Chào các bạn! Vì nhiều lý do từ nay Truyen2U chính thức đổi tên là Truyen247.Pro. Mong các bạn tiếp tục ủng hộ truy cập tên miền mới này nhé! Mãi yêu... ♥

Chapitre 25



Les kilomètres jusqu'à Seattle défilent, avalés par les roues des véhicules puissants à notre disposition. Assis à l'arrière, je devine le paysage à travers la vitre battue par la pluie : des dizaines d'arbres penchés par le vent, une brume fine accrochée au sol, et des nuages bas et sombres. Les chutes de neige que nous avons connues le mois dernier n'ont jamais dû toucher la métropole, seul le crachin constant des averses s'est manifesté ici.

À mesure que nous avançons, la végétation disparaît peu à peu pour laisser place aux infrastructures mouillées et assombries par la pluie. Rapidement après, je discerne les bâtiments de l'University of Washington au loin, me faisant comprendre que nous touchons presque au but. Encore une bonne demi-heure de route et nous serons arrivés.

J'ai beau avoir tenté d'interroger mes amis, j'ignore toujours ce qui nous attend. Leurs paroles sibyllines, autant celles de Gillian et Sander que de Necahual, ne m'ont pas apporté de précisions concluantes. Nous nous rendons sans doute chez des originaux un peu excentriques qui, je cite, « adorent leur travail ». C'est à peu près tout ce que j'ai récolté sur eux, en plus des rires tonitruants de certaines personnes, dont Reun, qui écoutaient ces explications nébuleuses.

Ça promet...

Je ne parviens pas à réprimer une moue dubitative alors que je me remémore les quelques informations délivrées par mes mentors, lors de nos cours improvisés. Les êtres que nous allons rencontrer, les incubes et succubes, sont très charismatiques et réputés pour leurs prouesses sexuelles. Ils se nourrissent du plaisir sexuel, tant du leur que de celui qu'il déclenche chez leur partenaire. Ainsi, si l'on en croit mes guides, leur dangerosité ne prend pas la forme de viols, ou d'étouffements dans le sommeil des humains, comme l'a dépeint Füssli. Disons qu'ils sont en lien direct avec notre inconscient pour connaître nos fantasmes et désirs et nous soumettre à cette volonté qui nous est propre.

Cette volonté qui nous est propre... Je secoue la tête, un poil sceptique encore. Je ne me détache pas de ma mauvaise impression à leur sujet ; à l'heure actuelle, je ne vois en eux que leur statut d'obsédés sexuels du monde surnaturel.

— Augmente la vitesse des essuie-glaces, Darcy, souffle Sander à l'avant. Le temps semble tourner à l'orage petit à petit.

Tout comme moi, la conductrice jette un coup d'œil au ciel et remarque vite la justesse de la remarque du Norvégien. L'obscurité devient plus menaçante.

Je n'y suis pour rien cette fois, mais la météo s'accorde tout de même à mon état d'esprit. Me retrouver à nouveau en « mission » avec Eleuia est une épreuve pour mon self-control. Sa présence me rattrape, tout comme les sentiments confus qu'elle m'inspire.

Au moment du départ, ma volonté n'a toutefois pas fléchi : je ne lui ai pas accordé un regard, je suis monté dans une autre voiture que la sienne... Et je compte bien continuer à l'ignorer jusqu'à notre retour au domaine. C'est beaucoup plus simple comme ça. Pas forcément moins douloureux, mais plus tenable.

— On arrive dans dix minutes. Gare-toi un peu à l'écart, pas trop près du bâtiment, indique l'homme-montagne en désignant une rue peu fréquentée sur notre gauche.

Darcy acquiesce et met son clignotant. Les autres voitures doivent nous imiter et trouver un endroit à proximité de notre lieu de rendez-vous pour se garer. Nous tentons de rester prudents et de ne pas attirer l'attention sur trois véhicules stationnés ensemble devant un même établissement. Nous rejoindre à pied semble plus raisonnable.

En claquant la portière, je respire l'atmosphère saturée en électricité comme hier, et pressens la venue de l'orage. D'ici quelques minutes, deux heures tout au plus, les éclairs déchireront le ciel.

À l'abri sous une capuche, je suis mes accompagnateurs et nous évoluons en vitesse dans ce dédale de petits chemins.

Une poignée de minutes nous suffit pour rallier le point de chute, et tandis que nous attendons l'arrivée des autres, je scrute les fameux lieux. Vu de l'extérieur, l'établissement ne paye pas de mine : il ressemble à tous ces bâtiments de brique et délavés qui nous entourent. Sale au niveau du toit, strié de taches d'usure de ci de là, l'immeuble n'attire pas l'œil et se confond dans ce décor pauvre et défraîchi. Visiblement, il n'y a que quelques « privilégiés » qui connaissent l'existence et la fonction de cet établissement. Le premier venu passerait devant sans s'arrêter.

J'effectue quelques pas sur les côtés et ne trouve aucune plaque non plus. Seul le numéro de rue est indiqué pour le dissocier de ses semblables.

Étrange endroit...

N'oublie pas, Allan : Méfie-toi des apparences.

Je tique et sursaute en percevant ma voix interne. Elle se fait de plus en plus rare ces temps-ci, elle semble... s'éteindre en fait. Comme si elle souhaitait disparaître parce qu'elle n'avait plus de rôle à jouer. Comme si je n'avais plus besoin de ses remarques et impressions. Je reste interdit une longue seconde, médite cette nouvelle étrangeté, puis reporte mon attention ailleurs. Des bruits de frottements résonnent à l'ouest : nos compagnons nous ont rejoints.

Gillian et Eleuia marchent côte à côte, et si la première nous adresse un sourire doux, la seconde, elle, arbore une expression neutre et sérieuse. La guerrière est repassée en mode cheffe de groupe.

— Tout le monde est là ? demande-t-elle à personne en particulier sur un bref tour d'horizon. Bien. Vous savez tous comment ça se passe : on reste sur nos gardes, on observe tout et tout le monde, et on ne perd pas de vue notre objectif. Aucune distraction ne sera tolérée.

Sur la fin, sa voix claque plus fermement sans que je ne comprenne pourquoi. Je suis toutefois le seul dans ce cas-là, car les autres hochent la tête avec gravité. Certains ont même les joues rosies, ce qui me laisse un instant perplexe. Mais où avons-nous débarqué ?

— Si tout est clair, alors allons-nous annoncer, reprend la Maya en passant devant.

Nous lui emboîtons le pas, silencieux, et patientons comme elle après qu'elle a frappé à la porte rouge bordeaux. Des bruits de pas s'élèvent avant qu'une belle femme blonde nous ouvre. Sourire sur ses lèvres carmin et yeux bruns pétillants, elle replace sa fine robe ivoire sur ses hanches tout en nous inspectant du regard.

— Bonsoir. Je m'appelle Octavia et vous souhaite la bienvenue à L'Emprise. Vous êtes attendus dans le salon pourpre. Suivez-moi je vous prie.

L'air toujours aussi avenant, elle nous guide dans des couloirs étroits. Le son de baffles se répercute de plus en plus fort à mesure que nous approchons de son origine. Octavia s'arrête devant une porte toute simple, à la poignée ancienne et petite, et nous sourit plus largement en l'actionnant.

— Nous vous souhaitons de passer une agréable soirée entre nos murs, souffle sa voix chaude lorsqu'elle s'efface pour nous laisser entrer en premier.

Je m'avance donc... et stoppe net, les yeux écarquillés. Bordel de... !

Derrière moi, la réaction est aussi vive : ils retiennent tous un hoquet de surprise.

— Putain..., chuchote l'un des berserkers dans mon dos.

Il m'ôte les mots de la bouche – en admettant que je puisse les prononcer à un moment. Je pense que je m'attendais à tout sauf à ça...

Le salon pourpre est, comme son nom l'indique, peint et décoré du sol au plafond de cette couleur rouge violacée. Les meubles, les bibelots, les assises... rien n'y échappe.

La pièce, très grande, est constituée d'arches et de poutres qui laissent apparaître au-dessus de nos têtes un étage en mezzanine. L'ensemble est meublé avec opulence et flamboyance, et lorsque j'y regarde de plus près, je me représente soudain l'inspiration originale. De larges miroirs sur les murs sombres, des bougies pour créer une ambiance tamisée, des canapés aux motifs mêlant fleurs et rubans, des objets décoratifs aux lignes courbes et asymétriques... Nous sommes en plein dans le style rococo. Au beau milieu de cet art jugé ostentatoire, luxueux, frivole, exotique... et érotique.

Ce dernier trait est d'ailleurs le plus mis en valeur ici, mais cela tient moins à la décoration qu'aux personnes présentes aux quatre coins de la pièce. Alanguies sur des sofas, avachies sur de larges divans, ou encore installées à califourchon sur des chaises, elles sont en train de batifoler de partenaire en partenaire.

Les corps s'allongent les uns sur les autres, se butinent, se goûtent, passent ensuite de bras en bras avec extase et insouciance. Des hommes, des femmes, des jeunes, des moins jeunes... il y a de tout ici. Ce qu'il n'y a pas beaucoup en revanche, ce sont des vêtements : les... convives sont à moitié dénudés, – certains plus qu'à moitié même, ce qui me fait immédiatement détourner les yeux –, et des rires grivois s'élèvent lorsque de nouvelles étoffes touchent le sol.

Sur la gauche du salon, un genre de podium a été construit pour permettre à quelques danseurs et danseuses de se déhancher et de tourner sur des barres de pole éclairées en contre-plongée. L'une des artistes, seins nus et fesses à peine dissimulées sous un pagne de tissu, s'élance dans les airs, et sa large ombre est projetée tout autour de nous, rendant ses figures acrobatiques plus spectaculaires encore. Plusieurs personnes la regardent faire, et continuent dans le même temps leurs activités lubriques avec leurs mains et/ou leur bouche.

Tout cela est enrobé par la bande son de gloussements, de rires et autres bruits gutturaux explicites, qui parviennent presque à éclipser la musique électro déversée par les enceintes.

Pour la première fois de ma vie, je me trouve dans un bordel d'incubes et de succubes. Une maison close où désir et plaisir sont les maîtres-mots. Un véritable enfer de débauche et de luxure...

— Vous le saviez ? lancé-je en me tournant vers Gillian et Sander. Vous saviez qu'il s'agissait d'un bordel !

Comment ont-ils aussi bien réussi à retenir leurs pensées en ma présence ? Car, il est évident que c'est ce qu'ils ont tous fait. L'espace d'une seconde, je ne peux m'empêcher d'admirer ce subtil jeu de l'esprit auquel ils se sont adonnés, mais ensuite...

Mes amis ont au moins la décence de détourner le regard de honte et de rougir. Mes orbes, eux, ne cessent de faire la navette entre les visages tantôt choqués, tantôt fascinés de mes accompagnateurs et l'espèce d'orgie géante qui se déroule autour de nous.

— C'est donc ça leur travail de nuit, continué-je à dire, de plus en plus consterné. Ils tiennent un lupanar...

— Nous préférons le terme de maison close ou de tolérance.

Je pivote vers l'origine de la voix masculine qui vient de m'interrompre et découvre un homme d'une petite trentaine d'années, châtain et les yeux couleur whisky, qui esquisse un sourire carnassier à mon adresse.

— Mais je ne vais pas m'en formaliser, ne t'inquiète pas, reprend-t-il en me jaugeant des pieds à la tête. Ne t'en fais vraiment, vraiment pas...

Torse nu comme la plupart de ses acolytes, il marche vers moi et ne s'arrête qu'une fois à ma hauteur. Un sifflement bas lui échappe tandis que ses prunelles étincelantes me parcourent encore.

— Eh bien ! Avec un visage pareil, on te donnerait le bon Dieu sans confession...

Pétrifié, je l'observe me tourner autour puis s'immobiliser à nouveau devant moi.

— Et ses yeux ! Leur couleur est sublime, on pourrait s'y noyer aussi facilement que dans l'océan, ronronne-t-il encore, penché sur mon visage.

J'ai un léger mouvement de recul qui le fait sourire un peu plus.

— Tu es un très bel homme... Peut-être trop beau pour ton propre bien. Trop tentant...

Je ne bouge toujours pas. Mes muscles se tendent imperceptiblement lorsque l'une de ses mains effleure mon bras et qu'un soupir monte dans sa gorge.

— Je ne saurais dire ce qui est le plus tentant chez toi : ta beauté virile ou ta fragrance si spéciale ?

Il me renifle d'un peu plus près et ne peut s'empêcher de fermer les paupières et de gémir faiblement en réaction.

— Magnifique..., souffle-t-il en ancrant ses pupilles dilatées dans les miennes.

— Dren ! Arrête ton cirque maintenant, tu nous fatigues.

L'homme se tourne vers Eleuia qui, les bras croisés devant elle, le foudroie de ses yeux abyssaux. Le dénommé Dren s'éloigne de moi d'un pas – tout petit le pas, toutefois – et décoche un rictus amusé à la guerrière.

— Ma chère Eleuia ! Je ne t'avais pas vue, ma belle, excuse-moi. Mais tu me connais, moi et mon penchant pour les beaux garçons : je ne résiste jamais à l'un d'eux, c'est plus fort que moi.

Et il conclut ses explications par un bref haussement des épaules qui ne la convainc pas une seconde. L'air toujours irrité, la belle brune ne réplique pas de suite, ce qui laisse l'opportunité à cet étrange énergumène de surenchérir.

— Celui-ci, tout particulièrement, est fameux. Un véritable enchantement pour les sens et les yeux ! Je meurs d'envie de le...

— Ça suffit, j'ai dit ! s'énerve la leader d'une voix plus forte. Tes enfantillages et lubies ne m'intéressent pas.

— Oh, Honey... Quelque chose n'a pas l'air d'aller ? Tu as peut-être besoin de décompresser un peu ? Je peux te présenter à l'une de nos nouvelles recrues, si tu le désires : un Brésilien au sang extrêmement chaud, aux manières un peu rustres mais ô combien efficaces, lui suggère Dren avec un regard faussement innocent.

Il s'interrompt une seconde puis revient sur mon visage.

— À moins que ce qui te rende aussi tendue n'est autre que notre Adonis ici présent, embraye-t-il, la tête sur le côté. Remarque, je te comprends, ma chérie : si je devais vivre H24 avec ça sous les yeux, sans y toucher ou y goûter, je ne donne pas cher de ma peau non plus... Ah, quel gâchis !

Nos camarades étouffent leurs rires derrière une quinte de toux mal imitée, tandis que Dren secoue la tête de dépit devant la face consternée d'Eleuia. La jeune femme pince l'arête de son nez et expire bruyamment.

— Dren, si tu ne veux pas te recevoir à nouveau mon poing dans ta jolie petite gueule de décérébré, tu ferais mieux de la mettre en sourdine de suite !

— Ça va, ça va ! abdique l'interpellé, les yeux et les bras au ciel. Bon sang, on ne peut même plus dire ce que l'on pense maintenant.

— Dren...

— J'arrête, c'est bon !

Il s'esclaffe doucement, puis, une fois qu'il a retrouvé son calme, me vrille de son regard malicieux.

— On devrait tout de même passer à des présentations plus en règle, propose-t-il avec un clin d'œil joueur. Je suis Dren, l'un des gérants de cette maison de tous les plaisirs ! Cela fait deux cents ans que je tiens les rênes de cet endroit avec deux autres succubes. Et je suis à deux cents pour cent homosexuel. Et toi, mon mignon ?

Je le jauge, interloqué, ne sachant trop ce qu'il attend de moi. Dois-je me présenter succinctement ou lui donner mon orientation sexuelle ? À sa manière de me dévorer du regard – et aux bribes de pensées indécentes qui le traversent –, je me doute bien que ce second point l'intéresse, mais il ne peut tout de même pas... enfin, il n'est pas aussi direct et franc-parler que ça ? Si ?

Dans le doute, je préfère choisir la sécurité et après m'être raclé la gorge, je m'exprime :

— Je suis Allan. Allan Ford. L'hybride que vous vouliez rencontrer.

À peine sortis, je me rends compte de la stupidité de mes mots. Il doit déjà savoir qui je suis, enfin ce que je suis, comme moi-même je parviens à discerner l'essence des personnes autour de moi. Cependant, Dren me décoche un grand sourire.

— Et je dois dire que je ne suis pas déçu de cette rencontre ! Il aurait fallu qu'elle ait lieu bien plus tôt, même !

Je lui souris par politesse, mais je sens que mon rictus est assez chancelant. Je ne sais pas quoi penser de cet hôte. D'un côté, son attitude très rentre-dedans me met mal à l'aise, mais d'un autre, je devine qu'il n'est pas méchant ou malveillant.

— Mais tu n'as pas répondu à ma question, chéri, m'apostrophe à nouveau l'homme. Hétéro ou homo ?

Nouvelle vague de malaise. Derrière moi, de nouveaux rires étranglés s'élèvent alors que je ne sais plus où me mettre. Les prunelles scrutatrices et impatientes de Dren ne me lâchent plus, il attend très clairement ma réponse. Je jette un coup d'œil sur mes camarades, m'attarde sans doute une seconde de plus sur Eleuia – c'est plus fort que moi, je ne peux pas m'en empêcher – et reprends :

— Hétéro. Je suis hétéro. Sans doute possible.

— Mmh... Nous verrons bien, souffle-t-il avec une moue incertaine, même si je sais qu'il a capté mon œillade. Bon ! Un petit tour du propriétaire s'impose maintenant, je crois !

Apparemment, les présentations ne s'appliquaient que pour lui et moi... Son intérêt est plus qu'éloquent et ne m'aide en rien à me détendre. Encore plus maintenant que nous allons nous engouffrer dans les tréfonds de ce bordel – sans mauvais jeu de mots.

Bon sang...

Je ne suis pas prude, mais je ne ressens pas d'excitation ou d'impatience à l'idée de découvrir cet endroit, pas comme certains dans mon dos qui exultent.

Je soupire et m'apprête à suivre l'excentrique Dren, lorsque ce dernier pivote la tête et capte le regard d'une personne. Ses iris brillent alors qu'il fend notre petit groupe pour s'approcher de... Sander ?

— Sander ! Oh, je ne t'avais pas vu avant ! Quel plaisir de te revoir, chéri !

Dren s'empresse d'attraper les épaules de l'homme-montagne et de le prendre avec chaleur dans ses bras. Sander lui rend son étreinte puis s'en détache et lui adresse un sourire avenant.

— Je suis content de te revoir aussi, Dren.

— Tu m'as amené là une perle rare ! Quel dommage que vous repartiez dans quelques heures, j'aurais tant voulu le garder pour moi... C'est une vraie bombe ! Il ferait de sacrés ravages parmi nous.

— Je suis bien d'accord avec toi, raille mon mentor, yeux moqueurs plantés dans les miens. Il pourrait devenir un putain de sex-symbol.

Je me mords la joue, fort, pour me retenir d'aller lui flanquer une trempe maison. Ce connard se paye ma tête, l'air goguenard et à deux doigts d'exploser de rire. Je lui lance un regard d'avertissement et belliqueux. C'est à charge de revanche. Il mime un baiser avec sa bouche sans que son interlocuteur principal ne le remarque, ce dernier bien trop occupé à continuer de... chanter mes louanges.

La nuit va être longue...

— Un dieu vivant, oui ! se récrie mon fan du jour en se tournant vers moi. Tout ce potentiel... Cette enveloppe, cette odeur... Comment faites-vous pour ne pas lui sauter dessus ?

Sander rit à gorge déployée, bien décidé à se payer ma tête un long moment. Mais c'est sans compter sur mon impatience grandissante.

— S'il vous plaît ! m'exclamé-je, à bout de nerfs. On pourrait peut-être commencer ce fameux tour, là ?

Soudain, je ne suis plus réticent à le faire. Je suis même pressé, si ça peut stopper le flot de paroles crues de l'incube.

Gillian s'avance et soutient ma suggestion. Je sens qu'elle non plus n'est pas très emballée par ce projet, mais elle désire m'aider à me sortir de ce mauvais pas.

— Toujours aussi autoritaire et déterminée, à ce que je vois, Gillian, lui réplique Dren. Mais tu as raison : suivez-moi !

Dren nous dépasse donc et ouvre la marche, tandis que je me penche à l'oreille de la sorcière.

— Toi aussi tu le connais, alors ?

— Oui. Sander l'a rencontré avant moi, il y a cent cinquante ans, du côté de Zurich.

— Vous êtes déjà... venus ici ?

Gillian pince les lèvres, comprenant très bien le sens plus profond de ma question.

— J'ai déjà accompagné Sander lorsqu'il venait obtenir des renseignements auprès de Dren – tu apprendras bien vite que cet incube est une véritable commère qui met son nez dans les affaires de tout le monde. Il est un puits de science intarissable.

— C'est lui qui vous donne des nouvelles des groupes alliés et ennemis ? deviné-je.

— Entre autres. Je dois reconnaître qu'il est très doué pour faire parler et écouter, en plus d'avoir une excellente mémoire.

Le sourire narquois qu'elle avait jusque-là se fane brusquement lorsqu'elle pense à une nouvelle chose.

— Sander a eu quelques habitudes ici, à une époque..., me confit-elle dans un souffle lugubre après s'être assurée que le concerné était assez loin et trop pris dans sa discussion pour nous entendre. Dren a su lui trouver les bonnes distractions...

Plus de cent ans ont dû s'écouler depuis, mais la blessure de mon amie est toujours à vif. Je ne dis rien pendant plusieurs secondes, peu désireux de m'immiscer dans leur histoire. Leur relation n'a jamais été claire même si les sentiments sont présents des deux côtés ; et l'un comme l'autre souffre des erreurs et des non-dits qui jalonnent leur histoire commune.

— Tu n'apprécies pas Dren, fais-je en rebondissant sur ses derniers mots et l'étincelle d'amertume qui brille dans ses iris émeraude.

— Nous n'avons jamais su nous entendre, lui et moi, réplique-t-elle de manière assez évasive. Mais comme nous ne nous côtoyons pas souvent, ce n'est pas un problème.

Je n'insiste pas plus alors qu'elle m'entraîne à la suite des autres. À présent, une pointe de culpabilité de ne pas avoir trouvé les mots justes pour la réconforter ou la rassurer me saisit. Les lieux ne sont pas très propices pour ce genre de discussion à cœur ouvert, mais l'air morose et les pensées défaitistes de mon amie, eux, s'y prêtent complètement.

Je me creuse la cervelle, fais abstraction de l'univers qui nous entoure, et plus d'une fois, j'ouvre la bouche pour parler puis la referme. Bon sang, quel piètre ami je fais par moments !

Agacé, je retente un essai, mais une nouvelle intervention de Dren me coupe l'herbe sous le pied.

— Les incubes et les succubes ne sont pas les seuls à travailler ici, quelques humains y ont leur place, même s'ils n'occupent que des postes de serveurs ou de danseurs. Pour ce qui est de la clientèle par contre, la tendance s'inverse : pour notre plus grand bonheur, mais aussi pour le leur, il y a plus d'humains à nous demander nos services. Cette partie-ci de l'établissement est dédiée à la distraction et aux spectacles. Nos clients sont libres de s'installer où bon leur semble, avec qui bon leur semble ; leur confort, tout comme leur compagnie, est garanti !

— C'est le cœur des préliminaires ici, quoi, résume l'un de mes accompagnateurs, un vampire du nom de Trent.

— C'est une assez bonne manière de voir les choses, mon mignon, acquiesce notre guide. Bien que nous n'ayons pas tous la même définition de ce terme.

Son rire est englobé par ceux des autres et de quelques sifflements appréciateurs. De mon côté, je regarde distraitement l'agencement des lumières autour du podium, dans le but d'éviter autant que possible les scènes de débauche autour de moi. Les bruits sont déjà de trop...

Nous continuons de faire quelques pas, accompagnés par les explications emportées et parfois trop détaillées de Dren, jusqu'au moment où Gillian, accrochée à mon bras, m'interpelle.

Je tourne la tête dans sa direction et l'interroge du regard, sauf que le sien n'est pas dirigé vers moi. La sorcière est focalisée sur un élément sur notre droite. Intrigué par la moue à la fois surprise et méfiante qu'elle affiche, je dévie vers ce qui l'intéresse et reste interdit.

Un homme et une femme, qui étaient en plein préliminaires intensifs si j'en juge par leur air débrayé, se sont stoppés net dans leur activité pour nous scruter avec attention.

— Je crois... qu'ils te regardent, toi, me souffle d'une voix tendue la jeune femme.

Et elle est dans le vrai : en passant à côté d'eux, ils m'ont flairé et mon odeur alimente leur curiosité et leur désir d'incube et de succube. À n'en pas douter, ces êtres-ci avec les vampires, sont les plus sensibles à ma fragrance d'hybride : elle leur donne faim, dans tous les sens du terme. Et elle fait de moi une proie alléchante et rare pour eux. Pour preuve, les deux obsédés sexuels, nez au vent et pupilles dilatées, se lèvent et marchent précipitamment dans ma direction.

Au secours !

— Bonsoir, ronronne la femme.

Plantée devant moi dénudée jusqu'à la taille, elle m'adresse un sourire de prédatrice, tandis que son partenaire glisse sur le côté. Tous deux me déshabillent du regard.

— Je ne vous ai jamais vu ici. Vous êtes nouveau ? Une nouvelle recrue de Dren peut-être ? enchaîne-t-elle avec espoir et excitation.

— Je ne suis là qu'en visite, répliqué-je, dans l'espoir de tuer dans l'œuf ses désirs fous.

Tendu, je la vois passer sa langue sur ses lèvres et son imagination s'emballe dans sa tête rousse. Impossible d'y échapper et surtout, pas besoin de ne serait-ce que l'effleurer pour l'entendre : ses fantasmes à mon encontre sont aussi assourdissants que des cris. La succube nous représente elle et moi, à même le sol, transportés par l'orgasme, vision qui me fait grincer des dents. Mais ses fantasmes n'arrivent pas à la cheville de son partenaire. Ceux-là sont bien plus bestiaux et dépravés.

Je retiens un frisson d'effroi alors que Gillian serre un peu plus fort mon bras.

— Nous ne pouvons donc pas rester, maintenant excusez-nous..., leur dit-elle en tentant de nous entraîner loin d'eux.

— Vous êtes sûrs de ne pas pouvoir ? intervient l'incube en nous bloquant la voie. Nous pourrions bien nous amuser, tous les quatre.

De mieux en mieux...

— Sans façon.

— Si vous cherchez quelqu'un, nous pourrions vous aider à le retrouver. Nous connaissons pas mal de gens ici, nous serions de bons guides, suggère la femme, plus près.

L'odeur de sexe et de quelque chose de plus suave nous entoure et fait battre des cils la sorcière. Ses iris perdent de leur éclat farouche, deviennent plus dociles et brumeux à mesure que nos assaillants poursuivent leur approche. J'émets plus de résistance que mon amie et me poste devant elle pour la soustraire aux regards envoûtants qui nous alpaguent.

— Laissez-nous, nous ne sommes pas intéressés, décrété-je avec conviction et force.

Cela n'a hélas pas l'effet escompté : leur peau se couvre de frissons d'extase tandis que leurs paupières s'abaissent. Ils sont excités, totalement sous mon charme.

— On t'a déjà dit que tu as une voix rauque et sexy ? susurre la succube, une main possessive sur mon pectoral. C'est terriblement émoustillant.

Je serre les poings et fusille des yeux ses doigts qui vont et viennent sur mon poitrail, dans une vaine tentative de m'aguicher. Je les repousse sèchement au moment où l'incube frôle mon dos et reprend sur un ton bas et sans équivoque.

— Tu devrais monter avec nous. Nous avons une chambre spacieuse là-haut. Tu ne regretterais pas le voyage...

— Foutez-moi la paix, articulé-je, à deux doigts de m'énerver pour de bon cette fois.

— Qu'est-ce qui se passe ici ?

La voix dangereusement cinglante d'Eleuia retentit soudain et fait lâcher prise à mes agresseurs. Ses prunelles de feu les vrillent, les incitent à reculer. La rousse et le brun ne se font pas prier et s'exécutent en voyant le reste de l'équipe arriver dans le sillage de la guerrière enragée. Un grognement lugubre monte dans sa gorge lorsqu'elle nous rejoint, interrompu toutefois par l'intervention réprobatrice de Dren.

— Jack, Elia, j'espère que vous ne dérangez pas mes hôtes ! Allez donc vous tripoter ailleurs et laissez mes invités tranquilles. De sérieuses représailles vous attendent sinon.

Il accompagne cette mise en garde par un coup d'œil évocateur en direction d'Eleuia, l'air prête à bondir pour leur arracher la gorge, et de Sander, venu prendre Gillian dans ses bras sans lâcher de ses yeux glacials les fauteurs de troubles. Je hausse un sourcil devant l'attitude de la jeune femme, mais ne parviens pas à comprendre ses motivations profondes. Son esprit est obnubilé par la rage, rien d'autre ne m'est accessible.

Les dénommés Jack et Elia tournent les talons sans demander leur reste et partent s'isoler dans un coin reculé et sombre de la pièce. Mes muscles se décontractent un à un à mesure qu'ils plient bagage.

— Je suis désolé pour cette intrusion, mon mignon, intervient Dren. Je pensais que tu étais toujours parmi nous...

— Comment va Gillian ? m'informé-je plutôt en cherchant le regard de cette dernière.

— Sander veille sur elle, ne t'en préoccupe pas. Elle n'a été que très légèrement secouée par leurs phéromones.

Mon interlocuteur balaie l'air de sa main, comme pour écarter ce « petit incident sans conséquence ». Ces mots dansent dans sa tête et me hérissent au point de me faire pivoter rageusement dans sa direction.

— Ce n'était pas qu'un petit incident, grogné-je, le regard noir. Ce qui s'est produit aurait pu avoir de lourdes conséquences.

Il écarquille les yeux, surpris de m'entendre employer ces termes. Toutefois, je ne lui laisse pas le temps de répliquer.

— Ils auraient pu lui faire du mal. Ils étaient prêts à le faire si ça leur permettait de se retrouver seuls avec moi. Tous les moyens étaient bons pour.

Je fais un pas de plus vers lui, menaçant, ce qui a le mérite de le faire déglutir.

— Cette femme est mon amie, poursuis-je avec un geste pour la sorcière. Si quelqu'un ose la toucher, je ne me retiendrai pas. Si quiconque s'approche de trop près de mes amis ici présents ou de moi, je m'assurai que la personne en question paye au centuple. Est-ce bien clair cette fois ?

À à peine dix centimètres de son visage, je jauge la lueur de peur qui passe dans ses orbes clairs, puis le hochement de tête rapide et conciliant qu'il m'offre. Pour la première fois depuis mon arrivée à L'Emprise, notre hôte ne me voit pas seulement comme un beau gosse à la fragrance unique, ou comme un potentiel nouveau jouet sexuel. Il me prend au sérieux et a peur des menaces que je formule.

Je ne sais pas si c'est le contrecoup de ma montée de pouvoirs de ce matin, ou bien l'effet puissant mais hautement menaçant de cet endroit, mais je suis habité par une énergie froide et implacable qui circule à grande vitesse dans mes veines. Elle décuple mes sens, renforce mes dons, surtout celui de télépathie qui jusqu'alors se limitait au contact physique, ou presque. Là, en plus de me sentir gorgé d'un flux vif et galvaniseur, je parviens à décrypter les intentions profondes des personnes qui m'entourent.

Mes aptitudes ont passé un nouveau palier et il faut que j'y fasse attention.

Je recule lentement, sans quitter l'expression effarée de Dren du regard, puis inspire une grande goulée d'air. Mes nerfs sont mis à rude épreuve cette nuit, je me sens à cran. Je dois rester calme et maîtrisé.

Décidé à reprendre cette visite avortée – même si elle ne met pas en joie –, je vais pour suggérer cette idée à mes compagnons, lorsque je tombe sur des têtes ahuries. Tous m'observent avec de grands yeux, à la limite d'avoir la mâchoire décrochée. Je sens mes joues rosir lorsque je capte leurs pensées : ils sont ébahis, ébranlés par le numéro d'intimidation que je viens de leur jouer. Le Allan calme et réservé qu'ils ont l'habitude de côtoyer semble bien loin tout à coup. Ils ne s'attendaient pas à ça de moi et plus d'un est agréablement surpris par ce changement.

On dirait que mes dons ne sont pas les seuls à avoir évolué : ma personnalité en a pris un sacré coup aussi.

Je baisse les yeux sur le sol au moment où Sander m'adresse un clin d'œil et un sourire en coin, me racle la gorge pour réorganiser mes pensées, puis relève le menton.

— Bon... On devrait peut-être reprendre là où vous vous êtes arrêtés. Et peut-être que, par la même occasion, vous pourriez me parler un peu plus des incubes et succubes en général, pas seulement de ceux qui sont ici. Parce que très honnêtement, votre établissement ne m'intéresse pas...

Je ne parle qu'à Dren qui me regarde toujours avec stupéfaction. Il retient un hoquet à la fin de ma tirade, l'air choqué par mes propos.

— En attendant, je vous laisse ouvrir la marche, Dren, conclus-je sans m'attarder sur sa réaction exagérée.

Un nouveau moment de flottement s'installe après ma déclaration. Chacun garde ses prunelles médusées rivées sur moi. Gêné, je fais un signe de main pour céder le passage au gérant des lieux, afin que tout le monde puisse sortir de sa léthargie. Comme des automates, ils commencent à faire quelques pas en avant, mais pas un son ne s'échappe de leurs gorges durant de longues secondes. L'incube est le premier à briser le silence par une exclamation stupéfaite.

— Waouh... ! Mais quel homme !

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro