Devil se relève en prenant appui sur l'arbre avant d'inspirer un coup en se frottant le visage. Il tourne le regard vers moi.

- Comment on fait pour sortir de cet endroit ?

- Je n'en ai aucune idée, puisque j'ai réussi à sortir des limbes grâce à une aide extérieur, je lui souris.

Il fait une grimace en voyant à quoi je fais référence. Je rigole en voyant la tête qu'il fait quand je remarque que tout est silencieux depuis quelques secondes : plus aucun hurlement, bruit d'os qui se brisent. Une brise se lève et caresse les branches d'arbres. Devil et Clara n'osent plus parler, et j'avoue que le silence commence à me perturber aussi. Je me retourne et me dirige vers la route et regarde de droite à gauche, comme si je m'apprêtais à traverser.

Un bruit sourd se fait entendre à ma droite, et j'aperçois trois paires d'yeux blancs qui luisent dans le noir. J'appelle Devil et Clara et ils arrivent très vite près de moi. Je leur montre la créature en face de nous et Devil lâche un « putain ». Clara essaye de reculer, Devil la suit dans sa course mais la créature est plus rapide que nous ; elle se place dans mon dos. Je me retourne lentement et marche vers Clara qui commence à paniquer et la tire pour qu'elle soit dans mon dos.

- Qu'est-ce que tu fous ? il faut qu'on coure loin de ce truc, elle me réplique en levant la voix sur moi.

- Si tu t'enfuies, tu risques de le regretter, je chuchote sans quitter la créature des yeux.

Une de ses pattes avant sort de l'ombre et un grondement – semblable à un ronronnement fait trembler le sol. Devil recule son pied pour nous rejoindre et une branche craque, ce qui attire l'attention de Cerbère qui montre ses canines. Je lui ordonne de rester là où il est.

- Il sent la peur, si on ne bouge pas d'un poil tout devrait bien se passer, je continue à chuchoter.

- Comment tu le sais ? murmure Devil, immobile.

- Parce que je l'ai déjà fait, je dis en souriant.

Cerbère continue sa lente avancée vers nous jusqu'à ce qu'il se trouve à un mètre de nous. Je peux entendre la respiration de Devil d'ici et de ce que je vois de sa gestuelle, il a une peur bleue des chiens. Il s'arrête face à moi et sa tête du milieu se penche légèrement sur le côté gauche. Je lâche le poignet de Clara et fais un pas en avant sans baisser le regard. La créature me regarde pendant plusieurs secondes sans sourciller avant de plier sa patte avant gauche et d'abaisser ses trois têtes en signe de révérence. Je reproduis le geste face à lui pour lui montrer que j'accepte sa révérence. Il se relève et se retourne avant de partir dans une fumée noire. Je tourne la tête vers Clara et Devil qui sont bouche bée.

- Comment tu as fait ça ? s'étonne Clara.

- Elios a peut-être le grimoire, mais elle n'aura jamais le respect que mon père a acquis pendant des centaines d'années. Elle pense que les limbes sont a elle parce qu'elle peut contrôler le temps et le lieu dans lequel elle nous envoie, mais la force et le pouvoir ne suffisent pas forcément pour accéder au trône et en recevoir le respect qu'on mérite en retour.

Clara me regarde et me sourit. Je baisse le regard en sentant quelque chose frotter contre mon cou et vois un collier apparaître ; une fois celui-ci totalement constitué, je prends le pendentif dans ma main et reconnais un cerbère en or. Devil le voit et sourit à son tour avant de me dire.

- C'était à Ahriman, il disait qu'il voulait le donner à sa progéniture : mais j'ai toujours pensé qu'il plaisantait.

Je regarde derrière Clara et Devil et vois une porte apparaître en plein milieu de la route. Les deux personnes qui m'accompagnent se retournent également.

- Vous croyez qu'on va enfin sortir d'ici ? demande Devil, un brin d'espoir dans la voix.

- Il y a quatre dimensions perpétuelles : celle au souvenir, celle des remords et regrets. La troisième est celle au confession et la dernière, celle du pardon, j'explique. Quand j'étais coincée ici, j'arrivais à déchiffrer l'endroit pour m'en sortir d'en chacun d'eux, mais celui du pardon a toujours été insoluble pour moi. Donc je mourrais dans cette dimension et je recommençais à celle des souvenirs qui avait changé d'aspect.

- Tu es restée combien de temps dans les limbes ? me demande Clara.

- Une petite centaine d'années, je sors avec désinvolture.

Je leur demande s'ils sont prêts à passer la porte et ils hochent tous les deux de la tête. Clara me demande si je sais à quoi on doit s'attendre mais je lui réponds que non, vu que tout change à chaque porte qu'on passe.

- Tout ce que je sais, je soupire en posant ma main sur la poignée de porte, c'est que la troisième est loin d'être une partie de plaisir.