§ Chapitre 10 §
24 décembre 2022
France
« Est-ce que vous vous foutez de ma gueule ? »
Une colère contenue perçait dans la voix de la master, alors qu'elle se tenait devant eux, ses poings serrés unique signe physique de son énervement mais leur seule présence tétanisant tout le monde.
« Vous le savez qu'on a l'un des plus gros concerts de l'année aujourd'hui, alors qu'est-ce que vous me faites, là ? »
Charlie ne se mettait que peu en colère. Ok, il lui arrivait de donner des paires de claques à l'oral pour réveiller et galvaniser les troupes, elle les remettait à leur place quand ils faisaient n'importe quoi, et elle était très intransigeante sur la pratique vocale. Mais elle ne se mettait pas en colère. Et Harry ne voulait pas voir cette version d'elle avant au moins la fin de ses jours.
Le cas était le suivant : alors que tous avaient passé une bonne semaine à chanter dans la région pour les petits concerts de Noël et en étaient revenus champions acclamés et pleins d'égo, la veille du vrai concert de Noël, celui qui prenait autant de temps à Wilhelm ces derniers temps et qui empêchait le bouclé de lui demander une entrevue, celui qui rameutait six mille personnes - et pas trois mille comme au concert de rentrée - au même endroit pour chanter la naissance d'un bébé, eh bien, à ce moment-LÀ, la moitié rebelle du chœur avait décidé de se taper une bonne cuite. Et présentement, ils dormaient tous, avachis sur leurs sièges, pas foutus de sortir trois notes à leur cheffe de chœur qui leur avait dit de se coucher tôt.
« Putain... Soupira-t-elle en commençant à tourner en rond, plus de la moitié de son chœur ne réagissant même pas. »
Harry aimerait en placer une, mais il ne pouvait pas. Il avait peur. Et, il fréquentait pas mal Charlie ces derniers temps, alors s'il avait appris une chose, c'était qu'on ne devait pas parler au-dessus de sa voix si elle était furibonde. Seul Louis pouvait le faire, et à cet instant, même Louis regardait ses pieds.
« Cassez-vous. »
L'ordre avait tranché l'air. Harry tressaillit, dérangé par une pique dans sa colonne vertébrale.
Non...
« Allez, dégagez. Il n'y a plus de répétition. »
Il eut un flash du début de l'année, où elle avait voulu partir à cause de lui. Et tout annuler.
« Charlie, tenta-t-il par-dessus le faible brouhaha qui s'élevait.
- Ta gueule Harold. »
Ça faisait mal. Mais elle était en colère.
« Non, je crois qu'on peut trouver une solution, le soutint Louis en le protégeant du regard.
- Quoi, tu veux faire chanter les poirots ? Railla l'aveugle en pointant du doigt les responsables de son énervement, repérables de par leurs respirations lourdes et endormies. Bonne chance, moi je pars.
- Ce n'est pas à toi de partir. »
Elle se figea légèrement, surprise.
« Tu nous as fait travailler pour ça. On est prêts. Mais eux - il les désigna vaguement de la main -, ils se sont montrés immatures et n'ont pas pensé aux conséquences de leur acte. C'est pas grave. On peut chanter sans eux, on est forts. Ils auront juste le seum de ne pas participer, parce qu'à la fin ils n'auront aucun mérite. Tant pis pour eux. »
Harry était entièrement d'accord. Ceux qui ne se montraient pas dignes de l'enseignement qui leur était donné devaient partir, et là, ils seraient juste laissés dans les loges, s'ils n'étaient pas virés du bâtiment.
Charlie sembla réfléchir un peu.
« Par bippeurs, qui est apte à faire ce concert ? »
Harry n'avait pas le talent de l'aveugle pour compter les notes qui s'étaient élevées, mais il y en avait beaucoup. Sur quarante chanteurs, la moitié seulement était inapte en vérité.
« Alors ça va aller. Levez-vous, on bouge. »
Aussitôt, des raclements de chaises s'élevèrent, et les quelques bourrés encore conscients voulurent rejoindre le mouvement, mais leurs voisins les en dissuadèrent. Ils dormiraient mieux ici. Harry rejoignit directement Charlie, qui avait un instant d'arrêt auprès de la porte.
« Qu'est-ce que tu fais ? S'intéressa-t-il en la voyant immobile. »
Elle se détendit visiblement en le sentant arriver.
« J'écoute dehors.
- Il n'y a personne normalement, les techniciens arrivent après, lui rappela le plus jeune en fronçant les sourcils. »
Elle ne pouvait quand même pas avoir oublié ça. C'était elle qui leur avait donné leurs emplois du temps.
« Oui... Acquiesça-t-elle vaguement, l'air d'avoir autre chose en tête. Tout le monde est là ?
- Il ne reste plus que toi, Darling, lui sourit Louis en lui effleurant un bras. On va où ? »
Le bâtiment était grand, avait beaucoup de loges et de salles diverses. Harry doutait que l'aveugle connaisse le plan de l'édifice par cœur, après tout il était un peu en dehors du campus, car appartenait à la ville d'à côté.
« Je sais pas. Suivez Harold. »
Et dix minutes plus tard, suivant ses pas désorientés à travers des couloirs noirs à l'atmosphère cotonneuse, le chœur arriva au centre de la scène.
« Harold voit les choses en grand manifestement, ricana Charlie en s'installant automatiquement à l'avant de la scène. Allez, tout le monde à sa place. »
Il était huit heures du matin, le concert était dans onze heures, et ils commençaient tout juste à répéter - si on voulait être juste, Charlie avait compris dès l'instant où ses choristes étaient arrivés lesquels avaient beaucoup bu et très peu dormi, et lesquels étaient frais et dispos. Elle n'avait essayé de les faire chanter que par l'énergie du désespoir.
Quelqu'un lui déposa son pupitre encore chargé de feuilles devant elle, et elle les farfouilla longuement pour en choisir une.
« Qu'est-ce qu'on chante ? Demanda quelqu'un d'impatient, une jeune fille blonde aux ondulations joyeuses.
- ... Ah, déso, j'étais partie dans ma tête. Prenez The Rose. »
Ce chant était signé Ola Gjeilo, comme l'Ubi caritas qu'Harry avait manqué d'entendre de peu six mois plus tôt, lors du dernier concert qu'il avait voulu voir. Et, comme cet Ubi Caritas, The Rose était très bien écrit, vif et harmonieux. Et difficile à mettre en place, aussi, de par ses voix qui se croisaient sans devoir se recouvrir, et ses rythmes sévères. Assurément, Harry aimait bien cette partition. Elle était surtout casse-pieds pour les soprane deux, qui devaient résister à suivre le contrechant de haut vol des soprane un et assurer leur propre voix - la moitié du temps qu'ils avaient pris à l'apprendre avait été pour renforcer ces passages de conflits entre les deux voix, qui étaient malheureusement encore bancals.
En effet, le bouclé avait cru comprendre, lors de sa visite chez les filles, que les soprane deux avaient un mal de chien à ne pas monter dans les aigus, principalement parce que Timothée, unique soprane un, leur hurlait constamment dans les oreilles - elle avait justifié ça par ''si elles ne peuvent pas faire leur voix quand je chante comme en quatre voix, elles n'y arriveront jamais''. Harry avait trouvé l'argument discutable.
« Vous avez besoin de le revoir comment, celui-là ? Demanda Charlie sans sous-entendu. »
Souvent, elle posait des questions dont elle connaissait déjà les réponses, attendant juste que quelqu'un réponde correctement pour qu'elle puisse mettre le problème sur le tapis et le résoudre rapidement. Mais, depuis quelques répétitions, comme ils ne faisaient plus de gros écarts ni fautes pendant leurs concerts, elle s'était relâchée un peu et attendait juste qu'ils disent leurs vraies difficultés pour qu'ils puissent les corriger ensemble
« Pendant le contrechant de Timothée à la fin, on a du mal à maintenir notre note, avoua une brune, une soprane deux.
- C'est vrai que c'est Timothée qui chante la partie du haut, réfléchit l'aveugle à voix haute, se rendant compte que dans l'état actuel des choses, la place solo du contrechant était vacante - car Thimothée faisait partie de ceux qui avait festoyé la veille. »
De toute façon, même si tout le monde se remettait sur pied d'ici le concert, elle ne les accepterait pas dans le chœur pour le soir.
« Il faut la remplacer. Jolie, tu te sens de le faire ? »
La blonde qui avait justement proposé ce chant rougit brusquement, puis pâlit la seconde d'après.
« Hein ? Bafouilla-t-elle, la voix chevrotante. M-mais, c'eeeesssst Timothée ! Pas moi !
- Oui, mais Timothée ne chantera pas ce soir, lui répondit la cheffe de chœur doucement. Alors est-ce que tu accepterais de la remplacer, toi ? Je peux demander à quelqu'un d'autre, si tu préfères. »
Cette Jolie était familière aux tympans d'Harry. En l'entendant parler, il se rendit compte que la seconde voix puissante, mais beaucoup plus simple, du chœur des filles, c'était la sienne. Celle qu'on entendait derrière Timothée, justement. Timothée qui prenait une place folle et qui cachait les autres, plus ou moins - plus que moins - volontairement.
« Je... Hésita la jeune fille. »
Et pour l'avoir déjà observée distraitement, Harry savait qu'elle était studieuse, mais qu'elle était timide, très, très timide. Elle avait peur de parler aux voix d'hommes, souvent, et rougissait dès que l'un d'eux lui adressait la parole. Recevoir des compliments était tellement rare pour elle que lorsqu'Harry lui avait dit qu'elle chantait bien, un mois plus tôt à peu près, elle s'était excusée.
« Jolie. Oui ou non ? »
Charlie n'était pas sans ignorer tout ça. Elle en savait même probablement plus qu'Harry sur la jeune fille, après tout c'était elle le cœur du campus. Et l'enjeu qu'elle voulait faire prendre en compte à Jolie à cet instant, sans le dire vraiment à voix haute, c'était que Timothée n'était pas là pour cette fois, mais qu'elle reviendrait. La chance d'interpréter le contrechant solo ne se présenterait pas une seconde fois.
« Euh- je- je sais pas- »
Stressée par tout ce monde qui la regardait, elle se tordait les mains, son bon cœur et sa peur prenant le dessus.
« Je- Y'a personne d'autre qui veut le faire ? C'est- c'est pas obligé que ce soit moi- »
Charlie restait immobile, attendant sa réponse. Harry croisa le regard de Jolie, et lui adressa un regard confiant. Elle cessa son agitation et s'accrocha à ses yeux verts.
« D'accord. »
Pas besoin de plus pour que tout le monde s'accorde avec elle ; elle connaissait ce contrechant par cœur pour l'avoir eu dans les oreilles pendant des semaines, et tout le monde voulait la voir s'émanciper au sein du chœur. Jolie était gentille, elle chantait bien, et son nom s'alliait très bien avec son physique, ses cheveux blond platine et ses yeux noirs. Aux yeux d'Harry, elle était un peu comme Alice, dans Alice au pays des Merveilles.
« Alors on chauffe correctement, et on teste ça ! Conclut Charlie en se tournant vers son pianiste. Thomas !
- Oui, Cheffe ! S'exclama-t-il en s'installant sur le tabouret de son piano à queue, disposé sur la scène depuis la veille. »
Quand est-ce qu'il est arrivé ? Se demanda Harry, en se rendant compte qu'il ne l'avait absolument pas entendu arriver.
« Et mon tourne-pages officiel, il est où ? Fit mine de s'agacer Charlie en mettant ses poings sur ses hanches. »
Ce terme arrivait de temps en temps au cours des conversations ; Harry n'avait jamais compris d'où il était issu.
« Will est en train de régler des détails avec vos tenues de ce soir, et avec les ouvriers chargés d'apporter le mobilier et la nourriture. Les horaires ont été modifiés apparemment, c'est le bazar, mais on aura le temps de répéter. »
Charlie acquiesça pour elle-même, puis leva les bras pour Thomas, qui entama la mélodie d'une vocalise au piano. Harry se sentait bien.
• § •
« Alors ? »
Après une soirée harassante, mais extraordinaire, lui et Wilhelm étaient perchés sur le toit de la salle de spectacle, en train de regarder les gens partir.
« C'était incroyable. »
Deux mots qui firent sourire le plus jeune. Il avait préféré le concert de rentrée ; plus court, certes, mais son premier concert à CUHA, et le souvenir de tout ce qu'il y avait vécu l'enchantait encore. Ce soir de Noël, il l'avait vécu d'une manière plus simple. Peut-être parce que pratiquement tout était centré sur la naissance d'un enfant et le thème de l'hiver, ou juste parce que ni Fairytale, ni Mr/Mme n'avaient été joués. Deux chansons qui remuaient le garçon au plus profond de lui-même depuis qu'il les connaissait.
À cet instant, il était seul avec Wilhelm ; les autres debriefaient en bas, les alcoolisés du début de la journée se plaignaient à qui voulait l'entendre qu'ils avaient été évincés alors qu'ils avaient bossé toute l'année et qu'ils n'avaient rien fait de mal en plus, bref. Mais, même si c'était le moment rêvé pour lui parler de Leah, là, sous les étoiles et dans la chaleur de l'adrénaline qui redescendait, il n'en fit rien. Ce serait gâcher le moment, et même si cette dame l'intriguait beaucoup, il ne voulait pas brusquer Will. Will, qui ne fit d'ailleurs rien pour essayer de fuir, regardant les gens en contrebas.
Ce serait incroyable qu'il entame le sujet de lui-même.
Mais le blond avait encore les cils couchés sur ses joues quand des pas se firent entendre derrière eux.
« Vous étiez là. Vous venez ? On va faire une after tranquille chez Charlie, leur murmura Niall sans trop s'approcher - ils avaient quand même les jambes dans le vide, leur faire peur serait dangereux.
- On arrive, lui répondit Harry en retour, tout aussi doucement, se tournant juste assez pour croiser le regard de son colocataire. »
L'irlandais lui sourit, et redescendit dans le bâtiment. Ils avaient quelques minutes devant eux.
« Merci de ne pas en parler ce soir, lâcha Wilhelm soudain, une petite dizaine de secondes après le départ de Niall.
- Ça ne va pas durer, lui rétorqua Harry, taquin.
- Je sais bien, tu sais être aussi pénible qu'une sangsue, pouffa le blond en gardant ses yeux sur le sol, au loin. Mais... je sais pas. Merci. »
Ça fit quelque chose au plus jeune d'avoir une conversation sérieuse avec Wilhelm, master des fêtes, étudiant, trublion 150% du temps. Pour s'assurer qu'il ne rêvait pas, et que la voix grave de son ami lui était bien adressée, il chercha son regard, et s'y heurta même fort, les lueurs des voitures éclairant les yeux bleus du jeune homme d'une vague chaleur qui le déstabilisa.
« Tu es beau, lâcha-t-il sans réfléchir, admirant les mèches blondes éparses du jeune homme, son visage anguleux et fin, ses longs cils, ses sourcils marqués, son menton pointu où le rasage matinal avait manqué quelques poils. »
Sans faire de blagues sur l'orientation sexuelle de son ami et sur ce commentaire auquel il ne s'attendait pas, Wilhelm sourit.
« Ton regard... est d'une pureté incroyable, répondit-il en clignant doucement des yeux. Je crois que j'aimerais avoir le même. »
Harry n'avait pas encore toutes les pièces du puzzle, alors il ne releva pas, et ne formula pas de conclusion non plus. Il laissa juste couler.
« Tu viens ? On nous attend, lui rappela-t-il en se relevant, tendant une main vers son ami, au sol. »
Will regarda en bas une dernière fois, et accepta la main qui lui était tendue.
« Tu crois qu'elle a sauté à cause de moi ? Murmura-t-il en étreignant Harry une fois debout. »
Ils sentaient tous les deux la sueur, avaient la peau moite et étaient fatigués, mais ce câlin était le plus réconfortant qu'Harry ait eu depuis des semaines.
« Je n'en sais rien, Will. »
Il ne répondit pas, et serra le plus jeune plus fort. Il avait beau être un peu plus petit, le bouclé ressentit sa peine du bas de son dos jusqu'au fond de son ventre ; étendant les bras, il couvrit les épaules du blond, qui se détendit contre lui.
« Désolé. Je suis faible. »
Harry fronça les sourcils.
« Non. Tu es juste seul. »
Et Wilhelm ne releva pas.
• § •
« Bon, on va pouvoir y aller, annonça Niall en voyant les deux compères arriver.
- Vous n'étiez pas en train de spéculer sur notre potentielle activité torride ? Ricana Wilhelm en descendant les dernières marches de l'escalier.
- Moi non, je me préserve ; eux en revanche - il pointa du pouce Charlie, Océane et Louis qui formaient un petit comité conspirateur chelou un peu à part - ils sont à fond.
- Même Louis ? Hallucina Harry, un peu blessé de constater qu'il comptait si peu aux yeux de son crush que ce dernier pouvait l'imaginer sans problème avec un autre.
- Non non non, s'empressa de se corriger l'irlandais, catastrophé ; lui il essaie de restreindre leur imagination ! »
Ah. C'est bon alors.
Du moins, ça l'était jusqu'à ce que le bouclé remarque que Wilhelm n'était plus à côté de lui, mais avait rejoint le club des conspirateurs chelous, dans lequel Louis avait l'air particulièrement courroucé. Vu le regard salace du blond, il était en train de dire n'importe quoi, et vu les figures très intéressées des filles, elles le croyaient complètement.
« Alors, on a fait quoi ? S'intéressa-t-il sincèrement en arrivant par derrière Louis, voulant savoir jusqu'où l'imagination d'un master pouvait aller.
- Ah non, t'écoutes pas ! Tempêta son crush en se redressant dans son fauteuil pour lui plaquer ses mains sur les oreilles. Cet imbécile dit des trucs... pas de ton âge ! »
Harry fit une moue qui fit grimacer le paraplégique.
« Laisse-moi croire que tu es un ange pur et innocent, s'il te plaît.
- À vos ordres, Daddy... »
Louis s'étouffa de surprise avec sa salive, et Wilhelm s'écroula de rire sur les deux filles, qui n'avaient rien perdu de l'échange - car des détails fictifs au lit c'est marrant, mais un couple goal qui discute ça ne se rate pas.
« Est-ce que je vais devoir me trouver un nouveau tourne-pages officiel ? Soupira Charlie en s'immisçant entre eux, mais se prenant les pieds dans le corps du tourne-pages encore vivant qui traînait par terre. »
De fait, elle lui tomba dessus et manqua de se fracasser le crâne par terre, mais fut sauvée par les réflexes du master, qui se redressa en position assise au bon moment, le front de Charlie ne heurtant que son épaule tandis qu'elle arrivait à califourchon sur les cuisses de son premier violon.
« Eh bien, à peine ai-je l'élève que je récolte le maître, sourit-il salement en faisant mine de se lécher les babines, les mains posées sur la taille de la jeune femme, qui pour la soirée portait une robe noire cintrée sans manches, s'évasant des hanches jusqu'aux genoux, avec des grosses babies noires et un collant à rayures blanc et gris. »
Sa chute avait légèrement relevé la jupe ; Wilhelm la remit discrètement en place.
- Un peu trop présomptueux à mon goût, si tu veux mon avis, adressa Charlie à Harry. Je sais que t'es en manque, mais là- »
Elle fut interrompue par les mains de Louis se posant sur sa bouche, tandis qu'estomaqué, Wilhelm avait un temps d'arrêt. Elle se dégagea pour continuer sa phrase.
« Faudrait que Louis se dépêche de te lancer des roses- et de te chanter des sérénades- quoique peut-être que tu préférerais directement passer à la casserole- »
Jamais Harry n'aurait pensé entendre ÇA, mais le tableau de Wilhelm bouche bée avec Charlie sur ses genoux et Louis se battant pour mettre ses mains devant la bouche de sa meilleur amie pour qu'elle arrête de dire des âneries était bien trop cocasse pour qu'il songe à réagir. Ou à comment le faire.
« Bon, on y va ? Les pressa Niall. Je sens qu'on va passer la soirée ici, moi, et je n'aime pas trop cet endroit... »
L'esprit alerte de Charlie s'éveilla, et elle se redressa immédiatement.
« Tu as raison, Niall, il faut qu'on bouge. Will, lève-toi, tu ressembles à rien, et-
- Mais tu me vois même pas ! Protesta le jeune homme sans faire de mouvement pour se lever.
- J'ai eu le temps de constater, quand tu m'as agressée physiquement, que ta chemise était partiellement défaite et froissée, et que ton veston avait disparu. Qui ressemble à quelque chose sans veston ? Soupira-t-elle sur le ton de l'évidence. »
Wilhelm resta bloqué pendant quelques secondes.
« ... Je t'ai agressée physiquement ?
- Ce débat est stérile. Qui m'aime me suive ! Clama l'aveugle en partant vers la sortie - comment elle savait que la sortie était précisément dans cette direction, Harry n'en avait aucune idée.
- Je peux faire pareil d'abord ! Qui m'aime reste avec moi ! Crâna le blond à terre, s'attendant à ce que les cinq étudiants autour de lui n'hésitent pas et s'asseyent avec lui. »
Mais évidemment, tout le monde suivit Charlie, et Wil se retrouva tout seul. Il se releva en catastrophe et courut pour les suivre, mais au même moment, Charlie se mit à courir à son tour, et de fil en aiguille, Wilhelm eut beau exploiter toutes ses capacités - inexistantes - de coureur, il était derrière tout le monde sans pouvoir rattraper personne.
« CHAAARLIE ! Beugla-t-il de rire/rage. TU VAS ME LE PAYER ! »
Mort de rire, Harry jeta un œil dans son dos, et eut un pincement au cœur en voyant le violoniste s'arrêter, les mains sur les genoux pour essayer de retrouver un peu d'air, loin derrière eux.
« Charlie ! Lui lança-t-il pour qu'elle s'arrête. Il ne court plus. »
Elle s'arrêta dans l'instant et fit demi-tour, allant se planter devant le jeune homme essoufflé. Harry et les autres ne l'avaient pas suivie, alors suivaient la scène de loin. Et Charlie fit visiblement un câlin à Wilhelm.
« Oh la vache. Je savais pas qu'elle faisait des câlins en détente comme ça, souffla Océane, seule personne capable de parler tant personne n'en croyait ses yeux. »
La taille de Charlie était parfaite pour que, courbé ainsi, la tête de Wilhelm et la sienne soient assez proches pour qu'elle puisse lui glisser des choses à l'oreille. Rapidement, les bras du jeune homme allèrent s'enrouler autour de la taille toute fine de la master pour la serrer contre lui. Harry aurait aimé savoir ce qu'ils se disaient. Mais très vite, Charlie fit volte-face et courut comme une dératée, se faisant malheureusement rattraper par Will, qui avait flairé la ruse.
Lorsqu'il rejoignit Harry, Océane, Niall, Olive et Louis, il était victorieux, son gibier bien coincé sur l'épaule, le nez haut.
« Nous disions donc. Allons chez la folle qui a le plus de responsabilités du campus. »
Charlie grogna comme un gros ours.
« J'suis pas folle.
- Si. Mais on l'est aussi alors on t'aime quand même. »
Elle se tut, appréciant d'être amenée jusque chez elle sans avoir à marcher, et le trajet se fit en papotant gaiement, sans plus s'intéresser à ce qu'ils s'étaient dit l'un à l'autre au loin. Harry fit son possible pour ne plus y penser, parce qu'après tout, ce n'étaient pas ses affaires.
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