§ Chapitre 29 §
21 mars 2023
France
« Harold.
- Charlie. »
Leurs visages graves ne tinrent pas longtemps, et elle fut la première à craquer un sourire avant de se pencher et lui prendre la main pour jouer avec, alors même qu'ils étaient dehors et encore installés nulle part. Ce geste enfantin fit sourire Harry.
« Il parait que tu ne peux plus te passer de moi, maintenant ? Ironisa Harry, faisant référence à la dizaine de messages qu'il recevait depuis des semaines pour qu'ils passent du temps ensemble.
- Oh, ta gueule. »
Un sourire gigantesque éclaira le visage du garçon, et il sentit sa fossette se creuser profondément. Mais son sourire se figea quand les doigts fins de Charlie vinrent effleurer ses traits juste à cet endroit, et ce contact très inhabituel le fit fortement sursauter.
« Quoi, mes doigts collent ? Demanda Charlie en les frottant, surprise de ne plus sentir Harry proche d'elle. »
Ayant reculé de deux pas sous la surprise, Harry avait du mal à respirer, et son visage se couvrit de rouge en se rendant compte de sa réaction un peu disproportionnée.
« Euh, pas eu le temps de sentir, bégaya-t-il en rougissant si fort que ses joues le brûlèrent. Tu peux pas prévenir quand tu fais ça ? - il en tremblait encore.
- Je sais pas, j'y ai pas pensé, haussa-t-elle les épaules, un sourire au coin des lèvres. J'avais envie. De toucher ta fossette. J'en ai pas beaucoup vu, alors je voulais savoir ce que ça fait. »
Au-delà de sa surprise, Harry se rendit compte qu'il était un peu loin d'elle, et que cette distance finirait par instaurer un silence un peu embarrassant ; il retourna donc à son côté, et l'invita à avancer vers le parc, au milieu duquel les arbres commençaient à fleurir - c'était surtout qu'il y avait du soleil là-bas, et que Charlie pourrait s'y réchauffer, elle qui avait les doigts si froids lorsqu'elle lui avait touché la joue.
« Comment tu vis ta nouvelle relation avec Ludwig ? Lui demanda Harry sans craindre quoi que ce soit alors qu'ils avançaient vers le saule pleureur où le garçon avait déjà tenté de discuter avec Ludwig mais où le jeune homme n'avait pas voulu s'asseoir.
- Bien. J'avais oublié que ça pouvait être quelqu'un de marrant. »
Harry ne sut si c'était une balle perdue ou pas.
« En fait, continua Charlie en penchant la tête, je sais pas trop pourquoi, mais depuis que tu m'as dit que je le mettais à l'écart, j'ai commencé à moins être dégoûtée de lui. Genre, dans ma tête, son caractère distinctif, c'est qu'il est... »
Elle ne put pas trop l'expliquer, étant donné qu'elle ne connaissait pas les couleurs et pas forcément les mêmes formes qu'Harry ; elle se contenta de mimer des volutes avec ses mains.
« Il est comme ça. Il est fait en air mais avec rien. Il traverse les autres, et il me fait voir ce que j'ai envie de voir, toujours. Pendant plusieurs années, il était celui qui était avec moi. On était seuls contre le campus, et ça me faisait du bien de l'avoir, mais depuis un certain temps, on ne se voyait plus, et je me suis rendue compte que ce qu'on faisait c'était plus vraiment ce que j'aimais. Et comme lui je ne l'utilisais que pour faire ça, la solution était d'arrêter de le voir. Logique. »
Le terme 'utiliser' en parlant de quelqu'un fit tiquer le garçon, mais il ne dit rien, choisissant de continuer à écouter cette personne qui d'ordinaire s'ouvrait si peu. Il acquiesça simplement.
« Et du coup, comme tu m'as dit de le revoir, je l'ai invité dans un endroit neutre, avec Louis à côté pour qu'on fasse pas de connerie - moi je savais que ça irait mais lui il peut être violent parfois - et on a parlé de ça, du fait qu'il fallait pas qu'on se rapproche. Que je l'acceptais mais que s'il commençait à revenir chez moi ou à agir différemment d'avec les autres, on ne se verrait plus. Des merdes comme ça quoi. Et il m'a dit qu'il le ferait, et vraiment, depuis qu'il m'a dit ça il n'est plus partout comme avant, à me suivre et à être oppressant. C'était ça que je destestais chez lui. Ce truc d'être oppressant, même quand il ne le voulait pas. »
Harry apprenait des choses, mais il ne voulait pas poser de questions. Pour une fois, il n'était pas curieux. Alors il choisit de rebondir sur un thème plus léger.
« Tu as vraiment pris Louis comme protection au cas où Ludwig deviendrait violent ? S'amusa-t-il en se figurant l'aptitude nulle de Louis au combat.
- Oui, comme ça je pouvais lui lancer un truc lourd et contondant, répondit Charlie avec tout le sérieux du monde. Ça les aurait ralentis, lui et ses grandes jambes. Et puis, Louis à la qualité de crier très fort et très loin.
- Ravi de l'apprendre, répondit Harry distraitement, regardant un couple en contrebas - eux-mêmes étaient arrivés au saule pleureur depuis quelques minutes.
- Oui, tout le monde sait que tu as hâte de le faire crier Harry. »
Pas concentré, le sens des mots de la jeune femme ne traversa les neurones du garçon que très tard, et quand ce fut fait, il rougit très fort, encore, en poussant son amie de gêne - comment pouvait-elle dire des trucs pareils d'un ton aussi sérieux bon sang ?
« Aaaah, on m'attaque, se plaignit l'aveugle mollement.
- T'as qu'à appeler Louis.
- Ok. LOUIS ! »
Encore une fois, Harry se prit une gueulante dans les oreilles, et la voix de l'aveugle était parvenue si loin que le couple, à l'autre bout du parc, tourna la tête droit vers eux avant de chercher qui avait bien pu crier - parce que dans la conscience collective, Charlie a une voix de fumeuse, basse et très rauque, et que jamais de la vie elle ne pourrait physiquement émettre ce son si clair et articulé.
« Je n'entends plus rien, marmonna Harry, dont les oreilles sifflaient - surtout l'oreille droite, première victime de ce boulet de canon sonore. Comment tu comptes encore me faire croire que tu ne sais pas chanter alors que tu as cette voix ? »
Le sourire de Charlie ne disparut pas mais se fana légèrement.
« Secret.
- Secret secret ?
- Secret secret.
- Même pas un peu ?
- Non non non.
- Est-ce qu'un jour j'aurai le droit de savoir ? »
La pause dura suffisamment longtemps pour qu'Harry sache que non, il ne saurait jamais. Il n'en était pas déçu pour autant.
« C'est pas grave, on t'aime tous quand même, sourit-il à Charlie en lui touchant le bout des doigts, n'ayant pas conscience du débat que sa question avait fait naître dans l'esprit de la jeune femme. »
Parce que Charlie était en train de se rendre compte que non, il n'y avait pas tant de mauvais aspects que ça à chanter. Que c'était même tout l'inverse. Qu'il y avait tellement de choses à offrir en chantant pour les autres.
La dernière phrase d'Harry la fit réfléchir, alors que le soleil réchauffait sa peau et le bout de son nez froid. Elle n'avait pas envie d'être une perdante à qui on disait 'c'est pas grave'. Elle ne voulait pas être ce genre de personne qui pouvait faire des choses mais ne les faisait pas, et qui finissait par avoir le soutien hypocrite des autres. Quand bien même celui d'Harry fût réel, elle s'en voulait.
Elle s'en voulait de ne rien dire. De ne plus chanter.
Et plus que tout, elle s'en voulait d'être aussi compliquée. Anormale.
De son côté, Harry regardait Charlie, qui était entrée dans une réflexion profonde dès lors qu'ils avaient laissé le silence s'installer. Les oiseaux chantaient autour d'eux, le vent soufflait légèrement, et les bras de Charlie, coloriés par les brûlures, s'offraient pour une fois aux yeux de tous, ainsi que son cou, alors qu'elle portait un débardeur et une longue jupe verte. Il n'avait jamais vu un cou aussi fragile, mais qu'est-ce qu'il le trouvait joli.
Il ne tombait pas amoureux, il se rendait simplement compte qu'en étant gentille et ouverte, Charlie lui apparaissait tout à coup comme elle était : belle et jolie.
Lorsqu'ils retournèrent au milieu du campus, Charlie lui tenait encore la main, et n'avait pipé mot du trajet, encore en train de réfléchir. C'était même elle qui s'était levée pour qu'ils partent de l'arbre, mais elle avait attendu qu'Harry se lève pour lui prendre la main et tourner les les talons. Harry constata qu'une fois en face de leur point de départ, Charlie ne desserrait pas sa main. Elle la serrait même encore plus fort, refusant de la lâcher.
Le soir tombait.
« Charlie ? Tout va bien ? »
Elle apporta les doigts du garçon, bien enserrés dans ses mains, contre son plastron, au niveau de son cou, manifestant son désaccord quant à le laisser partir.
« On se revoit demain, tu sais ? Tenta de la faire sourire le garçon en blaguant un peu, mais ça n'eut aucun effet. »
Elle ne riait pas et ne disait plus rien, se tendant lentement.
« Ch- »
Il se tut. Il avait vu la gorge de la jeune femme avaler difficilement, et il connaissait ce signe avant-coureur des larmes.
Alors peut-être que Charlie n'était pas assez tactile pour le prendre d'elle-même dans ses bras, mais Harry n'avait pas ce souci, et s'empressa de l'apporter contre lui, se penchant assez pour que leurs têtes soient proches.
Aussitôt, l'aveugle fondit en larmes. Mais c'était silencieux. Et autant les nerfs d'Harry étaient sensibles aux sanglots, autant la simple sensation d'un corps en train de pleurer contre le sien en n'émettant aucun son était encore pire.
« Qu'est-ce que tu as ? Demanda-t-il tant bien que mal, la gorge obstruée par des noyaux d'avocat. Qu'est-ce qui se passe ? Tu veux que j'appelle quelqu'un ? »
Charlie secoua la tête pour lui dire que non, respirant fort.
« C'est que- que- »
Harry se pencha plus près.
« Je sais chanter Harry, je- j'ose juste pas- je- j'ai si peur- j'ai juste trop peur- »
Elle suffoquait dans ses larmes, sa voix oscillant entre rauque et claire. Harry se contenta de la serrer contre lui aussi fort qu'il le pouvait.
« Ce n'est pas grave Charlie, c'est-
- Bien sûr que si c'est grave !
- Non ! C'est pas grave d'avoir peur ! Un jour ça ira mieux, et tu chanteras avec nous, c'est tout ! »
Elle réfléchit un instant, reniflant alors que ses larmes étaient encore sur ses joues. Et ce à quoi elle pensa fit redoubler ses pleurs d'intensité, au grand désespoir d'Harry, qui ne savait pas quoi faire.
« Ne te torture pas l'esprit avec ça, l'enjoignit-il en chuchotant plus bas. Si tu sais chanter, sache juste que c'est formidable, et que ça me soulage de le savoir.
- Tu voudras que je chante un jour ?
- Je crois que rien ne me ferait pleurer plus fort que t'entendre chanter pour de vrai. »
Charlie patienta une seconde avant de hocher la tête, renifler une dernière fois, et reculer de l'étreinte d'Harry, un nouveau sourire aux lèvres.
« Alors je te dis à demain. »
Et elle entra dans la House, laissant Harry là, un bonheur visible faisant dodeliner sa tête.
• § •
22 mars 2023
France
« J'ai une question. »
Ils étaient encore une fois sous cet arbre, au soleil, sans personne autour. Harry était allongé et regardait le ciel, chargé de nuages noirs comme l'encre mais qui, ratatinés sur un coin de l'atmosphère, laissaient les deux jeunes gens en plein soleil. Le dégradé du noir au jaune sur les bords des nuages était joli.
« Quoi donc ? »
Ils avaient devisé pendant un quart d'heure déjà, des avancées du chœur et de ce que Charlie pensait faire pour la Semaine Sainte, qui approchait à grands pas, et de Wilhelm perpétuellement en train de parler de Leah - Harry avait du mal à comprendre son ami parfois, surtout quand ça concernait sa dulcinée, mais il avait appris à ne plus se poser de questions.
« Ça fait quoi d'aimer quelqu'un ? »
Harry était trop détendu pour paniquer ; ses yeux clignèrent donc lentement pendant qu'il intégrait l'information indirecte qu'elle lui communiquait.
''Elle ne connaît pas l'amour. Elle ne sait pas ce que c'est. Elle ne l'envisage pas, et elle le rejette.''
Il n'y a pas longtemps encore c'était vrai. On dirait que les temps changent.
« Aimer comment ?
- Comment ça, aimer comment ? Aimer, juste.
- Eh bien, il y a plusieurs manières d'aimer. On n'aime pas son mari ou sa femme comme on aime son frère ou sa mère, ou encore comme on aime un ami très proche.
- C'est basé sur un degré d'amour ?
- Non, ce sont des amours différents. »
La voix du garçon était grave, il commençait à somnoler. Charlie garda le silence quelques instants. Et Harry trouva incroyable qu'elle pose des questions sur un sujet aussi simple que celui-là. Comme si on ne le lui avait jamais appris.
« Et celui que je ressens pour toi, c'est lequel ? Parce que je crois que c'en est. »
Elle avait murmuré, mais sa voix avait quand même fait plusieurs fois le tour du cerveau du plus jeune en moins d'une seconde. Il ne se brusqua pas, appréciant trop d'être allongé sur l'herbe, et se dit qu'elle n'était sûrement pas amoureuse de lui, ils n'entretenaient vraiment pas une relation comme celle-là.
« Eh bien, je ne peux pas le deviner. Qu'est-ce que tu appelles amour ? »
Je crois que je suis en train de retourner le problème. Elle ne va rien comprendre du tout.
Et en effet, l'aveugle se mit à râler.
« Rhô, hé, je suis en train de te demander ce que c'est, me pose pas la question !
- Oui, pardon, pouffa le garçon, qui ne pouvait pas s'empêcher de sourire en entendant ce ton. Je vais te décrire les trois formes d'amour possible, et tu vas faire la conclusion pour toi-même, on fait comme ça ?
- Et quand est-ce que je te le dis ?
- Quand est-ce que tu me dis quoi ?
- Comment je t'aime.
- Tu n'es pas obligée de me le dire, il n'y a pas de protocole. Tu aimerais me le dire ? »
Charlie jouait avec l'ourlet de son jean évasé, la tête penchée. Harry pouvait apercevoir son visage dans la fente de sa frange, et il sentait que ses yeux, qui suivaient l'ombre de ses doigts sur le tissu, essayaient de déterminer ce qu'elle avait sur le cœur.
« Je crois que oui.
- Alors on fait comme ça. Je commence. »
Il prit une inspiration, fermant les yeux un instant.
« D'abord, il y a l'amour qu'on ressent avec son partenaire. Quand on est en couple. C'est un amour assez... disons que ça passe par un aspect charnel, mais c'est plus profond. Dans ce genre d'amour, on accepte de céder une partie de soi à l'autre, tandis qu'on prend nous aussi une partie de l'autre. On accepte de vivre ensemble, on bâtit un foyer, on élève des enfants, on passe sa vie à deux, en construisant une relation de confiance, stable. À terme, un tel amour ressemble à de l'amitié, mais plus forte que celle que tu pourras jamais avoir avec quelqu'un. On parle d'âmes sœurs.
- Comment on sait si on a cet amour-là ?
- Au début, c'est différent de l'amitié. De tous les amours, c'est celui qu'il faut dompter, d'ailleurs, parce que ça peut partir en couille très vite, pour un peu qu'on communique mal ou qu'on ne fasse pas confiance à l'autre. Cet amour commence par ce qu'on appelle tomber amoureux. C'est voir l'autre partout autour de soi parce qu'on a envie de le voir souvent, c'est avoir envie de toucher sa peau alors que rien ne l'oblige, c'est avoir besoin d'être proche de lui, c'est avoir envie de l'embrasser... Autant de choses que tu ne ferais pas forcément avec un ami normal. Par exemple, tu n'embrasserais jamais Louis. »
Charlie fit une grimace éloquente.
« Alors je t'annonce que tu n'es pas amoureuse de Louis, plaisanta Harry en retournant à son ciel nuageux. Des questions sur cette forme d'amour ?
- Nan.
- Alors on continue. Après, il y a l'amour familial. C'est celui qu'on ressent avec sa fratrie ou ses parents, si on est en bons termes avec eux, grimaça-t-il en songeant au fait que tout le monde n'a pas cette chance. C'est très fort, et encore une fois, c'est différent de l'amitié, parce que c'est un amour qui aide à soutenir l'autre, à l'accompagner dans les épreuves, à encaisser un décès ensemble, à combler l'absence de quelqu'un. C'est un amour qui a grandi pendant toute l'existence, et c'est bien plus grand qu'une meilleure amie qu'on voit plus que sa propre famille. J'imagine que tu as déjà expérimenté celui-là ? »
La réponse mit du temps à venir, mais elle était affirmative.
Ouf, j'ai pas merdé.
« Tu as des questions dessus ?
- Est-ce qu'un amour comme ça c'est obligé dans une famille ? »
Charlie vivait décidément dans un drôle de monde.
« Aucun amour n'est obligé. Qu'est-ce que tu veux dire pas là ?
- Est-ce que des gens pourraient être punis parce qu'ils n'aiment pas assez leurs enfants ? »
De mémoire, Charlie a été adoptée assez tôt, alors de quoi est-ce qu'elle parle ?
« Non, bien sûr que non, se redressa Harry en entendant le ton tendu de la jeune femme. De quoi tu parles ?
- Est-ce que c'est normal si Trisha ne m'a jamais donné cet amour-là ? »
Trisha était sa tutrice, il s'en souvenait, mais il se souvenait aussi que Charlie avait évoqué un jour la préférence de Trisha pour CUHA par rapport à elle. Est-ce qu'elle en avait souffert ?
« Est-ce que je suis une exception à ne rien connaître à l'amour ? Est-ce que je suis la seule à qui on a pris une belle famille pour lui en filer une horrible ? Continuait la musicienne, sa voix se couvrant doucement. Est-ce qu'un jour j'en aurai une autre ? Est-ce qu'un jour je retrouverai l'autre ? Est-ce que Trisha va vivre normalement alors qu'elle m'a laissée comme ça ? »
Harry ne savait pas comment réagir. Cette manière, depuis deux jours, qu'avait Charlie de s'ouvrir à lui, il n'y était pas habitué. Pas venant d'une telle personne, et pas venant de quiconque tout court.
« Est-ce que tu lui as dit tout ça ? Demanda-t-il alors d'une voix douce. »
La complainte de Charlie cessa brusquement. Elle se tut longtemps. Harry ne bougeait pas, pour lui laisser le plus d'espace possible. Quand elle reprit la parole, ce fut sur un autre sujet.
« Comment me voient les autres ? »
Tant pis, ce sera pour une autre fois.
« Au début, quand tu ne m'approchais pas, commença Harry - et encore, 'ne pas approcher' était faible -, je te voyais comme une personne solitaire, pas bavarde, et taquine qu'avec les gens qu'elle connait, rude avec les autres. Au tout début début, je te prenais pour une sale gosse prétentieuse, d'ailleurs, parce que tu refusais catégoriquement de me voir alors que c'était mon seul but dans la vie à ce moment là. »
Reparler du début de l'année la fit sourire, il continua donc sur cette voie.
« Mais depuis Noël à peu près, on est devenus un peu plus proches, et maintenant on est amis. Et les autres, je sais que certains te percevaient comme moi je te percevais, au début de l'année, mais eux aussi leur opinion a changé. Ils ont remarqué que ton caractère évoluait. Tu es plus ouverte, tu fais des blagues, tu vas vers les autres, alors qu'avant, certes tu faisais tout ça, mais... »
Il eut du mal à mettre le doigt dessus. C'était une nuance assez particulière mais qui faisait toute la différence.
« Disons qu'il y a encore quelques mois, tu restais très... centrée sur toi-même. Individualiste. Tu gardais tes secrets. Et maintenant, tu partages ce que tu penses avec les autres, tu échanges sur ce que toi seule connais parce que tu ne l'as dit à personne. Ça rend ta personne très différente auprès des autres, parce qu'il y a une différence fondamentale entre parler à un mur qui ne dira jamais rien sur lui-même, et parler avec la toi de maintenant. Et le fait que tu aies changé de cette manière, ça te rend plus heureuse. Tu souris, maintenant. »
Il avait réussi à comprendre à l'oral ce qu'il ne saisissait pas depuis des jours.
Assurément, il était un génie.
Charlie se tourna vers lui quand il eut fini, et lui tendit sa main, la paume ouverte vers lui, un grand sourire moqueur aux lèvres et les joues un peu roses. Il lui tendit la main de la même manière, faisant se toucher le bout de leurs doigts et la base de leurs poignets. C'était un petit contact, mais pour elle, c'était l'un de ceux qui comptaient le plus.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro