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Chapitre 26

Nous empruntons un escalier en bois pour rejoindre l'étage. Marchant aux côtés de Sander cette fois, je découvre un lieu plus sommaire que le rez-de-chaussée : quelques tentures aux fenêtres, des couleurs chaudes, mais classiques aux murs, et d'innombrables portes finement sculptées. Il n'y a pas grand-chose de plus dans cet espace bien qu'il soit vaste et étendu. C'est en percevant plusieurs sons sans équivoque que je comprends pourquoi. Nous nous trouvons dans un simple vestibule, le plus « intéressant » se déroule derrière les portes closes. À n'en pas douter, les chambres doivent être richement meublées et ornées pour coller au cadre érotique de L'Emprise... même si je crains qu'aucun de leurs usagers ne s'attarde dessus.

Je lève les yeux au ciel puis me pince l'arête du nez à l'entente de cris et gémissements derrière les parois, en plus de quelques coups portés aux cloisons. Le salon pourpre était déjà assez éprouvant comme ça, quelle idée de nous amener jusqu'ici !

— Ce n'est qu'une étape, m'informe Dren devant moi, après avoir senti mon regard mauvais porté sur son dos. Il y a deux bureaux de l'autre côté.

Je souffle sans piper mot. Nous continuons notre progression et je focalise toute mon attention sur les paroles de notre hôte, plutôt que sur ce qui se passe alentour.

— J'ai bien saisi qu'un petit nombre d'entre vous n'était pas convaincu par l'intérêt ou par l'utilité d'un lieu pareil. Vous vous dites que ce n'est qu'un bordel parmi tant d'autres, qu'il ne sert que nous, les incubes et succubes. Tous les autres ne sont que des victimes de notre fonctionnement.

Personne n'acquiesce ou ne réfute ce qu'il avance. Notre meneur attend d'être arrivé à une intersection pour se tourner vers nous et reprendre.

— Sauf que vous avez tort. Tout le monde se sert de tout le monde ici, pour obtenir ce qu'il est venu chercher. Compagnie, plaisir, fantasme, érotisme, sexe, relations... nos gammes de services sont plus étendus que ce que vous pourriez croire. L'Emprise a le mérite d'accepter n'importe qui avec n'importe quelle demande. Nous tenons un établissement libre, mais contrôlé.

— Qu'entendez-vous par là ? demandé-je en tiquant sur ce dernier mot.

— Tu connais notre nature profonde : les incubes et les succubes se nourrissent du désir sexuel des autres. Nous tirons notre puissance et notre charisme de nos relations avec les autres espèces, même si notre « péché mignon » restera toujours les humains. Or, ces derniers sont les plus faibles, les plus fragiles... Comment crois-tu que cela se passe entre un incube et un humain ? Qui prend l'ascendant sur l'autre durant leur rapport ?

Je fronce les sourcils alors qu'il se place devant moi, ses yeux devenus sérieux et graves.

— Qui risque de mourir si l'autre ne se contrôle pas ? poursuit-il de manière plus explicite. La perte de contrôle est notre hantise à tous, mais elle est constante lorsque l'on parle de sexe. On s'abandonne complètement, on lâche prise. On laisse l'autre faire ce qui lui semble bon de faire de nous, lorsque l'on est en confiance. C'est absolu, et c'est d'autant plus vrai avec des êtres tels que nous, qui sont nés pour ça.

Tandis que je le jauge en silence, je me repasse les quelques discussions que j'ai eues avec mes guides sur ce sujet. Ce que met en lumière Dren m'avait déjà été transmis en partie. Sander avait même ajouté que les incubes et les succubes, s'ils ne sont pas tous pourvus d'une beauté renversante, possèdent sans exception un petit quelque chose en plus qui attire leurs « proies » dans leur filet. Prestance, élégance, raffinement, charme, séduction, charisme, magnétisme... cela fait partie de leur essence, c'est inscrit dans leur être, dans leurs gênes – vampires et humains à l'origine. C'est ce que dégagent leurs phéromones, tout comme leur fragrance. Ils nous promettent plaisir et jouissance, le sentiment d'être comblé... jusqu'au point de non-retour.

— Ceux qui nous détestent disent de nous que nous sommes des prédateurs sexuels, continue Dren sur un ton plus plat et linéaire. Ils ont à la fois tort et raison. Raison dans le sens où nous ne pouvons pas nous passer du sexe, de la même manière qu'un vampire ne peut pas vraiment vivre sans sang, ou qu'un sorcier a besoin d'être en communion avec la Nature. Mais tort parce que nous ne nous résumons pas qu'à ça, nous ne faisons pas que ça à longueur de journée. Et surtout, nous n'abusons pas des gens. Toute relation doit être consentie par les deux partis pour que l'un comme l'autre tire un maximum de plaisir. Ça ne fonctionne pas autrement.

— Tes amis de tout à l'heure étaient prêts à tester la manière forte, pourtant, réplique Gillian, les bras croisés sur sa poitrine.

— Allan les a affolés, ils n'ont jamais été confrontés à un être comme lui. Ça les a remués.

— Je rêve ou tu cherches à les excuser ?

— Tu n'as pas été secouée le jour où tu l'as rencontré peut-être ? s'agace l'incube, ses prunelles envoyant des éclairs.

— Si, bien sûr, mais je n'ai pas tenté de le violer pour autant ! lui rétorque avec colère mon amie. Je comprends qu'il ne laisse personne indifférent, mais certainement pas que l'on tente de s'en prendre à lui d'une manière ou d'une autre !

— Calme-toi, Gilly, tente Sander en reprenant le corps tendu de la sorcière contre lui. Tout va bien maintenant.

Mais les poings serrés, la jolie blonde ne décolère pas. Ses émeraudes sont assombries et vrillées aux orbes irrités de son interlocuteur. Un lourd silence se fait entre nous, et à mon grand étonnement celle qui le brise n'est autre qu'Eleuia.

— Revenons à L'Emprise. Explique en quoi ta... maison close est si spéciale.

Dren se déride d'un seul coup et va jusqu'à esquisser un sourire malicieux et plein de fierté avant de répondre.

— Nous vérifions que le temps passé avec un ou une même partenaire n'excède pas une certaine limite. La perte de contrôle chez nous se traduit par une trop grande absorption de l'énergie sexuelle, donc vitale de nos partenaires. Pour pallier ce problème, nous nous assurons aussi que ceux et celles qui profitent le plus de nos services changent de partenaires régulièrement. D'ailleurs, dans ce cas de figure, les priapées sont conseillées afin de limiter tout débordement.

— Comment ça ?

— Eh bien, c'est évident : plus on est nombreux, plus on absorbe l'énergie des autres mais sans pour autant leur en vider ! C'est une question de dosage et d'équilibre.

Satisfait de ses explications, l'incube pose ses iris brillants sur chacun de nous. Des rires s'élèvent, accompagnés de sifflements ravis, mais Gillian, Eleuia et moi restons de marbre. Après cet exposé, j'affirme que les orgies ne seront définitivement jamais mon truc.

Sander m'envoie un coup de coude dans l'estomac avec un clin d'œil, tandis que le reste du groupe échange un peu plus avec le maître des lieux.

— Avoue tout de même que c'est assez sensé comme raisonnement, me lance-t-il comme argument pour effacer ma grimace dubitative et blasée.

— Admettons, dis-je après un court instant de réflexion. Dren est sans doute un expert pour le coup, je ne vais pas me risquer à le contredire. Il n'empêche que je n'ai pas envie de vérifier par moi-même.

L'homme-montagne explose de rire et frappe mes omoplates. Parfois, son sens de l'humour m'échappe...

— Ne me dis pas que depuis que tu sais que tu es en partie incube, tu n'as jamais pensé à cet aspect-là de ta nature ? m'interroge-t-il avec plus de sérieux cette fois.

Je suis pris de court par cette question. Sander le voit sur mon visage et penche la tête de côté.

— Non mais vraiment, tu n'as jamais imaginé ce que ça pouvait impliquer... sexuellement parlant ?

J'ouvre la bouche pour répondre, mais je ne trouve rien à répliquer dans l'immédiat. Puis mon regard tombe sur la silhouette d'Eleuia qui, se tenant bien droite, a tourné le dos aux esprits survoltés par les nouvelles explications de Dren et inspecte plutôt la nuit d'encre par une fenêtre.

— Je n'en ai pas vraiment eu l'occasion, déclaré-je enfin à voix basse, sans dévier de l'objet de tous mes tourments.

Sander me lance un regard compatissant suivi d'un sourire triste que je fais semblant de ne pas voir. Si je recommence à m'appesantir sur mon sort, je n'arriverai jamais à sortir la tête hors de l'eau. Heureusement pour moi, quelqu'un me hèle pour attirer mon attention, et c'est avec soulagement que je me tourne, prêt à laisser de côté les pensées parasites qui gravitent autour d'Eleuia. Je déchante un peu lorsque je comprends que la voix qui m'a interpellée n'appartient qu'à nul autre que Dren. De peur d'un nouveau numéro de sa part, je soupire discrètement et me tiens sur mes gardes.

— Je peux te dire un mot, s'il te plaît ? quémande-t-il en désignant du bras un renfoncement dans le mur plus loin.

Je hoche la tête – à quoi bon tenter d'y échapper ? S'il y tient vraiment, il trouvera toujours un moyen pour me dire ce qu'il a à dire... Après que l'incube a indiqué aux autres que nous n'en aurions pas pour longtemps, nous nous isolons à quelques mètres d'eux. Par chance, l'alcôve est assez large pour nous permettre de rester à une distance raisonnable l'un de l'autre.

Raide comme la justice, je croise les bras devant moi et inspecte une seconde ses prunelles aux reflets ambrés.

— Que voulez-vous me dire, Dren ? lancé-je avec calme, sans déceler de malice ou de fourberie dans son regard.

— M'excuser. Nous n'avons pas commencé du bon pied, ou disons plutôt que je n'ai pas su commencer du bon pied avec toi, déclare-t-il en baissant la tête.

Déconcerté par la tournure de cette discussion, j'abaisse les bras et entrouvre la bouche de surprise.

— Je n'ai pas vraiment de filtre, je dis ce que je pense quand je le pense et comme je le pense surtout, souffle mon vis-à-vis avec un demi-sourire aux lèvres. Mais ce n'est pas toujours très bon.

Il fourrage nerveusement dans sa tignasse claire.

— Je te présente de nouvelles excuses pour ce qui est arrivé avec Jack et Elia. C'était un débordement inadmissible, je n'aurais pas dû réagir avec autant de désinvolture.

Dren s'interrompt, l'air sincèrement peiné. Je reste sans voix une poignée de secondes, déstabilisé par ce mea culpa inattendu.

— Je suis touché par vos paroles et votre démarche, merci beaucoup. Je ne m'y attendais pas... Je... La seule chose que j'ai réellement à vous reprocher c'est d'être trop rentre-dedans avec moi.

Je sens une faible rougeur caractéristique gagner mes joues, cependant je ne lâche pas le morceau malgré ma gêne croissante.

— Je comprends. Je n'aurais pas dû me montrer aussi insistant, acquiesce-t-il. Encore une fois, je suis désolé.

— Merci.

— Est-ce que ça veut dire que l'on peut être amis ?

Je scrute son visage et note la lueur d'espoir presque candide qui brille soudain dans son regard clair. J'esquisse un sourire, de plus en plus détendu maintenant que le gros de la tempête est passé.

— Oui, on peut essayer de l'être. Un ami en plus ne me fera pas de mal, loin de là !

— Très bien. Alors dans ce cas, par pitié, tutoie-moi maintenant. J'ai l'impression d'être un vieux croulant quand tu me donnes du vous à tout bout de champ !

Je ris tout en acceptant sa requête. Un sourire ravi fleurit sur ses lèvres tandis qu'il me tend une main, comme pour sceller notre nouvelle entente. Je m'en saisis et la serre.

— C'est parfait ! Je suis content que l'on ait pu régler ça.

— Moi aussi.

— Et c'est une fierté de te compter parmi mes amis les plus beaux et charismatiques.

— Dren...

— Non mais vraiment, toute drague mise de côté ! se récrie l'incube avec un mouvement ample de la main dans ma direction. Tu t'es regardé dans la glace récemment ? Des muscles bien dessinés, des jambes musclées, un visage viril, des yeux à se damner... Tu vas tous et toutes les rendre dingos, crois-moi !

— Je n'apprécie pas d'être traité comme un jouet sexuel ou un étalon..., marmonné-je avec un soupir.

— Ce n'est pas ce que je fais, réfute Dren. Je te dis la vérité en espérant que ça rebooste ton ego et ta confiance en toi.

Il tourne la tête et laisse errer ses iris sur quelque chose de bien précis derrière moi, et quand je découvre ce dont il s'agit, je sens mes traits s'affaisser.

— Parce que quelque chose me dit qu'ils ont été salement mis à mal ces derniers temps, poursuit mon nouvel ami sans dévier de la silhouette de la guerrière.

Je ne tente même pas de nier – à quoi bon, là encore. Je soupire en l'observant aussi de loin. Elle est en pleine conversation avec Gillian et Brett, et ses cheveux ondulent dans son dos à chaque mouvement bref de sa tête. Je ne peux pas voir son visage de là où je suis, mais je devine qu'elle est absorbée par les explications qu'elle donne à ses interlocuteurs.

— Je ne t'envie pas, chéri. Elle a beau être un enchantement pour les yeux et être la femme la plus téméraire que je connaisse, son fichu caractère est trop souvent une plaie, me souffle l'incube d'une voix mi-compatissante, mi-agacée.

— À qui le dis-tu..., surenchéris-je.

Je détourne ensuite lentement le regard. Une nouvelle vague de frustration et de colère m'envahit dès que je nous visualise une fois encore à deux doigts de nous embrasser. C'est fou comme ça fait encore aussi mal.

— Si tu as besoin d'être consolé, je te laisse une chambre une heure avec l'une de nos meilleures filles, suggère Dren après une courte pause.

— Non merci, je n'y tiens pas.

— Tu es sûr ? Ça pourrait te faire du bien pourtant, et peut-être même... la mettre vraiment en colère, argue-t-il en me désignant Eleuia.

Son visage se pare d'un énorme sourire digne du pire des saligauds. J'ouvre la bouche pour lui assurer plus fermement mon refus – il ne manquerait plus que je me comporte comme le dernier des crétins, tiens ! –, mais je suis interrompu par un grand fracas en provenance du toit.

Toutes les conversations se meurent, les têtes se lèvent par la même occasion, et une profonde tension s'instaure dans l'atmosphère. Aux aguets, nous nous statufions et écoutons plus attentivement encore ce qui se trame dehors. Toutefois, plus aucun son ne nous parvient depuis le plafond. Du coin de l'œil, j'aperçois les gestes lents et précis de mes compagnons pour dégainer leurs armes. Poignards et armes à feu occupent désormais leurs mains serrées en poings. Eleuia sort même un bâton télescopique, fait en acier et non en bois, de sa botte droite. Elle le déploie devant elle puis se l'approprie à deux mains.

— C'est peut-être une fausse alerte, nous souffle-t-elle le plus bas possible. Mais quoi qu'il en soit, préparez-vous et restez vigilants.

Mes yeux se braquent tour à tour sur les issues du couloir, les portes des chambres et les fenêtres, mais rien ne se produit. Rien ne vient troubler les ébats qui se poursuivent derrière les cloisons.

Attention...

Je fais abstraction des sons parasites qui résonnent dans ce vestibule et ferme les paupières pour mieux sentir que voir les choses. Mon corps est en alerte maximale, mes poils se hérissent sur mes bras, et une raideur caractéristique s'installe dans ma nuque et mon dos, prête à les briser à tout moment.

Ce n'est pas une fausse alerte.

L'air se charge d'électricité, la pluie au dehors redouble d'intensité et cogne furieusement contre les carreaux. Nous ne bougeons plus, nos souffles deviennent plus bas et profonds comme avant chaque combat, et nous attendons. D'où la menace va-t-elle bien pouvoir débarquer ?

La fenêtre.

J'ai tout juste le temps de rouvrir les yeux avant que le verre explose, faisant se coucher Brett et Darcy au sol. Trois silhouettes s'engouffrent dans le trou béant et ne perdent plus une seconde pour nous foncer dessus. Sander et Maxence, un autre berserker, sont les premiers à les cueillir, et leurs grognements se mêlent au choc de leurs armes et de leurs chairs.

Une autre fenêtre explose, cinq mètres derrière eux, laissant là aussi passer de nouvelles silhouettes massives et trapues. Des berserkers et des vampires. Et ils n'ont pas hésité à sortir l'artillerie lourde : deux d'entre eux, munis de fusils d'assaut, tirent sur nous, tentent de viser nos cœurs et nos cerveaux, les seules zones irrévocablement mortelles de nos corps.

Des giclées de sang repeignent les murs, une cacophonie sans nom s'élève lorsque les portes des chambres s'ouvrent à la volée sur des hommes et des femmes terrifiés. Nos nouveaux adversaires les plantent et leur tranchent la gorge tout en progressant vers notre groupe, le but principal de leur mission. Des gargouillis informes et des geignements ténus, annonciateurs de mort imminente, fusionnent avec les hurlements de détresse.

Eleuia plonge dans la mêlée, fait tournoyer son arme à une vitesse folle dans les airs et envoie coup sur coup sur chaque corps ennemi qui se met en travers de sa route. Une de ses comparses vampires lui prête main forte, en tranchant les tendons de leurs chevilles et les artères de leurs cuisses. Ainsi, en moins de deux minutes, quatre ennemis tombent à genoux avant de voir s'enfoncer l'arme de l'hybride dans leur crâne.

De seconde en seconde, d'autres surnaturels investissent les lieux, mais mes acolytes combattent bien. Ils ne se laissent pas submerger, chacun met plusieurs d'entre eux hors d'état de nuire – même la douce et sage Gillian qui, avec le renfort d'un vampire, veille à défenestrer ses adversaires affaiblis.

Il n'y a que Dren et moi qui n'avons pas encore pris part à la lutte, mais je ne serai plus en reste très longtemps. Les sens et le sang fouetté, je roule des épaules et me plie sur moi-même, dents retroussées sur mes lèvres. Je m'élance dans les airs, sauf qu'un élément que je n'avais pas pris en compte jusque-là obstrue mes plans belliqueux : l'effet de surprise.

Une porte est soudain défoncée sur ma droite, l'une des rares à être restée fermée, et un mastodonte de guerrier m'attrape depuis le seuil, sa main sur ma gorge. Il m'attire contre la cloison intérieure, son bras musculeux pressé plus férocement que ses doigts sur ma trachée, et me soulève de terre.

— Tiens, tiens. Qu'avons-nous là ? murmure-t-il à deux centimètres de mon visage.

Je tente de me débattre, en vain, tout en respirant bruyamment par le nez à la recherche de nouvelles réserves d'air. Son bras me hisse un peu plus haut contre le mur, me fait décoller de plus d'un mètre du sol. Pour lui, je dois peser l'équivalent d'un fétu de paille.

— J'espère que tu seras un peu plus résistant que les autres, là-bas, me dit-il avec un coup de menton vers le fond de la pièce. J'aime m'amuser avant de tuer.

Attiré par son geste et ses paroles, je dévie le regard dans la direction qu'il m'indique et écarquille d'horreur les yeux.

Ce qui devait être les corps de deux hommes nus a été éparpillé aux quatre coins de la chambre. Ils ont été démembrés, étripés. Les coulures d'hémoglobine qui s'en sont déversées ont envahi les draps, se sont répandues sur le parquet. Leurs viscères jalonnent le sol et ornent vulgairement les meubles alentour. Certains membres sont à peine reconnaissables sous leur couche écarlate ; ce ne sont plus que des tas difformes, à l'aspect spongieux.

Le grand malade qui me fait face s'y est donné à cœur joie et à mains nues si j'en juge l'état effroyable de ses mains et de son visage buriné. Des lambeaux de chair se sont incrustés sous ses ongles et le sang commence à sécher à la commissure du sourire carnassier qu'il m'adresse.

— Tu vas crier ? m'interroge-t-il en penchant la tête de curiosité. J'espère vraiment que tu vas crier... Un massacre n'est pas un bon massacre sans sa dose de hurlements.

Je me débats de plus belle, mais sa poigne se resserre encore sur ma gorge. Il ne passe plus qu'un filet trop maigre d'air dans mes poumons, désormais. Je griffe ses articulations pour le faire desserrer. Je vais m'évanouir s'il continue.

Un rire caustique lui échappe devant ma piètre tentative d'évasion, et sa bouche grande ouverte me laisse voir un palais et une langue imprégnés de sang. Pas faite qu'avec les mains donc, la boucherie...

Mon rythme cardiaque s'emballe encore un peu, devient assourdissant à mes propres oreilles. Je regarde partout et nulle part à la fois à la quête d'une solution, d'une issue, mais rien ne me vient. Et mon corps qui est soudain trop faible pour se défendre... Je ne sais si c'est l'effet de surprise ou l'excès de peur qui envahit mon organisme qui me bloque ainsi, mais quoi qu'il en soit je ne parviens pas à résister plus efficacement.

Mon assaillant s'en rend bien compte et me décoche un nouveau rictus vermeil. Sa prise se resserre, et je suffoque une fois encore. Je l'observe approcher le bas de son visage plus près du mien... et s'arrêter net lorsqu'un objet métallique transperce son crâne de part en part.

Des gerbes de cervelle se répandent sur mes traits choqués tandis que le corps massif de l'ennemi s'effondre au sol. Derrière lui, Dren est tendu comme un arc, le regard acéré, et retire sèchement son arme de fortune de la cavité proéminente. Il s'agit d'un candélabre brisé qui devait parer la chambre. Sa tige s'est enfoncée de plus de trente centimètres dans sa cible, les souillures remontent assez haut dessus.

— Tu n'as rien ? m'interroge l'incube en me tendant une main secourable.

— Un peu secoué, mais ça ira, lui réponds-je, une main sur ma trachée. Merci. J'étais foutu sans toi.

— De rien, chéri, réplique-t-il avec un clin d'œil complice. Tu es beaucoup trop beau et attirant pour mourir prématurément, je ne le permettrai pas.

Un faible rire remonte jusqu'à mes lèvres alors que ma paume serre plus résolument la sienne. Dren me sourit encore et rouvre la bouche pour me dire quelque chose avant d'être interrompu par une ombre dans l'embrasure de la porte.

— Mais... qu'est-ce que vous faites là ? Et qu'est-ce qui s'est passé ici ?

Le choc se peint sur le visage défait d'Eleuia et ses yeux font le tour de la chambre saccagé. Elle fait quelques pas précipités à l'intérieur, puis se fige en apercevant le cadavre qui gît à nos pieds.

— Tu vas bien ?

Ses prunelles alertes me jaugent de la tête aux pieds, puis se figent sur mon cou. Elles s'assombrissent devant les marques laissées par les battoirs du géant.

— Ça va, assuré-je. Dren est arrivé à temps pour me secourir.

Elle me sonde encore un long moment sans rien exprimer, puis elle hoche la tête avec raideur.

— Bien. Dren, je voudrais que tu aides Allan à quitter cet endroit, reprend la vampire sans une once d'émotion dans la voix. Tu es le seul à connaître les lieux mieux que ta poche.

— Quoi ? Mais, et les autres ? m'écrié-je. Vous avez besoin d'aide pour les repousser. Je sais qu'il y a plus d'ennemis à investir les lieux !

— Nous nous en sortons sans problème, réplique la combattante en se réarmant de sa barre. Certains clients se sont joints à nous pour nous prêter main forte. Nous voilà à quinze contre dix.

Une déflagration retentit plus loin dans le couloir derrière Eleuia, suivie par un mugissement de douleur. Un corps tombe, une autre personne court jusqu'à ce dernier, et un nouveau bruit de lame rentrant dans la chair se fait entendre avant le silence complet.

— Plus que neuf, rectifie mon interlocutrice avec un sourire en coin.

Son rictus disparaît lorsqu'elle revient vers nous.

— Emmène-le, Dren. Il ne faut pas qu'ils tombent sur lui.

— Non ! Il en arrivera d'autres, ils sont mieux organisés que nous ! Ils vont finir par vous submerger si vous n'avez pas d'autres combattants à vos côtés !

— Il n'en est pas question ! aboie la jeune femme, le regard brillant de colère. Nous savons très bien ce que nous faisons, nous savons faire front aussi bien qu'eux ! Nous avons des siècles d'entraînement derrière nous, ce qui n'est pas ton cas.

La colère monte en moi, rugit hargneusement devant son coup-bas. Le même éclat brûlant s'allume dans mon regard, tandis que mes poings se contractent au point de faire blanchir mes articulations.

— Aucun de nous n'a le temps de s'occuper de toi, ajoute-t-elle sur un ton plus rude encore. Dren peut s'en charger.

— Dis tout de suite que je suis aussi inutile que lui à tes yeux..., réplique l'intéressé.

Eleuia le foudroie du regard pour le faire taire, puis reporte toute son attention belliqueuse sur moi.

— Tu pars d'ici que ça te plaise ou non, Allan. Nous n'avons pas besoin de toi.

Aussi efficace qu'un uppercut porté au ventre, ses mots me blessent en profondeur et elle le sait. Je vois rouge, dégoûté par ses manœuvres d'intimidation, mais l'hybride ne me laisse pas le temps de riposter : elle repart comme une flèche au cœur de la lutte.

— Putain !

J'envoie un coup dans le mur derrière moi. Il s'effrite dangereusement, mais je n'en ai cure. La rage m'a envahi tout entier cette fois. Elle est allée trop loin...

— Calme-toi, Allan. Ça ne sert à rien de s'énerver... Et ce n'est pas le bon moment pour ça, déclare mon acolyte en posant une main chaude sur mon omoplate.

J'inspire à fond et acquiesce froidement sans le repousser. Il s'éloigne ensuite, et déplace les meubles renversés sur son passage.

— Chaque chambre comporte une sortie de secours dissimulée, en cas de problème de ce genre, m'informe-t-il, le dos tourné. On va pouvoir s'enfuir par-là, rester cacher dans les sous-sols le temps que ça se calme ici, et après...

Tout en prenant garde de ne pas rentrer en contact avec les restes de ses clients, il pousse le lit, soulève le tapis et dévoile une trappe fermée en-dessous.

— Bingo ! Allez, viens Allan, on... Mais qu'est-ce que tu fais ?

Je ne réponds pas à sa question, remarque à peine ses prunelles interloquées alors que je tourne les talons et le plante là. Je passe le pas de la porte et n'écoute aucun des cris insistants de l'incube. Je reste concentré sur mon objectif.

La rage au corps, le feu brûlant mes veines, je suis les bruits de lutte, qui se sont reculés dans le vestibule, et stoppe à un croisement. La guerre a éclaté plus loin, ravage tout et incendie les cœurs révoltés. Elle a pris possession des hommes et des femmes, leurs cris vengeurs déchirent l'air... et il ne me faut qu'un seul pas pour m'y précipiter à mon tour.

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