Chapitre 16
— Tu es sûr qu'il n'y a rien à faire pour qu'ils changent d'avis, Craig ? Ils ne peuvent pas tout me retirer comme ça...
Je souffle dans le micro de mon téléphone, une main accrochée dans mes cheveux.
— Je suis désolé, Allan. Vraiment désolé, s'apitoie mon collègue de travail à l'autre bout du fil. Ils ont compris la première fois, avec ton état de santé peu vaillant, mais cette fois...
J'étouffe un juron et lâche un coup de pied dans le mur en pierre devant moi. Une lézarde remonte sur ce dernier, mais je prête à peine une seconde d'attention à cet impair. Je suis déconfit et en colère, mais je ne peux pas dire que la surprise est grande. Cela me pendait au nez depuis quelques temps, malheureusement...
Je viens d'être officiellement renvoyé de mon travail ce matin, au travers d'un seul et glacial e-mail. Voilà déjà presque deux mois que je suis au domaine de Necahual, et bien que j'aie tout tenté pour calmer mes patrons et rester éloigné de Seattle, cette fois-ci mes tentatives d'excuses n'ont pas pris.
Craig a été mon intermédiaire ces derniers temps afin de le tenir au courant de ma « rémission ». Quelques brefs appels et messages m'ont aidé à apaiser un instant donc l'impatience de nos supérieurs.
— Merde ! Et qu'est-ce que je vais devenir moi ? Et mes auteurs ? Ils comptent sur moi..., me lamenté-je, une bile amère dans le fond de la gorge.
— Tes contrats ont déjà commencé à être réaffectés à d'autres collègues, murmure faiblement Craig, gêné de me dévoiler ces informations.
Je redonne un coup au mur devant moi, ulcéré. Ils nous traitent vraiment comme des machines interchangeables. Dans une semaine à peine, j'aurai déjà un putain de remplaçant au train où vont les choses...
— C'est pas vrai...
J'ai perdu mon travail.
Bien sûr, c'était loin d'être le poste idéal, mais c'est ce qui me permettait de gagner ma vie et d'économiser pour un jour réaliser mes projets plus ambitieux, comme devenir illustrateur à mon compte, ou même ouvrir ma propre boîte.
— Je suis désolé, Allan, répète encore mon collègue. J'aurais voulu faire plus, mais...
Je pince l'arête de mon nez et retiens une inspiration pour mieux supporter la puissante bouffée de stress et de rage qui tord mes boyaux.
— C'est bon, tu n'y es pour rien, Craig. Je te remercie pour ton soutien de ces derniers temps, réussis-je à souffler le plus calmement possible.
— Vraiment navré... J'espère que tu trouveras quelque chose de mieux ailleurs.
— Je te souhaite la même chose.
Un long soupir répond à mon vœu : Craig aussi n'en peut plus. Nous prenons ensuite congé l'un de l'autre, et une fois que j'ai raccroché, je développe des trésors de volonté pour ne pas exploser mon téléphone dans ma paume ou faire pire.
Je porte mon regard sur l'extérieur, dans l'espoir que le paysage enneigé et verglaçant détourne ma mauvaise humeur, cependant ce faible effort ne marche pas. Rendu plus à fleur de peau ces dernières semaines, cette nouvelle contrariété ne fait qu'ajouter de l'huile sur mon feu intérieur. La colère supplante tout, au point que l'idée de retourner à Seattle pour y arracher quelques têtes fait éruption dans mon esprit échauffé. Je ne ferais preuve d'aucune pitié et donnerais la leçon de leur vie à tous ces enfoirés prétentieux. Ils ne doivent pas s'en sortir à si bon compte !
Combien d'autres personnes comme moi ont dû subir leur manque d'empathie et de compréhension ? Combien d'entre elles ont été traitées avec cette même absence d'égard ? Qui sont-ils eux, pour nous rabaisser ainsi et se débarrasser de nous en un claquement de doigt ?
Ils sont complètement fous s'ils croient que je vais les laisser s'en tirer comme ça ! Ils doivent souffrir autant que nous. Ils doivent comprendre qu'il y a toujours un retour de bâton, surtout lorsque l'on se croit intouchable. Je vais leur montrer ce que ça fait de se sentir impuissant devant un être supérieur qui...
— Qu'est-ce que tu fais là ?
Je sursaute et me retourne brusquement en entendant cette question lancée d'une voix claire mais sèche. Emporté par mes terribles divagations, je n'ai pas perçu l'arrivée d'Eleuia dans les escaliers. Ses yeux d'onyx balayent ma personne et les alentours, à la recherche d'une réponse avant que je la lui donne, et s'arrêtent une seconde de plus sur le téléphone que je serre toujours en main. Ses sourcils se froncent puis ses prunelles remontent dans les miennes, interrogatrices et légèrement agacées, comme à chaque fois qu'elle doit me regarder.
Je cille plus d'une fois, échappant à la brume de fureur qui m'enveloppait pourtant avec ferveur, et détaille sa silhouette fine et vêtue de son éternel pantalon en cuir et de son haut couleur rouge sang. Seule sa cape ne fait pas partie de son attirail habituel aujourd'hui, signe qu'elle n'a aucune sortie importante de prévue dans la journée. Ses longs cheveux noir corbeau sont lâchés et semblent aussi figés dans son dos que le reste de sa posture. Elle est tendue, comme sur le qui-vive. Les traits de son visage demeurent impénétrables devant moi. Aucune moue ne vient déformer ses lèvres charnues, tandis que son regard conserve sa lueur de questionnement.
— Réponds-moi : qu'est-ce que tu fais ici ? me relance-t-elle sans bouger du haut des marches.
Je secoue la tête et me racle la gorge avant de formuler un début de réponse peu convaincant.
— Je viens de...
... M'imaginer assassiner mes employeurs dans un accès de rage.
— ... Raccrocher avec l'un de mes collègues. J'ai été viré de mon travail ce matin.
— Oh.
Un simple souffle, une syllabe sortie sous l'effet de la surprise. Ses épaules s'affaissent un peu alors qu'elle descend une marche, et bien que je note cette particularité – on pourrait croire qu'elle est soulagée, comme si elle s'attendait à quelque chose de plus grave... – je n'en dis pas un mot et la laisse progresser vers moi.
— Je ne savais pas que tu avais un emploi, dit-elle, ses orbes plus calmes plantés dans les miens.
— C'était encore le cas hier. Je travaillais dans cette boîte depuis la fin de mes études, expiré-je en m'adossant au mur fragilisé derrière moi.
— Qu'est-ce qui s'est passé ?
Sur ces mots, elle imite mon geste contre la pierre froide. Je lui raconte alors dans les grandes lignes ce que je faisais, ce que j'attendais de cet emploi plus tard, de mes tentatives vaines pour garder ma fonction malgré ma défection inopinée. J'essaie de contenir mes élans colériques en lui expliquant que j'aurais voulu aller au bout de mes contrats avant de présenter ma démission, puisqu'au vu de ma situation je ne pouvais pas espérer continuer d'exercer là-bas, mais qu'on ne m'en a pas laissé l'opportunité.
Je suis frustré, en plein pic de non maîtrise sur mes émotions, et persuadé que mes clients et collègues doivent se dire que je suis un incompétent doublé d'un lâcheur.
Je parle à Eleuia un long moment, sans me retenir ou me censurer, et plus ma parole se libère, plus mon trop-plein d'aigreur s'atténue. Elle ne m'interrompt à aucun moment, attentive et silencieuse. C'est lors d'une pause dans mon discours qu'elle embraye sur ses propres réflexions, qui me laissent une seconde étonné et perplexe.
— Je ne savais même pas que tu étais illustrateur. Que tu savais dessiner.
La partie la plus instable en moi désirerait lui faire remarquer que ce n'est pas très étonnant, étant donné que jusqu'à présent elle a toujours tout fait pour me fuir et limiter nos contacts au strict nécessaire. Cependant, je la retiens : l'aubaine de me rapprocher d'elle se présente enfin, il est hors de question de la gâcher avec mes humeurs noires.
— C'est pourtant le cas, assuré-je. Il semblerait que j'ai une âme d'artiste.
— J'ai l'impression pourtant que tu ne dessines pas beaucoup. Je ne t'ai jamais vu un crayon à la main, insiste la jeune femme, sans forme de jugement en soi, mais avec énormément de sècheresse dans la voix.
— C'est vrai, articulé-je, la tête baissée. Depuis mon arrivée ici, je n'ai plus beaucoup travaillé mes dessins et commandes. J'ai essayé quelques fois, le soir dans ma chambre, mais...
— Mais quoi ?
— Quelque chose me retient, ou me manque peut-être, pour reprendre cette activité. Je ne sais pas ce que c'est, je ne comprends pas moi-même ce qui peut me bloquer. Mais c'est là. Je ne parviens pas à reprendre mes projets en cours ou en inventer de nouveau.
Ce que je n'ose pas lui dire et garde donc pour moi, c'est que la seule chose que je souhaiterais tracer au crayon, c'est elle. Ses lèvres, ses cheveux, son teint, ses yeux... je voudrais les croquer encore et encore, à l'infini, car ils m'obsèdent, – elle m'obsède –, tous les jours. Je n'ai toutefois jamais fait son portrait ; au fond de moi, je crains trop qu'elle tombe dessus un jour et que ça la rendre folle de rage. Je n'ai déjà pas beaucoup de points à mon actif, je ne tiens pas à perdre le peu que j'ai... Je veux qu'elle continue de me parler comme elle le fait, là. Oh, bien sûr, ce ne sont pas des échanges très chaleureux ni mêmes toujours cordiaux, cependant j'y tiens. Je m'y accroche même.
— Ça reviendra, m'exclamé-je encore, un fin sourire incertain sur la bouche. J'en suis sûr.
— Et que vas-tu faire pour ton travail ? Tu avais l'air assez remonté quand je suis arrivée, s'informe Eleuia, les bras croisés sur sa poitrine.
— Rien, il n'y a rien à faire, soupiré-je, ma tête dodelinant seule sous le coup de la déception. Je vais juste appeler mes anciens clients pour les prévenir... en espérant devancer la boîte sur ce coup-là.
— Je suis désolée, confie-t-elle après un nouveau silence. Même si ce travail semblait ne pas être tout rose, tes clients sont importants pour toi. Ça a l'air de vraiment te tenir à cœur.
— C'est le cas. J'ai l'impression de les abandonner, de n'avoir jamais été digne de leur confiance quelque part.
— Tu n'as pas choisi ce qui t'arrive, résonne la brune, les lèvres pincées. Tu ne pouvais pas prévoir.
— Je le sais bien... Mais entre savoir une chose et l'accepter, il y a une différence.
Les prunelles de la brune me vrillent. Elle paraît interpellée par mes paroles. Elle reste plusieurs longues secondes ainsi, sans rebondir dessus pour autant, et je sens mon cœur caracoler comme un fou dans le creux de ma gorge sous cette inspection soudaine. Quelque chose d'indéfinissable passe dans son regard obscur, et j'ai beau ne pas le comprendre, ma cage thoracique se serre lorsque mon palpitant loupe un ou deux battements.
— Si tu parviens à... retrouver l'inspiration, j'aimerais bien voir ce que tu fais, requiert-elle avec hésitation tout en rompant notre contact visuel. Enfin, si tu es d'accord...
— Tu voudrais ? vérifié-je, en tentant de réfréner la note d'espoir dans ma voix.
— Oui... Je n'y connais pas grand-chose en dessin ou en peinture, mais j'aime apprendre aux côtés de ceux qui savent, de ceux qui pourraient transmettre.
— Je ne suis pas non plus un grand expert, précisé-je toutefois, une main dans les cheveux.
— Tu es illustrateur professionnel, me rétorque-t-elle tranquillement. Tu as donc du talent et une vraie maîtrise des codes en termes de tracés et de couleurs. Tu ne ferais pas ce que tu fais sans.
— Oui, mais... Je ne voudrais pas te décevoir...
— Me décevoir ? répète la guerrière, perdue.
— Imagine que ça ne te plaise pas...
J'en mourrais.
Je me retiens de lever les yeux au ciel devant une telle extrémité. Peut-être pas non plus – je suis certain que cette femme causera ma perte, mais certainement pas à cause d'une chose aussi futile que le fait qu'elle n'aime pas mon travail –, cependant je ne nie pas que cela me ferait mal et ajouterait une autre épine dans mon cœur. L'opinion d'Eleuia m'est précieuse, trop pour mon bien-être même.
— Je ne vois vraiment pas pourquoi, assure-t-elle à son tour, les yeux écarquillés par une légère surprise. C'est absurde.
— Tu as raison, excuse-moi. C'était stupide, lâche-je promptement.
Arrête à présent, tu t'enfonces.
Je n'y peux rien si je perds tous mes moyens devant cette femme ! Je suis à peine l'ombre de moi-même en sa présence. Je ne sais jamais quand me taire, quand parler, quoi dire lorsque je trouve enfin ma langue, etc. Elle me déstabilise et dans mon plus grand malheur, je passe constamment pour un imbécile à ses yeux...
Le stress monte à nouveau, le feu fourmille dans mes joues tandis que je me racle la gorge et essaie de trouver quelque chose à ajouter pour sauver cette fin de conversation chaotique.
— Je, euh... Ce sera un plaisir de te montrer quelques-unes de mes esquisses, si tu en as envie. Tu n'as qu'à demander.
Peut-être n'est-ce qu'un tour de mon esprit, mais je crois voir frémir un instant la bouche ronde d'Eleuia, comme si elle réfrénait un début de sourire... amusé. Ses larges boucles sont dérangées lorsqu'elle secoue la tête de droite à gauche, et j'admire la brillance qu'elles dégagent sous la faible lumière solaire qui frappe leurs reflets. Eleuia redresse le menton et entrouvre les lèvres, prête à répondre à mon invite, je le sens, quand elle est interrompue par des bruits de pas dans le couloir sur notre droite.
Nos deux têtes pivotent dans leur direction et une pointe de dépit se fige dans ma chair en reconnaissant mes amis s'avancer vers nous.
— Hey ! On te cherchait, Allan, m'apostrophe le géant aux yeux de glace, avec un sourire.
— Oui, on a fait plusieurs découvertes intéressantes à la bibliothèque, enchaîne Reun près de lui. On voulait t'en parler au plus vite !
Je jette un coup d'œil à la guerrière cachée à leurs yeux dans le tournant des escaliers, et comprends bien vite que notre vague moment de connivence vient de prendre fin. Son beau minois se referme d'un seul coup, laisse transparaître une expression dure et impénétrable qui me fend le cœur. Je m'en détourne, chagriné, et observe d'un œil morne mes amis continuer à progresser.
— Qu'est-ce que tu fabriques seul dans ce couloir ? me lance Sander, de plus en plus près. Tu attends quelqu'un ?
— Euh...
Alors qu'ils sont enfin à mon niveau, c'est embarrassé que j'imite leurs va-et-vient oculaires curieux sur les alentours, mais il n'y a rien à voir. Aussi furtive qu'une ombre, Eleuia s'est éclipsée en quelques secondes.
— Personne, réponds-je au final, en refoulant le sentiment de déception qui m'oppresse. J'étais au téléphone juste avant que vous arriviez, en fait.
— Rien de grave j'espère ? s'enquiert mon interlocuteur, les sourcils un peu froncés.
— Eh bien, je suis viré depuis ce matin...
— Oh, non ! Je suis vraiment désolé pour toi, vieux ! s'exclame Reun avec sympathie. C'est moche, ça.
Son bras presse mon épaule dans un geste de réconfort. Je lui adresse un petit sourire pour le remercier, puis me tourne une nouvelle fois vers mon guide, ses traits froissés par la contrariété. J'essaie de le rassurer et d'éviter qu'il ne s'inquiète trop pour moi en affirmant que je trouverai un moyen de poursuivre mon métier.
Mon mentor me décoche une œillade compatissante, conscient du coup dur qui vient de me tomber dessus. Toutefois, je préfère ne pas m'appesantir pour l'instant sur cette déconfiture et choisis de changer d'angle de discussion.
— Alors comme ça, vous aviez des choses à me partager ? Dois-je comprendre que cette séance de recherches a été plus fructueuse que les précédentes ?
— Carrément, même ! On a enfin retrouvé la trace de tes arrière-grands-parents ! se réjouit le jeune berserker. On les a !
— Waouh ! Ce n'était pourtant pas gagné avec les maigres documents que l'on avait récoltés, fais-je remarquer, admiratif. Cela a dû vous prendre des heures.
— Le principal c'est que notre acharnement a fini par payer.
— Tu veux voir ? m'invite encore Reun, le buste déjà tourné en direction de l'aile sud.
— Je vous suis.
Nous nous rendons donc jusqu'au lieu de travail de prédilection de ces dernières semaines. La bibliothèque baigne dans les rayons du soleil réconfortants et chaleureux. L'exposition plein sud enraye la froideur hivernale qui sévit à l'extérieur de ses murs. Les garçons me mènent à l'étage et pestent une seconde devant le bazar éparpillé sur leur table. Plusieurs livres et feuilles volantes la recouvrent, et un ordinateur dernier cri trône sur une des chaises.
— Il faudrait vraiment qu'on apprenne à être aussi organisé que Gillian, marmonne Reun en poussant çà et là quelques documents. Tu verrais son bureau, Allan ! Il est quasi immaculé, rien n'en dépasse.
Je souris, pas étonné pour un sou. Gillian est la personne la plus soignée que je connaisse.
— Installe-toi là, si tu veux, m'invite mon mentor, sa main tendue vers le siège à son côté. On va te montrer ce que l'on a récolté.
Différents papiers passent sous mes yeux, accompagnés des commentaires éclairés de mes comparses. Ces derniers m'informent ainsi que plusieurs de mes aïeuls étaient vampires ou dhampires, qu'un autre appartient au clan des sorciers, et qu'une grande tante, elle, pourrait bien être une succube. Certains de ces éléments méritent quelques éclaircissements – Gillian est d'ailleurs sur le coup, à téléphoner à droite à gauche pour les vérifier –, mais mes acolytes sont convaincus. Ma nature et mes gènes ne sont plus à prouver pour eux. Le surnaturel fait partie de moi depuis des générations et ce constat me donne un instant le tournis.
— Waouh. Je ne m'attendais pas à ça lorsque l'on a commencé ces recherches, confessé-je, un peu dérouté par toutes ces révélations.
— Nous non plus, reconnaît également le guerrier dans un étirement. C'est un début plus que prometteur.
— Comment c'est possible ? soufflé-je plus pour moi-même que pour lui.
— Le hasard des rencontres, la puissance des mutations génétiques... il n'y a aucune réponse parfaite, il n'y a certainement pas qu'une seule réponse même.
Il hausse les épaules, peu perturbé par ce manque d'éléments. Sa moitié de sourire reste rivée sur son faciès enjoué.
— Tout ce que je sais avec certitude maintenant c'est que tu es exceptionnel, et que par extension, tes origines doivent l'être tout autant. Ce que l'on découvre est impressionnant, mais logique au fond.
— À t'entendre, on te dirait blasé, remarqué-je en réprimant un rire fébrile.
— Disons plutôt que tout ce qui te concerne est tellement extraordinaire qu'une chose en plus allant dans ce sens ne devrait plus me prendre autant au dépourvu...
Il me lance un clin d'œil qui me fait lever les yeux au ciel. Je secoue la tête, aussi gêné que diverti par ses paroles, et très vite mon esprit se tourne à nouveau vers ces proches surnaturels. Je ne les ai jamais connus, mais tous m'ont transmis une partie – aussi infime soit-elle – de leurs aptitudes et de leurs gènes si particuliers. Et l'ensemble de ce mélange hétéroclite a fini par donner...
Toi.
Oui... Un être hybride aux facultés toutes neuves, dont l'éclosion était lente mais étincelante, si l'on en croit les dires de mes amis.
Chaque jour qui passe, je deviens plus puissant, plus habile, plus aguerri. Plus dangereux aussi. Et je me demande sans cesse, à l'abri des regards et seul avec mon esprit scindé, si c'est une bonne ou une mauvaise chose... Car après tout, qui peut dire de quoi je suis capable ? Je suis susceptible de déraper à tout moment, quoi qu'en disent mes mentors. Personne ne sait avec précision qui je suis, d'où je viens... Pas même moi. Surtout pas moi.
Et ça me fait peur.
J'ai comme le pressentiment que tout ne tournera pas toujours rond avec moi. Comment pourrait-il en être autrement d'ailleurs ? Les pouvoirs que je possède tendent autant vers les ténèbres et la destruction que vers la lumière et la création. Et si pour l'heure, la deuxième option semble plus forte que la première, il se peut bien qu'un jour, la tendance s'inverse. Cruellement. Férocement. Inexorablement.
Puissions-nous, moi et mes gardiens, réussir à me maîtriser si le pire devait arriver.
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