§ Chapitre 47 §
25 septembre 2022
France
« Me dis pas que tu retournes aux crustacés ? Marmonna Niall en entrant dans la cuisine en ce dimanche matin, à six heures et vingt-et-une minutes. Je t'avais dit que deux semaines, pas un mois.
- Mais là Lucas et Marc sont seuls pour gérer, surtout qu'avant il étaient en pause, plaida Harry en posant un café devant son colocataire. Je ne peux pas les laisser tous seuls !
- Ça va pour cette fois, soupira-t-il en prenant une énorme gorgée de la tasse.
- Tu- oh la vache, attention, c'est super chaud ! S'inquiéta Harry en trempant son doigt dans le café de son ami, le retirant aussitôt à cause de sa température beaucoup trop élevée pour y mettre un bout de peau. Aïe !
- Ça va Harreh ? S'inquiéta Niall en prenant son doigt pour le regarder. Faut pas faire ça, tu risques de te brûler.
- Est-ce que tu ne sens vraiment pas que tu viens de te brûler la bouche ? Demanda Harry, sidéré, en allant se passer le doigt sous l'eau. C'est toi qui viens de te faire mal, là.
- Ah, zut. Pas grave, j'irai voir mon infirmière tout à l'heure, elle me grondera correctement. T'es prêt ? »
Interloqué de cette nonchalance, Harry bégaya un peu.
« Ou- Attends, je dois aller- ouais. On y va. »
Niall le regarda bizarrement et le suivit à l'extérieur, ne se rendant pas compte qu'il était toujours en pyjama - de toute façon il y allait pour prendre son petit-déjeuner, et puis il reviendrait à l'appartement après.
« Olive revient bientôt, c'est bien, commenta l'irlandais sur le chemin. Ils pourront assurer leur service comme d'habitude.
- Pourquoi est-ce que tu ne veux pas que je les aide ? Bouda Harry, rebondissant sur le sujet.
- Je ne dirais pas non si tu étais Superman, ou si tu n'avais que ça à faire de ta vie parce que tu finirais tes devoirs en deux-deux, ou même si c'était ton boulot, mais là ? Tu termines tes devoirs à l'arrache, tu galères encore à rentrer dans le moule des études sup, et tu as la guitare plus le chœur à côté : comment veux-tu que je bénisse ta décision ? Lui reprocha le plus âgé en plantant son regard dans le sien. Tu n'y arriveras jamais. Tu leur as déjà trouvé un employé, tu ne peux pas en plus subvenir à tous leurs besoins. Il se sont pas stupides ni en manque cruel de personnel. Oui, ça craint un peu à certains services, mais en vrai tout va bien. Essaye juste de leur apporter du bénéfice en mangeant là-bas ou en nettoyant les tables quand tu as le temps, ne cherche pas à assurer de service complet comme si tu étais un de leurs employé. Si Brannan était au courant, elle te donnerait un avertissement. Elle l'a déjà fait aux autres.
- Mais-
- Harry. Tu ne peux pas porter tout le malheur du monde. Ça ne marche pas comme ça. Si aider implique de se faire du mal à soi-même, c'est qu'il y a un problème quelque part. »
Le plus jeune se mordit les lèvres et entra dans la boutique, suivi de son colocataire.
Je ne supporte juste pas de les savoir en difficulté, soupira-t-il intérieurement, tout en sachant parfaitement que Niall avait raison.
Aussitôt à l'intérieur cependant, ils furent surpris d'entendre des éclats de voix qui provenaient de la cuisine.
« C'est Florent ? Demanda l'irlandais en reconnaissant le ton de voix joyeux de l'italien. Qu'est-ce qu'il fait là ? »
Harry ne répondit pas, interloqué. Florent ne travaillait plus ici depuis un moment maintenant, alors pourquoi venir, qui plus est aussi tôt ?
« Bon viens, j'ai faim et ça sent le croissant, décida Niall en s'avançant vers le fond de la salle, où les portes à larges battants laissaient passer un rai de lumière sur le sol. »
Le plus jeune lui emboîta le pas, et ils furent bientôt dans l'espace de travail de Marc, celui-ci étant d'ailleurs en train de gérer ses cuissons de viennoiserie. Mais personne d'autre n'était avec lui.
« Salut Marc, Florent est là ? Lui demanda l'irlandais en se grattant la tête, désinvolte.
- Ils viennent d'aller dans le bureau d'Olive, si tu veux, répondit le boulanger en formant de nouveaux croissants, le geste donnant presque envie à Harry de ne pas faire le service et de continuer à le regarder.
- C'est qui 'ils' ? Releva Niall en fronçant les sourcils.
- Flo' et Charlie, Lucas est malade. »
L'employé ne parla pas plus longtemps, concentré et d'une nature peu bavarde. Ses mots résonnaient pourtant encore dans l'esprit d'Harry, qui ne savait pas quoi faire de cette information, d'autant plus pénétrante qu'elle avait été prononcée avec cette voix extraordinairement grave qu'avait Marc.
« Bon, et toi tu travailles seul du coup ? Demanda Niall en s'accoudant à son plan de travail. Si ni Lucas ni Olive ne sont là...
- Je sais qu'Harry pourra assurer le bar, et moi je le remplacerai cet aprem, fit le boulanger, laconique. Le restaurant restera fermé, c'est tout. Et je dois prendre un peu d'avance sur mes préparations.
- Cool, et si on allait voir les deux fouineurs nous ? Adressa l'irlandais à Harry, qui attendait sur le côté. Tu sais où est le bureau d'Olive, Harreh ?
- Non.
- Alors suis-moi, l'invita-t-il en ouvrant la marche vers le fond du local, rejoignant une petite porte sombre. Normalement personne n'a le droit d'entrer, mais comme elle n'est pas là on va dire que c'est bon, lui murmura-t-il d'un air faussement confidentiel.
- Qui est là ? Lança la voix de Florent à travers la porte, faisant rougir Harry de surprise.
- C'est pas Olive, répondit Niall d'un ton claironnant. On peut entrer ?
- Oui, viens, Niall, rit l'italien, son sourire éclatant s'entendant même à travers le bois. »
L'irlandais ne se fit pas prier et ouvrit la porte en grand, laissant Harry découvrir l'intérieur du bureau d'Olive. Plutôt grand, une fenêtre située face à la porte laissait la lumière du soleil levant se répandre dans toute la pièce, illuminant Florent et la silhouette chétive de Charlie sur la gauche, penchés sur un classeur. Le reste de la pièce était rempli par une immense bibliothèque remplie de dossiers.
« Oh, Harry, tu es là aussi ? Sourit Florent en le voyant, se levant pour aller lui serrer la main. Comment vous allez tous les deux ? Tu m'as l'air fatigué.
- Week-end un peu prenant, souffla doucement le plus jeune, accueillant la main douce de son ami avec plaisir. Je dormirai bien ce soir. »
Il jeta un bref regard à Charlie pendant que Florent discutait avec Niall, mais la jeune femme restait immobile, comme statufiée sur sa chaise - en réalité, nul doute qu'elle attendait que les deux importuns partent.
« Vous êtes là pour quoi ? Demanda enfin Niall - ça ne faisait pas longtemps qu'ils étaient là et pourtant Harry avait l'impression qu'il était debout depuis une éternité.
- En fait, commença Florent, Olive s'inquiétait pour les comptes de la boutique, parce qu'elle n'est plus là pour les gérer et que Lucas et Marc n'ont pas le droit d'y toucher. Comme j'ai déjà été en charge de ces comptes au début du restaurant, je me suis proposé pour l'y remplacer le temps qu'elle se remette, et elle a accepté. Donc je suis venu ici une première fois, avant de me souvenir qu'Olive calcule tout de tête, et qu'elle n'a pas voulu me donner le code de son ordinateur pour que je puisse me servir de son tableur, et que moi je fais tout avec mon téléphone, sauf qu'il est mort avant-hier et que mon ordinateur n'est pas programmé pour ce genre d'usage. J'ai donc fait appel à Charlie, qui discutait avec Marc, pour qu'elle m'aide à tout calculer. Parce que tout le monde sait que c'est un génie. »
Avec la distance, Harry n'en était pas sûr, mais il aurait juré avoir entendu Charlie soupirer par le nez.
« Et donc tu comptes te servir d'une master pour faire un plus un ? Se moqua Niall en s'adossant au chambranle de la porte.
- Ne te moque pas, rougit Florent en tordant ses mains, mais j'ai regardé les calculs à faire, et c'est vraiment compliqué ! On a commencé il y a quelques minutes et pourtant mon cerveau me fond déjà par les oreilles ! Heureusement que Charlie est là ! »
Nouveau regard dans la direction de l'aveugle de la part d'Harry, immobilité totale de la part de celle-ci.
« Je vais vous laisser, je dois installer les viennoiseries dans la vitrine, s'excusa le plus jeune en tournant les talons. Passez une bonne journée.
- À bientôt Harry ! Lui lança Florent en retournant au bureau. Tu peux rester pour nous aider, Niall, l'invita-t-il en le voyant partir aussi.
- Non merci, j'aide Harry et je rentre chez moi, déclina gentiment l'irlandais en prenant la poignée de la porte pour la refermer. À plus. »
Et Harry aurait bien aimé ne pas voir la tête de Charlie se baisser et ses poings se desserrer sur ses genoux lorsqu'ils sortirent.
• § •
1 octobre 2022
France
« Allez les sopranes, encore une fois ! Encouragea Thomas depuis le piano alors que Charlie se retenait visiblement d'exploser. Vous pouvez le faire, restez concentrées ! »
Une réunion aux détails. C'était juste ça. Et pourtant, Harry se demandait comment ces étudiants pouvaient espérer aborder les détails des chansons qu'ils avaient déjà vues s'ils ne les connaissaient même pas encore très bien. La preuve ici avec Tu sei la mia vita : cela faisait une semaine qu'ils avaient arrêté de le voir pour passer à d'autres œuvres en vue du concert de début d'année, et il semblait qu'il devaient tout reprendre de zéro.
Ici les basses ne comprennent pas, Charlie décrète qu'ils verront ça en séparé mais que là ils doivent avancer, puis après c'est les altos qui bloquent, Charlie secoue un peu la tête - et ce n'est jamais bon -, et à présent c'est les sopranes, qui ne partent jamais quand elles sont censées le faire, et Thomas doit surmonter le mutisme colérique de la cheffe de chœur pour que le monde continue de tourner rond.
« Mais vous le faites exprès ! S'énerva Wilhelm à son tour après leur avoir fait signe de façon évidente pour la sixième fois - six sérieusement - de partir. Qu'est-ce que vous ne comprenez pas ? C'est sur le temps bon sang, il n'y a rien de dur !
- Will- tenta Thomas avant de se faire couper à nouveau par le violoniste, qui s'emportait vraiment.
- Au fond je suis même pas sûr que vous sachiez vraiment ce que ça représente pour Charlie, ce chœur, cria-t-il sur les étudiants qui s'étaient figés, brusqués. Moi non plus je sais pas, parce qu'on lit rien sur sa frange et que je ne suis pas un super-héros, mais je suis à peu près certain que c'est toute sa vie, ça ! Des gens qui chantent, qui jouent de la musique, tous ensemble, alors que rien ne les réunit à la base sinon leur infirmité ou leurs difficultés personnelles ! Et là, son rêve elle veut le réaliser et aller jusqu'au bout de cette année, comme elle l'a fait avec celles d'avant, mais qu'est-ce qui se passe ? Les anciens se disent qu'ils ont tout gagné et que leur place est assurée maintenant qu'ils ont prouvé à travers une année qu'ils savaient chanter, et du coup ils se relâchent, et les nouveaux prennent exemple sur les glandeurs qui foutent rien, en plus de se dire que oups, ils n'ont pas le temps avec tous les devoirs que leur imposent les profs ! Et ça ça mène à quoi ? À CHARLIE QUI S'ÉNERVE BORDEL DE MERDE ! Hurla-t-il d'un coup, faisant sursauter tout le monde. ON M'A DÉJÀ RAPPORTÉ QUE SÉRIEUX, CHARLIE ELLE FAIT QUE DE S'ÉNERVER CONTRE NOUS ALORS QU'ON N'A RIEN FAIT, ELLE SOÛLE, MAIS QUAND JE VIENS VOIR PAR MOI-MÊME JE ME DIS QU'ELLE A BIEN RAISON DE VOUS REMETTRE À VOTRE PLACE ! »
Il toussa quelques instants, la respiration sifflante, puis reprit plus calmement, la voix éraillée.
« Elle consacre toute sa vie à la musique. Elle fait des nuits blanches, elle se ruine la santé déjà que c'est pas trop ça, elle fait tout ce qu'elle peut pour vous, et vous ? Vous ne le lui rendez pas. La musique ça se travaille, ça se mémorise et ça se refait régulièrement pour s'assurer qu'on n'a rien oublié. Vous allez me dire que je parle beaucoup mais que je fais pas grand-chose, mais moi sachez qu'étrangement, j'arrive à allier mon rôle de master, plus mes études, plus mon rôle de premier violon régulier dans l'orchestre, plus prof pour des cours de musiques. Et si je pouvais chanter, je le ferais, sauf que je ne peux pas. Alors au lieu de rester là à me regarder comme des collégiens pris en faute, parce que c'est exactement ce que vous êtes, levez-vous. Pour se réveiller et chanter correctement, il faut être debout. Et ceux qui me trouvent archaïque et relou, cassez-vous. Parce que moi, contrairement à vous, j'ai un immense respect pour cette master, que vous dites respecter mais qu'au fond vous vous dites qu'elle est petite, qu'elle sait pas chanter et qu'elle n'est bonne qu'à donner des leçons, il respira bruyamment pour finir sa tirade. Allez, debout. »
Personne ne bougea. Harry jeta un œil à Charlie pour savoir ce qu'elle en pensait, et elle aussi était surprise : sa bouche était légèrement entrouverte malgré ses bras croisés.
« LEVEZ-VOUS ! Hurla Wilhelm d'un ton presque militaire, donnant un nouveau frisson de surprise aux étudiants. CHARLIE NE VOUS VOIT PAS ET NE PEUT PAS VOUS CORRIGER LÀ-DESSUS, MAIS CROYEZ-MOI QUE JE NE VAIS PAS ME GÊNER ! DEBOUT ! »
En tant que porte-parole, Ludwig se leva le premier. Il fut suivit d'Harry et Niall, puis de la troupe des hommes, et enfin de tous les chanteurs et chanteuses qui le pouvaient.
« Merci bien. Charlie ? Appela-t-il sa camarade, qui revint à elle en claquant sa mâchoire entrouverte.
- Qu'est-ce que c'était que ça ? Demanda-t-elle de sa voix cassée avec un sourire moqueur.
- La preuve de mon amour pour toi Darling, répondit le master en faisant une pirouette. Sinon, je pense qu'il serait de bon ton d'officialiser les douze commandements du parfait choriste de Niall ici présent. Haz le grand les connaît par cœur, en conséquence de quoi il serait capable de me dire le septième, n'est-ce pas Harry ? L'interrogea Wilhelm avec un sourire acéré.
- ...Être suprêmement attentif lors des répétitions et se proposer pour faire des solos, répondit Harry après quelques secondes de latence.
- Le quatrième ?
- Bien écouter pendant les répétitions et répéter chez soi en attendant la prochaine, sourit le garçon en se demandant si le blond savait lesquels il lui demandait d'énoncer.
- Le dixième ? »
Il fait sérieusement du plus trois moins trois ?
« Être prêt à tout ce que Charlie-
- Je croyais t'avoir mieux éduqué que ça, le coupa Niall tout de suite en faisant une moue. »
Harry chercha ce qui n'allait pas quelques secondes, puis comprit où était son erreur.
« Être prêt à tout ce que la cheffe suprême pourra demander de faire et l'exécuter dans la seconde, rit-il nerveusement, suivi de ceux qui l'entouraient. Dans la mesure où ça ne porte pas atteinte à l'intégrité du groupe cependant, ajouta-t-il en se souvenant de Niall et de sa mise en situation avec la fenêtre.
- Donne-nous un exemple, ô choriste de renom ? S'en mêla Niall en levant un sourcil.
- Si la cheffe suprême m'ordonne de me jeter par la fenêtre, cela diminuerait drastiquement le nombre de choristes de la chorale, ainsi c'est un cas de figure où je ne peux accéder à la requête de la cheffe suprême, expliqua le garçon, non sans mal, en essayant de se souvenir de comment Niall avait apporté la chose.
- Et donc que fais-tu, choriste de renom ? Tu ne peux pas ignorer la cheffe suprême sans conséquences.
- J'essaierai de survivre à la colère de la cheffe suprême quand elle se sera rendu compte que je n'ai pas sauté chef, pouffa Harry, suivi des autres choristes.
- Eh bien ça, reprit Wilhelm en montrant Harry du bras, c'est un première année qui vit en colocation avec un ancien, qui a su lui inculquer une bonne manière de répéter son chant. Haz, combien de répétitions par semaine as-tu ?
- Tous les jours, haussa-t-il les épaules en réfléchissant quand même un peu histoire de ne pas se tromper. Quoique, quand Niall va chez Lucas il arrive qu'on oublie. Mais en général c'est tous les soirs, parfois avec Dorémi, Arowana et Roxane d'ailleurs.
- Mais quelle perfection que cet enfant, l'acclama presque - si en fait - Wilhelm en se jetant sur lui pour le faire sourire, et montrer ainsi ses fossettes à tous. Il est beau, il est grand, il est humble, il est gentil, et il aime bosser. »
Harry rougit, faisant tourner la tête à son ami quand il sentit la peau sous ses paumes devenir brûlante.
« Et il est timide, compléta-t-il dans un sourire. »
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