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Chapitre 27

Calme et mesuré, j'observe avec une grande attention la scène macabre qui se déroule sous mes yeux. Cette nuit, l'Apocalypse a élu domicile à L'Emprise et nulle part ailleurs. Sa violence et sa puissance irradient de chaque être qui la sert. Sa couleur vermeille jonche le sol, orne les murs, habille les visages et corps qui se meuvent pour elle. Ceux qui ont péri sont couchés par terre, leurs bras étendus devant eux pour vénérer même par-delà la mort cette nouvelle divinité. Sa colère gronde dans les gorges, sa force se propulse dans les membres toujours vivants, sa détermination se répand dans chaque coup porté, et son chaos vibre dans les cœurs rongés.

Son chant funèbre s'exprime dans chaque cri poussé aux portes de l'agonie. Son rictus de haine est esquissé sur chaque bouche avant qu'elles ne mordent ou n'insultent l'opposant. Sa jouissance explose dans l'éclat de leurs yeux dès que leurs armes ou leurs griffes atteignent leur cible.

Le bruit est assourdissant, les odeurs écœurantes de mort et de sang. Tous se battent, esquivent, repartent à l'attaque, s'acharnent sur leurs proies. Une frénésie sans nom s'est emparée d'eux et guide leur mouvement, dont le seul but final est de tuer à la place d'être tué.

Les lames tranchent, les mains étripent, les pieds écrasent, les coups massacrent, les balles déchiquètent... Tout n'est plus que meurtre et déchaînement autour de moi.

Mes yeux balayent tout ce qui est à ma portée et un drôle de frémissement remonte mon échine à chaque nouvelle découverte.

Tu es fait pour ça.

Ma bestialité refait surface et n'attend plus que de pouvoir se jeter dans cet enfer, mais je la retiens encore un peu. Si je me lance sans avoir réfléchi un minimum sur la marche à suivre, je risque fort de m'en prendre aux mauvaises personnes. Je ne dois pas oublier que je suis là pour lutter aux côtés de mes alliés, que je suis un autre soldat et non pas une machine de guerre sans état d'âme.

Je dois éradiquer les ennemis tout en protégeant mes amis... Je dois arriver à combiner les deux sans me laisser dépasser par le premier.

Alors je réfléchis tout en poursuivant mon analyse de la situation. Dans l'ombre des lieux, je canalise ma force, je la fais cheminer dans tout mon être. Mon envie de meurtre grandit en moi, mais elle finit par me servir pour trouver un plan en même temps qu'elle me nourrit. Je cherche activement un équilibre, l'équilibre dans ma nature. Entre mes penchants vampirique, sorcier, incube, sirène et berserker. Je veux réussir à utiliser toutes mes facultés à bon escient dans ce combat.

Être rapide, fort, rusé, habile, patient.

Être déterminé, réfléchi, calculateur, implacable, intouchable.

Être le meilleur...

Et c'est maintenant que je vais m'efforcer de l'être.

La tête tournée sur la gauche, je vois Darcy acculée contre l'une des parois par un berserker. Son bras droit est grièvement blessé, elle tente d'endiguer l'hémorragie tout en dressant sa lame courbe entre elle et son ennemi pour l'empêcher d'approcher. Le guerrier ricane devant cette piètre défense et agrippe d'un coup sec son membre mal en point. Il y enfonce ses doigts et arrache un hurlement de douleur à la vampire. Je marche vers eux, décidé et la tête froide. Mes pieds glissent aisément sur le parquet taché, me permettent de me poster dans le dos de l'ennemi avant qu'il repère ma présence.

Pour ma plus grande fierté, le berserker a à peine le temps de sursauter avant que mes mains se posent sur sa nuque et la brisent d'un geste sec et précis.

Hors d'état de nuire, je le repousse loin de Darcy et resserre mes doigts sur son cou, de plus en plus fort. Puis je tourne violemment sa tête dans tous les sens jusqu'à ce qu'elle cède dans un nouveau craquement sinistre. Je me débarrasse de cet appendice inutile en le jetant dans mon dos, puis me penche sur la vampire.

— Ça va aller ? lui demandé-je platement avec un coup d'œil pour son corps.

En plus de son bras, une profonde entaille lacère sa cuisse et laisse s'écouler son sang à vive allure. Un instant, ma soif revient sur le devant de la scène, consume ma gorge et assèche mes veines pour mieux me tenter de lui céder. Mais je bloque ma respiration et remonte sur les traits crispés de cette alliée.

— Je... Je m'en remettrai, bégaie-t-elle, une main pressée sur sa jambe. Ça saignera déjà moins dans une minute.

Je hoche la tête sans rien dire, puis m'oblige à me détourner. Mieux vaut que je ne tente pas trop le diable non plus. J'ai une bonne maîtrise de moi-même pour l'instant, je refuse de la perdre pour quelque chose d'aussi futile que mon désir de sang. Cette soif-là devra attendre, j'en ai une autre à combler plus urgemment.

Je m'éloigne de la malheureuse et évite quelques projectiles sur le chemin qui me mène toujours plus près du cœur de la tourmente. Un vampire à la poitrine béante s'écroule alors que j'approche du duel opposant Maxence à un autre berserker. L'ensemble de mon groupe est occupé, pas un seul de ses membres n'est tombé : ils combattent tous un ou plusieurs adversaires à la fois.

Ils se débrouillent bien, Eleuia avait raison lorsqu'elle m'affirmait qu'ils géraient. Cependant, j'étais encore plus dans le vrai qu'elle en la prévenant que nos ennemis étaient mieux préparés. D'autres créatures traversent en petit nombre les fenêtres brisées, prêtes à en découdre. Chaque nouvelle recrue est pleine d'énergie et de rage, tandis que mes amis s'affaiblissent lentement, mais sûrement. Ils vont les épuiser, les rendre vulnérables... tôt ou tard, il y aura des blessés graves dans nos rangs, voire pire.

Sauf si j'interviens.

Une rafale de vent s'engouffre à l'intérieur et menace de me déséquilibrer une seconde. La pluie s'infiltre par les ouvertures aussi, elle va jusqu'à tomber du plafond en de fines gouttes à travers les interstices du bois. Je renifle l'air et comprends bien vite qu'une sorcière est derrière ce cataclysme. Elle doit se tenir en retrait, sans doute même à l'extérieur du bâtiment pour exercer son contrôle. C'est une bonne stratégie : en plus de nous envoyer leurs combattants les plus sanguinaires, nos ennemis s'aident d'une sorcière pour nous déstabiliser et nous ralentir. À coup sûr, elle ferait s'abattre la foudre directement sur nous si l'on tentait une échappée.

Malin donc... mais insuffisant.

Une nouvelle bourrasque souffle et fait s'envoler les pans de ma veste. Elle transporte plusieurs odeurs avec elle, certaines très reconnaissables comme celles de mes camarades, d'autres moins connues, mais assez alléchantes à leur manière. La peur, le désespoir suintent timidement pour l'heure, me donnant l'eau à la bouche. Mais une fragrance plus forte encore me percute de plein fouet et me fait pivoter jusqu'à sa source. Cette dernière en fait de même lorsqu'elle capte la mienne, et ses yeux noir charbon se rivent aux miens.

Eleuia me scrute avec un mélange de surprise et de colère, la tête levée bien haut pour ne pas me perdre. Elle crie mon nom, me somme de m'éclipser alors qu'elle repousse un nouvel assaillant.

Son parfum épicé m'enveloppe à mesure que le vent mugit autour de nous, et je le hume un instant, les yeux fermés – ce genre de désir ne devrait pas être autorisé... Mais je me reprends bien vite. Je rouvre les paupières, juste à temps pour la voir faire basculer son adversaire par-dessus la balustrade. Son regard irrité ne me quitte pas alors qu'elle continue de me hurler ses ordres et invectives.

Ma tête roule sur le côté lorsqu'elle tente une percée dans la mêlée pour me rejoindre. Mon cœur tressaute avec vigueur au moment où elle m'interpelle.

— Fuis ! Pars ! rugit-elle encore alors qu'elle reste bloquée à plus de cent mètres de moi à cause des échauffourées.

Je ne bouge pas d'un millimètre. Je ne fais que la regarder et écouter avec un certain plaisir malsain ses vociférations. Elle est folle de rage après moi. Elle ne supporte pas qu'on ne lui obéisse pas.

J'ignore qui de mon ego blessé ou de mon obstination s'exprime, mais toujours est-il que j'ouvre la bouche et articule silencieusement un mot, un seul mot à son adresse.

« Non. »

Elle a très bien compris et réagit au quart de tour : plus sombre et emportée que jamais, la guerrière éjecte ceux qui entravent sa route avec une force démesurée et fonce droit vers moi. Ses orbes d'onyx me pourfendent sur place et une grimace de rage déforme ses traits. Toutefois je m'en détourne, l'esprit déjà appelé ailleurs. J'ai un travail à faire, et pour la première fois de ma vie je me contrefiche de ce que peut bien penser Eleuia.

Mon regard tombe sur le corps-à-corps sanglant de l'un de mes acolytes contre un vampire, puis sur celui qui oppose Sander à un autre berserker. Joris, comme mon mentor, commencent à peiner dans leur affrontement, certaines de leurs attaques perdent en précision et en puissance... Les muscles de Sander roulent sous sa peau égratignée et sanguinolente, et un souffle haché s'échappe de ses lèvres sous l'effort.

Mes jambes se contractent pour avancer jusqu'à eux et se plient lorsque je les rejoins. Je me place ensuite entre mon ami et son opposant. Des yeux verts entrent en contact avec les miens, une lueur folle et affamée les habite. Ses narines se dilatent tout comme ses pupilles au moment où mon odeur le percute, réveillant d'un seul coup la part bestiale qui est en lui. Tout ce que j'attendais...

Sans écouter les cris de mon guide, je le repousse loin de nous et affronte en silence l'être de cauchemar qui me fait face. Il est évidemment le premier à foncer et à essayer de m'atteindre, mais aucune de ses passes ne prend. Plus rapide que lui, je me faufile entre ses bras de bûcheron et esquive toutes ses tentatives pour m'atteindre. Je savoure les grognements de douleur et de fureur qu'il émet lorsque, moi, je le touche et appose des marques vivaces sur son corps immense. Des traînées de sang frais se superposent à celles séchées, son abdomen est bientôt plus rouge que doré, m'arrachant un bref sourire.

Déterminé, je saisis son bras tendu, le retourne brutalement dans son dos, dans un angle approximatif qui lui arrache une complainte de geignements mélodieux à mes oreilles. Un autre mouvement rude casse le membre, et tandis que le guerrier le ramène contre sa poitrine, je passe sur le côté, récupère un sabre sur le sol et l'embroche dans la colonne à découvert. La lame monte jusqu'au cœur, le transperce avec autant d'aisance que du beurre. L'homme s'écroule à genoux. Ses pulsations cardiaques s'arrêtent net avant même qu'il touche terre.

Un de moins.

Je file à nouveau comme une tornade et prends encore moins de temps pour régler le compte du vampire qui étrangle Joris. Campé derrière l'adversaire, mes mains posées bien à plat sur ses tempes, je tire sur sa tête, et comme avec l'assaillant de Darcy, la bascule de droite à gauche avant de l'arracher de ses vertèbres et cervicales.

Deux de moins.

Sans m'attarder sur le sort de mes amis, je repars en quête de nouvelles victimes mais pile à l'abord d'une fenêtre dévastée. Je sens la présence de créatures en-dessous, six ou sept, prêtes à gravir la façade pour nous rejoindre. La sorcière, elle, se situe à dix mètres d'eux et commande inlassablement à la pluie et au vent. Je l'entends scander quelques paroles désuètes pour l'aider à se concentrer.

Un nouveau souffle violent entraîne d'ailleurs Gillian dans son sillage et l'assomme contre un des murs. Brett s'agenouille à ses côtés pour la soutenir et la protéger de toute attaque éventuelle.

Le vent rugit dans tout l'étage. Mon regard se déporte sur la gauche, là où l'air cinglant du dehors s'infiltre par l'une des chambres ravagées et frappe mon torse pour me faire reculer. Je ne bouge pas d'un pouce toutefois. Je regarde l'ouverture béante, écoute les bruits que livre le vent, notamment l'avancée des combattants ennemis sur le mur extérieur, et une nouvelle idée me vient.

Je ferme les paupières, baisse la tête et me concentre sur les rafales. J'inspire à fond, en alerte, m'approprie les sons et les sensations de la Nature déchaînée. Je capte les souffles effrénés et excités de plus en plus proches... le claquement de l'ondée sur le toit... le roulement du tonnerre lointain. J'expire avec lenteur, fais un microscopique pas en arrière... Et au moment où le sommet des crânes apparaît à la fenêtre à ma gauche, mon bras jaillit et incite le vent venant de droite à envoyer une bourrasque puissante sur nos ennemis. Ils dégringolent et s'écrasent au sol, six mètres plus bas.

Huit de moins.

Un soldat est resté rivé au mur, évitant la chute mortelle. Je me penche vers lui, inspecte paresseusement son air horrifié, puis croise les prunelles écarquillées de la sorcière plus bas encore. Ils sont apeurés tous les deux, le vampire se demande même s'il ne devrait pas s'enfuir sans se retourner et oublier du même coup son dévouement à son maître, Jarlath... C'est sans doute la meilleure idée qui soit, mais il est trop tard pour ça alors je ne lui laisse pas le temps de la mettre à exécution. Nez levé, j'écoute le tonnerre gronder soudain au-dessus de nos têtes, ressens son électricité alourdir l'atmosphère. Puis je regarde ses éclairs frapper à tour de rôle la sorcière aux abois et le vampire affligé. Bientôt, il ne reste plus que leurs cendres fumantes.

Dix de moins.

Je me détourne avec lenteur et sonde mon environnement. Les combats se terminent petit à petit, les autres ayant déjà connus une issue favorable pour notre groupe. Plusieurs morts sont étalés çà et là autour de nous, beaucoup comportent des plaies béantes au niveau de la poitrine en plus de nombreuses autres blessures. Le regard perdu sur ces cadavres, je remue les doigts et communique mon désir de les voir disparaître aux éléments. Le vent enregistre ma requête et les soulève dans ses airs cahoteux avant de les refaire traverser les verres fracassés. Au bout d'une poignée de minutes, tous ont atterri dans la boue au pied de l'immeuble, dégageant ainsi l'accès au couloir.

Un nouveau perdant s'effondre et va de suite rejoindre ses camarades à l'extérieur. Je traverse le vestibule et récupère deux autres macchabées sur la route. Arrivé au niveau des escaliers menant au salon pourpre, je remarque les mines fatiguées de mes acolytes. Chacun est en train de se soutenir, de panser des blessures, voire de rester les yeux fermés en attendant que notre régénérescence naturelle finisse le travail. Il n'y en a qu'une qui n'en a pas terminé avec la lutte.

Eleuia affronte le dernier colosse encore debout, armée de sa barre d'acier. Sa respiration mesurée contraste avec celle plus lourde de son adversaire. Ses mouvements sont vifs, sûrs, dignes d'une vraie guerrière qui sait et aime se battre proprement. Elle tourne, glisse, pivote sur elle-même avec grâce et fluidité, comme si tout était chorégraphié à l'avance, comme si chaque déplacement avait été mesuré au millimètre près. Et dès qu'une ouverture se présente, elle frappe sans ménager sa force et sa hargne, et soustrait à sa victime des râles et protestations souffreteux. Elle allie danse et violence dans ce ballet de la mort ; tantôt sa barre lui permet d'être un appui pour exécuter ses vrilles dans les airs, tantôt elle reprend sa fonction première d'arme meurtrière.

Dans le silence seulement rompu par les échanges de coups, tous les regards convergent vers cet ultime acte mortuaire de la nuit. Par moments, je sens quelques iris se déporter sur ma personne et brûler mon dos, mais je relègue vite cela au second plan. Ce qui se joue là, maintenant est plus intéressant.

La jeune femme brune poursuit et enchaîne les passes, fatigue de plus en plus son adversaire... jusqu'à réussir à lui faucher les jambes et le déséquilibrer. Le berserker s'écroule à genoux devant elle, cherche à se redresser à la force de ses bras, mais la Maya l'en empêche grâce à une secousse dans sa mâchoire. Mis au supplice, l'homme est désormais à sa merci. Le coup final n'a plus qu'à être porté.

Jambes écartées, buste relevé, et barre placée en arrière dans sa main droite, les prunelles d'Eleuia se rivent sur son opposant. Elle effectue une passe rapide dans son dos afin de rattraper son arme dans sa main gauche et de la lever bien haut, au-dessus de sa tête. Sa main droite se positionne à cinq centimètres d'écart de sa jumelle pour assurer la stabilité de sa prise sur la barre maintenant à la verticale. Les muscles de ses bras se bandent à l'extrême, ce qui laisse présager que l'estocade prochaine va être d'une violence inouïe...

Elle est prête, déterminée. Et avant d'exécuter son geste, son regard noir comme la nuit remonte soudain et se plante dans le mien. Il flamboie de colère, d'une lueur assassine. Elle ne me lâche plus et c'est donc plongée dans mes yeux qu'elle perfore et démolit le crâne de sa dernière victime.

Les doigts toujours recroquevillés sur son bâton, elle ne bouge plus, ne dévie plus de moi, et je l'imite. Le temps s'égrène. Notre colère vibre dans chacun de nos atomes et pourrait créer de l'électricité dans l'air si l'orage au dehors ne s'en chargeait pas déjà.

Les membres aussi contractés qu'elle, je finis toutefois par détendre mes poings, bouger mes phalanges endolories et recommencer les gesticulations infimes de mes doigts pour emporter ce dernier corps. Le vent répond derechef à mon appel et vient envelopper l'homme, tandis que la vampire déloge son arme de sa boîte crânienne.

Alors l'arrêt sur image n'est plus et tout autour, nos camarades s'activent et nous rejoignent.

— Allan ?

Sander s'approche de moi à pas mesurés, une expression prudente sur son visage taché de sang par endroits.

— Tu vas bien ? m'interroge-t-il lentement, et je comprends très vite que cette question ne s'intéresse pas à mes éventuelles blessures.

Je hausse les épaules, peu désireux de m'étendre en paroles vaines et incertaines sur mon état. Gillian arrive alors près de lui et jauge chaque parcelle de mon corps, l'air inquiète et surprise à la fois.

— Tu ne sembles pas avoir été blessé, me dit-elle en continuant son inspection. Sauf peut-être aux mains ?

Je suis son regard cristallin sur ces dernières et y découvre du sang plus ou moins séché. Je les tourne et les retourne, observe les coulures qui s'étendent jusqu'à mes coudes.

— Ce n'est pas mon sang, déclaré-je d'une voix plate. Je n'ai rien. Ça va.

L'un comme l'autre contredit silencieusement mon ultime parole, toutefois je ne tique même pas. J'oblique sur le côté, vers la pluie battante qui entre et mouille le parquet, et écoute les bruits de la nuit.

— On devrait partir. D'autres pourraient venir.

— Je ne pense pas, mais tu as tout de même raison. Mieux vaut être prudent.

Sander pose une main hésitante sur mon épaule puis tourne les talons pour prévenir les autres de notre départ immédiat. Les plus épuisés marchent en tête pour retrouver leur cheffe, les épaules basses et le souffle encore un peu court. Leurs combats ont dû être les plus éprouvants et les plus longs, ils ont besoin de repos et de quelques soins complémentaires en urgence. Malgré leur état, ils parviennent tout de même à ralentir conséquemment à mon niveau et à me lancer des œillades apeurées et respectueuses à la fois.

Je les laisse passer sans rien dire. Ils se pressent tous de rejoindre Eleuia et je les observe faire froidement. Comme détaché de tout.

Le vide interne que j'ai dû réaliser plus tôt continue de peser sur moi, de me garder dans son cocon d'indifférence et d'analyse factuelle. Aucune émotion autre que la colère n'a refait surface pour l'instant. Alors j'essaie de me l'approprier sans réserve, de la laisser s'exprimer sans nouveau débordement. Elle m'envahit, se rigidifie à l'instar de la glace dans mon être, et me donne cette allure imperméable et placide. Cela interpelle et inquiète mes amis, je le sais. Mais je ne suis pas prêt à autoriser une autre forme de sensation à me parcourir.

— Allan ?

— Dren ? fais-je en me tournant vers le propriétaire de la voix qui m'interpelle.

L'incube sort de sa cachette, une alcôve au bout du couloir, et marche avec hésitation jusqu'à moi.

— C'est fini ? Les sbires de Jarlath sont vaincus ? demande-t-il, ses yeux clairs et angoissés en train de fureter de tout côté.

— Oui. Mais il ne faut pas que l'on reste là. D'autres pourraient venir.

Il blêmit légèrement à cette idée.

— Où étais-tu ? le questionné-je à mon tour.

— Je suis descendu par l'une des sorties de secours pour voir si certains employés et clients ont survécu.

— C'est le cas ?

— Oui. Beaucoup ont fui à temps, me répond-il, soulagé. Je leur ai dit de passer par les venelles à l'est du bâtiment puis de filer en direction de notre solution de repli, une bâtisse qui se situe à cinquante kilomètres de Seattle.

— C'est sans danger pour eux ? vérifié-je.

— Je ne pense pas qu'ils aient été suivis. Cela fait trente bonnes minutes qu'ils ont pris la tangente, Blair m'aurait appelé s'ils avaient rencontré un problème.

Je hoche la tête. C'est une bonne chose que toutes ces personnes s'en soient sorties. Ce n'est malheureusement pas le cas de tout le monde...

— Tu sais combien de gens sont morts ?

— Je suis remonté prudemment par l'un des accès et en débouchant dans une autre chambre, j'ai vu des corps..., murmure Dren, l'air abattu. D'après moi, une dizaine n'a pas survécu.

— Je suis désolé. Pour ça et pour les nombreux dégâts qui ont été causés ici...

Son regard se promène dans le corridor, catalogue en vitesse tout ce qui a été renversé, brisé, ou détruit.

— J'imagine que c'est pour ce genre de choses qu'existent les assurances...

Je lui offre un bref sourire puis l'entraîne à ma suite vers le groupe rassemblé en cercle. Sander nous y accueille et donne une accolade affectueuse à l'incube.

— Je suis content de voir que tu en as réchappé, lui dit-il avec un sourire réconfortant.

— Moi aussi, mon mignon.

— Et les autres ? s'informe l'homme-montagne.

— La plupart a pris la fuite. Certains... n'ont pas eu cette chance.

— Je suis désolé...

— Et chez vous ? Est-ce qu'il y a des pertes ?

— Non. Seulement quelques blessés.

Les traits du berserker sont moins tendus en prononçant ces mots. C'est un vrai soulagement pour le guerrier et meneur qu'il est. Il nous adresse un sourire rapide, mais franc avant d'accorder toute son attention à la nouvelle arrivante. Eleuia se poste près de lui, le visage fermé et son arme toujours au poing.

— Dren, ravie de constater que tu vas bien, déclare-t-elle avec un coup d'œil pour le gérant de L'Emprise. J'ai entendu pour l'évasion des tiens et les quelques pertes que vous avez subies. Je suis navrée.

— Merci, Eleuia.

— Pourrais-tu nous indiquer la meilleure voie qui soit pour fuir à notre tour ? Nous doutons qu'il y en ait d'autres à nous attendre dehors, mais il serait plus sage que personne ne s'attarde ici pour autant.

— Il faut emprunter l'une de nos issues. Suivez-moi.

— As-tu besoin que l'on te dépose quelque part ? lui demande Sander avec sollicitude.

— Pas la peine. Il reste encore une voiture de disponible en bas. Une superbe Porsche dont je suis l'heureux propriétaire, sourit l'incube avec un clin d'œil vantard.

Les uns derrière les autres, nous nous mettons à suivre Dren et prenons garde de ne pas marcher sur quelques membres éparpillés sur notre passage. Pendant qu'une majeure partie de nos ennemis nous affrontait, l'autre s'en est pris aux amis et collègues de Dren, décimant des morceaux d'eux après s'être nourris dessus. Les mouvements de lutte ont bringuebalé leurs restes, les ont fait atterrir dans le couloir, sur les tentures des chambres et les meubles renversés.

Le sang qui se répand encore sur certaines parties du sol me donne à nouveau faim, mais je résiste et empêche son odeur puissante et capiteuse de franchir mes barrières internes. Je me suis assez comporté en monstre sans cœur pour aujourd'hui...

Dren entre dans l'une des chambres qui a été relativement épargnée – aucun cadavre martyrisé ne repose sur le lit ou ailleurs –, puis il se dirige vers l'armoire et la déplace sur le côté pour laisser apparaître une trappe au sol. Il l'ouvre, nous fait signe de lui succéder dans la descente, puis attrape les barreaux de l'échelle. Un à un, nous l'imitons et une poignée de minutes plus tard, nous posons le pied sur le goudron frais des sous-sols.

L'incube les traverse, ouvre une lourde porte qui donne l'accès à un garage, où sa fameuse Porsche l'attend.

— Il y a une sortie qui vous mènera à votre point d'arrivée sur le côté du garage, nous dit-il en faisant le tour du véhicule. Vous devriez rejoindre vos voitures en moins de dix minutes en courant vite.

Nous le remercions chaleureusement alors qu'il s'installe au volant de son bolide. Il actionne l'ouverture du portail métallique donnant sur la rue, puis replonge ses prunelles couleur whisky dans les nôtres.

— Bonne chance à vous. Dès que le calme est revenu, on se recontacte.

Nous opinons du chef et au moment où nous nous détournons pour repartir, Dren m'appelle une dernière fois.

— J'ai été heureux de faire ta connaissance, Allan. Tu es un homme vraiment particulier !

— Toi aussi, Dren.

— Prends bien soin de toi, chéri. J'espère qu'on se reverra bientôt.

Je lui adresse un sourire doux, le plus sincère que j'ai à ma disposition.

— J'espère aussi, lui fais-je, honnête. J'espère vraiment...

— Et n'oublie pas une chose, ajoute-t-il en se penchant vers moi. Si tu le veux vraiment, tu peux obtenir tout ce que tu désires. Il te suffit juste de te rendre compte d'à quel point tu es exceptionnel.

Je fronce les sourcils. Je ne suis pas sûr de bien saisir là où il veut en venir, cependant il ne me laisse pas la possibilité d'en discuter davantage. Coiffant ses cheveux en arrière, l'incube met en marche le moteur qui vrombit fort dans l'espace entre nous.

— À bientôt, bel hybride ! J'ai hâte à notre prochaine rencontre !

Puis il met les gaz, sort du garage et disparaît en trombe au coin de la rue. Je regarde les particules d'eau de pluie s'élever derrière lui, pensif et songeur, avant de me détourner de l'endroit où il s'est éclipsé. Poussé par le vent et la trace olfactive de mes compagnons, je décampe à mon tour à la vitesse de l'éclair, l'orage et l'averse dans mon sillage.

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