Je marche dans le néant pendant une dizaine de minutes avant d'apercevoir un couloir au loin, dans le noir. Je m'approche de celui-ci jusqu'à distinguer une silhouette au sol. Je cours pour me trouver à quelques centimètres et vois Clara inconsciente. Je m'accroupis et lui secoue l'épaule ce qui lui fait ouvrir les yeux : elle se redresse en position assise et me fixe avant de se frotter le visage.

- Où est-ce qu'on est ? elle me demande doucement.

- Je pensais que l'endroit te serait familier, je rétorque avec un sourire en l'aidant à se mettre debout.

Son âme a été envoyé dans les limbes quand j'ai pris possession de son corps et j'avoue que je ne suis pas fière de ce que je lui ai fait subir ; je ne souhaite à personne d'être à l'endroit où j'ai pu moi-même être pendant des années à cause de ma belle-mère. Le couloir dans lequel on est ressemble à un du manoir d'Athénaïs en enfer. Je regarde plus profondément dans le couloir en m'avançant doucement quand Clara m'interpelle : je tourne la tête vers elle, et remarque que le néant dans lequel j'étais a disparu et a été remplacé par la suite du couloir.

- Si tout commence à bouger je vais rapidement avoir mal au crâne moi, je geins.

Clara rigole d'une manière qu'elle pense discrète, je la regarde en levant mes sourcils mais finis par rire moi aussi. On commence à avancer car on a pas d'autre solution quand Clara me rappelle une nouvelle fois en montrant le mur du doigt.

- Les tableaux, ils bougent.

Je regarde un de ceux qui sont sur le mur et souris en voyant le souvenir qui y est accroché : ma mère me mettant dans une piscine en plastique alors que je joue en tapant l'eau avec mes pieds, je devais avoir quelques mois à peine. Le souvenir est en mouvement et se repasse en boucle. Je vois Clara sourire au même tableau que je regarde alors je lui demande ce qu'elle voit, juste pour vérifier mon intuition.

- Ma première médaille de natation parmi une longue liste qui a suivi, le seul et unique jour où mon frère m'a dit qu'il m'aimait – mon frère humain, pas Nick, elle rectifie en me voyant froncer les sourcils.

Donc on ne voit pas la même chose sur le même tableau : en même temps, on a pas les mêmes souvenirs, donc c'est logique. Je me mets à longer les murs pour fixer chaque tableau et remarque que chaque souvenir est différent : ma première fois à la mer, mon voyage en Australie, mon père et moi en train de discuter dans le chalet en France en lavant la vaisselle. Je retourne auprès de Clara et la vois fixer sa main gauche et se concentrer dessus ; je pose ma paume sur la sienne et referme ses doigts avant de la regarder droit dans les yeux.

- Tes pouvoirs sont inactifs dans les limbes, on est coincées ici.

Je regarde autour de moi et vois une porte au fond du long couloir. Je m'approche donc d'elle en courant et essaye de l'ouvrir mais c'est bien sûr fermé. Epuisée, je m'assois à terre, le dos contre le mur quand Clara vient se placer devant moi les mains sur les hanches : elle ressemble à ma mère quand je rentrais bourrée à deux heures du mat.

- Alors tu abandonnes ? Il y a forcément un moyen de sortir d'ici, chaque dispositif a une faille à exploiter.

Je souris nerveusement en la voyant si confiante, il est clair qu'elle n'a pas eu une vie parfaite : la vie parfaite n'existe pas de toute manière, il suffit juste de changer d'angle sur sa vie et se dire qu'il y aura toujours pire que la situation dans laquelle on est. Elle s'éloigne pour chercher un truc qui pourrait nous aider à sortir d'ici quand je lâche sans vraiment savoir pourquoi.

- Mon père est mort. C'est Nick qui l'a tué.

Je vois du coin de l'œil qu'elle se stoppe et me regarde, sans jugement ni même surprise : j'entends un « désolée » à peine audible. Je continue de lui parler en fixant le mur en face de moi.

- Tu savais qu'Elios manipulait Nick, qu'il a toujours été une marionnette pour elle ?

Elle hoche la tête pour acquiescer et hésite quelques instants avant de parler.

- Tout le monde peut se faire pardonner, il faut juste trouver les bonnes raisons de pardonner en retour.

Je souris quand elle vient vers moi et me tend la main pour m'aider à me relever ce que j'accepte. Je me relève lentement quand je remarque une autre porte au bout du couloir ; cet endroit agit en miroir, mais qui dit deux portes dit deux issues. On s'approche de cette deuxième porte quand je vois des fissures dans le bois, et celui craque de plus en plus. Je tourne le regard vers les gonds et vois un liquide couler, et une chaleur commence à se libérer de la porte. Quand je comprends, j'interpelle Clara.

- Cours.

La porte se fracture pour laisser place à de la lave en fusion au moment où je me retourne pour attraper le bras de Clara et l'emmener avec moi mais la route est sans issue. Bordel réfléchis, « chaque dispositif a une faille à exploiter ». Je regarde les tableaux ; ils ont tous un point commun.

- Renverse les tableaux ! je lui hurle. La solution est à l'intérieur.

Elle s'exécute et au moment où celui-ci est au sol, de l'eau commence à en sortir. Je fais de même avec les tableaux de droite avant de reculer contre le mur et bientôt, les deux liquides entrent en contact : la lave se solidifie instantanément et l'eau se transforment en vapeur. J'essaye de calmer ma respiration qui s'est accéléré à cause de l'adrénaline et par reflex, je pose ma main sur le mur derrière moi pour me retenir. Cette dernière tombe sur la poignée de la porte et appuie dessus ce qui ouvre la porte dans mon dos. Je me tourne vers Clara qui sourit.

- On dirait bien que tu as trouvé la faille au dispositif, Sherlock, elle sort en riant.

Je lève les yeux au ciel ne pouvant m'empêcher de sourire à mon tour quand on passe la porte toutes les deux.