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Chapitre 19

Avachi sur mon lit, je retrace paresseusement les contours d'un de mes vieux dessins, rapportés de mon appartement par Sander. Il s'agit d'un projet personnel, un mélange chromatique de bleu et de vert censé représenter les profondeurs de l'océan. Essuyant mes mains tachées sur une serviette, j'inspecte mon travail et secoue la tête, insatisfait. Le fusain était un bon choix pour cette conception, mais le rendu est loin d'être assez parlant. J'ai tenté d'insuffler quelques touches de noir par endroits afin de marquer les abysses, cependant cela n'a pas pris. Je ne suis pas satisfait de ce dessin. Ni assez terrifiant, ni assez vivant, il mériterait d'être repris de zéro.

Je le repousse sur un coin de ma couche et m'apprête à saisir une feuille vierge, lorsque mon œil est attiré par une esquisse que j'ai sciemment dissimulée sous mes cartons à dessins. Un des bouts dépasse et me donne envie de tirer dessus pour la découvrir. La feuille cartonnée n'est pas très remplie, le maigre dessin à trait que j'ai réalisé est loin d'être fini, mais il me paraît assez prometteur et... réaliste.

Mus par une volonté qui leur est propre, mes doigts s'emparent d'un crayon à papier bien taillé et s'attardent ensuite sur les lignes figées qui composent les lèvres pulpeuses d'Eleuia. Je sais, je m'étais juré de m'empêcher de la dessiner afin d'éviter qu'elle devienne plus obsédante qu'elle ne l'est déjà. J'avais réussi à tenir ce pari risqué jusque-là... Mais hier, quand mon mentor m'a ramené tout mon nécessaire à dessin en plus du reste de mes affaires, je n'ai plus su résister. Mes pinceaux, mes crayons, mes fusains... l'ensemble me narguait depuis sa boîte, posée sur mon bureau. Et cette nuit, après un énième rêve où la belle hybride m'est apparue, plus sensuelle que jamais, j'ai bondi de mon lit et attrapé cette feuille pour y coucher ses traits.

Je soupire tout en touchant les zones de son visage qui sont parachevées. À défaut de pouvoir le faire en vrai, je caresse ainsi la rondeur du haut de ses joues puis descends vers l'arête de son menton plus creuse et plate. J'inspecte les ombrages entre sa bouche tentatrice et son nez retroussé avant de longer l'aile droite de ce dernier, et d'arriver à la jonction de ses pommettes avec ses yeux. Les contours généraux sont faits, le bas du visage a été peaufiné il y a quelques heures avec de légères ombres par endroits. La chevelure noire et bouclée encadre parfaitement l'ensemble, et j'ai tenté de rendre sa texture aussi saisissante et brillante qu'en réalité. C'est peut-être l'élément dont je suis le plus fier pour l'instant : j'ai toujours imaginé les cheveux de la guerrière doux au toucher – plus doux encore qu'un duvet. C'est ce que dégage cette esquisse, je crois. Quand je la regarde en tout cas, j'ai la sensation qu'elle respire à la fois douceur et ténèbres, beauté et force, à l'instar de son modèle.

Enfin... disons qu'on s'en rapproche. Ce portrait pourrait vraiment évoquer tout cela, si je me résolvais à y ajouter de la vie dans ses yeux. Ils sont vides de toute pupille, de tout caractère pour l'instant. Je ne suis pas encore parvenu à les recopier ; je ne veux surtout pas me planter pour cette ultime partie. C'est la plus importante, la plus prenante, la plus profonde.

Eleuia a des yeux magnifiques, un regard trouble et si souvent indéchiffrable qu'il en devient captivant. Mille secrets se dissimulent derrière ses prunelles, des secrets dont je ne conçois même pas la portée, mais dont je rêve de pouvoir un jour en entendre les récits. On dit que les yeux sont le reflet de l'âme. Je ne doute pas que celle d'Eleuia soit plus complexe, intense, brûlante et brillante que ce que je lis déjà dans ses portails couleur charbon.

J'observe encore un long moment cette ébauche puis décide d'être sage et de la ranger : je dois travailler sur autre chose. Si j'ai bien la possibilité de montrer quelques croquis à Eleuia dans les jours ou semaines à venir, je dois avoir de la matière à disposition. Je crois toujours que ce serait une catastrophe si elle se rendait compte que je la dessine, alors autant ne pas tenter le diable et éviter de trop m'adonner à cet exercice.

J'éloigne donc le carton qui renferme la reproduction de la femme de feu et m'essaie à la réalisation de la façade du domaine de tête. Les contours prennent vite forme, le crayon est remplacé par les fusains pour marquer avec plus de netteté certains plans et coupes. Une bonne heure passe pendant laquelle je ne décolle pas le nez de ce nouveau croquis.

Je suis en train d'ajouter des touches de couleur claire sur les pierres apparentes lorsqu'un peu d'animation vient me distraire de ma production. Le son d'un pas, que je commence à bien reconnaître grâce mon ouïe surdéveloppée, traverse l'entrée du couloir et se répercute jusqu'à ma porte entrouverte. Gillian semble être seule et si vivement plongée dans ses pensées qu'elle les exprime à mi-voix, engendrant un petit sourire amusé sur mes lèvres.

« Il faut que je ramène ce livre à la bibliothèque, mais impossible de mettre la main dessus ! Où diable l'ai-je mis ? J'ai déjà regardé partout dans ma chambre... Même dans celle de Sander. Mais rien. »

Son grognement de frustration déclenche mon ricanement et me pousse à l'interpeller aussitôt.

— Détends-toi, Gill. Si c'est bien du livre sur la décoction de plantes médicinales dont tu parles, tu l'as prêté à Phileas la semaine dernière, la rassuré-je sur un ton badin alors que j'entends sa marche s'arrêter net à cent mètres de ma chambre.

Aucune réponse ne me parvient durant de longues secondes, puis ses foulées reprennent, plus précipitées que tout à l'heure. Elles la mènent jusqu'au seuil de mon antre, dans l'ouverture sommaire du battant, et mon regard tombe en premier sur l'écarquillement anormal de ses prunelles vertes.

— Comment... Qu'est-ce que tu viens de dire ? balbutie-t-elle en repoussant la porte avant de faire un pas à l'intérieur.

— J'ai dit que si tu cherches le livre sur les décoctions, il est sûrement en la possession de Phileas, répété-je avec indolence. Tu avais l'air un peu irritée de ne pas le trouver, alors je...

— Comment as-tu su que je cherchais un livre ? m'interrompt la sorcière, de plus en plus incrédule et troublée.

— Je viens de t'entendre en parler dans le couloir, réponds-je, les traits tout aussi figés que les siens à présent. Je sais que tu ne parlais pas non plus extrêmement fort, mais le son porte ici et mon ouïe n'est plus aussi faible qu'avant... Pourquoi ça a l'air de t'étonner ?

La blonde referme la bouche ne sachant visiblement plus quoi répliquer. Une expression de pure stupéfaction s'est peinte sur son visage de porcelaine et un sentiment d'inquiétude m'étreint soudain sans que je n'en comprenne la cause.

— Qu'est-ce qui ne va pas, Gillian ? Tu commences à me faire peur, là, m'exclamé-je avant de me lever pour me rapprocher d'elle.

À son niveau, je plaque mes mains sur ses épaules et tente d'établir un vrai contact avec la sorcière, mon regard préoccupé planté fort dans le sien.

— Gillian ? Hé, parle-moi s'il te plaît.

Elle ne se sent pas bien ? Je devrais peut-être aller chercher de l'aide... Sander ne doit pas être bien loin. Je la secoue doucement en l'appelant une nouvelle fois et un faible soulagement m'envahit lorsque son regard se fait plus clair et précis.

— Allan..., souffle enfin mon amie alors que je me penche sur elle. Je... je ne l'ai pas dit à voix haute, Allan. Je l'ai pensé.

Je me statufie sur place et repasse mentalement ces mots pour tenter de les intégrer. Car ils ne peuvent pas vouloir dire ce que j'ai cru comprendre. Ça ne peut pas signifier... Ou alors si... ?

Hébétés, Gillian et moi restons à nous dévisager durant de longues secondes encore, puis je retrouve enfin ma langue et parviens à formuler une phrase décousue et difficile :

— Ça veut dire... si j'ai vraiment entendu tes pensées... Non ?

— Tu as développé le don des sirènes, complète ma guide en battant des cils, ébaubie. C'est incroyable !

Je retiens une inspiration, choqué par cette découverte. Je viens d'entendre les pensées de mon amie, comme sont capables de le faire les sirènes, ces êtres descendants d'incubes et de succubes, voire de vampires. Je ne sais pas quelle attitude adopter devant ce fait accompli. Gill, elle, semble beaucoup moins perdue que moi. Un immense sourire halluciné dévore le bas de son visage et ses mirettes brillent, alors qu'elle s'exclame à nouveau :

— Peux-tu le refaire ? Peux-tu me dire à quoi je pense là, maintenant ?

— Je ne sais pas comment faire ça, bredouillé-je avec un signe de tête négatif. Pour moi, tu parlais à voix haute, je n'ai eu... qu'à tendre l'oreille, de la même manière que je le fais maintenant.

— Tu ne t'en es vraiment pas rendu compte alors ?

— Non. Pas du tout.

Je m'interromps un court instant et réfléchis à l'implication de cette particularité.

— C'est inquiétant, tu penses ? poursuis-je ensuite, les sourcils froncés. Que je ne m'en sois pas rendu compte ?

Avant que mon amie me réponde, je réalise d'un coup ce que je viens de dire : je m'inquiète plus du fait de l'anormalité potentielle de l'apparition de cette nouvelle aptitude, plutôt que de l'aptitude en elle-même. Il y a moins de trois mois de cela, j'aurais été totalement paniqué si j'étais parvenu d'emblée à lire les pensées. Je me serais cru plus fou encore que ce que je pensais déjà... Il semblerait donc que j'ai fait du chemin depuis.

— Je ne crois pas, déclare Gillian en me ramenant à notre préoccupation initiale. Un barrage semble avoir cédé dans ton esprit de façon tout à fait inopinée, ce qui explique sans doute l'absence de conscientisation immédiate.

— Je ne suis pas sûr d'avoir compris ton explication...

— Pour être plus claire, je pense que c'est la partie inconsciente de ton cerveau qui a débloqué le processus. Tu as cru que je parlais à voix haute parce que tu n'as pas pris conscience de ce phénomène. Si je ne te l'avais pas dit d'ailleurs, il y aurait eu de très grandes chances pour que cela se répète avec quelqu'un d'autre sans que tu ne comprennes encore une fois qu'il s'agissait de télépathie.

Un air rêveur se peint sur ses traits doux à la fin de son exposé, et une forme de malaise me prend lorsqu'elle me contemple d'un œil neuf. J'ai soudain l'impression d'être une bête de foire, impression que je m'empresse de partager avec mon interlocutrice sur un ton un peu froid et nerveux.

— Excuse-moi, Allan. Ça n'était pas mon intention.

— Si tu pouvais arrêter quand même, je me sentirais beaucoup mieux, notifié-je, les yeux au ciel devant son expression toujours époustouflée.

— Oublie cette histoire ridicule de bête de foire, dit-elle en balayant d'un geste mes réserves. Je suis impressionnée. Toutes les personnes vivant ici le seraient tout autant, tu sais.

— Mmh... Si tu le dis.

Mon scepticisme lui fait à son tour lever les yeux au ciel.

— Bon, tu veux bien réessayer de lire mes pensées, à présent ?

— On ne devrait pas plutôt informer les autres et Necahual ?

— Si, mais l'un n'empêche pas l'autre, réplique-t-elle, espiègle. Allez, s'il te plaît ! Je voudrais voir comment cette aptitude se manifeste maintenant que tu as compris que tu la possédais.

Je soupire devant son obstination un peu enfantine sur les bords, mais m'exécute tout de même. Je ferme les yeux et me concentre sur ma voisine, tente de faire le vide dans mon esprit. Ça facilitera peut-être la « connexion »...

Deux minutes passent sans que rien ne se produise. Je serre un peu plus fort les paupières, dans l'espoir de faire une différence, mais toujours rien.

— Peut-être qu'un contact physique pourrait t'aider ? propose Gillian lorsque je reviens sur son regard incertain.

— On peut toujours essayer, acquiescé-je en rapprochant ma main de son bras fin.

J'appose mes doigts sur l'articulation entre son épaule et le haut de sa clavicule, puis me replonge dans le noir, le cerveau aussi vide que possible. La chambre est seulement remplie par nos respirations calmes et profondes tandis que nous restons immobiles et silencieux. Les secondes, puis de nouvelles minutes s'égrènent ainsi, pendant lesquelles je ne perçois rien. Pas même un murmure lointain.

Ça ne devrait pas être permis d'être aussi nul et empoté. Allez, concentre-toi !

Bloquant ma mâchoire et penchant le sommet de mon crâne vers l'avant, je redouble d'efforts, à l'affût du moindre son, du plus faible chuchotis... Et soudain ça fonctionne. Enfin, pas tout à fait... Ce ne sont pas des sons ou des mots que je capte, ce sont des images.

Colorées, un peu floues aux encornures, elles donnent vie à des paysages qui me sont inconnus. Une grève de sable fin, une forêt touffue aux tons automnaux, une maison en pierre d'un autre temps... Ces quelques plans défilent vite et sans réelle logique dans ma tête. J'admire leurs formes, leurs apparences parfois trop indistinctes, puis cherche à me plonger plus loin encore dans les réminiscences de mon amie.

Je semble me trouver dans un pays étranger – une partie reculée de l'Angleterre peut-être ? – où la verdure et les vallées, ainsi que les récifs entourés par la mer, ont élu domicile. La côte, les bois, les terres... le panorama est riche, vivant. De vagues silhouettes anonymes, qui me tournent le dos et paraissent en plein travail à l'extérieur, complètent ces visions d'une ancienne époque qui me laissent pantois et admiratif.

Serait-ce là le pays d'origine de Gillian ? Seraient-ce les souvenirs de sa prime jeunesse, de sa vie auprès de sa famille ?

C'est extraordinaire ! Et plus je m'attarde à l'intérieur, plus les images deviennent nettes et gagnent en détails. Il faut que je creuse encore un peu. J'aimerais être sûr de...

— Je peux savoir ce que vous faites ?

La bulle qui s'était forgée autour de nous éclate brutalement sous cette exclamation extérieure, forte et incrédule. Je papillonne des yeux quelques secondes afin de chasser les méandres de l'esprit de Gillian de sur ma rétine, puis pivote vers la source de cette voix. La sorcière m'imite et nous tombons tous deux sur les prunelles glacées de Sander, qui effectuent des allers-retours inquisiteurs entre nos silhouettes.

Son regard s'arrête longuement sur un point entre moi et mon mentor, et je comprends en baissant les yeux dessus que le géant bloque sur ma main posée sur la jeune femme. Trop absorbé durant notre échange, je ne me suis pas rendu compte que mes doigts ont glissé de son cou et se sont logés en haut de sa poitrine, au niveau du cœur.

Une lueur féroce apparaît au fond des iris de mon guide au moment où ses poings immenses se referment sur ses paumes.

« Qu'est-ce que c'est que ce bordel encore ? »

Et merde. Problèmes en approche.

— Je peux te jurer que ce n'est pas du tout ce que tu crois, l'informé-je avec empressement et sur un ton implorant.

— Alors dans ce cas, lâche-la, me rétorque-t-il de sa voix d'un froid aussi polaire que son regard.

Je retire mes doigts, rouge de honte et de confusion. C'est la deuxième fois que Sander assiste à quelque chose jugé ambigu entre Gillian et moi. S'il ne me massacre pas cette fois-ci encore, je pourrai m'estimer être l'homme le plus chanceux de tout l'univers.

— Sander..., gronde la blonde en le foudroyant sur place. Tu as conscience d'être parfaitement ridicule, là ? Tes enfantillages commencent à me fatiguer. Laisse Allan tranquille et utilise ta tête plus de deux minutes pour une fois, avant de faire ou dire une chose que tu risques fort de regretter !

Le guerrier se renfrogne devant cette attaque et le visage ulcéré de la sorcière. L'un et l'autre s'observent en chiens de faïence un long moment et communiquent en silence, comme ils ont si souvent l'habitude de le faire lorsqu'un désaccord les divise. Si l'on met de côté leur colère et emportement, cette faculté de se comprendre sans un mot est prodigieuse et témoigne d'un véritable lien entre eux. Pour mes amis, la télépathie serait complètement superflue : au fond, ils se la sont réappropriée à leur manière.

Le berserker grommelle tout bas, une relative tension toujours présente dans ses larges épaules, puis il se décide à se maîtriser en soufflant comme un bœuf.

— Vous pourriez m'expliquer ce qui se passe quand même ? Tu avais l'air... absorbé, Allan.

Gillian roule les yeux, mais lui répond avec la même excitation que tantôt.

— Allan peut lire dans les pensées ! Il a surpris certaines des miennes alors que je marchais dans le couloir et a répondu à mes interrogations silencieuses.

— C'est pas vrai ! s'écrie Sander, ses prunelles rondes comme des soucoupes. Waouh ! Mais ça veut dire que tu développes toutes les facultés des différentes espèces !

Un franc sourire s'invite sur son long faciès, laissant vite entendre que sa mauvaise humeur est passée à la trappe.

— C'est formidable, Allan ! applaudit-il encore, le regard pétillant.

— Je ne le contrôle pas vraiment, articulé-je comme pour temporiser sa joie débordante. Je n'ai pas réussi à l'entendre une seconde fois...

— Mais quand tu m'as touchée, il s'est passé quelque chose, n'est-ce pas ? intervient la sorcière. J'ai vu ton visage se transformer. Tu paraissais si... émerveillé.

— C'est vrai. J'ai perçu des images, des fragments de ton passé en Angleterre, je crois. C'était très beau et coloré.

Mon amie penche la tête de côté et émet une petite grimace en fronçant son nez délicat.

— Je ne pense pas que ce que tu aies vu corresponde à l'Angleterre, m'explique-t-elle devant mon incompréhension. Je ne garde pas beaucoup de bons souvenirs de mon pays natal... Je l'ai plus souvent connu en temps de guerre que de paix.

— Oh... pardon, je ne voulais pas te rappeler de mauvaises choses, m'excusé-je, contrit.

— Ce n'est pas grave, Allan. Tu n'en savais rien.

— Qu'as-tu vu exactement ? rebondit le géant en se rapprochant de moi, curieux.

— La mer, une grande forêt, de petites maisons en pierre... Des vallées verdoyantes aussi.

Les traits de mon vis-à-vis se détendent et rayonnent soudain.

— Alors tu as dû avoir un aperçu de la Bretagne. Courant dix-neuvième siècle.

— Waouh... Ça m'a beaucoup plu en tout cas.

— C'est un très beau pays, assure-t-elle avec un hochement de tête. Ça te plairait vraiment, je pense.

— Alors tu as pu voir ses souvenirs ? interroge Sander en reprenant le fil principal de cette discussion. C'est incroyable. Prodigieux !

— Les sirènes savent aussi faire ça ? m'enquiers-je en les observant tour à tour.

— Pas à notre connaissance, avance la jeune femme tandis que son compagnon secoue négativement le menton. Mais nous ne sommes pas experts en sirènes, nous les fréquentons peu...

— Ce rendez-vous avec l'une d'entre elles devient urgent, fait remarquer le Scandinave, ses doigts épais portés à sa barbe.

— Tu as raison, Sander. Il faut accélérer les choses, cette fois.

— Il ne devait pas être prévu pour dans trois semaines ? lâché-je, incertain devant leur air déterminé.

— Ça c'était avant que tu deviennes télépathe ! explicite l'homme, une main plaquée sur mon épaule. Maintenant, cette rencontre va devoir être programmée le plus tôt possible.

— Allons demander à Necahual ce qu'il en pense.

Et d'un commun accord, mes deux mentors attrapent chacun une de mes épaules et me guident d'un pas rapide vers les appartements de notre hôte. J'ai à peine le temps de réagir ou de me ressaisir après cette extraordinaire découverte que nous sommes déjà en la présence du Maya, et que mes amis ont tôt fait de lui exposer la situation. Le patriarche les écoute attentivement et m'observe de ses iris scrutateurs et brillants tout du long. J'ajoute quelques rares éléments pour alimenter leurs propos, notamment le fait que j'ai entendu de manière fortuite le cri de rage interne du berserker, mais guère plus. Je me sens intimidé devant l'homme sage, d'autant plus alors que mes acolytes s'extasient longtemps, trop longtemps, sur mes nouveaux talents...

Heureusement, le flot de leurs paroles se tarit enfin, laissant la possibilité à Necahual de s'exprimer et de donner ses impressions.

— C'est tout à fait remarquable, Allan, je ne peux qu'être d'accord avec vos amis ! Et évidemment, cette nouvelle exige un remaniement immédiat de nos plans, à commencer par avancer votre entrevue avec Amada.

Un sourire apparaît sous sa barbe fournie tandis qu'il marche jusqu'à moi.

— Je vais lui téléphoner et voir si nous ne pourrions pas convenir d'un rendez-vous dans les jours prochains. Il faudrait qu'elle puisse vous apprendre tout ce qu'elle sait de son peuple, de ses pouvoirs, et cætera.

— Où se trouve Amada en ce moment ? l'interroge le Norvégien.

— À son siège, à San Francisco.

— En avion, il nous faut deux bonnes heures pour y arriver. Si l'on prend le prochain trajet, on pourra y être pour le dîner.

— Paix, Sander, paix ! lui intime le chef, les bras en l'air. Laissons au moins le temps à notre sirène de nous donner une réponse avant de lui sauter dessus sans même nous être annoncés.

Sander branle du chef et calme son ardeur. Le vampire lui sourit avec bienveillance puis s'adresse à nouveau à nous tous.

— Je vous laisse patienter dans l'antichambre à côté. Je viendrai vous prévenir dès que j'aurai terminé.

Aussitôt dit, aussitôt fait : nous refermons la porte de son bureau derrière nous et patientons assis sur les chaises mises à notre disposition. Notre attente est toutefois vite interrompue par l'arrivée surprise d'Eleuia, et la jeune femme semble tout aussi étonnée de nous voir là.

— Qu'est-qui vous amène dans le bureau de mon père ?

— Nous avions une chose assez importante à lui annoncer, lui répond la sorcière.

Mon pouls s'emballe dans mes veines tant à cause de la raison de notre venue et des derniers événements, qu'à cause de sa présence à elle.

— Quelle chose importante ?

Son regard soyeux glisse sur moi, comme dans l'attente que je lui donne la réponse. Mais évidemment, ma capacité à parler se bloque au fond de ma gorge et mes mains deviennent moites de nervosité. Dire que je pensais avoir fait des progrès, quelques jours plus tôt...

— Allan semble être télépathe comme les sirènes, en plus du reste, dit mon ami en venant à mon secours. Il est, sans doute possible, relié à cette espèce-là aussi.

Un effarement sans commune mesure se peint sur le visage angélique de l'hybride devant moi, une des nombreuses expressions que je ne l'avais jamais vue arborer jusqu'à présent. Ses yeux d'onyx reviennent sur moi et me dévisagent si longuement que ma peau commence à me brûler.

— Six espèces... Humain, vampire, berserker, sorcier, incube... et maintenant sirène.

Ses paroles ne sont qu'un souffle incrédule, un murmure trop aberré et aberrant pour être prononcées d'une autre façon. Nous ne nous quittons pas du regard et j'entrevois brièvement dans le sien toute la confusion, toute la stupéfaction que lui inspire cette révélation. Plus personne ne trouve rien à dire durant ce moment suspendu dans le temps... jusqu'au retour sonore de notre aîné à tous.

— L'affaire est réglée.

La porte ouverte laissant passer son corps massif, Necahual pose ses prunelles marron sur nos silhouettes figées, un sourire satisfait aux lèvres.

Vouspartez demain, mes très chers. Tous les quatre.

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