§ Chapitre 62 §
21 octobre 2022
France
La dernière note s'évapora dans l'air, le public était silencieux, en doute quant à ce qu'il devait faire. Puis Harry se leva, et commença à l'applaudir. Ses voisins l'imitèrent, et bientôt, la salle entière l'applaudissait, mais sans crier. Tout le monde était bien trop sonné pour ça. Ludwig, fidèle à lui-même, descendit de l'estrade et partit dans les coulisses sans un au revoir. Le léger empressement dans son pas laissait quand même à penser qu'il était touché lui aussi par cette chanson. Après un moment, le public se rassit, et espérait honnêtement que la soirée s'en tiendrait là. Autant d'émotion, c'était fatiguant.
Wilhelm se leva justement, violon en main, et rejoignit l'estrade.
C'est le moment, devina le bouclé en le voyant triturer nerveusement les cordes de son archet, avant de s'approcher du micro.
« Alors, euh, bonjour- bonsoir, balança-t-il maladroitement dans le micro. La soirée se terminera après cette dernière pièce, et j'en suis aussi content que vous, parce qu'actuellement je stresse beaucoup et que ce que je viens d'entendre m'a laissé le moral dans les chaussettes. »
Quelques rires.
« Du coup je vais honorer la célébrité extérieure au campus venue nous voir ce soir, Alexander Rybak... Je vais vous jouer Fairytale. Et en toute logique, ça va vous réveiller, et vous repartirez de bonne humeur chez vous. »
Le ''enfin on espère'' qu'il laissa traîner provoqua de nouveaux rires, et il rougit en testant son violon, car lui aussi l'avait entendu dans les enceintes. Enfin, Charlie dut estimer qu'il était prêt, et Wilhelm se mit en position pour jouer alors qu'elle levait les bras. Lui était terriblement sérieux, les écrans géant faisant tout particulièrement ressortir son côté beau garçon - et sa tenue lui allait à ravir, Harry n'était pas peu fier.
L'instrumentale débuta, vive et résonnant dans les poitrines, et les spectateurs se redressèrent instantanément dans leurs sièges. Wilhelm était concentré sur sa partition. Les autres violons le rejoignirent dans une danse endiablée, et il commença sa chanson doucement, un grand sourire aux lèvres. Un magnifique acteur ; il était terrifié mais se mettait dans la peau du personnage le plus possible. Harry sentit ses tympans gémir quand la caisse s'ajouta au son des violons et des cordes, mais il se concentra sur la voix de Wilhelm.
Fairytale - Alexander Rybak
Years ago, when I was younger
I kinda like a girl I knew
Ses yeux brillaient, et même s'il était encore stressé, Harry ne pouvait ignorer le fait qu'il avait l'air à l'aise, et qu'il était juste trop content d'être là. Il souriait aux caméras des grands écrans, et laissait voir ses doigts qui s'activaient sur les cordes pendant que son ton moqueur chantait le premier couplet.
She was mine, and we were sweethearts
That was then, but then it's true
Il prit sa première inspiration profonde pour chanter le refrain plus fort, et d'un coup, Harry craignit que quelque chose se passe mal, hormis l'implosion de ses tympans. Il se raisonna comme il put, de toute façon Wilhelm avait l'air d'un poisson dans l'eau.
L'arrivée brusque des instruments lui fit mal.
I'm in love with a fairytale
Even though it hurts
'Cause I don't care if I lose my mind
I'm already cursed
Les violons rejouèrent, puissants, et sous cet air et la voix de Wilhelm, le public commença lentement à se dégeler, attentif et enthousiaste. L'allure du violoniste devait y être pour beaucoup ; jouer, bouger et chanter en même temps était assurément une idée de génie, d'autant plus qu'il avait des petits mouvements de tête en jouant, concentré, et les grands écrans qui zoomaient sur son visage à ce moment-là avaient tout compris.
Every day, we started fighting - des petits ''tararara'' comblaient le léger vide entre ses phrases ; les quelques chanteurs qui en étaient responsables étaient invisibles aux yeux du public
Every night, we fell in love (tarara, tara, tarara)
Il avait l'air réellement rêveur à cet instant, et Harry aurait aimé savoir à quoi il pensait.
No one else could make me sadder (tarara) - mélodie triste à son violon
But no one else could left me high above - air soudainement moins tranquille
I don't know what I was doing (Ha~)
When suddenly, we fell apart - il sembla réprimer quelque chose par un mouvement de tête brusque
Nowadays, I cannot find her - sa gorge s'alourdit et ça s'entendit beaucoup
But when I do, we'll get a brand-new start - regard déterminé vacillant
Pour le plus jeune, les expressions que Wilhelm montrait n'avaient aucun sens. Pour retourner au refrain, ce fut le même cirque : il se mordit les lèvres en baissant la tête, essayant sans doute de ne se concentrer que sur son violon. Il ne pouvait pas faire autant de mimiques par stress. La tête d'Harry, qui commençait à le lancer, n'arriva pas à se distraire de cette idée.
I'm in love with a fairytale
Even though it hurts
'Cause I don't care if I lose my mind
I'm already cursed
La mélodie au violon et la batterie, puissantes, amenèrent lentement Wilhelm au climax de la chanson. Wilhelm prit une grande inspiration, et planta résolument son regard quelque part dans le public.
SHE'S A FAIRYTAAAAAALE, yeah~ - il reprit une grosse inspiration, ce moment lui coûtait
Even though it hurts
'Cause I don't care if I lose my mind
I'm already cursed !
La mélodie dura encore un temps et se conclut sur un coup de grosse caisse, qui laissa le public coi un instant. La seconde d'après, tout le monde était debout et hurlait. Harry crut même entendre la voix du hall dans tout ce bruit, mais il se ravisa : son cerveau en train de bourdonner l'accaparait trop. Wilhelm, essoufflé, prenait tranquillement de l'air dans une petite machine qu'Harry n'avait jamais vue tout en saluant le public. Il finit par descendre de l'estrade et aller sur le devant de la scène, juste à côté de Charlie qui venait de se retourner vers le public, leur faisant face pour la première fois depuis le début du concert.
« Alors, j'aimerais, au nom du chœur, de l'orchestre et des solistes, vous remercier pour votre écoute attentive et généreuse, commença Wilhelm dans le micro avant de se faire siffler. Oui oui les copains on se voit tout à l'heure, chuchota-t-il à l'intention du premier rang, provoquant quelques rires dans l'assemblée. Et comme l'a déjà dit Charlie, vous pouvez nous soutenir, nous et le campus, dans notre recherche du bien-être handicapé étudiant en faisant des dons, dont l'explicatif vous a été remis sur votre feuille au début du spectacle. Nos choristes et notre cheffe de chœur seront disponibles pour conversation dans la cour extérieure de cette salle, juste devant le parking sur lequel vous avez dû vous garer, et vous pourrez ainsi les féliciter tout à loisir. Si vous ne vous êtes pas inscrits au chœur ou à l'orchestre en début d'année mais que vous avez maintenant envie d'y participer, vous pouvez aller voir Charlie qui sera vers la sortie, c'est facile de la voir, elle a des cheveux blancs et elle est toute petite, voyez vous-mêmes. »
Il fit une pose comique pour montrer que Charlie lui arrivait au niveau des aisselles - elle lui piqua justement celle-ci du bout des doigts, le faisant glapir.
« Vous avez jusqu'à la fin des vacances pour vous inscrire, termina-t-il en se frottant l'aisselle. Euh, Charlie, il y avait autre... ? »
Charlie lui chuchota quelque chose à l'oreille.
« Je peux pas dire ça, chuchota-t-il dans le micro sans faire exprès. »
Il rougit à nouveau. Charlie menaça clairement de le chatouiller.
« Euh... Bah merci à Mika et à Alexander Rybak, bafouilla le blond en essayant de ne pas remarquer la main de Charlie qui s'approchait de ses côtes, de nous avoir laissé modifier les parties instrumentales de ses œuvres pour l'un et d'avoir été là et de nous soutenir- pou~r l'autre... »
Il serra les dents car Charlie était impossible à ignorer maintenant. Le public était hilare.
« Mais arrête, chuchota-t-il encore, plus fort. »
Harry se doutait qu'elle voulait qu'il avoue son admiration pour Alexander Rybak devant tout le monde, mais ce n'était le genre du master de s'afficher comme ça - pas pour des choses qui lui tenaient à cœur du moins. Lui-même avait honnêtement le sourire aux lèvres, voir son ami torturé et presque mort de rire sous les assauts de sa collègue était un peu drôle.
« Je dis l'autre truc et tu me laisses tranquille, essaya-t-il de marchander à voix basse mais virevoltante à cause des guilis, toujours involontairement dans le micro. »
Charlie arrêta un instant puis acquiesça, avant de ranger ses mains.
« Ah mais quelle idée de merde, réalisa Wilhelm à voix plus haute. Je peux reprendre l'autre ? »
Elle remit ses doigts sur ses côtes.
« AH NAN J'AI COMPRIS ARRÊTE JE VAIS LE DIRE, hurla Wilhelm de rire, le public le suivant tout de suite, réceptif. Je suis amoureux de Fairytale et mon plus grand rêve était de le jouer devant- LAISSE-MOI ! »
Le public applaudit son aveu et Charlie tendit sa machine à respirer à Wilhelm, qui n'en pouvait plus - Harry ignorait qu'il était aussi chatouilleux, il se resservirait peut-être de cette information.
« Bien, je peux reprendre la main, annonça Charlie dans le micro. Encore une fois, merci à tous, nous espérons que vous avez passé un agréable moment en notre compagnie, et vous pouvez maintenant sortir de la salle, par rangs afin de ne créer aucun attroupement. Bonne soirée à vous. »
Le rideau se referma, et Harry et ses voisins se levèrent pour aller dehors retrouver leurs camarades chanteurs et musiciens. Harry voulait vraiment assister à la rencontre entre Will et Rybak. C'est pourquoi, dès que son rang fut sorti, il attendit celui de Betty devant la porte. Quand elle sortit à son tour après plusieurs minutes, elle discutait avec le chanteur, qui avait l'air amusé. Harry chercha ensuite Wilhelm, et le trouva auprès de Liam un peu plus loin. Il s'en approcha.
« Harry, je stresse tellement de le voir, gémit Wilhelm dans son torse aussitôt qu'il fut arrivé près de lui. Charlie c'est un démon, elle m'a forcé !
- Je suis sûr qu'il n'a rien compris, mentit le garçon, convaincu que Betty avait dû lui faire la traduction.
- C'est vrai ? Voulut s'assurer le blond, relevant vivement la tête. »
Il croisa la moue du bouclé et s'il avait été un chiot, ses oreilles seraient tombées.
« Harry pourquoi tu me mens, sanglota-t-il contre lui. On avait dit à la vie à la mort toi et moi !
- Oh il est là. »
Wilhelm se retourna immédiatement et défaillit en voyant Alexander Rybak à un mètre de lui, franchement amusé devant son cirque.
« Oh my God Harry je meurs, balbutia-t-il en se laissant tomber.
- Attends je vais tout traduire, se proposa Florent en se plaçant à côté du chanteur, lui expliquant la situation en deux mots. »
Rybak acquiesça, le sourire aux lèvres, et observa le visage de son plus grand fan, qui blanchissait et réclamait de l'air, avachi dans les bras de Liam - le, mais sa prothèse était conçue pour porter des choses lourdes.
« Ahhh c'est horrible je perds tout mon latin, gloussa-t-il nerveusement en se couvrant le visage. Je dois dire quoi ?
- Ton admiration pour lui, répondit Harry du tac au tac, observant Florent déjà en train de traduire ce qu'ils se disaient.
- Mais c'est trop gênant à dire si vous écoutez, gémit-il en faisant la grimace.
- Après ce que t'as dit dans le micro ça peut pas être pire, ricana Betty en apparaissant à côté de lui, Kukka rejoignant directement Niall qui trainait par là.
- Roh ça va toi. Bon bah, euh, tu traduis Flo ?
- Oui oui. »
Il adressa quelques mots au chanteur, qui acquiesça à nouveau. Étonnamment, il n'avait pas l'air soûlé par toutes ces tergiversions.
« Euh, bah je suis un grand fan de vous, et je... c'est vous qui m'avez motivé à commencer le violon quand j'étais petit, et je jouais vos chansons en boucle, ça soûlait mes parents mais je vivais ma meilleure vie, raconta Wilhelm avec des étoiles dans les yeux. Quand j'ai perdu un poumon ça m'a un peu abattu, parce que je n'avais plus le droit de chanter, mais je pouvais continuer à jouer et ça m'a vraiment, vraiment aidé, bafouilla-t-il en cherchant ses mots, et cette chanson, elle- elle est vraiment très chère à mon cœur, genre, je m'y retrouve énormément, et... et savoir que vous m'avez entendu jouer et chanter ça me détruit, gloussa-t-il la gorge serrée, genre tout du long j'avais des paillettes dans l'estomac c'était abominable, et en même temps j'avais l'impression d'être au sommet du monde, c'est- c'est vraiment un truc de fou. Et maintenant, je me dis que j'ai pas fait de fausses notes mais que ça aurait pu être mille fois mieux.
- Tu as une très belle voix, traduisit Florent en écoutant Rybak commencer à parler. J'ai été surpris qu'une reprise de cette qualité soit faite ici. En général, ceux qui s'y essayent prennent une bande son et s'amusent à chanter dessus en jouant un peu de violon, mais toi et ton orchestre, vous avez joué bien plus que ce que ferait une bande-son, avec l'avantage de l'avoir fait vous-mêmes, et que ça s'entende quand vous le jouez. Tu as été très bon, tu joues bien, et ça se voit que tu la connais par cœur. Je suis honoré de savoir que j'ai des fans aussi assidus que toi.
- Par contre c'est Charlie qui a fait apprendre les partitions aux autres instruments et qui m'a aidé à mettre de l'intention dans mes notes, se dédouana Wilhelm honnêtement. C'est elle qu'il faut féliciter pour ça.
- Elle m'a déjà dit ce qu'elle a fait, et a surtout souligné tout ce que toi tu fais pour ce campus, et as fait pour que cette chanson soit aussi parfaite qu'elle ne l'était ce soir, s'amusa le chanteur. De ce qu'elle m'a dit et de ce que je vois, tu es un fan formidable. »
Wilhelm rougit jusqu'aux oreilles. Rybak rit et lui mit une main sur l'épaule - au contact, le blond se raidit de stress et son cerveau fit un arrêt cardiaque.
« Pourrais-je avoir ton numéro de téléphone ? Je serais ravi de pouvoir faire appel à toi si j'ai besoin d'un violon dans une de mes chansons. »
Objectivement, Wilhelm fit la carpe.
« Euh, oui, oui, réagit-il avec plusieurs secondes de latence. Flo, tu peux continuer à traduire ? J'ai un accent de merde pour les chiffres.
- Pas de problème, pouffa l'italien en expliquant la vanne à Rybak, qui rit aussi. »
Alors Wilhelm dicta son numéro, et quand ils se séparèrent ce soir-là, il avait eu le temps de dire à chacun de ses amis que le grand Alexander Rybak avait son numéro de téléphone et que c'était même pas lui qui l'avait forcé à l'entrer dans son répertoire.
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