Chapitre 12
Domaine, Comté de King, 2018
— Comment était ta vie en orphelinat ?
Ma question fait se dresser un sourcil sur le front d'Allan. Sa tête soutenue sur un coude, mon lié plonge ses prunelles lumineuses dans les miennes alors que je me redresse à mon tour sur mon lit.
— Pourquoi cette question soudaine ? souffle-t-il, un demi-sourire naissant sur sa bouche.
— Je ne sais pas, fais-je, une épaule haussée. Tu parles parfois de tes années en famille d'accueil, mais pas de celles en orphelinat... Ça me rend sans doute un peu curieuse.
Je me mords l'intérieur de la joue après avoir lâché ce doux euphémisme. Je ne suis pas qu'un peu curieuse, je brûle et j'ai soif d'en apprendre toujours plus sur lui. Notre important rapprochement depuis notre tête-à-tête ne fait que confirmer la sorte d'obsession que m'inspire Allan. Lui ne relève rien, croyant mes dires, mais je me tance en mon for intérieur. À nouveau, mes désirs contradictoires me tiraillent, l'un voulant arrêter cette mascarade de détachement, l'autre désirant la poursuivre pour me préserver.
Te préserver de quoi ? Du bonheur ?
Quelque chose d'approchant, oui... Je ne suis pas assez familière avec pour être catégorique, cependant le bonheur doit forcément être de cette couleur bleue limpide et posséder la même douceur de caractère, le même éclat dans son sourire que l'hybride qui me fait face. Ça me paraîtrait logique, comme tombant sous le sens.
Mais si le bonheur existe, sa part d'ombres aussi ; dans mon cas, elle se traduit par cette peur incommodante et terriblement angoissante à chaque fois que je pose les yeux sur Allan. L'un ne semble pas aller sans l'autre et hélas, leur puissance s'égale dans mon esprit...
Mais pas dans ton cœur.
— Je ne vois pas trop ce que je pourrais te raconter là-dessus, intervient sa voix incertaine, ce qui a le don de ramener toute mon attention sur lui.
— Est-ce que tes séjours s'y sont bien passés, par exemple ? Est-ce que tu en as de bons souvenirs ? le relancé-je avec délicatesse en me rapprochant un peu.
— Ce n'était pas infernal, réplique-t-il avec humour sans que son rictus n'atteigne ses orbes, cela dit. J'avais du mal à me lier aux autres enfants et adolescents... Quant aux adultes qui nous encadraient, tous n'étaient pas toujours disposés à s'occuper ou faire connaissance avec un garçon aussi renfermé et solitaire que moi.
— À quel âge étais-tu dans ces centres ?
— À huit, dix et treize ans. J'étais plus balloté de famille d'accueil en famille d'accueil, ce qui était bien mieux... Je ne restais que quelques mois en centre. Et il y a eu des périodes plus chouettes que d'autres en leur sein aussi.
— Tu dessinais déjà à l'époque ? m'intéressé-je après une courte pause.
— J'ai toujours dessiné, me confie-t-il avec un vrai sourire cette fois. Ma mère... elle dessinait aussi et je crois bien qu'elle gardait toutes mes esquisses précieusement dans un meuble, chez nous.
Allan fronce un peu les sourcils et analyse cette réminiscence, je le vois à son air plus concentré. C'est le même que celui qu'il arbore lorsque Sander l'interroge sur les conflits et conquêtes de nos peuples à travers les âges. Je ne résiste pas à l'envie de passer mon index sur la ride que ce geste lui creuse entre les yeux. Instantanément, ces derniers se braquent sur moi puis naviguent sur mes traits posés. Sa main attrape la mienne et se pose entre nous, ses doigts caressant mes phalanges, puis il reprend :
— Pendant très longtemps, mes feuilles de papier et mes crayons étaient la meilleure compagnie qui soit pour moi. C'était ma passion, ma distraction contre l'ennui, mon refuge face à mes angoisses... L'exutoire à ma peine quand mes parents me manquaient trop. Où que je sois, avec mes créations, je n'étais jamais déçu car chacune d'elles nourrissait un peu plus mon imagination, donnait ainsi vie à de nouvelles idées. Et il n'y avait aucun risque qu'elles m'abandonnent.
Un pincement étreint mon cœur à l'entente de la vieille souffrance contenue dans la fin de ses explications. Tout être possède ses balafres et cicatrices, mais je m'étonne et me désole toujours un peu d'en découvrir de nouvelles chez Allan. C'est un homme si lumineux, si plaisant à fréquenter ! Il a autant un effet lénifiant qu'exaltant, un mélange rare qui lui vaut bien des sympathies ici, en tout cas. Mon lié ne s'en rend pas bien compte, mais il est une personne naturellement avenante sans qu'il n'ait besoin d'en faire trop. Un mot gentil, un beau sourire sincère, et il se rallie les appréciations générales.
Bien sûr, des craintifs persistent dans nos rangs à cause de sa nature exceptionnelle, toutefois ils sont bien moins nombreux qu'au début. L'hybridation de plus en plus affirmée d'Allan y est aussi pour beaucoup, je dois dire : son charme et ses atouts de réel bel homme le servent, de même que ses prouesses physiques et mentales puisqu'elles servent aussi les habitants lorsque le besoin s'en fait ressentir.
Décidée à lui remonter un peu le moral, je me penche sur le dos de sa main qui cajole toujours la mienne et y dépose un tendre baiser.
— Tu ne t'es pas attiré les faveurs de certains pensionnaires grâce à ton art ? Un dessinateur aussi talentueux que toi parmi eux, ça ne devait pas courir les couloirs !
— Si, mes créations plaisaient dans l'ensemble, approuve-t-il en s'éclairant un peu face à ma gentille taquinerie. Quand j'avais treize ans, l'un des autres garçons, un débarqué depuis peu, était en admiration devant. On a tissé une sorte d'amitié, lui et moi, autour de mes dessins. On traînait ensemble et je traçais souvent les rêves ou projets qui lui passaient par la tête... Il y avait pas mal d'armes et de monstres et zombies pulvérisés dedans.
Je ris avec lui et apprécie de sentir s'alléger le poids sur ma poitrine. Son retour de gaieté me ravit.
— Il regardait beaucoup de films d'horreur et lisait toutes les BD de The Walking Dead. Ça devait le travailler. Quoi qu'il en soit, j'ai passé de bons moments avec lui. Il avait un an de plus que moi et était assez sympa. Il me prêtait toutes ses BD dès qu'il les avait finies. Il me prenait aussi tout le temps dans son équipe lorsqu'on jouait avec les autres dehors.
— Il me semble avoir été un assez bon camarade, à moi aussi, assuré-je sans me détourner de son faciès enjoué.
— Oui... même s'il a toutefois réussi à me mettre dans l'embarras une fois, déclare mon lié, une moue sur ses lèvres et une faible rougeur tentatrice sur ses pommettes.
— Vraiment ? m'amusé-je en penchant la tête de côté pour mieux inspecter son expression.
— C'est assez bête, tu sais. Ce n'est pas grandiloquent...
— À trop tenter de me faire lâcher prise, tu aiguises davantage ma curiosité ! Allez, raconte-moi.
Joueuse, je serre un peu plus sa main et lui décoche un rictus excité. Il sourit à son tour, d'une manière plus sage cependant, et ses billes bleues font la navette entre moi et les draps. Son accès de gêne est aussi surprenant qu'attendrissant. Je le relance une nouvelle fois, impatiente d'en savoir plus, ce qui le fait pousser un soupir résigné.
— D'accord, d'accord... Je vais parler, dit-il en frottant son chaume de barbe. Quand mon ami Flynn et moi étions dans cet établissement, j'y ai rencontré une fille... Sofia. Elle était arrivée quelques semaines avant moi et jusqu'à l'entrée de Flynn au centre, je n'avais jamais osé l'aborder. J'étais trop timide et peu sûr de moi pour le faire... Mais je l'ai admirée et observée de loin, sans qu'elle ne me remarque vraiment.
— Comment ça ?
— Je ne l'intéressais pas. J'ai pourtant essayé de mettre de côté mes réserves et ma pudeur en la saluant tous les jours, en lui souriant et en écoutant toujours attentivement tout ce qu'elle disait quand j'étais dans les parages... mais ça ne marchait pas. Oh bien sûr, il n'y avait aucune obligation à ce que ça marche si effectivement je ne lui plaisais pas. Mais avec elle, ça allait plus loin que ça, c'était comme si... elle ne me voyait pas.
Au fil de ses explications, Allan fronce les sourcils et une lueur de dépit s'allume dans ses prunelles lorsqu'il redresse le menton et les ancre soudain aux miennes.
— Faut croire que, douze ans plus tard, j'ai toujours les mêmes goûts en matière de femmes..., murmure-t-il sur un ton bas aux accents dépités.
Mon lié secoue la tête puis reporte brièvement son attention ailleurs que sur mon visage froissé. Une bouffée de chaleur très incommodante me saisit tandis qu'un nœud d'inconfort se forme dans mon ventre. Ses paroles me mettent mal à l'aise et me font mal, mais je serais tout de même mal avisée de faire une quelconque remarque. Je sais bien que c'est l'impression que je lui donne depuis des mois. Pire, l'arrangement que je lui ai proposé le conforte dans l'idée qu'en un sens, je ne veux pas de lui moi non plus. Que je ne le considère pas, que je ne le vois pas.
Mais c'est faux, Allan. Je te vois... Je ne vois que toi, d'ailleurs.
Le cœur battant à tout rompre et le rouge aux joues, je baisse la tête une ou deux minutes, mes dents tripotant ma lèvre inférieure, avant qu'Allan reprenne le fil de notre discussion.
— Bref... Cette Sofia ne faisait pas grand cas de ma personne. J'avais le béguin pour elle, je l'ai eu des mois entiers sans jamais le lui avouer intelligiblement... Jusqu'au jour où Flynn s'en est mêlé.
Intriguée, je remonte mon attention sur lui et scrute l'air mi-embarrassé, mi-amusé qu'il affiche.
— Comme je n'étais pas très discret non plus dans mon intérêt pour cette fille – Flynn est même allé jusqu'à dire que c'était, je cite, « écrit sur ma gueule de puceau intimidé », – mon ami a pris les choses en main à sa manière. Il m'a encouragé à dessiner le portrait de Sofia, d'en faire un très travaillé et soigné qui la mettrait bien en valeur, et ensuite... il m'a quasi arraché l'ébauche finale et s'est précipité sur Sofia pour le lui montrer.
— Oh ! fais-je, les yeux écarquillés.
— Il n'a pas tari d'éloges sur mon talent et le rendu devant Sofia. Il a péroré une dizaine de minutes, soulignant le jeu d'ombres et de lumières, insistant sur l'animation, la vie que j'avais su porter dans le regard de la jeune femme sur papier... Il n'en finissait pas !
— Ça a dû être... une expérience assez difficile à gérer pour toi, glissé-je, le nez plissé.
— À chaque nouvelle louange, j'avais envie de m'enfoncer six pieds sous terre et de l'embarquer avec moi, admet mon interlocuteur en se frottant successivement le front et la nuque. C'était un calvaire.
— Et... comment a réagi la jeune Sofia ?
— Très honnêtement, c'était la plus gênée de nous deux, rit-il. Passées la surprise et la stupeur, elle est devenue rouge pivoine et ne savait plus où se mettre.
— Ton ami a voulu porter son attention sur toi, pour qu'elle te remarque parmi les autres... L'intention était bonne, commenté-je avec un sourire doux.
— Son idée a fonctionné en un sens : après cet épisode, Sofia ne loupait aucune de mes apparitions et restait à me fixer longuement, mais pas avec le regard que j'aurais aimé voir !
— Ça ne lui a pas plu ?
— Elle a bafouillé un vague remerciement une fois que Flynn a arrêté de parler, mais ce n'était pas de gaité de cœur... Elle m'a rendu le dessin, a baissé le regard et s'est enfuie dans sa chambre la seconde suivante. J'ai heureusement quitté le foyer deux semaines plus tard, ce qui a mis fin à cette déconvenue et au malaise ambiant qui l'a suivie.
— Je suis désolée. Ça n'a pas dû être agréable pour l'adolescent que tu étais.
— J'ai connu pire depuis.
Sa réplique est sortie avec naturel, sans qu'il n'y ait réfléchi. Au moment où son sens profond le frappe, mon lié détourne à nouveau le regard. Le silence retombe alors entre nous, déplaisant, et je me mordille derechef les lèvres tandis qu'Allan triture les plis du linge de lit. Il n'ajoute rien et ne bronche pas, mais il y a des moments comme celui-ci où je sens qu'il voudrait protester, où je sens qu'il n'est pas pleinement épanoui dans notre relation et que ça lui pèse.
Et qui l'en blâmerait ? Il a du mérite de s'accrocher à toi comme ça... Tu es loin d'être un cadeau.
Je pousse un soupir, en accord avec ces pensées très directes, et cherche un moyen pour désamorcer la situation et revenir à une meilleure ambiance. La partie la plus spontanée en moi prend donc le relais et me fait déclarer :
— J'aimerais bien que tu me dessines.
Je cille à plusieurs reprises, stupéfaite par cette idée que je n'ai jamais préméditée, mais ne me rétracte pas en découvrant le mélange d'étonnement et de curiosité dans les iris clairs de mon lié.
— Quoi ?
— Oui, je... Je pense que ça me plairait, prononcé-je avec prudence. J'ai déjà pu me rendre compte plusieurs fois que tu as un très beau coup de crayon. Tu réalises des choses magnifiques et réalistes ! Ça doit être saisissant de se voir en portrait...
À mesure que j'expose ma pensée, je suis gagnée par l'enthousiasme et réalise que j'ai vraiment envie qu'Allan me dessine. C'est loin d'être des paroles en l'air, formulées dans la panique. Je suis emballée.
— Je voudrais te regarder pendant que tu me dessines, continué-je avec une pointe d'empressement cette fois. Tu es toujours très absorbé quand tu réalises... c'est aussi beau à voir que tes œuvres.
Mes joues chauffent sur ce dernier aveu, toutefois je ne fais rien pour le reprendre ou l'édulcorer. De sous mes cils, je jette un coup d'œil à la silhouette immobile de mon lié, un peu inquiète face à son mutisme prolongé.
— Ça te plairait, à toi ?
J'espère qu'il est sur la même longueur d'onde que moi... Mais les yeux grands ouverts, il ne me répond toujours pas. Je hausse un sourcil pour appuyer mon interrogation et tente de le faire réagir en appelant son nom. Il ouvre enfin la bouche une fois que j'ai réitéré ma requête.
— Je... Enfin je veux dire...
Son visage change de couleur tandis qu'il bafouille des bouts de phrases. Allan prend une teinte cramoisie et se met à déglutir rapidement, ce qui m'interpelle et me surprend. Qu'est-ce qui lui vaut une réaction aussi vive ? Il semble troublé, presque embarrassé... Est-ce vraiment ma demande qui le bouleverse à ce point ? Je peine à y croire, et pourtant...
Déroutée, je m'apprête à faire machine arrière quand mon lié reprend et me coupe ainsi l'herbe sous le pied.
— Ça me plairait beaucoup, Eleuia, mais... pourquoi ? Pourquoi me le proposes-tu ?
Les rôles s'inversent, à présent. C'est à son tour d'être interloqué et au mien d'être gênée. La raison même de cette suggestion n'est pas très claire pour moi. Ce désir de le voir reproduire mon portrait s'est imposé sans que je le contrôle, et comme pour tout ce qui concerne désormais ma relation avec Allan, je ne cherche pas à le modérer.
— Ça pourrait être amusant, débuté-je à tâtons ma réponse, et...
Ça nous rapprocherait.
Je me mords la lèvre. Oui, c'est exactement ça. C'est ce que je veux au fond de moi : une nouvelle opportunité de le connaître et de partager un peu plus de nous-mêmes. Néanmoins, je suis incapable de le formuler.
— Et... je crois que j'ai toujours un peu fantasmé la relation entre un dessinateur et le modèle qui pose pour lui. Un peu comme ce que met en scène Titanic.
Une pique épingle mon cœur au moment où cette pirouette franchit mes lèvres. Des faux-fuyants, toujours des faux-fuyants...
À croire que tu es tout aussi incapable d'être honnête avec lui qu'avec toi-même.
Ma mauvaise conscience n'a pas le temps de s'installer et de faire son œuvre, car les effets de ma dérobade ne se font pas attendre. Le regard d'Allan s'assombrit et s'accompagne d'une lueur lascive qui déclenche un frisson sur ma peau.
— S'essayer à un remake de Titanic ? C'est ce que tu voudrais faire ? vérifie-t-il d'une voix grave et basse qui commence à me rendre fébrile à mon tour.
— Seulement si ça t'inspire, lui réponds-je avec un sourire en coin aussi coquin que le sien.
Son corps se déplace sur le lit pour venir recouvrir le mien. Allan m'allonge avec lenteur sur les draps et passe un de ses bras autour de ma taille pour rapprocher nos bustes, tandis que l'autre part s'égarer sur mon cou, mon épaule, puis mon bras. La chair de poule qui naît sur son sillage agrandit le sourire sur la bouche de mon lié.
— Il n'y a aucun doute là-dessus... Cela dit, je crains que notre séance de pose ne dure pas si tu devais rester nue devant moi...
— Ah ? fais-je faussement surprise, le souffle plus court en sentant ses lèvres frôler ma mâchoire.
— Je ne réaliserai peut-être pas ce fantasme avec toi, finalement.
— Tu veux dire que je dois trouver quelqu'un d'autre pour ça ? minaudé-je, la tête rejetée en arrière pour lui faciliter l'accès à ma gorge.
Un grommellement sourd suivi d'un rire rauque répliquent à ma provocation, et le souffle chaud d'Allan excite davantage l'épiderme sensible sous lui.
— Je veux dire que pour me faire pardonner cet impair, je suis disposé à concrétiser un autre de tes fantasmes en stock, argue-t-il dans un murmure sensuel avant de m'embrasser à nouveau.
— Mmh... je crois que je vais accepter ton compromis, conviens-je en arquant le dos sur ma couche au moment où son visage descend vers ma poitrine.
Ses doigts défont les boutons de la chemise que je lui ai empruntée, mais avant qu'il me la retire complètement, j'attrape son menton et le ramène à ma hauteur.
— Mais tu me dessineras quand même ? Nue ou pas ? le relancé-je sur un ton doux et brûlant à la fois.
Ses prunelles azurées s'adoucissent tout comme le sourire qu'il me décoche. Attendri et touché par ma proposition et par mon envie manifeste de la concrétiser d'une manière ou d'une autre, Allan se penche sur ma bouche et y dépose un baiser aussi léger que bouleversant de tendresse.
— Oui. Je te dessinerai.
Satisfaite, je l'embrasse à mon tour, y mets toute ma passion et ma joie et rabats les couvertures sur nous en mêlant mon rire à celui de mon lié.
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