§ Chapitre 16 §
3 septembre 2022
France
« Tout le monde a passé de bonnes vacances ? Demanda Charlie, toujours aussi bas, à son auditoire, qui lui répondit doucement par l'affirmative. Cool alors. Moi aussi, même si flemme de reprendre, un peu. »
Des petits rires se firent entendre, et la scène avait un certain comique, lorsqu'une jeune femme pas plus grande qu'une petite fille marmonnait des directives et se faisait respecter par une troupe entière de jeunes hommes, pour la plupart loin de ressembler à des enfants.
« Pour information, lança-t-elle légèrement plus fort, le volume de la pièce étant si bas qu'on l'entendait distinctement ; je suis une handicapée, comme pas mal de vous tous, et je suis aveugle. Je sais que je n'en ai pas l'air, les gens sont en général étonnés de l'apprendre, mais je ne vois rien, donc il va falloir faire un peu de bruit pour me manifester un problème, et pas lever la main. Tout le monde a son bippeur ?
- Ouiiiiiiiiii.
- Quelle énergie, je me sens motivée, ironisa la jeune femme. Je dis ça aux nouveaux, mais aussi aux amnésiques : quand vous voulez me faire part d'une information pendant un chant, vous appuyez sur le bouton noir de votre bippeur, qui comporte un seul trait, d'accord ? Ce même bouton, vous allez le presser pendant chaque appel lorsque je dis votre nom, et quand vous êtes en retard et que vous êtes derrière la porte comme un imbécile à pas savoir s'il faut frapper ou pas. »
Harry se pencha sur son bippeur pour l'examiner une fois encore, même s'il s'était déjà livré à cette activité plus d'une semaine durant. Il s'agissait d'un boîtier en plastique blanc agrippant de la taille de la paume, en forme de rectangle aux angles et arrêtes arrondis, avec deux boutons sur deux des coins, l'un noir marqué d'un trait en relief, l'autre rouge marqué de deux. L'arrière du boîtier comportait une large plaque métallique, qu'Harry devinait être un émetteur retranscrivant les pulsations que Charlie effectuait sur le sien, comme Louis le lui avait expliqué lors de sa visite.
Ça fait un moment que je n'ai pas vu Louis d'ailleurs, se dit le garçon avec raison en raccrochant son attention sur Charlie.
« Le bouton rouge avec deux traits, reprit la jeune femme après un petit instant, il n'est à actionner qu'en cas d'extrême urgence, et il est plus difficile à enclencher pour cette raison, pour ne pas que vous l'activiez par inadvertance. Vous devez le faire tourner trois fois dans le sens des aiguilles d'une montre et appuyer. On ne va pas faire de démonstration.
- Ils font du bruit ? Demanda l'un des nouveaux chanteurs auprès d'Harry en tournant le petit objet dans tous les sens, les yeux rivés dessus.
- Oui. Pour beaucoup d'entre vous, vous n'entendrez aucun son, mais les ouïes les plus fines pourront constater qu'une note de musique sort pour chaque bippeur différent, quand vous appuierez sur le bouton noir, à un trait. Ça ne sert donc à rien de piquer le bippeur de quelqu'un d'autre, je saurai reconnaître la supercherie même si je ne vous vois pas. J'ai beau être handicapée, je suis loin d'être débile. »
Si Marc possédait une certaine prestance de par sa voix grave et les impulsions de son ton, Charlie captivait apparemment son auditoire par son apparence et ses mots, qui créaient un contraste surprenant. Sa figure sérieuse et figée jouait sans doute aussi, sa grande frange lui arrangeant un air des plus impassibles.
« Le bouton rouge, deux traits, poursuivit-elle dans le silence le plus complet, fait la même chose que le noir mais en quinze fois plus puissant, accompagné de bruits plus aigus pour attirer mon attention. Concrètement, c'est un bouton d'alerte. Imaginons que quelqu'un fasse un malaise parce qu'il est pas dans son assiette et qu'on est en concert ; on va pas le laisser crever sur l'estrade. C'est un exemple, mais évitez de l'activer le plus possible, on a des trop bien entendants sur le campus qui pourraient déchanter si on l'utilise trop, et on en a même un dans la pièce. »
Le regard de Niall passa rapidement sur Harry, et celui de Thomas également, mais les autres ne firent que fixer discrètement les nouveaux, peut-être dans l'espoir de lire leur handicap sur leurs visages.
« Pendant les répétitions, je vous prierai de placer ce bippeur sur votre cuisse ou votre torse, il vous servira à sentir la pulsation en restant concentrés sur vos partitions. Vous pouvez le fixer à votre t-shirt en coinçant le tissu entre le bippeur et un aimant, n'hésitez pas à le mettre quelque part où vous le sentirez. Les non-voyants pourront se contenter de ça et de leur mémoire pour chanter, m'enfin les autres vous êtes priés de me regarder pour que je vous donne les départs. Des questions ? Oui Julien ? Fit-elle après une seconde, Harry ayant brièvement eu le temps de voir le roux actionner son bippeur. »
Sa position n'était pas idéale, mais il avait entendu une note fugace, différente des fréquences habituelles. Il devrait retirer ses protections pour en entendre davantage, mais ce ne serait pas judicieux pour lui au milieu de voix d'hommes, spécialisées dans la puissance vocale.
« Si on le perd ? J'ai vu que Jacques est dans le hall, donc on va te voir toi ou lui ?
- Moi, répondit la jeune femme sans hésiter. Si vous le perdez je dois en recommander à Brannan, donc c'est à moi qu'il faut le dire. D'autres questions ? »
Concentré, Harry entendit passer une note plus aiguë et douce que celle de Julien.
« Aurélien.
- Pourquoi Jacques est-il en bas ?
- Je l'ai chargé d'un travail particulier, lâcha Charlie de but en blanc. D'autres ? »
Silence radio.
« Plus rien ? On peut avancer ? »
Timidement, le bouclé pressa son bouton noir, et eut la satisfaction d'en entendre sortir une note grave, qu'il soupçonna instinctivement d'être un do. Cependant, Charlie ne tourna pas la tête vers lui.
« Nickel, on peut passer à la suite alors. »
Les sourcils d'Harry se froncèrent. Il réappuya une fois, deux fois, mais Charlie n'eut aucune réaction. Agacé, il cliqua à de nombreuses répétitions sur le bouton, qui ne cessa pas de sonner. Après une petite minute où Charlie expliqua qu'elle allait répartir les nouvelles voix, toujours sous les cliquetis incessants d'Harry sur son bippeur, elle souffla et serra les dents en se tournant vers le piano, tournant le dos aux nouveaux.
« Là-bas, fit-elle d'une voix aussi gelée que l'Alaska, son doigt se pointant dans la direction exacte d'Harry, arrêtez de jouer avec vos bippeurs ou je vous les confisque. »
Le brun arrêta, mais Charlie ne dit rien de plus, s'occupant du premier chanteur dans un silence religieux. Elle ne lui fit pas répéter des notes comme le garçon l'aurait cru, mais lui demanda de prononcer son nom et presser son bippeur, peut-être pour l'identifier.
C'est tout de même particulier, songea-t-il en la voyant le congédier vers les basses dans la seconde.
Cinq autres hommes furent dispatchés entre ténors et basses, puis vint le tour d'un énième, qui dut parler trois fois avant que Charlie ne l'annonce baryton*. Une salve d'applaudissements suivit, et le concerné partit sur un espace entre les ténors et les basses, rempli de quelques personnes, dont Niall qui lui tendit une main engageante en se levant, un sourire solaire plaqué sur le visage. Encore un garçon passa - basse - et ce fut le tour d'Harry, qui s'avança timidement, impressionné de s'approcher de la fameuse cheffe de chœur du campus.
« On n'a pas toute la journée, nom et bippeur, le coupa-t-elle dans son admiration. »
Instinctivement, il sut qu'elle l'avait déjà identifié, de la même manière que lui-même l'avait reconnue avant qu'elle n'entre dans la pièce, mais il ne saurait dire grâce à quoi.
« Harry, lâcha-t-il en pressant le bouton noir, la note grave qui en sortit flottant autour de lui et s'accordant joliment avec sa voix. »
Charlie pencha la tête, et lui demanda de répéter.
« Toujours Harry, ironisa le garçon face à sa perplexité. »
Tentative de rire qui n'eut d'effet que sur les hommes derrière, qui ricanèrent discrètement.
« Vos gueules, siffla la jeune femme, la réplique leur clouant immédiatement le bec. Baryton, Harold. »
Nouvelle salve d'applaudissements, plus surpris que les précédents car beaucoup auraient pensé qu'Harry serait basse. Quelques autres encore furent placés, mais sans autres nouveaux arrivants chez les barytons, au plus grand désespoir de Niall qui se lamentait encore alors qu'ils se levaient tous pour l'échauffement.
Le faux blond se déplaça auprès du piano pour les guider, faisant des ronds d'épaules, des étirements, des exercices de souffle, tandis que Charlie organisait ses papiers derrière lui sur un bureau. Vinrent les vocalises, sons sans signification utilisés pour exercer et réveiller la voix, à base de ''Lalala'' que Niall prit un malin plaisir à beaucoup accélérer, faisant bégayer les nouveaux et chauffer la langue d'Harry.
« Alors maintenant, le moment que vous attendez tous, l'accord* ! Tonna Niall sans se départir de son sourire, assez contagieux pour que le bouclé le voie s'étendre à ses voisins. »
D'un geste habitué, il se pencha sur le clavier du piano et pressa une touche, qui sonna grave mais qui restait largement accessible par tous.
« Faites-moi un joli 'O' là-dessus, et relayez-vous pour respirer. Pensez au 'O' de moto, pas un 'O' qui part en 'A'. »
La note se continua dans les airs, Niall se contentant d'observer les chanteurs. Au bout d'une dizaine de secondes, il reprit la parole :
« Les ténors, passez à la quinte*. »
La mise en pratique démarra un peu timidement, mais se fut bientôt entendre un 'O' constitué de deux notes : la fondamentale* et sa quinte.
« Les basses, tierce* d'en-dessous. »
Essai, rire de Niall.
« Non, ça c'est la quinte d'en-dessous. J'ai dit la tierce. »
Nouvel essai, concluant cette fois-ci. Trois notes.
« Continuez, c'est super. Charlie ? »
La jeune femme se retourna et montra une direction du doigt, désignant une nouvelle basse, qui regarda Niall sans comprendre.
« La personne que désigne Charlie doit se charger d'ajouter la dernière note mon pote. Fais-nous une belle tierce, et très fort pour que tout le monde entende l'accord ! »
La perplexité du nouveau chanteur ne découragea pas Niall, qui lui répéta ce qu'il devait ajouter comme note, les autres hommes autour de lui s'amusant à pousser les-leurs le plus fort possible pour le déconcentrer. Doucement, la note finale s'ajouta, et Harry sourit en lui-même, parce que c'était tout de même joli. Cependant, ça semblait incomplet.
« Et on résout* ! Claironna Niall en faisant un geste avec les bras, leur indiquant quand changer la mélodie. »
Et là, le son sembla plein. Harry sourit bêtement.
« Merci Niall, croassa Charlie, brisant le bref moment de bien-être intérieur du bouclé. Asseyez-vous, je vais vous distribuer votre première partition. Elle n'est pas difficile, vous aurez à la chanter avec les soprane-alto pour le spectacle de début d'année dans un mois, on en rajoutera plusieurs autres dans quelques répétitions pour éviter que vous en soyez dégoûtés trop vite. »
La distribution se fit en silence, Charlie donnant des fiches en relief aux aveugles pour qu'ils puissent suivre aussi - la conversation passée avec Louis à ce sujet était loin d'être oubliée. Harry baissa les yeux vers sa feuille, et lut le titre du morceau qu'ils allaient interpréter, 'A white rainbow', par Josef Hadar. Ça ne lui disait rien du tout.
« Oh ça va, souffla Niall à côté du brun. C'est du gâteau, on l'aura fini dans une heure.
- Niall, si vous le faites en une heure je vous applaudis, lança Charlie, à l'autre bout de la pièce, en train d'expliquer à un aveugle comment lire une partition en braille.
- Il est simple, et on le connaît, se justifia faiblement le faux blond en regardant autour de lui, rencontrant les regards hagards de ses camarades de l'année passée. Non ?
- Les vacances ne font pas du bien à tout le monde chéri. Arrête de parler maintenant et lis. »
Un ''Gna gna gna'' boudeur silencieux sortit des lèvres de l'irlandais, qui contempla la partition qu'il semblait déjà connaître par cœur. Harry, lui, regarda les éléments disposés sur la feuille, mais ne saisit pas grand-chose, puisqu'il avait l'oreille mais aucune notion de solfège. Son voisin se mit donc en tête de lui expliquer les notations qu'il voyait, relativement bas pour ne pas gêner les autres, qui découvraient ou redécouvraient le chant.
Une dizaine de minutes plus tard, Charlie revint devant les chanteurs, se déplaçant dans l'espace avec une aisance qui fit douter Harry de sa cécité - tout comme il ne se serait même pas douté de son handicap si elle ne leur avait pas dit au début de la répétition.
« Alors, commença-t-elle pour faire cesser les rares discussions qu'on entendait encore, je vais vous jouer la totale des voix au piano, pour que vous ayez une idée de la mélodie, et puis ceux qui s'en souviennent en cours de route le chanteront avec Niall et Thomas sur les parties d'hommes. C'est un chant a capella, pour information. Il n'y a pas d'instruments dessus. »
Elle se déplaça sans plus attendre face au clavier, et plaça ses doigts sans douter un seul instant de leur positionnement. Niall souffla dans l'oreille d'Harry que les touches étaient marquées de l'alphabet braille pour l'aider, mais cette précision ne changea pas l'avis du bouclé : elle était très à l'aise. Une certitude qui s'accentua quand elle se mit à jouer, volant au-dessus du clavier pour attraper les notes, affaissant ses poignets pour créer des nuances*, ralentissant pour rendre le spectateur silencieux devant la pureté de la mélodie - car même si Harry ne lui prêtait que peu d'attention, la chanson jouée relevait d'une grande douceur.
Trop vite à son goût, Charlie finit, se retourna, et demanda à Thomas et Niall de venir.
« Écoutez bien : les ténors vous suivez Thomas, ou du moins vous l'écoutez, les basses vous suivez Niall, et les baryton vous allez où vous voulez, là où vous êtes le plus à l'aise. Il n'y a pas de voix de baryton dans ce morceau, vous êtes donc libres de choisir. »
Harry décida qu'il irait chez les ténors pour cette fois - il doutait de sa capacité à aller aussi bas qu'une basse, les notes les plus profondes lui étant clairement inatteignables - et se tourna vers Thomas, à sa droite. Charlie ne bougea pas du piano, jouant les voix de soprane et d'alto, qui commençaient par deux phrases lentes et doucement teintées d'ombre. À sa grande surprise, le rythme qu'adoptèrent les deux garçons fut bien plus lent.
A white rainbow, Josef Hadar - voix d'hommes, premières mesures
What shall we ask, on the way ?
What shall we ask
What ?
Just grass green, just sun keeps shining
And it's light you and me.
Just grass green, just sun keeps shining
And it's light you.
« On va s'arrêter là pour le moment, coupa Charlie en cessant de jouer, faisant taire Niall et Thomas, et ceux qui avaient tenté de les rejoindre aussi. Globalement c'est la même chose sur le couplet d'après, et en plus c'est les mêmes paroles donc pas de problème pour l'apprentissage. Les ténors, on commence par vous. Thomas, si tu veux bien te donner la peine sur le début ? On finit mesure quinze.
- D'accord, fit celui-ci en hochant la tête, regardant sa partition. Vous m'écoutez et vous répétez. C'est bon pour tout le monde ?
- Ouiiiii, suivit Harry en chœur avec les autres ténors. »
Thomas prit une grande inspiration, très calme, et demanda à Charlie de lui faire l'introduction, assez lente. Les tristes voix féminines firent les deux premières phrases, qu'Harry suivit sur sa feuille, et Thomas suivit avec la répétition plus lente de leurs mots, qui seule ne possédait pas vraiment de sens mais servait à accompagner les filles.
« What shall we ask, on the way ? »
Il se stoppa ici, attendant que les ténors - dont Harry - répètent. Charlie rejoua docilement la mélodie soprane-alto.
« What shall we ask, on the way ? Tentèrent difficilement les jeunes hommes, les nouveaux éprouvant durement - du moins Harry l'espérait, il se sentirait moins seul - leurs cordes vocales pour pousser dessus, cet exercice n'ayant pas été fait sérieusement depuis l'école primaire.
- Okay encore. What shall we ask - pause - on the way ?
- What shall we ask on the way ?
- Pas trop vite, calmez-vous, ricana le métisse en remontant ses lunettes. Il y a un rythme à respecter ! »
En effet, ils n'étaient pas très raccord. Thomas chantait une phrase lente et mesurée, mais la mélodie imitée était à moitié bafouillée, accélérée et découpée. Niall marmonna discrètement qu'il comprenait pourquoi Charlie avait dit 'plus d'une heure', et Harry le suivit dans son soupir. Il essayait d'être comme Thomas, mais il s'essoufflait avec cette seule phrase et n'était pas bien sûr des notes qu'il interprétait - il pensait alors être le seul membre défaillant, sans savoir que certains autres étaient bien pires.
Ça va être long.
• § •
« Alors, pour les futures répétitions, conclut Charlie en prenant son tas de feuilles sur son bureau, les horaires sont marqués sur vos emplois du temps, ceux qui ont des cours particuliers même chose, allez vous faire recenser si vous ne les avez pas, et allez vous plaindre à Liam s'il vous manque l'emploi du temps musical. Je vous dis à la semaine prochaine, ou à bientôt pour ceux que je reverrai avant. Bye. »
Les étudiants se levèrent de leurs chaises en papotant entre eux, et l'éclipse silencieuse de la cheffe de chœur pourrait presque passer inaperçue, sauf qu'Harry, au plus grand désarroi de Niall qui faillit se prendre un vent en lui offrant de passer la soirée avec lui, ne regardait qu'elle. Elle se dirigeait vers la porte à grands pas, et bien qu'elle ait de petites jambes, elle allait vite. Le bouclé, tentant de la rattraper avant qu'elle ne disparaisse dans l'immeuble, se prit quelques camarades, s'excusa brièvement auprès d'eux. Il ne vit pas le regard que s'échangèrent Thomas et Niall à son sujet, et de toute façon, s'il l'avait fait, il n'y aurait pas prêté attention.
« Charlie ! L'interpella-t-il dans le couloir où elle s'éloignait, à l'opposée de l'ascenseur. Attends ! »
La jeune femme continua de marcher, feignant n'avoir rien entendu. Indéniablement, cela peina le plus jeune, qui la coursa à travers le couloir, la rattrapant en quelques courts virages. Elle s'arrêta sitôt qu'elle sut qu'il était passé devant elle, et fit demi-tour, son absence d'émotions traduit par la petite partie de son visage visible enfonçant un peu plus son interlocuteur. Cependant il souffla, conscient que se mettre dans tous ses états n'était pas la bonne solution - il n'en avait même pas envie en plus. Faire la victime éplorée ne lui apporterait rien, quand bien même il ressentait l'assaut d'une pointe fugace dans son torse, quelque part entre ses poumons et son cœur.
« Charlie, reprit-il doucement, tentant de ne pas faire passer de sentiment désespéré, mais soupçonnant la jeune femme de le sentir quand même. S'il te plaît, qu'est-ce que j'ai fait qui t'a déplu ? »
Légère crispation dans sa démarche, mais elle ne s'arrêta pas pour autant. Harry ne savait pas quoi dire. Il avait conscience que dire quoi que ce soit de travers conclurait définitivement leur relation déjà pas au beau fixe, mais il ne se sentait pas non plus de faire un beau discours - cliché et inefficace - ou de poser des questions bêtes et inutiles telles que 'Pourquoi ?'.
« Je... Reprit-il la parole après s'être brièvement passé la langue sur les lèvres, je suis désolé. »
Phrase qu'il regretta immédiatement. Désolé de quoi ? Remarque que Charlie se fit, manifestement, parce qu'elle fit volte-face de là où elle se trouvait - ses pieds restèrent tout de même légèrement orientés vers sa destination, aka loin de lui.
« ...T'es désolé de quoi, couillon ?
- D'exister, si c'est ça qui te gêne, rougit le plus jeune, surpris d'obtenir une réponse. »
Si la longue frange qui cachait le visage de la jeune femme n'était pas là, il était presque sûr que son interlocutrice hausserait les sourcils, ou roulerait des yeux.
« Y'en a pas beaucoup qui s'aplatissent à ce point devant autrui, et les seuls qui le font c'est les victimes, les lèches-cul et les opprimés innocents. T'es dans aucun de ces cas, contesta l'aveugle avec aplomb.
- Tu n'en sais rien, tu ne me connais pas, rétorqua le bouclé en croisant les bras. Tu ne sais même pas à quoi je ressemble. »
Elle n'eut aucune réaction, ne bougea même pas. Harry doutait qu'elle respirait.
« Honnêtement, reprit-il en soupirant, je n'espérais pas que tu m'écoutes en commençant à te suivre. Tu sembles si déterminée à m'éviter que ça me semblait mission impossible.
- Et pourtant je te parle.
- Mais tu ne me diras pas pourquoi tu mets tout en œuvre pour m'ignorer. Tu as même songé à quitter le campus, je dois être synonyme de malheur pour toi. »
Autre silence. Puis elle se détourna, et reprit sa marche. Pourtant, le garçon ne tenta pas de la rattraper. Il avait eu une entrevue, certes minuscule et pas plus longue que quelques phrases, mais c'était bien assez. La presser de questions ne serait qu'une mauvaise idée, qui renforcerait son aversion pour lui et le ferait passer pour le lourd de service. La laisser cogiter était une bien meilleure option.
Quitte à rester sur ma faim.
• § •
Lexique
Baryton
Voix d'homme intermédiaire, entre ténor - aigu - et basse - grave. Ici, les étudiants sont admiratifs car les voix de baryton sont plus rares que ténor et basse, et couvre une large gamme entre aigu et grave, ne se limitant pas à un seul des deux. L'auteure s'épargne toutes les autres déclinaisons de voix qui existent parce que c'est trop compliqué pour elle - avec les mezzo-quelque chose et tout ça.
Accord
Un accord est en général composé de trois notes, dont la fondamentale, la tierce et la quinte, qui sont respectivement la note de base, trois au-dessus, et cinq au-dessus. L'ordre complet de ces adjectifs est la fondamentale (1), la seconde (2), la tierce (3), la quarte (4), la quinte (5), la sixte (6), la septième (7) et l'octave (8). Ici, l'accord décrit était composé de quatre notes.
Résoudre un accord
C'est le terme utilisé pour signifier qu'on termine l'accord. Dans les musiques classiques se terminant par des accords successifs, l'avant-dernier sert de précurseur à celui qui va résoudre, donc quand on le fait sonner seul on a un goût de 'pas fini', d'inachevé. Et le dernier sublime tout.
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