§ Chapitre 54 §
19 octobre 2022
France
Aussitôt dit, aussitôt fait ; chacun se prit au jeu, et bientôt un grand silence se fit entendre dans l'immense salle, chacun prenant un soin particulier à ne produire qu'un son feutré en essayant d'éviter le chercheur de l'équipe, ici Dimitri, qui pour l'instant ne bougeait pas, écoutant ses camarades se déplacer. Saisissait la ruse, Harry se stoppa aussi, pour éviter de révéler sa position. Les autres l'imitèrent. Après une ou deux minutes encore, Dimitri se rua en avant, surprenant Dorémi qui était à un mètre de lui, qui fit d'ailleurs un bruit de gorge bizarre sous la brusquerie du mouvement et pouffa silencieusement de rire lorsqu'il attrapa son bras dans un geste doux, lui faisant comprendre qu'elle était attrapée.
Évidemment, l'aveugle ne tomba pas, étant donné qu'il avait prémédité son coup, et courut aussitôt à droite et à gauche pour tenter d'attraper tous ceux qui étaient encore proches de Dorémi, attrapant ainsi Serge, qui ne se débattit pas trop, Daphné, et Sylvia.
Le problème et avantage à la fois de la zone contrainte était son espace restreint, qui forçait à se marcher un peu dessus lorsqu'on était acculé dans un coin avec un chercheur fonçant vers soi. Harry lui-même était à cet instant caché dans l'un des coins, Ludwig résidant dans le coin le plus proche de lui, et ils étaient deux à éviter de révéler leur position pour ne pas se prendre un Dimitri-fusée. Seulement, le jeune aveugle n'était pas stupide et avait vite compris leur stratégie ; ainsi il fit volte-face et fonça approximativement vers eux, assez vite pour qu'en essayant de l'esquiver, Harry se jette sur Ludwig et le fasse tomber sans aucune discrétion, profitant ensuite de sa position - vautré sur lui - pour l'abandonner au sol et filer à l'autre bout de la zone, le laissant aux soins de Dimitri, qui n'avait pas manqué l'étranglement surpris de Ludwig lorsqu'il s'était pris un bouclé dans le ventre.
« TRAÎTRE, lui hurla-t-il quand Dimitri lui pressa la main, le son se répercutant à travers les groupes. »
De là où il était, Harry entendit Wilhelm se marrer sur l'estrade.
Dimitri reprit sa recherche du plus jeune, mais le temps filait, et Harry réussissait à se fondre dans les autres corps - qui n'avaient plus le droit de bouger - pour échapper au chercheur. Bientôt, les trois minutes furent terminées, et Harry en ressortit vainqueur.
« Bravo à tous, et maintenant on change de rôles ! S'exclama Wilhelm dans le haut parleur. Celui où celle qui a été trouvé en dernier voire pas du tout, c'est à vous ! Concertez-vous si vous êtes plusieurs à ne pas avoir été trouvés, évidemment. On repart dans une minute !
- Harry chéri, et si je m'occupais de te mettre ce splendide foulard rose autour de la tête ? Se proposa Dorémi benoîtement en sortant ledit foulard de sa ceinture par un bout mal rentré. Tu vas avoir l'air d'une princesse !
- Je n'oublie pas ce que tu viens de me faire, chacal, lui susurra Ludwig à l'oreille quand ses yeux furent bandés. Attends-toi à une bonne rouste pour avoir osé me faire perdre.
- Ouh, que je tremble, ironisa Harry - à moitié.
- On repart dans dix... neuf... oui ? »
Ne voyant plus rien, Harry ne comprit pas pourquoi Wilhelm avait cessé le décompte.
« Nouvelle règle ! Clama le master un instant plus tard dans le haut-parleur. Pendant le décompte, le chercheur doit être tourné sur lui-même puis lâchement abandonné au milieu de la zone ! Je recommence le décompte du coup ! Dix... neuf... huit...
- Oh, ça c'est trop bien ! S'exclama la voix de Ludwig pas loin d'Harry. C'est moi qui vais te faire tourner ! Prêt ? »
Il n'attendit même pas de réponse qu'il commença à le balloter dans tous les sens. Ce jeune homme ne connaissait visiblement pas le sens du verbe 'tourner'.
« ZÉRO ! »
Et là, silence total, Harry fut lâché et limite jeté par terre, cherchant comment ses pieds pouvaient marcher droit - ce qu'il n'était même pas sûr de faire étant donné qu'il ne savait pas où il allait.
« Si je peux me permettre, ricana Wilhelm dans le haut-parleur, on a moins de talent chez les chercheurs, d'un coup. »
Gneuh gneuh gneuh, pas de talent toi-même, râla le garçon en cherchant réellement comment se déplacer sans se casser la figure, tanguant sur ses pieds immobiles. Je vais m'éclater la gueule par terre tu vas rien comprendre.
Pour s'encourager tout seul, il esquissa un pas, mais soudain déséquilibré, il trébucha sur du vide et tituba fortement sur la droite. Alors, pour espérer un retour sur des pieds stables, il fonça à droite, se prenant un ou deux corps au passage.
« On est d'accord que si je vous touche vous êtes trouvés ? S'assura Harry quand les deux corps se furent volatilisés dans le néant. Non parce que je vois rien.
- Sans blague, ricana Ludwig derrière lui. »
Harry se retourna brusquement, mais pour ne pas tomber, commença à avancer dans la direction du jeune homme avec la lenteur d'une fourmi morte, les mains tendues devant lui à la manière d'un zombie de mauvais goût. Sa prestation fit d'ailleurs pouffer Daphné à sa gauche, et il fonça vers elle pour la percuter - on ne pouvait plus parler de trouver à ce niveau -, mission accomplie, en plus il eut Dimitri avec elle.
« Concentre-toi sur le bruit de leurs pas, lui conseilla l'aveugle en s'immobilisant. »
Pas con, se dit Harry en se concentrant, mais la seule chose que j'entends c'est les battements de mon cœur.
Il distingua quand même des frottements non loin de lui. Il fonça, dans Sylvia et Monika, et se reprit les deux corps qu'il avait déjà trouvés - apparemment Dorémi et Serge. Ne manquait donc plus que Ludwig, bien caché dans un coin sans doute.
« TEEEEEERMINÉ ! Hurla soudain Wilhelm dans son haut-parleur, faisant sursauter Harry qui ne s'y attendait pas. Que quelqu'un qui n'a pas cherché se dévoue pour le faire ! Tout le monde - sauf exceptions - doit y passer !
- Alors, on galère ? Se moqua Ludwig en enlevant le foulard d'Harry d'autour de sa tête. Quelle piètre imitation d'un mort-vivant. Tu fais honte à Charlie.
- Comment fais-tu pour vivre sans yeux ? Demanda plutôt le plus jeune à Dimitri, en lui prenant les mains - pour lui faire comprendre que c'était à lui qu'il parlait -, qui haussa les épaules en rougissant.
- C'est pas un choix...
- On repart dans dix ! Neuf ! Huit !
- Je vais vous éclater, leur annonça Daphné en se couvrant les yeux. À tout à l'heure ! »
• § •
« Seconde activité ! Annonça Wilhelm à la fin de la dernière manche, où Serge avait étonnamment trouvé tout le monde tout de suite. Vous allez vous mettre en binômes, si vous voulez bien, et les activités prochaines, vous changerez de binôme histoire de découvrir tout le monde. Dans celle-là, vous allez avoir l'occasion d'être en binôme avec tout le monde de toute façon, alors ce n'est pas grave si le courant ne passe pas particulièrement, au pire vous êtes ici pour faire connaissance ! »
Il attendit quelques secondes que les quelques bavardages qui étaient nés cessent.
« Pour cette activité, vous allez donc vous mettre en binômes, les yeux fermés, et à chaque fois que je dirai ''Changez'' on vous mettra avec quelqu'un d'autre, toujours les yeux fermés. Le but de l'activité est simple : découvrir le visage des autres, et deviner qui c'est avec le toucher uniquement. Évidemment, on se gardera de faire des commentaires sur la propreté de la peau, les cheveux gras, et les couches de maquillage peut-être volatiles. Tous ceux - et celles cela va de soi - qui ne se sentent pas capables de faire l'activité, vous avez des Uno neufs dans vos poufs, vous pouvez vous mettre dans un coin de votre zone pour ne pas perturber les autres. Et ceux qui ont les mains moites, vous trouverez des gels hydro-alcooliques dans les poufs également. Fermez tous les yeux quand vous avez terminé votre petite préparation. »
Tous s'exécutèrent après une minute.
« On va passer dans vos rangs pour vous mettre les uns face aux autres, expliqua le blond alors que déjà des mains poussaient doucement Harry vers un endroit de la zone. Vous n'avez pas le droit d'ouvrir les yeux, et vous ne pouvez pas parler tant que vous n'avez pas deviné le nom de la personne qui est en face de vous. Normalement, vous avez déjà eu le temps de repérer quels sont les visages de vos équipes, mais si vous galérez, sachez que vous pouvez parler à partir du moment où l'autre sait qui vous êtes.
- Comment on sait qui est l'autre si on ne lui demande pas ? Lança quelqu'un au premier rang.
- Très bonne question, j'allais y venir, sourit Wilhelm - ça s'entendait énormément - dans le haut-parleur. Vous pouvez tracer les premières lettre du nom de la personne sur sa joue, si elle acquiesce c'est que c'est bien elle et elle peut se mettre à parler, mais tant qu'elle n'a pas trouvé qui vous êtes, vous ne pouvez par parler. D'autres questions ?
- On se tripote pendant combien de temps ? Demanda la même personne alors que la main revenait sur l'épaule d'Harry, appuyant doucement dessus pour lui dire de se baisser ; il s'assit donc sur le pouf qui avait été mis derrière lui, après avoir vérifié qu'il devait bien s'asseoir, à l'aide de mains chercheuses de surface où poser ses fesses.
- Merci de réduire mon travail de recherche d'activités intéressantes à néant, râla le blond dans son haut-parleur. Vous ne vous tripotez pas, vous faites connaissances. Et ça va durer trois minutes, encore. C'est chouette trois minutes. Est-ce que tout le monde est prêt ? »
Un gros silence lui répondit.
« Au moins vous avez capté que vous ne devez pas parler, même si je viens de me prendre un énorme vent, gloussa le jeune homme. Normalement vous avez quelqu'un en face de vous, essayez de toucher ses mains. »
Harry s'exécuta, et par tâtonnements, il atteint les poignets de quelqu'un ; après quelques mouvements gauches, il surent se prendre les mains - et désarroi : ces mains pouvaient correspondre à celles de n'importe qui dans le groupe, étant donné qu'elle étaient très douces.
« Maintenant que c'est fait, vous pouvez, sans faire de mouvements déplacés ou toucher des endroits inappropriés, essayer de chercher son visage. En théorie c'est plus haut que les mains, vous n'avez qu'à suivre les épaules. Il est inutile de descendre. »
Le duo que formaient Harry et X obéit, et la sensation d'avoir des mains inconnues encadrant ses joues était définitivement quelque chose de bizarre. Harry essaya quelques mouvements timides pour essayer de deviner qui était en face de lui et ainsi entamer une discussion ; l'autre ne bougea pas, un peu crispé. Il redessina la forme de sa mâchoire, plutôt forte, et effleura ses lèvres, qui étaient selon lui légèrement ourlées mais sans plus. Ses pommettes étaient rondes, et ses sourcils, qu'il repassa avec ses doigts, étaient fins et bien taillés.
C'est une fille, devina-t-il en repensant à tous ceux qui composaient son équipe. Mais laquelle ?
Il chercha un point qui pourrait les départager, et pensa aux cheveux ; il monta donc ses mains vers le crâne de son ou sa vis-à-vis, et rencontra des mèches douces, plutôt longues.
Je sèche, c'est qui ? Se demanda le garçon, désemparé.
La personne bougea soudainement ses mains, et Harry figea les siennes, surpris. Elle retraça ses lèvres à son tour, ses joues, chercha des lunettes en passant doucement ses pouces sur ses paupières, alla chercher la lisière de ses cheveux. D'une manière ou d'une autre, l'un de ces indices dut l'éclairer, puisqu'elle écrivit Harry sur sa joue. Il acquiesça.
« Ça me rassure de pouvoir te parler, dit-il aussitôt, parce que je t'avoue que je ne sais pas du tout qui tu es. Ou plutôt, je sais que tu es une fille, mais tu n'es ni Sylvia ni Dorémi, et je ne sais pas départager de Daphné ou Monika. »
Personne ne lui répondit bien sûr ; il continua quand même.
« Je ne pensais pas que vos visages étaient aussi ressemblants, ou alors c'est moi qui suis vachement nul, mais honnêtement, c'est perturbant. Et là je cherche un détail qui pourrait départager Daphné de Monika, mais je ne trouve rien. »
La personne avait rangé ses mains sur ses genoux, patiente.
« Est-ce que tu saurais à tout hasard combien de temps il nous reste ? Demanda Harry dans le vide en effleurant le coin de la mâchoire de la personne distraitement.
- IL RESTE UNE MINUTE ! Beugla Wilhelm dans son haut-parleur au même moment.
- Ah, merci, dit le garçon en continuant son exploration. »
Puis il toucha le lobe de l'oreille de la personne par inadvertance, et fut surpris d'y sentir un bijou.
« Oh, Daphné n'avait pas de boucles d'oreilles, réfléchit-il à voix haute. Tu es Monika ?
- Oui, répondit la jeune femme. »
Bizarrement, Harry n'attendit pas pour ranger ses mains, soudainement plus timide. Ce n'était pas qu'il avait une aversion pour elle, seulement elle était alliée à Alicia dans son esprit, et Alicia était définitivement quelqu'un dont il n'aimait pas se souvenir.
« Tu ne parles plus, constata la jeune femme après un moment de silence gênant. Est-ce que c'est délibéré, ou bien tu cherches un sujet de conversation ?
- Je... Bafouilla Harry en cherchant ses mots. »
Il ne savait même pas comment répondre à ça.
« Je ne cherchais pas de sujet de conversation, dit-il simplement. »
Monika ne réagit pas.
« Terminé ! Vous pouvez ouvrir les yeux ! »
Aussitôt, Harry s'exécuta, et tomba dans le regard gris de Monika. Elle était jolie. Et quelque part, après avoir exploré son visage de ses mains, il avait l'impression de mieux le percevoir en vrai.
« C'est fou, j'ai l'impression de n'avoir jamais correctement vu ton visage, fit-elle d'ailleurs remarquer en le détaillant encore plus du regard que d'habitude.
- La même, avoua-t-il honnêtement. Puis-je te poser une question ? Murmura-t-il après un temps, les yeux perdus dans ses pensées.
- Vas-y, dit-elle sur le même ton. »
Est-ce que tu es comme Alicia ? Est-ce que je peux te faire confiance ? Est-ce que Betty a un pressentiment avec toi ou est-ce que tu l'as attirée dans tes filets pour lui faire du mal ?
« Pourquoi Alicia ? Demanda-t-il simplement. »
Monika ferma ses yeux douloureusement, son eye-liner rendant son visage surprenamment triste.
« Si je le savais, chuchota-t-elle alors que les mains dans le dos d'Harry étaient de retour, lui tapotant les épaules pour lui signifier de fermer les yeux. »
Il obéit tout de suite et se laissa guider vers la personne suivante, réfléchissant à cette réponse bizarre. Quoi, elle n'était pas amie avec Alicia pour sa personnalité - compréhensible - ? Alors peut-être pour ce qu'elle pouvait lui apporter, ou encore pour la notoriété ? Non, elle ne savait pas.
Il y a quelque chose de pas net là-dedans, réalisa Harry en recevant la demande de s'asseoir une nouvelle fois.
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