───CHAPITRE i : comme neige au soleil───

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Le lac avait gelé durant la nuit. En tout cas c'est ce que sa voisine de classe –dont il avait encore oublié le prénom– lui avait assuré pendant la récréation.

Dès que la cloche eut annoncé la fin des cours, le garçonnet avait remballé au plus vite ses crayons de couleur et ses cahiers. Il avait enfilé son épais manteau et enfermé à la hâte ses boucles sous son bonnet lavande. 

La neige crissa sous ses pas maladroits. L'hiver quant à lui murmurait aux nuages de jolis poèmes, ainsi le ciel se trouvait-il très couvert ce jour-là.

L'enfant n'empruntait par routine que les chemins vierges de tout passage. Quel plaisir c'était que celui de marquer de sa semelle l'étendue blanche et scintillante. Il aimait observer cette sensation, profaner sans scrupules une perfection dont il n'était et ne serait certainement jamais digne.

Il avait aussi la coupable impression que le monde, se sentant insulté, pouvait trembler de colère à chaque pied qu'il enfonçait dans la neige.

Ses phalanges devenaient rouges alors qu'elles serraient contre son flanc la sacoche en cuir, léguée par son grand-père. 

« Bon Dieu qu'on se gèle les miches, aujourd'hui », aurait dit l'ancien s'il avait été à ses côtés. C'était amusant : Grand-père jurait souvent par Dieu alors qu'il ne croyait pas en lui. Peut-être était-ce justement pour cela qu'il se le permettait ?

Des tremblements secouaient de temps à autre le corps chétif du bambin. C'était la faute au vent qui chantait des mélodies glacées dans le col de son vêtement. 

Peut-être aurait-il dû écouter sa mère, s'embarrasser sans discuter de la vieille écharpe rugueuse qu'elle lui avait tendu au petit matin, le regard soucieux. Mais le vêtement avait fini par voler sous le porche en bois de la maison. S'il avait su à ce moment-là qu'il aurait pu en avoir besoin, peut-être l'aurait-il sagement laissé autour de son cou.

Mais les regrets ne restaient que peu de temps dans la tête des enfants, et celui-ci s'évapora bien vite, comme neige au soleil...