21 octobre 2022
France

« Oooh, j'ai le trac ! En plus il y a Alexander Rybak, tu y crois ça Harry ?! Stressait Wilhelm depuis deux heures. »

En fait, il était dix sept-heures. Le concert était donc dans deux heures encore. Et Harry en avait un peu marre, mais il compatissait avec le trac de son ami, alors ils le rassurait comme il pouvait.

Le matin-même, et ce toute la matinée, il avaient répété avec puis sans l'orchestre, pendant que l'orchestre répétait seul de son côté - Charlie le faisait rarement mais ça arrivait. Puis, en début d'après-midi, ils avaient eu le champ libre pour faire ce qu'ils voulaient, seulement Wilhelm, en grand stressé qu'il était, avait eu besoin de répéter ses morceaux solo devant Harry - dans son appartement -, qui l'avait trouvé très talentueux, mais ne l'avait pas assez rassuré pour lui permettre d'être à l'aise. Charlie, comme prévu, était allée chercher le chanteur norvégien à l'aéroport, et était revenue avec lui, mais interdiction pour tout le monde d'aller le voir avant la représentation ; elle l'avait directement amené à la maison qu'il occuperait le temps de la soirée, et Wilhelm stressait.

« J'ai si peur, tremblota le plus âgé, parcouru d'un frisson.

- Y'a pas à l'être Will, lui assura Harry en lui mettant une main dans le dos. Tu es très doué. Je crains honnêtement plus pour le chœur que pour tous tes solos réunis.

- Tu dis ça pour me rassurer, gémit le blond, pessimiste et découragé.

- Même pas. »

Will eut un faible sourire, puis il retomba et le silence se fit - certainement pas dans sa tête cependant. Harry chercha autre chose pour le distraire.

« Dis-moi, commença-t-il en cherchant encore ce qu'il pouvait bien lui demander. Qu'est-ce que tu mettras ce soir ? »

Les yeux du violoniste s'allumèrent.

Et bah voilà.

« Je vais- attends je vais te montrer ! S'extasia le jeune homme en se levant et allant vers son armoire. »

Il l'ouvrit en grand, dans un geste rappelant sans conteste les princesses dans les films Disney, puis en sortit une housse noire, qu'il ouvrit sur le lit.

« Alors je vais mettre ce costume-là, montra-t-il en caressant doucement l'étoffe du vêtement - visiblement de qualité -, j'ai un gilet aussi, il est... pas là c'est vrai, je l'avais passé à Liam pour qu'il le lave avec le sien l'autre fois, réalisa-t-il avant d'aller courir chez son voisin. »

Harry entendit à peine la porte de l'appartement claquer que Will hurlait déjà chez Liam, sans doute déjà entré sans frapper.

« LIIIAAAM ! Hurlait-il donc alors qu'Harry le rejoignait, constatant qu'en effet, Wilhelm était pendu à la porte de son voisin de palier, la tête rentrée dans l'appartement.

- Qu'est-ce que tu as ? Lui demanda l'autre master en arrivant dans la pièce principale.

- Est-ce que tu as mon gilet ? S'inquiéta Wilhelm sans donner de contexte, lui sautant littéralement dessus.

- Ton gilet... de costume ? S'assura Liam après une seconde, Harry bloquant un peu sur sa prothèse à nu, vu qu'il n'était qu'en débardeur et bermuda. »

Wilhelm hocha la tête à une allure très rapide. Le plus jeune se serait honnêtement foulé les cervicales.

« Oui, je l'ai, sourit Liam en emmenant Wilhelm jusqu'à une pièce de l'appartement, située au fond d'un enfilement de plusieurs pièces - Harry n'était jamais allé plus loin que la pièce de vie chez Liam, mais il savait que son appartement et celui de Wilhelm étaient identiques, et pour le coup, il revenait tout juste de chez Wilhelm.  »

Pour respecter l'espace personnel de Liam, Harry ne les suivit pas, mais entendit le blond exploser de joie, alors il en déduisit qu'il avait son gilet.

« Haz m'a rappelé que je devrais porter un truc ce soir, et je me suis souvenu que je n'avais pas mon gilet, lui expliquait Wilhelm quand il revinrent. »

Harry vit la pièce et se demanda comment Wilhelm pouvait posséder quelque chose de cette qualité. Le gilet était dans les tons noir, violet et vert-de-gris, avec profusion de motifs, rayures, fleurs, volutes, tous mélangés dans une danse savante et loin d'être symétrique. Cerise sur le gâteau : le tout était brodé, et luisait légèrement à la lumière quand le master bougeait sous les lampes de l'appartement.

« Il est magnifique, souffla Harry qui aurait aimé avoir une pièce de collection pareille. Où est-ce que tu as eu ça ?

- Ma grand-mère a tenu à me faire quelques cadeaux avant que je vienne ici, alors j'ai de jolies merveilles, sourit le blond en admirant son gilet. Celui-là est mon préféré.

- C'est sûr que c'est beau, acquiesça Liam, un peu en retrait. Mais une telle pièce, ça ne va qu'à toi.

- Que veux-tu, il faut être beau pour porter de belles choses, se vanta Wilhelm en repartant vers la porte. Tu viens Haz ? On va aller me relooker.

- Vous viendrez bien jouer à Mariokart avant ? Demanda Liam, qui paraissait un peu tout seul, là, au milieu de son appartement simple et bien rangé.

- Je n'avais pas prévu de le faire, mais maintenant que tu le proposes c'est un bonne idée, réfléchit le blond en mettant une main sur son menton. Je finis de décider de ma tenue de ce soir avec Haz et après on arrive ? Ou alors tu viens avec nous et on rejoint ton appart ensemble ensuite ?

- Viens avec nous Liam, ajouta Harry en voyant que le plus âgé hésitait. Ce sera plus drôle comme ça !

- Je sais pas... Je voudrais pas déranger, rougit-il un peu. »

Qu'est-ce que c'est que ça, Liam ? Tu nous fais une crise de manque de confiance en toi ?

« Bien sûr que non tu ne nous dérangeras pas mon nounours à la crème, râla Wilhelm en lui prenant la main pour le traîner derrière lui. Allez, on va me choisir un joli Lavallière avec ça, et puis comment je me coiffe et quelles chaussures aussi. Et après on jouera à Mariokart.

- Très bon plan. C'est quoi un Lavallière ?

- Harry, rappelle-moi de te constituer une culture générale décente la prochaine fois. »

• § •

En fin de compte, Wilhelm ajouterait quelques détails à sa tenue initiale, sous les conseils peu verbalisés de ses deux compères - principalement à base de ah et hm hm. Il ouvrirait sa veste de costume pour être plus à l'aise et montrer son gilet - sauf s'il avait trop chaud et alors il enlèverait complètement la veste -, égayé par une chaîne de montre à gousset en platine, son col de chemise n'étant quant à lui décoré qu'avec un bouton ouvert et une petite broche - il y eut de longues tergiversions sur le col : un nœud Lavallière faisait trop gros, et une sorte d'écharpe comme on en voyait dans certains films lui tenait trop chaud ; on se décida donc pour la broche. Et puis pour les chaussures, il n'en avait que trois paires possibles outre les tennis de ville ; il choisit les plus noires des trois.

Ils se dirigeaient à présent vers l'appartement de Liam en papotant - Wilhelm apprenait à l'instant qu'Harry n'avait pas autant de loisir sur ses vêtements que lui, devant porter une chemise et un jean noirs tous deux, comme le reste du chœur, avec par contre des liserés colorés sur toutes les coutures de la chemise, plutôt longue car arrivait en pointes à mi-cuisses, la couleur des liserés différant selon les étudiants.

« Et vous n'êtes pas tous habillés pareils du coup ? S'intéressa le blond, réellement intrigué. »

Il avait révélé que la chorale avait des tenues changeantes tous les ans, et que Charlie trouvait toujours le moyen de rendre le tout différent des autres chorales de France, mais cette année, il n'avait aucune idée de ce qu'elle avait bien pu demander à la filière vêtements du campus.

« Non, on a tous un pantalon noir, mais chacun a une chemise différente. Genre, ça fait depuis le début de l'année que les étudiants en textile s'occupent de nous fabriquer nos chemises à partir de la note de musique que donne notre bippeur, enfin, la note indique une humeur à Charlie, qui le leur a communiquée au début de l'année, et depuis ils mettent cette humeur-là sous forme de couleur sur les contours des coutures apparentes de la chemise, qui reste noire, pour le coup. Juste il y a un peu de couleur dessus. Je ne sais pas si j'explique correctement, s'inquiéta-t-il en voyant la mine perplexe de Liam.

- À tout hasard, quelle note indique ton bippeur ? S'enquit-il, curieux.

- Je sais pas, pas une note compliquée, bafouilla le plus jeune en sortant ledit bippeur. Attends.

- Parce que tu vas me dire que ton ouïe interdimensionnelle entend les bippeurs ? Railla Wilhelm, un peu déçu de ne pas pouvoir le faire aussi.

- Hm, fit Harry. »

Qu'y avait-il à ajouter de toute façon ? Il appuya donc sur le bouton noir de son appareil, et tendit l'oreille.

« Je n'ai pas l'oreille absolue, annonça-t-il tout de suite quand il vit les visages impatients de ses deux amis, mais c'est une note basique. Do ou ré.

- J'aurais pas qualifié ces notes-là d'oranges, mais why not, acquiesça Wilhelm. Une minute. Grave ou aiguë ?

- Grave. Mais ça sonne comme un do à mon oreille.

- Mouais, toutes les notes graves sonnent do, marmonna Will en levant les yeux au ciel. Et c'est un orange comment ? Sur ta chemise, je veux dire. Orange fluo ?

- Non, orange foncé... Je crois que les filles appellent ça 'ocre' ?

- Hm, oui, on parle pas du même orange, acquiesça le blond. C'est limite du rouge marron. Ça te va bien.

- De toute façon, ça lui ira bien parce que tout lui va, le complimenta Liam à demi-mot en s'asseyant sur le canapé de son appartement. Mais pourquoi tu t'y intéresses autant, Will ? D'habitude tu t'en fiches.

- Disons que Haz ne laisse pas notre petite Charlie indifférente, et que je me demande comment elle le classifie dans sa tête, grogna Wilhelm en lui mettant une petite tape derrière la tête. »

Puis il remarqua le regard épouvanté d'Harry.

« Ah mais, pas intéressée comme ça, pouffa le blond. Juste, je trouve que les dramas avec Charlie cette année, c'est toi qui te les prends tous. Tu t'en plaignais énormément au début.

- Oui, mais, tempéra le bouclé en se souvenant de son premier mois à CUHA, Jacques n'est plus tellement là, et puis... Elle est moins polaire qu'au début. Du moins, elle me laisse un tout petit peu l'approcher. »

C'était vrai ; au début, elle quittait aussitôt la salle de répétition une fois qu'elle était terminée et ignorait Harry quand il la poursuivait pour comprendre le pourquoi du comment, mais maintenant elle prenait son temps, bien que ce soit rapide, pour ranger ses partitions et papoter avec les chanteurs.

« C'est vrai ça, Jacques, se souvint Wilhelm. Il ne devrait plus être là d'ici décembre.

- Comment tu le sais ? S'intrigua le bouclé en recevant la manette que Liam lui mettait dans les mains.

- Il déménage, fit le blond en haussant les épaules. Et je pense que Charlie ne lui donnera pas de remplaçant. »

La partie commença, et Harry préféra ne pas demander comment le blond pouvait savoir ça. À moins que Charlie ne le lui ait dit, mais n'était-ce pas étrange, de toute façon ? Jacques, même s'il passait quelques après-midi à la House, n'avait rien à y faire et ne servait qu'à le bloquer lui, qui avait toujours envie d'aller voir une répétition de l'orchestre ou des soprane-alto.

Tant pis, abandonna-t-il quand Liam lui mit un gros tacle avec son kart, l'envoyant dans le décor. De toute façon, personne ne peut comprendre Charlie.

• § •

De : Betty.Maury
À : Harry Styles
Le : 21.10, 18h52
Bon spectacle J je suis à côté de la star invitée là
Je sais pas comment j'y suis arrivée mais j'y suis
Juste c'est qui ?

De : Harry Styles
À : Betty.Maury
Le : 21.10, 18h52
Alexander Rybak, un violoniste célèbre
Wilhelm est fan de lui

De : Betty.Maury
À : Harry Styles
Le : 21.10, 18h53
Si Wilhelm l'est alors moi aussi
Oh la vache il m'a souri
Je vais faire un gros 'gné' il va rien comprendre
D'ailleurs t'est pas censé répéter toi ? Ou genre te préparer ?

De : Harry Styles
À : Betty.Maury
Le : 21.10, 18h53
Mais c'est fait, on patiente là, l'orchestre s'installe aussi.
Et Ludwig fait une scène parce que sa chemise ne va pas du tout avec la couleur de ses cheveux

De : Betty.Maury
À : Harry Styles
Le : 21.10, 18h53
C'est qui déjà ?

De : Harry Styles
À : Betty.Maury
Le : 21.10, 18h53
Un ténor il chante très aigu
Et il est roux

De : Betty.Maury
À : Harry Styles
Le : 21.10, 18h53
Ah rip

De : Harry Styles
À : Betty.Maury
Le : 21.10, 18h54
Et sa chemise est violette donc il crise

De : Betty.Maury
À : Harry Styles
Le : 21.10, 18h54
Ah
Double rip
Mais c'était pas le pote contrat dont tu m'avais parlé lui ?

De : Harry Styles
À : Betty.Maury
Le : 21.10, 18h54
Si
Il faudra que je te le présente, il est un peu particulier mais on peut vite s'attacher
Juste il peut paraître instrusif et chiant - en mode il est bad boy de wish

De : Betty.Maury
À : Harry Styles
Le : 21.10, 18h55
Et genre en le décrivant comme ça tu penses que je te crois quand tu me dis que c'est ton pote ?

De : Harry Styles
À : Betty.Maury
Le : 21.10, 18h55
Je sais qu'il a un bon fond alors j'essaie
C'est la première impression que j'ai eue de lui qui me bloque

De : Betty.Maury
À : Harry Styles
Le : 21.10, 18h56
Bah j'essaierai aussi alors
Mais t'attends pas à ce que je traîne tout le temps avec lui
Genre je l'ai croisé il y a quelques jours et il était grave flippant

Même s'il faisait pas exprès
Et il avait l'air super dark alors que toi t'es une guimauve genre

De : Harry Styles
À : Betty.Maury
Le : 21.10, 18h56
Je vais faire comme si tu n'avais pas rabaissé ma virilité évidente
Et c'est l'heure d'éteindre les portables alors à toute
Je te présenterai Ludwig bientôt

De : Betty.Maury
À : Harry Styles
Le : 21.10, 18h56
Bonne soirée champion

« Allez Harry, éteins-moi ça, le taquina Wilhelm en passant devant lui sur leur estrade. »

La disposition de la scène était ainsi faite : l'orchestre au milieu, le chœur étendu en arc de cercle au-dessus - sur une longue estrade en escalier à l'arrière de la scène dont la hauteur variait de cinquante centimètres sur les extrémités à un mètre cinquante au milieu -, et Charlie tout devant en contrebas, sur une petite marche tout de même pour que les plus éloignés d'elle la voient, bien que le fond de l'orchestre était légèrement surélevé lui aussi, pour que les spectateurs puissent voir tout le monde. Wilhelm devait se placer, en tant que premier violon majoritaire - n'oublions pas que ce rôle variait - sur un siège à l'écart des autres violons.

Et présentement, il marchait sur les pieds des chanteurs pour leurs faire éteindre leur portable ou les mettre en silencieux, sa voix basse, son sourire taquin et la scène sombre car le rideau était encore fermé mais les bavardages des gens déjà installés de l'autre côté résonnant comme une cadence assourdie donnant à Harry une chair de poule d'adrénaline. Il adorait cet air de pré-spectacle.

Alors qu'il obéissait à la demande de son ami, il le sentit légèrement s'affaisser contre lui. Il releva les yeux et le prit dans ses bras en réflexey.

« J'ai peur Harry, lui souffla le blond dans le cou, les musiciens sous lui rejoignant progressivement leurs sièges au centre de la scène - les chanteurs avaient été réunis dix minutes plus tôt déjà.

- T'as pas à avoir peur, lui répondit le bouclé à voix basse, celle-ci se faisant indéniablement très grave, mais Wilhelm lui avait déjà dit apprécier ce détail. Honnêtement, si tu me disais l'inverse je m'inquièterais. Qui se pointe devant je sais pas combien de personnes avec un violon pour jouer tout seul et dit 'les doigts dans le nez ' ? Pas quelqu'un de très assidu.

- Mais quelqu'un de confiant ? Hasarda le violoniste en redressant un peu sa tête sur l'épaule du plus jeune. »

De loin, Harry vit Charlie demander où était Wilhelm, Jehanne lui répondant à l'oreille avec un geste vague du bras dans leur direction. Quelques têtes se tournèrent, mais Harry s'en fichait.

« Non, quelqu'un de juste con. »

L'aplomb dont il fit preuve fit pouffer Wilhelm, le détendant en partie. Harry sourit doucement de se savoir utile pour lui.