9
J'avais attendu Vendredi soir, Violet, 23h pour m'en aller. Je ne l'avais dit à personne, par peur d'être confronté à la réalité. La culpabilité me rongeait déjà les entrailles rien que d'y repenser, mais j'étais tout bonnement incapable de le dire à haute voix, de le mentionner avec clarté. Je n'avais même pas songé à leur écrire, je n'avais pas les mots pour. Du moins, Taehyung était déjà au courant mais il n'avait rien dit de toute la journée. Alors j'en déduisais facilement qu'il n'en avait parlé à personne. Je l'avais à peine croisé. Haseul m'avait confié qu'il était très occupé aujourd'hui, que les appels s'étaient multipliés au QG et qu'il faisait toujours son possible pour répondre présent à chacun d'entre eux. Il voulait faire régner l'ordre, aider autrui. Et je trouvais ça remarquable, héroïque.
Pour ce qui en est de Haseul, on avait passé la journée rien que tous les deux, dans sa chambre. Ce n'était rien de bien productif en soi, on avait regardé un film dont je n'avais pas saisi le sens et après elle m'avait raconté un peu plus son histoire personnelle. J'avais écouté sagement sans dire un mot, c'était poignant. Elle avait mentionné combien son frère lui manquait atrocement, qu'elle vivait jour après jour avec un trou béant dans sa poitrine. Haseul espérait le retrouver tôt ou tard pour qu'ils soient enfin réunis mais elle n'avait aucune idée d'où il pouvait bien être à l'heure actuelle. Et c'était sûrement ça le plus attristant, il pouvait très bien se trouver à l'autre bout du globe comme dans le quartier voisin. Et puis, le temps était passé. Quel était le pourcentage de chance qu'ils se reconnaissent en se croisant dans la rue ?
À nouveau, elle m'avait comparé à lui, des étoiles plein les yeux. Ça me touchait, énormément. Je n'avais jamais eu la chance d'être couvé d'un regard bienveillant et si même au début elle avait eu pitié comme les autres, je voyais désormais que cette lueur n'y était plus. Elle avait répété plusieurs fois à quel point elle était heureuse de m'avoir rencontré. Pourtant, ça ne faisait même pas une semaine que j'étais ici. J'avais l'impression d'avoir sauvé sa vie alors que je tentais par tous les moyens de secourir la mienne qui s'éteignait jour après jour.
Après la fin du film, avant que les autres ne rentrent du QG, je l'avais prise dans mes bras. C'était tout à fait aléatoire et précipité, je l'avais forcé en enroulant mes bras autour d'elle maladroitement. Même si elle avait été surprise au début, elle n'avait pas tardé à m'imiter en caressant ma nuque de ses doigts. Je n'aimais pas ça les contacts, mais ça semblait important pour elle. Haseul s'était ensuite exclamée qu'elle adorait mes câlins, qu'ils étaient chauds et réconfortants sans même douter que c'était un au revoir muet.
Je venais de lui dire adieu sans un mot.
En raison de mon départ, j'avais assisté au dîner, car c'était mon dernier en compagnie de tout le monde. Je n'avais pas touché à la nourriture, dévisageant la paire de baguettes sous mes yeux. Je les avais alors fixé à tour de rôle, établissant le bilan final. Ils semblaient tous étonnement détendus malgré la dure journée qu'ils venaient de passer. Même Seungkwan s'était joint à la discussion de groupe, sans jamais me prendre pour cible. C'était une nouveauté exclusive. De temps en temps, nos regards se croisaient mais je faisais tout pour baisser les yeux le plus rapidement possible quand ça arrivait.
Et puis, il y avait Taehyung. Il était en bout de table et n'avait pas pris la parole, ne serait-ce qu'une seule fois. Il était là, sans réellement l'être. Absent mais présent. Ça avait interpellé Jinyoung qui s'était assuré de le zieuter de temps en temps pour s'assurer qu'il allait bien. Apparemment, ce n'était pas son genre d'être discret et effacé même si il avait tendance à se fondre dans le silence. Il avait mangé puis s'était levé en débarrassant son assiette et il avait quitté la pièce, toujours noyé dans un calme olympien. Je voulais lui dire au revoir, lui dire merci, surtout. Mais je n'avais pas pu.
Et je le regrettais déjà.
Il faisait très froid dehors, les frissons me secouaient alors que j'ignorais depuis combien de temps je marchais. Je n'étais pas très couvert, seulement d'un pull trop large appartenant cette fois-ci à Jihoon, même si mon sweat-shirt me manquait déjà horriblement. Il me l'avait prêté ce matin même, je me sentais coupable de le lui avoir volé. Il m'arrivait un peu en dessous des cuisses, j'avais l'impression de porter une robe mais je l'appréciais beaucoup. Il sentait bon, ça me rappelait l'appartement. Et puis au moins, on voyait moins mon jean glisser de mes hanches. Je n'avais toujours pas trouvé de solution à propos de ça. Mais ce n'était clairement pas ma priorité, car les rues, en pleine nuit, se ressemblaient toutes.
J'aurais peut-être dû faire du repérage avant de m'aventurer tête baissée comme un dingue, mais il était trop tard. Je ne connaissais même pas le code pour rentrer et de toute manière, j'étais déjà perdu. C'était voué à l'échec et je le savais pertinemment. Et puis, comment allaient-ils tous réagir en apprenant ma disparition demain matin ? Je me sentais horriblement mal, je ne l'avais même pas imaginé une seule seconde car je ne pensais qu'à moi, qu'à mon propre bonheur comme un désespéré. Je revoyais encore distinctement l'expression joyeuse de Haseul quand je l'avais prise dans mes bras un plus tôt.
J'étais un monstre.
Je trébuchai maladroitement sur une canette de bière et manquai de me rétamer à même le sol. Effrayé, je fis de mon mieux pour faire le vide dans ma tête et me concentrer. Car je marchais toujours tout droit sans même songer à où j'allais atterrir. Dans tous les cas, ça revenait au même, je n'en avais pas la moindre idée du tout.
Sans mon sac à dos, je me sentais réellement sans défense et je n'étais pas certain d'être adepte à ce sentiment là. C'était dérangeant de me balader de manière si vulnérable dans des rues qui m'étaient inconnues. Je savais que c'était dangereux, Taehyung me l'avait bien répété au moins cinq fois durant mon court séjour. Je le croyais, j'avais bu chacun de ses mots mais je ne pouvais pas m'éterniser chez lui plus longtemps. J'avais profité de son hospitalité et ça m'avait dérangé de ne pas pouvoir payer en retour. Alors j'étais parti comme un voleur. Enfin non, j'avais laissé mes trois petites pièces que m'avait donné l'Ukrainien sur le plan de travail de la cuisine. Il allait sûrement savoir que ça venait de moi puisque je les avais mentionné quand nous étions dans son bureau Mercredi.
J'avais un peu peur tout seul, dehors. Habituellement j'étais plus à l'aise dans l'obscurité qu'en pleine lumière mais là dans les ruelles, ça m'angoissait. Un chat errant fit brusquement tomber une poubelle non loin de moi et je sursautai par automatisme tout en me mordant accidentellement la langue. Désormais, un goût d'acier perdurait dans ma bouche et je détestais ça.
L'animal miaula à répétition, il avait la peau sur les os et semblait très faible. Mes sourcils se froncèrent alors que sans m'en rendre compte, je m'étais accroupi à sa hauteur. Mon index et mon majeur tapotèrent doucement le sol, l'appelant. Il m'avait foutu une trouille bleue mais peut-être qu'au fond, c'était moi qui l'avait effrayé en premier lieu.
« Elle est où ta maman ? Demandai-je en l'examinant visuellement, inquiet. Tu dois rentrer à la maison, elle va être inquiète sinon. »
Les paroles de Taehyung résonnèrent en même temps dans ma tête, il m'avait à peu près tenu le même discours dans son bureau. Mais il ne pouvait pas se plier à ma situation, c'était impossible. Je ne pouvais pas y retourner. C'était signer mon arrêt de mort. Et je ne voulais plus mourir.
Tout ce que je souhaitais, c'était vivre.
Laissez moi vivre.
Pitié.
Le chat vint câliner mes genoux qui étaient à sa hauteur, il commença à ronronner. Un petit sourire étira mes lèvres, je n'avais plus si froid. Une drôle de chaleur l'avait temporairement remplacé, ça faisait du bien. Peu sûr de moi, j'approchai mes deux mains pour le caresser. D'abord totalement sur mes gardes puis de plus en plus sereinement au bout de quelques minutes. Il perdait ses poils par poignée, le pauvre.
Souffrait-il ?
« Ou alors tu n'as pas de maison... »
Je fermai les yeux, un instant. La douleur faisait son grand retour, elle n'était jamais réellement partie. Elle avait diminué en intensité mais elle atteignait son apogée, là, maintenant. Le chat continuait de se frotter à moi mais il m'était impossible de le toucher à nouveau. Il était un chat errant, j'étais un errant. Nous étions similaires, lui et moi.
Un bruit suspect le fit fuir à toute vitesse malgré son état plus que préoccupant, il m'avait abandonné. Un peu comme je l'avais fait avec tous les autres. Je les avais laissé derrière moi, sans me retourner. Et il était trop tard pour rebrousser chemin. Ma mémoire me jouait des tours, je ne savais plus depuis combien de temps je marchais dans les rues. Et le froid recommença à me ronger la peau du visage avec gourmandise.
« Hey toi là-bas ! »
Je me retournai, étonné d'être abordé de cette manière. Il y avait trois silhouettes au loin, elles ressemblaient à des Ombres, totalement vêtues de noir. C'était sûrement la raison pour laquelle l'animal s'était éclipsé. Je n'avais rien entendu, moi. Ils avançaient plutôt rapidement, trop rapidement à mon goût même. Effrayé, je me redressai en hâtant le pas progressivement. Jusque là je n'avais croisé personne, j'en avais presque oublié que les rues étaient peuplées. Et que parfois, les quartiers comme ceux-là se réveillent une fois le soleil couché.
« Chopez-le ! »
Les voix m'étaient inconnues, ce pourquoi j'avais commencé à courir. Je n'avais jamais été spécialement bon en sport, je n'avais jamais pris ça comme un passe-temps. Le peu de fois où j'avais couru dans ma vie, c'était pour fuir Violet, les vendredis soir trop arrosés. Nous étions Vendredi et j'en venais à regretter de ne pas être de l'autre côté de la frontière à le fuir lui à la place. Car je savais à quoi m'en tenir si il m'attrapait. Là, je ne voulais clairement pas le savoir.
Sans grande surprise, je fus rapidement à bout de souffle. Je faisais tout mon possible pour ne pas perdre de la vitesse mais c'était compliqué en ne connaissant pas les lieux ni les recoins dans lesquels me planquer. Les paroles de Taehyung prenaient encore plus leur sens maintenant que je me retrouvais dans une situation de danger pur. Je regrettais de ne pas l'avoir écouté sagement mais je ne pouvais pas non plus rester là-bas, à ne rien faire, à ne servir à rien.
On m'attrapa soudainement par l'arrière du col, m'étranglant par la même occasion avec. Mes yeux s'écarquillèrent sous le choc. Pourquoi tout le monde avait tant de facilité à m'attraper alors que j'avais passé ma vie à fuir ? Étais-je donc si faible que ça ?
Facilement atteignable.
« Ton fric, on veut tout ton fric. Cingla l'un d'eux en s'approchant de mon visage, il puait l'alcool.
-J-Je n'ai pas d'argent Monsieur.
-C'est ce qu'ils disent tous. »
Mais je ne mentais pas, je n'avais pas le moindre won sur moi. Si ça avait été le cas, bien sûr que j'aurais tout cédé sans aucune hésitation. Je savais que des hommes pareils existaient pour de vrai mais je n'avais jamais eu le malheur de tomber directement sur eux. La vie s'acharnait sur moi, une nouvelle fois.
« On ne va pas te le demander deux fois, donne-nous ce que tu as ! Braya un autre qui perdait visiblement patience.
-S-S'il vous plaît, je vous jure que je n'ai ri... »
Il m'avait frappé. Son poing avait rencontré ma pommette si fort qu'elle avait craqué, j'ignorais encore comment c'était humainement possible. La zone chauffait déjà désagréablement, la douleur n'était pas si prononcée que ça pour le moment mais je sentais que ça allait sans aucun doute laisser une marque proéminente d'ici peu. Les Vendredis n'étaient pas si différents que ça, finalement. Je n'en passais pas un seul sans vouloir fuir. Même après m'être convaincu que quitter le domicile de ma mère semblait être l'idée de l'année.
« Tu en veux encore ? »
Ils étaient beaucoup trop alcoolisés pour penser de manière totalement raisonnée, tout ce qu'ils voulaient, c'était se défouler. Je le savais. Ils adoptaient le même comportement que Violet, à l'identique, un parfait copier/coller. Au début, il prétendait toujours que je lui avais volé quelque chose qui lui appartenait pendant sa semaine d'absence, puis finalement il évacuait tout ce qu'il avait gardé en lui. Fallait-il encore qu'il m'attrape. J'étais un punching-ball de taille réelle et ça avait toujours l'air de lui plaire, puisqu'il recommençait, encore et encore. Sous les yeux de celle qui m'avait mis au monde. Ces trois hommes avaient beaucoup consommé et j'étais malheureusement sur leur chemin. Si ce n'était pas de la pure malchance ou l'acharnement du ciel, je n'y comprenais absolument rien.
J'aurais aimé m'enfuir comme le petit chat de tout à l'heure, regrouper le peu de courage et de force que j'avais encore en stock pour renverser la donne. Mais j'en étais incapable, j'étais beaucoup trop affaibli. Et mine de rien, le coup que j'avais reçu m'avait sonné. Je tenais en équilibre grâce au mur situé derrière moi, sinon le sol m'aurait certainement accueilli sans nul doute. Rien n'était joué, mes jambes recommençaient à trembler dangereusement. Elles me suppliaient de trouver une issue de secours. Mais je n'en avais aucune.
Alors que mes paupières se fermèrent progressivement et le froid m'enveloppait un peu plus encore, une voix différente des trois autres hommes s'éleva. Elle se mêla à l'air et je fis alors le nécessaire pour ne pas tourner de l'œil. Pas maintenant.
« Il paraît qu'il y a une bagarre ici, le voisinage se plaint des cris.
-Eeeeh m'sieur l'agent, t'es même pas flic d'abord ! Se moqua celui qui m'avait frappé de sa voix de sac à vin.
-Naaaaan on s'amusait juste, faut pas s'inquiéter. »
Non, ce n'était pas vrai. Je ne m'amusais pas du tout. Ce n'était pas drôle, je ne rigolais pas. Personne ne rigolait, à part eux. Puis, un déclic. « M'sieur l'agent », est-ce qu'il parlait là de l'organisme monté par Taehyung ? Je l'espérais de tout mon cœur, si c'était le cas, j'avais peut-être une chance de m'en tirer.
Totalement paniqué à l'idée de voir mon unique chance me passer sous le nez, je poussai l'homme qui me surplombait en manquant de perdre l'équilibre. Un bras fort me rattrapa au dernier moment avant de me pousser en retrait, j'étais maintenant assez éloigné du groupe. L'air me semblait plus respirable maintenant. Ma tête tournait et je sentis la partie droite de mon visage picoter, il n'avait pas fait semblant...
« Je connais vos visages, ce n'est qu'une question de temps avant que je me procure vos noms, vos adresses et numéros de téléphone. J'aurais absolument toutes les données nécessaires à savoir sur vous en moins de 24h. Alors je ne veux plus vous voir traîner dans les parages ni agresser qui que ce soit, la prochaine fois, mon arme de service servira à autre chose qu'à faire beau. »
Les trois hommes ne prirent pas la peine de surenchérir, préférant s'en aller sans faire plus d'histoires. Un coup de pression pareil, c'était fort. J'avais moi-même eu peur. Il avait une arme à feu, une vraie ? Est-ce qu'il avait déjà tué quelqu'un ?
« Jungkook ? Qu'est-ce que tu fais là, bon sang ? S'exclama t-il en s'approchant relativement près de moi.
-M-Merci. »
Ses deux mains prirent en coupe mon visage et il l'observa sous toutes les coutures. Il grimaça en zieutant la zone environnant ma pommette, je ne voulais pas savoir de quelle couleur elle était maintenant. La sensation de chaleur perdurait, comme si quelqu'un s'amusait à appuyer dessus sans relâche.
« Ce fils de pute ne t'a pas raté. Cracha t-il venimeusement en sortant son téléphone de sa poche, la lumière de l'application lampe torche m'aveugla. Ah ouais... merde. »
Son doigt s'approcha de la blessure mais je l'empêchai, en tournant la tête de l'autre côté. Il était hors de question qu'il me touche. Je ne le voulais pas. Ça faisait déjà suffisamment mal comme ça. Même si j'avais tendance à supporter la douleur. Il n'y avait que celle interne qui réussissait à m'atteindre pour de vrai. Celle que je portais sur mes épaules depuis bien trop longtemps. Les coups? Rien de bien nouveau, dans le fond.
« Il est 3h du matin, je dois absolument te ramener auprès de Taehyung.
-Q-Quoi ? M'étranglai-je en attrapant son poignet. Je ne peux pas y retourner, tu ne peux pas l'appeler.
-Il est mon supérieur et je ne suis pas du genre à transgresser les règles quand je suis en service, moi. Et puis, tu comptais aller où comme ça au juste ?
-J-Je... »
Namjoon me regarda de haut en bas, il avait vraiment l'air inquiet. Pourtant, on ne s'était vus qu'une seule fois. Et encore, il avait été le seul à prendre la parole, ça avait été pour me défendre et me servir un chocolat chaud. Il se mit dos à moi et s'abaissa légèrement, son téléphone toujours emprisonné dans l'une de ses mains.
« Bon tu attends quoi pour monter sur mon dos ?
-Je peux marcher...
-Dépêche-toi. »
J'obéis malgré moi, sentant que de toute manière mes jambes n'allaient plus tarder à lâcher. Je voulais le remercier, une centaine de fois au moins, mais je n'avais pas réussi. Alors je m'étais contenté de me cramponner très fort pour qu'il remarque, je l'espérais, à quel point je lui étais reconnaissant. Même si l'étrangler n'entrait pas dans mes plans.
Il approcha son portable de son oreille, j'entendais les intonations résonner. Ma tête était lourde alors malgré moi, je la laissai reposer sur son épaule alors qu'il marchait d'une manière assez pressée. Après quatre tentatives, la personne à l'autre bout du fil répondit enfin. Namjoon soupira et la première chose qu'il lâcha, était un reproche :
« C'est bien beau de se nommer chef d'équipe quand on ne sait pas répondre en temps et en heure aux situations d'urgence. Je suis de nuit, mon service termine dans une heure et tu dois absolument venir m'ouvrir la porte de ton appart'. »
Ils discutèrent ou plutôt débattirent pendant quelques minutes sans jamais me mentionner une seule fois, je sentais mes jambes pendouiller dans le vide alors que le froid faisait sûrement rougir mes oreilles sensibles. Namjoon était exaspéré au téléphone, ils se prenaient la tête on dirait. Alors, fatigué de devoir lui fournir des explications plus ou moins évasives, il avait fini par lâcher durement :
« J'ai le petit avec moi, il s'est fait agresser et j'ai peur de ne pas être intervenu à temps. Je te le ramène, tu comprendras. »
Puis, il raccrocha. Le long du trajet à pied, il ne parla pas une seule fois. Peut-être même qu'il pensait que je dormais et d'ailleurs, c'était à moitié le cas. Cette montée d'adrénaline mélangée à d'anciens souvenirs, ça m'avait totalement lessivé. Oui, je cherchais un moyen d'expliquer ce soudain élan de faiblesse. Je ne sentais pratiquement plus mon corps et les basses températures n'y changeaient rien. Mes dents claquaient et Namjoon le remarqua.
« Quelle idée de sortir en pull avec ce temps. On est arrivés.»
Une fois avoir pris l'ascenseur, toujours cramponné à son dos nous arrivâmes au troisième étage. C'était plus lui qui me retenait de chuter grâce à ses mains enroulées à l'arrière de mes cuisses. La porte d'entrée de l'appartement était déjà ouverte et une faible source de lumière s'en échappait. Je revenais à la case départ, mais j'en étais soulagé pour une raison que j'ignorais ou que je préférais justement écarter à ce moment là.
« Tu es totalement irresponsable de l'avoir laissé partir tout seul, tu te rends compte ou pas ? Namjoon cingla en se retrouvant face à face avec lui. Si je n'étais pas intervenu, qui sait jusqu'où ils seraient allés ! Tu es complètement inconscient ma parole !
-Je l'avais prévenu. »
Namjoon ria nerveusement en me reposant, j'avais des fourmis dans les jambes. Je m'agrippai alors à la première chose sous mes yeux, ayant peur de m'effondrer lamentablement là, devant eux. En voulant attraper le bâti en bois de la porte, j'avais trébuché. Étant donné la chance dont je bénéficiais depuis mes premiers pas, j'avais atterri la tête la première au creux des bras de Taehyung. Mon nez fourré dans le sweater noir qu'il portait. Ça sentait la cigarette, je grimaçai. Il ne me repoussa pas, à mon plus grand étonnement.
« Il est jeune et tu l'as laissé faire n'importe quoi ! Le blâma Namjoon en le pointant du doigt, accusateur. Tu connais ce quartier sur le bout des doigts, surtout les zones à éviter. Tu sais où je l'ai retrouvé ? Dans les ruelles près de l'ancienne laverie !
-Je lui ai donné le choix de rester ou non, il avait le droit à cette liberté. Nous ne l'avons pas eu, nous, je te le rappelle.
-Bravo ! Il fit mine de frapper dans ses mains ironiquement. Je crois que tu n'as pas vu l'état de sa joue pour affirmer des conneries pareilles. »
Je sentis le corps de Taehyung se tendre à travers le tissu de son haut. Effrayé à l'idée de montrer mon visage abîmé, je m'empressai de fermer les yeux comme si ça allait m'aider à y échapper tout en me nichant un peu plus contre lui, pour disparaître. Je voulais devenir invisible. Il se racla la gorge avant de reprendre :
« Arrête de te croire supérieur et merci de l'avoir amené jusqu'ici. Maintenant tu peux dégager, tu n'as plus rien à faire là.
-Ton père m'avait prévenu que tu serais comme ça en grandissant.
-Bien, alors qu'est-ce que tu attends pour t'en aller au lieu de faire faussement l'étonné ? »
Le rire de Nam' résonna dans le couloir avant qu'il ne tourne les talons, lui offrant son plus beau doigt d'honneur. Il y avait décidément quelque chose de pas net entre ces deux-là. Pourquoi semblaient-ils tant se prendre de haut ? Je n'en avais pas la moindre idée mais j'étais certain que Haseul en savait bien plus à ce sujet que moi. Et à nouveau, le père de Taehyung avait été la première chose qu'ils avaient mentionné.
Taehyung referma la porte d'entrée derrière nous en soupirant, j'étais toujours désespérément accroché à lui comme si ma vie en dépendait quand il murmura :
« Ton lit est prêt. »
---------------------------------------------------------
Voilà le chapitre 9, j'ai vraiment apprécié l'écrire alors j'espère que vous avez aimé le lire. On commence à y voir un peu plus clair malgré les zones d'ombre qui sont encore nombreuses et qui persistent autour des différents personnages.
J'espère aussi que pour le moment, ce n'est pas trop "brouillon" car l'action et un petit peu de révélations arrivent dans les prochains chapitres. Je vous remercie pour les commentaires que vous avez laissé sur les autres chapitres, je n'en ai pas manqué un seul et ça me réchauffe le cœur de voir que ça vous plaît.
On se dit à Mercredi prochain, prenez soin de vous les copains:3
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro