis des mois... Ces semaines passées loin l'un de l'autre m'ont encore plus ouvert les yeux sur ce que je ressens. Je regrette qu'il m'ait fallu tout ce temps et ce... cauchemar devenu réalité pour l'accepter pleinement. Mais je ne peux pas revenir en arrière. Personne ne le peut...

J'abaisse un instant mes paupières et inspire l'odeur que dégage mon lié. Elle n'a pas changé et m'affole toujours autant. Ses pointes de menthe et de pluie s'infiltrent dans mes narines et se diffusent à toute vitesse dans chacune de mes cellules, en manque de cette note paradisiaque.

— Je sais que tu souffres, Allan. Je le ressens fourmiller de toi à moi. Et je sais que tu es là, que tu es entièrement toi à présent. Ne te musèle plus, s'il te plaît. Ne t'empêche pas d'éprouver.

— Tu ne sais pas de quoi tu parles !

Sur ce nouveau cri, Allan relaxe sa prise afin de porter ses bras sur l'arrière de son crâne et le frotter énergiquement.

— Si, je sais très bien ce que c'est, le contredis-je sur un ton morne, désolée de le voir ainsi. C'est ce que j'ai fait avec toi, Allan. J'ai essayé de me protéger de tous ces sentiments qui me submergeaient. La peur et la colère m'ont dominée et j'ai préféré leur laisser le contrôle. Je ne voulais pas t'affronter, je ne voulais pas m'affronter moi-même... Et c'est ce que tu fais toi aussi aujourd'hui.

L'hybride enrage encore, au point que ses ongles griffent méchamment ses tempes.

— Espèce d'imbécile ! C'est totalement différent.

— Non, ça ne l'est pas, dans le fond.

Il grommelle devant mon entêtement et me repousse lorsque je reviens vers lui derechef.

— Tu as commis des erreurs, de celles que l'on ne peut pas réparer, reprends-je, saisie par l'émotion. Mais tu dois les accepter quand même. Tu dois les voir en face, Allan, et ne pas refouler cet horrible déchirement qui t'étreint. Ça fait partie de toi aussi, désormais. C'est ce qui va te forger et t'accompagner jusqu'à la fin des temps.

Je sursaute à peine quand il perfore une partie d'un chêne en hurlant, puis qu'il l'éjecte au-dessus de moi. Le bois se fracasse en mille morceaux sur un rocher dix mètres plus loin. Mon cœur recommence à trembler et saigner sous mon sein alors que j'avise l'expression tourmentée de mon lié.

— Je t'aiderai. Je serai là pour ce travail de longue haleine, lui promets-je en haussant le ton pour apporter plus de poids à mes propos. Je ne t'abandonnerai pas, Allan. Je t'aiderai.

Toujours ulcéré, mon lié abat ses poings sur le sol, créant ainsi une fissure aussi large que celle dans mon thorax. Ses yeux incendiaires croisent les miens mouillés, tandis que les spasmes dans mes membres prennent de l'ampleur. Les secondes passent ainsi, l'atmosphère se charge d'une électricité intense qui menace d'ôter toute trace d'oxygène.

Allan se redresse lentement, sans tenir compte de la crevasse sous lui, et la gravité qu'il dégage soudain joue avec les torsions de mon estomac.

— J'ai tué des gens. Humains comme surnaturels, exprime-t-il d'une voix profonde et plus proche de celle que je lui ai toujours connue. Des alliés comme des ennemis... Et des innocents.

— Je sais, murmuré-je, les lèvres agitées.

— J'ai blessé et torturé aussi.

— Je sais.

— Je t'ai blessée, toi, énonce-t-il encore sans baisser le regard.

— Oui...

Mon chuchotis est faible et ténu, comme ma respiration, mais il a l'éclat d'un hurlement pour lui comme pour moi. Je l'ai blessé avant que lui le fasse, dans d'autres circonstances et pour d'autres raisons ; la douleur fait partie intégrante de notre relation. J'apprends à l'accepter, encore plus aujourd'hui, après avoir découvert ses... écarts.

— Cette femme, Natalia... Jarlath... Toutes les choses que j'ai faites...

Son souffle change de tempo, devient plus court et laborieux alors que j'assiste à l'effritement volontaire de sa façade de roc inébranlable et insensible. Ses yeux rivés aux miens, je lis sans peine la torpeur qui le gagne lorsque son esprit capte les souvenirs de mon entrevue avec cette vampire. L'hybride titube en avant, comme si l'on venait de lui administrer un coup cinglant, et ses doigts alpaguent un autre végétal pour s'y enfoncer. Cette fois, sa force le broie en quelques secondes tant il est à bout de nerfs.

— Allan, l'appelé-je au bord de larmes en le voyant de plus en plus dépassé par ses émotions. Je suis là. Je ne t'abandonne pas...

Seuls l'air et la terre répondent à ma supplique. Dirigé par l'humeur de mon lié, le vent se lève et gémit telle une bourrasque, agite les arbres alentour, fait trembler leurs feuilles et fondations. Le sol, lui, se désagrège, allonge ses craquelures. Les buissons les moins robustes sont emportés dans ses cratères, tandis que le ciel se couvre de nuages menaçants.

Les bras ramenés autour d'un tronc dans mon dos, je m'enchaîne à lui et résiste à l'attraction qu'exercent les éléments. Une partie de moi voudrait se jeter sur Allan et étouffer cette détresse qui nous oppresse tous les deux, mais l'autre partie m'en dissuade. Ce qui va arriver doit arriver. Ce serait prématuré, une mauvaise stratégie. Je dois laisser mon lié poursuivre.

C'est ce que j'avais planifié après tout...

Face à moi, Allan épingle toujours mon regard alors que son corps chute à terre, sur les genoux. Mes muscles se resserrent douloureusement sur l'écorce afin de me retenir de le rejoindre et un trémolo piteux franchit mes lèvres. C'était peut-être ce que j'avais planifié, mais il n'empêche que je ne supporte pas de le voir ainsi.

Résister.

Mes cheveux volent en tous sens, ébouriffés par l'air survolté. Du coin de l'œil j'aperçois plusieurs arborescences se coucher et se scinder... comme le fait mon âme sœur confrontée à sa conscience mâtinée d'horreur.

Sa tête se baisse sur l'herbe clairsemée, une tension énorme couvant sous ses épaules et la naissance de son dos visible. Le chaos règne partout à proximité de son corps, il dévaste la forêt qui nous accueille, pourfend la Nature... Il soumet cette dernière aux envies de ce tumulte épouvantable. Et à l'instant où de nouveaux grincements et déflagrations annoncent la montée crescendo de cette destruction, Allan rejette la tête en arrière et expulse un hurlement puissant.

Il est retentissant et fracassant, de la même intensité que le désastre que son propriétaire engendre. Les végétaux et roches qui tenaient encore fièrement malgré la tempête, sont démolis, irrécupérables cette fois.

Exploser.

Tout est ravagé. L'arbre auquel je me retiens est le seul à avoir pu être épargné, tout comme le cercle de verdure sous Allan. Le sel de mes larmes coule sur mes joues et finit sa course sur ma bouche close et frémissante. Ma poitrine écartelée retrouve péniblement l'air qui lui faisait défaut tout au long du cri de mon lié. Mon cœur recommence à battre, faiblard et étourdi de douleur. Et mes yeux gonflés le scrutent, lui, et son apparence abattue.

Et se briser.

Le vent est tombé, plus aucune brise ne persiste dans l'air. La terre a arrêté de trembler et de se dissoudre. Mes membres endoloris se détachent de la plante derrière moi et mes jambes entreprennent de bondir au-dessus des brèches pour regagner Allan au plus vite. Je le retrouve affaissé sur lui-même, amorphe et vidé de toute énergie. Je m'agenouille devant lui et saisis avec fébrilité ses mâchoires pour le forcer à remonter son visage vers moi. Ce dernier est marqué par la torture et le chagrin, strié de rides d'expression malheureuse.

— Allan, regarde-moi, s'il te plaît, l'imploré-je en massant ses tempes de mes pouces. Ouvre les yeux, je t'en prie...

L'hybride met un temps fou à s'exécuter. Mais lorsqu'il le fait enfin, je rencontre le bleu pur de ses prunelles, celui d'avant son changement. Il englobe ses pupilles, s'étend dans toute sa clarté époustouflante jusqu'au cercle extérieur de l'iris. Mes mains se contractent sur ses traits et les caressent avec dévotion.

— Oh, Allan... C'est toi. Tu es revenu !

Emportée par mon élan d'allégresse, je me penche sur lui et embrasse tout ce qui est à la portée de mes lèvres. Mes baisers sont empressés, ils dévalent furieusement sur son visage et ses paupières qu'il referme en respirant plus fort.

— Tout va bien, Allan. Je suis là. Je t'aime, je t'aime tant... ! Je t'ai retrouvé, lui assuré-je encore et encore sans cesser de l'embrasser ou de le toucher.

Cédant à l'épuisement, son buste bascule contre le mien et sa tête lourde se niche contre mon cou. J'embrasse ses cheveux poussiéreux en l'enlaçant.

— Je ne t'abandonnerai plus jamais.

Je le berce, réconfortée par sa chaleur qui communie avec la mienne, et profite de la bulle de soulagement crépitant en moi. Je lui murmure toutes les paroles d'encouragement et de réassurance qui me viennent en tête, me délecte de l'écho de sa respiration sur ma gorge serrée de pleurs.

— Ça va aller, Allan. Je t'aime. Je suis là...

Aussi folle de joie que de douleur, je m'agrippe à mon lié de toutes mes forces et ne me soucie plus ni de la guerre ni de de la forêt dévastée. C'est ce qui explique pourquoi je ne capte qu'à la dernière seconde une présence dangereuse sur ma gauche. La silhouette du vampire qui nous a retrouvés, sans doute attiré par les bruits chaotiques d'Allan pendant son déchaînement, s'élance sur nous. Toutes griffes dehors, il charge trop vite pour que je puisse l'intercepter... ce qui n'est pas le cas de l'autre être surnaturel qui arrive dans son dos.

Notre traqueur ne voit pas l'attaque venir : la seconde suivante, sa tête est séparée de son tronc, laissant ainsi deviner le visage dur de mon père derrière lui. Celui-ci se débarrasse du corps d'un simple coup de pied, puis reporte ses yeux marron sur Allan et moi. Tendresse et réserve habitent ces derniers alors qu'il progresse dans notre direction.

— Es-tu blessée, maia gijia ? m'interroge-t-il en se baissant à mon niveau.

— Non, Père.

— Comment va-t-il ?

— Il dort pour l'instant, lui réponds-je en resserrant ma prise sur mon lié.

Necahual hoche la tête sans rien ajouter. Son regard sombre va et vient sur mon air fatigué et bouleversé.

— Ramenons-le à la maison, Père, lui prié-je sans me préoccuper des larmes sur mes joues. S'il te plaît... Je dois prendre soin de lui, à présent.

Toujours sans un mot, le chef nous inspecte tour à tour, puis finit par m'aider à nous relever. À nous deux, nous soutenons Allan et entamons une marche lente et délicate pour nous sortir de cette terre désolée. Je me colle le plus possible à mon lié, puise dans cette étreinte unilatérale l'énergie que m'inspire nos retrouvailles.

Nous marchons vers le soleil et portons vaille que vaille notre – mon – précieux fardeau. Le regard perdu au loin, je ne tarde pas à remarquer les contours ombreux de nos troupes martiales. Elles forment un genre d'essaim vrombissant qui n'augure rien de bon pour moi. Elles savent ce qui s'est passé et avec qui j'étais... Je perçois d'ici leur courroux viscéral.

Sentant lui aussi la menace se profiler, et ce bien qu'il soit enfoncé dans le sommeil, Allan frémit. Je caresse son bras et me penche plus près de son oreille.

— Repose-toi, Allan, lui susurré-je en guettant mon futur combat. Je te protège. Dors, mon amour...

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