§ Chapitre 59 §
21 octobre 2022
France
« Tout le son des micros ne te gêne pas ? S'inquiéta soudain Wilhelm alors qu'il était en train de se redresser, ses yeux étant tombés sur les oreilles de son ami. C'était pas l'un des soucis principaux de ta ville ?
- Pour ça... Murmura Harry, hésitant. Je devrais garder mes bouchons d'oreilles, parce que mon ouïe s'est assez relâchée ces derniers temps pour que je puisse n'avoir que ça. Mais... j'ai envie de profiter, aussi. Alors je ne sais pas si je garde ou j'enlève.
- Ça t'assourdit ce que tu entends ? Chercha à comprendre le blond en se penchant pour essayer d'apercevoir les petits objets.
- Ouais. Et j'ai bien envie d'entendre ta reprise de Fairytale, alors je compte les enlever au moins ce temps-là, sourit le garçon.
- Ne te mets pas en danger, dit simplement Wilhelm en se décalant, se collant un peu à la barrière de l'estrade - ils étaient hauts alors la barrière était obligatoire, et le faible couloir qu'ils occupaient n'était vraiment pas large. Allez Florent, éteins ton tel toi aussi.
- Tu es beau comme un cœur Will, répondit le jeune homme en l'encerclant de ses bras. »
Harry sourit en voyant les joues du violoniste rougir.
« Est-ce que vous comptez me le voler tout le concert ? S'enquit Charlie d'en bas. Le principe des compliments, c'est qu'on les fait après la performance.
- Je le complimente sur ses vêtements, madame, renifla Florent dédaigneusement.
- Parce que se saper c'est un exploit maintenant ? Rétorqua l'aveugle, goguenarde.
- Pour lui oui, affirma le valsettiste, très sérieux. »
Wilhelm le regarda d'un air outré, sa bouche s'ouvrant littéralement toute seule.
« Raiponce, encore une fois, descends ou je te-
- J'aaaaarrive, la coupa le blond en passant sous la barrière de sécurité, se retrouvant juste devant Charlie, quelques centimètres les séparant. »
Harry se pencha pour les voir. Ils semblèrent s'échanger quelques mots, et il ne sut comment interpréter le regard que renvoya Wilhelm à Charlie alors qu'il pâlissait. Il secoua la tête et prit la master par les épaules, bégayant un peu, mais le plus jeune ne pouvait pas entendre ce qu'ils se disaient. Enfin, Charlie lui ordonna d'aller à sa place, et il le fit sans protester, bien qu'il la rejoigne une seconde le temps de lui dire encore une chose à l'oreille. Charlie se stoppa à son tour, dos à Harry qui aurait voulu voir sa tête - ou sa bouche mais bref -, puis repartit à sa place.
« Mesdames et messieurs ! Lança soudain une voix quelque part, probablement devant les spectateurs, qui arrêtèrent de papoter pour écouter. »
Et Harry avait vu le nombre de place démentiel en entrant ; il était terrorisé de devoir faire face à autant de monde.
« Merci de vous être déplacés pour ce concert de début d'année de CUHA, continua la voix, qu'Harry identifia au bout d'une minute comme étant celle de Madame Brannan - veuillez excuser la latence, il ne l'a pas vue depuis deux mois. Nous sommes ravis que vous soyez venus aussi nombreux pour voir nos nouvelles recrues musicales, et nous espérons ben sûr que vous aimerez les écouter. La musique est comme d'habitude dirigée par Charlie, notre master musicale sur le campus, qui s'occupe ce soir de vous mettre en œuvre l'orchestre et le chœur. Un entracte sera proposé au milieu du concert, n'hésitez pas à aller vous aérer si jamais vous avez un quelconque accès de panique ou sensation de malaise, la salle sera sombre mais les sorties resteront allumées et le sol éclairé pour que chacun puisse les voir et y accéder facilement. Le programme proposé est annoncé sur les fiches qui vous ont été distribuées, et sur le site audio-descriptif auquel amène le QR code imprimé sur cette même fiche, si lire en braille ne vous convient pas. Et pour finir, je vous souhaite un bon concert.
Les gens applaudirent, et des pas se firent entendre derrière le rideau - tous les musiciens retenaient leur souffle, Charlie ayant bien spécifié qu'elle ne voulait rien avoir à redire ce soir.
Un temps de silence.
« Bonsoir, résonna la voix de la master dans le micro. Excusez mon grain de voix un peu grave ce soir, je sors d'une rhino-pharyngite - Harry et Niall, un peu plus loin, croisèrent leurs regards ; Charlie n'était pas tombée malade dernièrement. Je crois que madame la directrice vous a tout dit, et je me contenterai d'ajouter que nos nouvelles recrues de cette année sont talentueuses et n'ont rien à envier aux anciens, et que vous le public, vous pouvez nous soutenir nous et le campus, qui œuvre à rendre la vie des étudiants handicapés plus facile, en faisant des dons à la sortie, ou en achetant des gâteaux à la buvette, les boissons sont offertes. Pensez quand même à partager pour qu'il en reste pour les autres, et à vérifier vos allergies potentielles en vous servant. Bonne soirée. »
Elle reposa le micro sur un pied qui traînait - ça s'entendit -, et que Wilhelm utiliserait sans doute lors de Fairytale, et resta dos au rideau pendant que celui-ci s'ouvrait, révélant les étudiants amassés là aux yeux du public et inversement. Le public applaudit chaudement, certains sifflèrent. Les chanteurs restèrent sérieux.
Les choses allaient se passer ainsi : pour des raisons esthétiques, ils n'auraient pas leurs partitions dans leurs mains, mais sur des pupitres dépliants accrochés à la barrière qui les empêchait de tomber de leur estrade circulaire. Ceux-ci se dépliaient d'ailleurs silencieusement et leurs permirent de poser leurs partitions, qu'ils retenaient jusque-là dans leur dos. La première partie du concert était dédiée aux chanteurs + orchestre et instruments simples - type piano ou violons -, la seconde à l'orchestre uniquement, entracte, et enfin les chanteurs solos ou duos +l'orchestre, et fin.
Les chanteurs partiraient de leur perchoir lors de l'entracte, et avaient des places réservées dans les premiers rangs du public pour ne gêner personne lors de leur déplacement vers leurs sièges. Ils auraient donc tout le loisir de profiter eux aussi de la deuxième partir du concert, sans avoir l'impression d'être observés ni de devoir retenir tous leurs gestes parasites potentiellement bruyants et audibles par Charlie - se gratter le crâne, renifler, éternuer, chuchoter quelque chose à son voisin. Ils avaient quand même la permission de se pencher un peu et rester expressifs pendant les chants, et de ne surtout pas rester immobiles ; Charlie aimait l'ordre, mais avoir des statues qui chantent alors qu'on est censé mettre le campus en valeur c'est super nul..
Sur ces pensées, Charlie tapota son pupitre avec une petite baguette blanche et la leva en l'air. Tout le monde se focalisa sur elle. Même le public, étrangement.
Commença Jubilate Deo de Peter Anglea, pièce sympa et franchement enjaillante, même si, pour des raisons inconnues, les chœurs qui l'avaient déjà enregistré sur les diverses vidéos et applications musicales du monde le faisaient très lentement, et dans une allure un peu mystérieuse ; Charlie n'avait pas adopté cette manière de faire, et imposait un rythme soutenu, dansant et surtout strict : le nombre de fois où elle avait rappelé à ses chanteurs de ne pas traîner et de ne pas accélérer non plus, mais de garder un ton guilleret et joyeux 'parce que merde on chante de jubiler là', c'était juste indénombrable.
Jubilate Deo - Peter Anglea (partie principale)
Jubilate Deo, Jubilate Deo (bis)
Jubilate Deo omnis terra
Servite domino in laeticia
Introite in conspectu ejus
In exultationem (ter)
Jubilate Deo, Jubilate Deo (bis)
Quoniam suavis est dominus
In aeternam misericordia ejus
Quoniam suavis est dominus et us que
In generationem (quatre)
Veritas ejus Deo
Jubilate Deo, Deo
Oh Jubilate Deo
Jubilate Deo omnis terra !
La pièce terminée, accompagnée par violons, piano et quelques cuivres pas trop encombrants, le public applaudit à tout rompre ; ce chant-là était parfait pour mettre un public en confiance dès la première impression, et Charlie le savait.
Le second chant fut The bird with one wing de Amy F. Bernon, un chant adorable et très joli dans sa partie centrale, qui ravit le public et le laissa coi un instant, avant de déclencher une nouvelle salve d'applaudissements.
The Bird with One Wing - Amy F. Bernon
There once was a bird with just one wing
He was a fragile and frightened thing
The other birds, they pushed him aside
And the little onewinged bird sighed.
The lone little bird, he spent his days
Watching the children at their play
He felt very safe in the shade of a tree,
Where none of the other birds could see.
Then, one day, in bright July,
Our little bird heard a small child cry.
He saw that she was all alone.
The others had left her, headed for home,
So he perched on her shoulder, and then he told her :
"I'll sing a duet with you !"
Ah~ (canon beau as fuck)
Oh~
And when their song was fin'lly done
They saw with delight in the shining sun
Children and birds where gathered around
To see who had made that magical sound
And they sang out together :
"We're all of one feather,
Who ever we happen to be !"
Ah~ (écoutez cette tuerie)
Aussitôt que les soprane-alto se furent tues, le public se manifesta, applaudissant à tout rompre. Harry les comprenait, il aurait aimé avoir à chanter un chant aussi beau lui aussi, et qui logeait bizarrement bien dans leur contexte. Le prochain chant fit se rasseoir les quelques personnes du public qui s'étaient levées ; c'était l'heure de A white rainbow, par Josef Hadar bien évidemment. Pour celui-ci, Harry fit un eye-contact avec Niall, s'assurant que tout allait bien de son côté. Rester debout pendant dix minutes n'était pas encore fatiguant pour lui, mais quelques amputés se trouvaient de l'autre côté de la scène et Niall était à côté d'eux ; Harry s'assurait ainsi que tout le monde allait bien, parce que chez les filles, il voyait déjà que les fauteuils étaient confortablement installés dans leurs sièges. Niall lui rendit son regard en souriant ; rien à signaler.
Harry regarda ensuite le public ; on ne voyait personne, et il était incapable de deviner où se trouvait Betty - et Alexander Rybak si elle était à côté de lui. Quelle chanceuse tout de même.
A white Rainbow - Josef Hadar
Morning comes so brightly
Clear and fresh today
Someone daily helps me
Illuminate my way
What shall we ask while walking on the way ?
What shall we ask for quietly, what ?
Just that the grass will stay green,
Just that the sun keeps shining
And with it's light will stroke us, you and me. (bis)
Blueyed little child bring me light today
With your stary two eyes help me find my way
What shall we ask while walking on the way ?
What shall we ask for quietly, what ?
Just that the grass will stay green,
Just that the sun keeps shining
And with it's light will stroke us, you and me. (bis)
Someone let me know
A rainbow white as snow
From inside that rainbow
A wondrous tone will grow
Hm~
Wouah, ça me fait des frissons à chaque fois, songea Harry en recevant à nouveau les acclamations du public, qu'il était triste de ne pas voir.
Ses tympans lui donnèrent une impression désagréable ; il se gratta légèrement l'intérieur de l'oreille en espérant que ça partirait.
« Le prochain chant est un hymne avec une teinte de religion, avertit Charlie dans le micro - et Harry se demanda pourquoi elle n'avait annoncé aucun des autres chants - mais sachez que ce n'est pas ce qui est dit qui est important, plutôt le pouvoir que transporte la musique en un seul chant. Voici Tu sei la mia vita, chant quadrilingue, et l'orchestre arrangé dessus. »
Elle sembla ensuite fuir le micro, le posant à l'extrémité de la scène. Harry ne s'attarda pas vraiment là-dessus, plutôt sur les musiciens qui gigotaient un peu plus bas, pour se redresser et commencer, enfin, à jouer.
Tu sei la mia vita - Pierrangelo Sequeri / Klaus Wallrath (fractionné)
Les flûtes et le piano se mirent en marche, et Harry dut se retenir de danser. Sérieusement, l'intro de ce chant était exceptionnelle - tout comme le chant lui-même - et il était très déçu qu'aucune version de ce chant n'existe sur internet, enfin, Niall le lui avait dit et il en était triste. Quand vint l'heure pour le chœur de partir, à l'unisson, Charlie fit un geste pour se redresser qui inspira au bouclé un oiseau prêt à fondre sur sa proie - elle avait exagéré le geste pour qu'ils partent sur un mezzo forte.
À chant qui s'enjaille, entrée qui s'enjaille.
Tu sei la mia vita, altro io non ho ;
Tu sei la mia strada, la mia verità.
Nella tua parola io caminerò
Harry surprit Florent à danser à côté de lui ; il l'imita discrètement, souriant d'être côte à côte. Ils prirent une grande inspiration de concert pour la montée, et rirent en silence. Tout le monde souriait de toute façon. Louis faisait semblant de tenir un violon plus loin, imitant Wilhelm à la perfection, celui-ci restant concentré sur sa partition bien sûr - et même comme ça, tous deux avaient l'air tellement classes.
Finchè avrò respiro fino a quando tu vorai.
Florent et Harry firent ensuite une mine contrite, car la mélodie s'y prêtait bien.
Non avrò paura sai,
Se tu sei con me ;
Ioti prego resta con me.
Sur ces derniers mots, ils se firent un petit check de complicité. Louis contemplait Charle au loin, qui dirigeait l'orchestre et le chœur comme une déesse - c'était ce qu'il devait se dire, et honnêtement, il avait raison : les cheveux blancs de la master volaient autour d'elle, qui se penchait pour indiquer aux violons d'aller plus vite, allant de l'autre côté pour calmer la batterie, bougeant les doigts en direction des percussions pour que ça se réveille. Dans tout ça, les seuls mouvements utiles au chœur étaient sa battue de la pulsation avec le bout de son pied, qu'ils ressentaient dans leurs bippeurs, positionné dans leur cou pour qu'ils le ressentent comme un second pouls. Vint le second couplet, en français, et en polyphonie.
Jesus notre frere, notre seigneur,
Eternel comme le pere, homme comme nous
Ton chemin mene a une vie nouvelle
Ou tu es uni avec le pere
Ton retour nous est annoncé
Tu nous ouvriras ton royaume.
La seconde instrumentale renforça l'ambiance qui secouait tout le monde, encore plus tonique et dansante que la première. Cependant Florent et Harry eurent un nouveau contact visuel ; c'était le tour du couplet en allemand. Et Florent détestait l'allemand autant qu'il aimait l'Italie.
Du bist meine Freiheit,
du bist meine Kraft.
Du shenkst mir den Frieden,
du schenkst mir den Mut.
Nichts in diesem Leben
Trennt mich mehr von dir,
Weil ich weiß, dass deine Hand mich immer führen wird
Du nimmst alle Schuld von mir
Und verwirfst mich nicht,
Ici Harry et Florent ricanèrent ; cette phrase en particulier était impossible à prononcer avec le rythme imposé - en plus les notes des ténors à cet instant étaient plus plaintives et désespérées que jamais -, et les répétitions avaient vu maintes fous rires les secouer à chaque fois qu'ils se foiraient.
Lässt mich immer ganz neu beginnen
Harry eut un eye-contact avec Niall cette fois, de l'autre côté de la scène, qui lui intimait sérieusement d'articuler sur le prochain et dernier couplet, en anglais. Harry opina du chef, et Niall était content.
Lead us hanvenly Father, grant us hope and faith,
Harry grimaça légèrement en entendant les sopranes faire leur montée dans les aigus, mais se convainquit que ce n'était rien. De toute façon elles allaient monter encore plus haut après.
Jesu gentle Saviour fill our hearts with grace,
H
oly Spirit comforter sanctify and bless
Enter evr'y trobled heant unite us in your peace.
Holy fire from heaven above, messengers of love.
Make us all God's messengers of love.
Et là voici l'apothéose de la chanson, le canon final, et le bouclé essaya vraiment de ne pas réagir quand les sopranes chantèrent très très fort leur dernière phrase - à tous les coups Charlie allait les réprimander là-dessus après.
Make us all God's messengers of love (bis) !
Dire que le public hurlait serait trop faible : il était en délire. Harry était choqué qu'un simple public puisse faire autant de bruit. Et cette fois, comme c'était le dernier chant de la chorale, ils n'eurent pas à se calmer, applaudissant longuement et criant à qui mieux mieux. Au bout d'une éternité, Charlie envoya Wilhelm au micro. Le public se tut après encore quelques instants.
« Alors, euh, bonjour, bafouilla-t-il avant de reprendre son air bravache. Moi et mon orchestre aimerions à présent vous faire déguster quelques chef-d'œuvres musicaux sans la présence intempestive du chœur, qui va sagement nous regarder et nous écouter, au même titre que vous. J'espère quand même que jusque là vous vous amusez. »
Les plus proches de lui crièrent, il rit dans le micro. Il annonça la première pièce qu'ils interprèteraient, et alla se repositionner sur sa chaise. Le public applaudit une dernière fois, et laissa place à un quart-d'heure de pur bonheur pour Harry, qui sentait ses oreilles se reposer incroyablement après avoir dû supporter les hurlements plus ou moins bruyants de ses voisins.
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