Chapitre 17
Le retour de la sorcière blonde, quelques minutes plus tard, est une nouvelle mine d'informations : son appel téléphonique l'a transportée, au point d'être presque méconnaissable lorsqu'elle débute son laïus.
— Maddy, l'une de mes amies sorcières, a été formelle : cette tante dans l'arbre d'Allan, Sylvia Cameron, était bien une succube. Une femme épatante et au sens de l'humour corrosif, d'après Maddy. Mais le point le plus intéressant qu'elle a soulevé, c'est que cette Sylvia a donné naissance à une fille, dans les années 10 : une sirène nommée Azela ! Une sirène, vous vous rendez compte ?
Je ne l'avais jamais vu aussi survoltée. Ses deux billes vertes grandes ouvertes passent plusieurs fois sur nos têtes ahuries, avant de revenir sur la paperasse un peu chiffonnée entre ses doigts.
— Tu es apparenté avec cette espèce aussi ! s'exclame-t-elle encore en me sondant. Ça ne me veut pas forcément dire que tu vas développer leurs aptitudes, mais ça n'en reste pas moins incroyable. Je ne sais même pas s'il existe d'autres cas comme le tien, ça doit être tellement rare !
Son regard brille de curiosité et d'émerveillement. Comme nous autres, elle ne s'attendait pas à ce genre de découvertes et le jeune Reun près d'elle semble être tout aussi ébahi.
— Je suis sûr qu'il n'y a aucun précédent, Gillian ! C'est trop dingue et extraordinaire pour que ce soit le cas.
— Et il semblerait que cette même Azela ait eu un ou deux enfants, il y a quelques décennies. Elle leur a donc transmis ses gènes, tout comme tes autres parents, ainsi le brassage a continué son œuvre et t'a doté, au final, d'un riche, très riche, patrimoine génétique.
— Il n'y a pas de traces récentes de ces cousins et tante, par hasard ? m'enquiers-je, dans l'espoir de pouvoir enfin rencontrer quelques membres de ma famille.
— Rien depuis ces vingt dernières années. Toutefois, cela ne veut rien dire : il est très fréquent, pour ne pas dire constant, que nous prenions des noms d'emprunt lorsque nous déménageons. Il est fort probable que ces proches l'ait fait pour ne pas trop attirer l'attention.
— Azela n'est pas un prénom très commun, ajoute Sander, dans la même tentative de réconfort.
J'adresse un sourire plus sincère à mes deux amis et me redresse vivement à leur entente, décidé à ne pas me laisser submerger par l'accablement. Ils ont sans doute raison : ces parents doivent couler des jours heureux dans une contrée lointaine. Ils ne sont pas forcément six pieds sous terre, comme mes parents et mes autres aïeuls. Je ne suis peut-être pas seul et je dois m'accrocher à cette éventualité. Après tout, l'espérance de vie des surnaturels est bien supérieure à celle des humains !
Mes mentors proposent que nous approfondissions les recherches avec le concours de Necahual et d'autres aides aux relations fournies, suggestion qui me semble très bonne. Par la suite, Gillian s'informe sur mon lien avec les berserkers, si quelque chose est ressorti.
— Aucune certitude pour l'heure. J'ai sollicité quelques amis pour en savoir plus.
— Tu as des pistes alors ?
— Deux ou trois, oui, affirme le colosse avec un hochement de tête. Plus qu'à attendre leur réponse, à présent.
La sorcière nous offre ensuite de nous arrêter là pour la journée, histoire de recharger les batteries. Nous acquiesçons à l'unisson et commençons à débarrasser la table de travail surchargée. Une fois tous les livres remis à leur place et les chaises sagement rangées en cercle, nous marchons jusqu'à la porte et passons le battant, nos esprits encore orientés vers nos trouvailles du jour. Je suis toutefois vite interrompu dans mes divagations silencieuses par la main de Gillian posée sur mon épaule.
— Je suis désolée Allan, mais le repos devra attendre un peu te concernant. Tu as une leçon de contrôle du feu dans dix minutes, me prévient-elle avec un rictus un peu penaud.
— Oh ! Mais...
— Je sais, elle n'était pas prévue avant demain matin, me coupe ma guide avec douceur. Il y a eu un petit changement de dernière minute.
— D'accord, ce n'est pas grave, bredouillé-je sans réfléchir.
Je tire sur l'arrière de mon crâne, pris au dépourvu. Moi qui rêvais de décortiquer minutieusement l'arbre généalogique qu'ont monté mes amis, c'est loupé. J'aurais aimé me pencher dessus, au coin du feu, dans la salle à manger ou l'un des nombreux salons de détente, plutôt que d'aller prendre une nouvelle leçon. Je suis bien tenté de négocier un peu avec Gillian pour la reprogrammer à demain, quitte à lui faire des yeux de chien battu pour l'amadouer, mais je finis par vite abandonner l'idée. Ce déplacement de cours n'a pas dû être fait pour rien. Mon amie a visiblement autre chose de prévu et ne pourra donc pas l'assumer en temps et en heure voulus.
— Où devons-nous nous rendre pour cela ? enchaîné-je alors, mes pieds tournés naturellement vers l'aile nord, là où nous avons l'habitude de travailler ensemble.
— Tu es attendu dans la salle d'entraînement de l'aile ouest, me répond la jeune femme. Tu devrais prendre le corridor des armes si tu ne veux pas être en retard.
— Attends, comment ça je suis attendu ? Ce n'est pas toi qui assures le cours ? insisté-je, de plus en plus surpris et dérouté.
Un sourire badin passe sur ses traits alors qu'elle me désigne du menton le couloir à ma gauche.
— File, Allan. Bon cours !
Elle me plante là, sans plus d'explications. Ses pas allègres la mènent sur les traces de nos acolytes tandis que j'écarquille les yeux de confusion. Qu'est-ce qui se passe encore ? C'était quoi ce numéro ? Pourquoi tant de mystères autour d'une simple leçon de sorcellerie ?
Et surtout, si Gillian ne me fait pas cours, qui s'en charge ?
Abasourdi, j'effectue le chemin qui me sépare de mon lieu de rendez-vous mystère dans le flou. Je me creuse les méninges pour deviner qui peut bien m'attendre dans cette pièce, mais aucun nom ne me vient. Elias, le sorcier avec qui j'ai eu quelques cours, n'est pas au domaine durant le mois entier, et en dehors de lui, je ne connais pas vraiment d'autres sorciers ou sorcières.
Pas un bruit ne fuite de derrière la porte lorsque je me poste enfin devant. La galerie est elle aussi silencieuse ; en dehors des battements un peu plus rapides de mon cœur et de mon souffle irrégulier, il n'y a rien à entendre ici. Pas de souffle d'air en trop, aucune présence manifeste... Tout est tranquille.
Mais alors pourquoi sens-je comme un affolement étrange monter en moi ?
Je ne suis pas en situation de danger, j'aurais perçu une menace si ç'avait été le cas. Je ne me sens pas non plus stressé ou angoissé à l'idée d'avoir un nouveau professeur, juste étonné par cette initiative qui sort de mes habitudes bien rôdées depuis mon arrivée. Ce n'est donc pas cela qui me met en émoi. C'est quelque chose d'autre que je ne saisis pas encore, mais qui se manifeste dans mes pulsations cardiaques... Quelque chose d'intense, de fort qui me rappelle ce que je ressens quand...
Ma pensée ne va pas plus loin, l'élan de mes membres prend le relais et me pousse à m'engouffrer dans la salle sans plus tergiverser. La lumière diffuse de l'intérieur me laisse entrapercevoir une silhouette de dos, fine et élancée. En la reconnaissant, le bond que réalise mon palpitant dans ma poitrine aurait presque pu le loger dans ma gorge, tant il est violent. À la hauteur du bouleversement que la femme présente devant moi m'inspire.
Eleuia, ses cheveux libres et plus sombres encore que sa tenue, se tient juste là, à quelques mètres de distance. Elle se tourne vers moi et braque ses prunelles plus noires que l'encre dans les miennes. Elle m'analyse un moment et ne délaisse pas notre échange, même quand je lui rends la pareille. La déchirure ardente qu'occasionne sa vue se réveille et se répand dans mes entrailles. J'en ai parfaitement conscience, la ressens jusque dans le plus infime recoin de mon être, mais je tiens le choc. Rendu plus fort et plus endurant, je ne la laisse pas me contrôler, j'apprends à l'accepter... Le plus difficile restant de devoir supporter les cris et autres suppliques à l'intérieur de mon crâne : avec eux, je n'ai aucun répit ni aucune réelle maîtrise.
Alors, comme pour lutter contre, bon gré mal gré, je serre mes poings le long de mes cuisses et leur refuse leurs exigences, comme celles de me rapprocher ou de la toucher. J'expulse l'air de mes poumons à travers mon nez, le plus lentement possible, tandis qu'Eleuia ne dit toujours rien, ses orbes sérieux accrochés aux miens.
L'ambiance qui règne entre nous n'est plus aussi légère que celle qui nous enveloppait dans les escaliers. Une nouvelle forme d'électricité circule, différente aussi de celle qui passait entre nous lors de nos premières rencontres. Quelque chose que je ne m'explique pas semble avoir changé, évolué, et la partie indomptable de mon être paraît le comprendre et le ressentir désormais. Cela a pour conséquence d'augmenter le volume sonore des glapissements de ma voix interne, menaçant ainsi de me rendre sourd à toute autre parole.
Respire, respire... Trouve une distraction quelconque avant de faire ou de dire une vraie connerie devant elle.
Aussitôt cette pensée formulée, je réussis à baisser les yeux de quelques centimètres loin de son regard hypnotisant et remarque enfin le reste de mon environnement. Cela commence déjà par l'objet brillant que tient la jeune hybride dans sa main droite : une bougie blanche allumée. Puis mon champ de vision s'étend par degré et capte donc les centaines d'autres petites lumières placées çà et là. Toutes de cette même couleur immaculée, j'observe leur flamme vaciller allègrement de droite à gauche, poussées par le souffle d'air alentour. Tantôt disposées par terre, tantôt sur les quelques meubles de la pièce, elles la tapissent et l'englobent d'une lumière tamisée que j'ai été incapable de remarquer à mon entrée.
Éberlué, je tourne sur moi-même, tente d'estimer leur nombre, mais abandonne bien vite. Je me replace devant Eleuia, la bouche entrouverte sur une question.
— Pourquoi y-a-t-il autant de bougies ici ? À quoi cela rime ?
— Elles vont nous servir pour ta leçon, réplique la guerrière en déposant son bien sur une commode.
— Ma leçon ? Tu veux dire que... le cours de contrôle du feu doit se dérouler avec toi ?
— C'est exactement ça, oui.
Soufflé, je prends quelques précieuses secondes pour réfléchir à mes prochains mots et pour régulariser la montée d'adrénaline dans mon organisme.
— Je croyais que tous mes cours de sorcellerie étaient gérés par Gillian, plus rarement par Elias lorsque Gill doit s'absenter ou est retenue ailleurs.
— C'est également exact, assure-t-elle à nouveau dos à moi, en train d'arranger l'espace. Toutefois, l'entraînement d'aujourd'hui est un peu particulier.
— J'ai déjà eu un enseignement sur la maîtrise de cet élément, rappelé-je, toujours aussi déconcerté.
— Et d'après Gillian, tu t'en sors à peu près bien. Mais pour un être comme toi, « à peu près bien » est insuffisant.
— Un être comme moi ?
— Un hybride. Dont la filiation aux sorciers est certaine, m'explique-t-elle. De ce fait, le contrôle des éléments naturels ne doit pas se borner à un « à peu près bien », il doit aller bien au-delà de ça.
Je scelle mes lèvres à cette réponse, interdit et troublé. La sorcière blonde a toujours semblé satisfaite de mes exploits et de mon avancée dans nos leçons, mais peut-être qu'Eleuia a raison et que ce que je sais faire n'est pas suffisant ? Peut-être que Gillian s'est montrée trop... magnanime et patiente avec moi, au point de ne pas oser m'en demander plus ou de ne pas avoir passé une nouvelle vitesse, un nouveau cran dans son apprentissage.
Je devrais sans doute être capable de bien plus encore parce que je suis un hybride 3.0 et que c'est visiblement ce que l'on attend de moi. Je suis censé aller plus loin que n'importe qui, je suis censé savoir m'approprier les dons et pouvoirs de quatre ou cinq espèces différentes. Je suis censé devenir une sorte de champion pour mes amis... Celui qui saura combattre à leurs côtés et les protéger devant le danger. Celui qui ne restera pas à la traîne et qui réussira à se faire une vraie place dans leurs rangs quand l'heure sera venue.
Je veux me sentir utile et fort. Être leur égal... voire être au-dessus d'eux. Pas par vanité, mais par nécessité. Je leur dois tout : un foyer, une nouvelle connaissance de moi-même et du monde, une protection, une famille... Je veux être à la hauteur de tout ce qu'ils m'ont offert sans concession et parvenir à le leur rendre avec des intérêts. Apprendre que ce que j'ai mené jusqu'à présent est loin d'être suffisant... m'ébranle profondément.
Je pivote un regard implorant dans la direction de la combattante aguerrie, et formule une nouvelle requête.
— Dans ce cas, j'aimerais vraiment faire mieux, et si tu es prête à m'aider, je t'en serai reconnaissant.
La brune, de biais à moi, suspend son geste dans les airs et marque un temps d'arrêt. Elle glisse ses iris surpris dans les miens, l'air incrédule. Je n'ai pas le temps de m'interroger plus avant qu'elle acquiesce à mes propos, et que de nouveaux mots se bousculent sur ses lèvres rondes.
— J'en ai bien l'intention, crois-moi.
— Mais pourquoi maintenant ? rebondis-je sans la lâcher du regard. Pourquoi... pourquoi es-tu là de ton plein gré pour m'aider ?
Un peu tremblant, j'attends dans la peur et l'impatience sa réponse à ma question osée que je n'ai pas su retenir. Elle m'a échappé, tant elle m'obsédait l'esprit depuis que j'ai aperçu ses prunelles d'onyx. Qu'est-ce qui la motive soudain ? Qu'est-ce qui a changé en elle, en moi, pour qu'elle décide de laisser un peu en retrait son côté froid et intouchable ? Pourquoi, depuis notre rencontre dans les escaliers aujourd'hui, est-elle si... aimable et patiente avec moi ?
Sa bouche s'incurve brièvement vers le bas alors qu'elle paraît réfléchir à une formulation de réponse. Ses yeux rencontrent un instant les miens avant de s'en détourner, et c'est en se fixant sur un point derrière moi qu'elle parvient à s'exprimer.
— Pourquoi pas... ?
Son ton est impénétrable, ce qui décuple ma curiosité. Elle secoue la tête, comme si elle avait elle-même du mal à croire en ce qu'elle dit, puis elle récupère bien vite son dynamisme et sa prestance légendaires.
— Bon, on va pouvoir commencer !
Totalement face à moi cette fois, Eleuia retire sa veste en cuir et retrousse un peu les manches de son haut, laissant ainsi apparaître ses avant-bras fins et couleur caramel.
— En tant qu'hybride issue de vampire et sorcière, Gillian et moi avons trouvé pertinent que je gère aussi quelques leçons de sorcellerie, poursuit-elle.
Sa main gauche s'ouvre durant ces informations, paume vers le haut, et une des flammes à quelques mètres de là se place à l'intérieur.
— D'autant plus que j'ai développé une affinité très spéciale avec le feu, conclut la belle femme en baladant l'étincelle entre ses doigts, un fin sourire sur la bouche.
Je lui renvoie ce dernier et effectue un pas vers elle.
— Je croyais que l'ensemble des sorciers et sorcières savait apprivoiser tous les éléments, sans exception.
— C'est vrai, mais je n'ai pas dit que je ne contrôlais pas les autres. J'ai dit que j'avais une affinité particulière avec l'un d'eux, souligne Eleuia en refermant la paume de sa main, ce qui fait s'éteindre la flamme.
— C'est possible, ça ?
— Disons que ce n'est pas une généralité... Je ne connais qu'une poignée de sorciers à travers le monde qui ont développé cette aptitude en plus.
— Et qu'êtes-vous capables de faire en plus, par exemple ? l'interrogé-je, brûlant de curiosité.
Rivé sur son visage d'ange, mon regard détaille sa mine à la fois satisfaite et ombrée de mystère. En une seconde toutefois, elle efface son sourire, tourne sur elle-même et avise les nombreuses bougies qu'elle a placées. Ses prunelles les sondent rapidement avant de revenir sur moi, pleines de sérieux, puis l'incroyable se produit soudain : l'ensemble des timides lueurs triple de volume, plus incandescentes que jamais. Les yeux écarquillés, je regarde les flammes se dévorer, s'alimenter, puis croître jusqu'à devenir un seul et même feu au-dessus de nos têtes.
Le brasier continue de s'élever, implacable et mortel, et augmente ainsi la chaleur ambiante d'une dizaine de degrés. La sueur s'invite sur mon front, dégouline dans mon dos tandis que je jauge, légèrement effrayé, l'espèce de danse macabre qu'effectue ce mélange vertigineux de rouge et d'orange. Ce dernier reste un long moment en suspension dans l'air, s'enroulant à l'infini sur lui-même, prenant lentement l'apparence d'un serpentin géant qui menace à tout instant de s'effondrer sur ses victimes. Nez redressé, j'admire, empli d'émerveillement et de crainte, l'étendue des pouvoirs de l'hybride devant moi.
L'intéressée, elle, ne me quitte pas des yeux durant sa prestation, comme si ce qu'elle effectuait ne lui demandait pas d'effort réel. Éclairée par ce flamboiement époustouflant, des reflets de feu s'allument dans ses cheveux, mais aussi dans ses iris sombres. Cela révèle un éclat de malice pur qui accélère mon rythme cardiaque.
Eleuia semble... s'amuser. Elle tire beaucoup de plaisir de cette démonstration. Elle change d'attitude, paraît moins sur la réserve et plus libérée. Un simple mouvement gracile de ses doigts, et voilà l'incendie projeté au sol, rampant, tel un long serpent, autour de sa silhouette. La guerrière observe son œuvre, appréciatrice et souriante, plus détendue que jamais... Et cela déclenche un soubresaut dans ma poitrine.
Elle est belle. Gracieuse. À couper le souffle, auréolée ainsi de cette lumière.
Il ne manquerait plus qu'un léger éclat de rire joyeux pour parfaire ce magnifique tableau et la rendre plus désirable encore.
Tu te sens enfin tomber, ça y est ?
Cette pensée s'imprime au fer rouge dans mon esprit, active un nouvel élan fiévreux en moi. J'avale ma salive et opine discrètement du chef, le regard fixé sur la créature brillant littéralement de mille feux.
Il était temps...
Mais je la connais à peine... Et le lien fait que...
Ce n'est pas que le lien cette fois, et tu le sais très bien. C'est différent. C'est tout aussi puissant, mais c'est différent.
J'expire une goulée d'air tremblante, le palpitant à mille à l'heure. Ma voix interne a raison : ce n'est pas que le lien. Ce dernier a toujours eu une volonté propre, me faisant comprendre qu'il est la chose la plus imprévisible et hors des limites qui soit. Je ne pourrai jamais le maîtriser ni le comprendre réellement. Dès qu'il s'est déclenché, il m'a privé d'une partie significative de mon libre-arbitre, ce qui explique pourquoi j'ai tenté de le combattre au début, à l'instar de ce qu'a fait Eleuia en s'enfuyant.
Mais aujourd'hui...
Maintenant que je sais mieux qui je suis, que je ne subis plus les affres de ma nature. Maintenant que j'ai accepté ce que nous sommes, Eleuia et moi, ce que nous sommes censés représenter l'un pour l'autre. Maintenant que je suis plus fort et entraîné... Je suis plus conscient de ce que je veux, plus éclairé sur mon fonctionnement. Ma vision interne est nette, mes émotions sont libres et non plus soumises qu'aux caprices du destin. Je retrouve ma clairvoyance, je suis plus en phase avec moi-même et ma lucidité.
Et lorsque je dévisage la splendide femme qui joue avec le feu sous mes yeux, je réalise que ce que je ressens pour elle n'est pas que programmé. Je comprends que mes sentiments ne sont pas que dictés par notre sang.
Aujourd'hui, je suis frappé en plein cœur par celle qu'elle est.
Aujourd'hui, je vibre pour la personne brillante, talentueuse et secrète qui me fait face.
Aujourd'hui, je suis tombé pleinement et consciemment amoureux d'Eleuia.
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