10
Lorsque je m'étais réveillé, le lendemain matin, mes premières pensées s'étaient dirigées vers Kyun. Enroulé dans la couette, j'essayais de me remémorer les traits de son visage, en vain. Il m'était impossible de m'en souvenir, comme si il n'avait jamais existé. Mes sourcils s'étaient par automatisme froncés, je n'arrivais pas à comprendre. Tout ce qui était autour de moi, c'est à dire l'étage qui se réveillait peu à peu, ça m'échappait totalement. Ça me filait entre les doigts, comme du sable, de l'eau.
Pourquoi n'arrivais-je pas à me souvenir de lui ?
J'étais immobile, allongé sur le canapé. Plusieurs personnes s'étaient aventurées dans le salon pour regagner la cuisine où ils prenaient le petit-déjeuner, je n'avais pas daigné relever la tête pour en prendre véritablement conscience. Le plafond n'avait pas changé, les tâches jaunâtres étaient toujours là, c'est comme si je n'étais jamais parti.
Soudain, une tête à la chevelure bicolore se plaça dans mon champ de vision. Haseul me regardait en souriant, ses yeux brillaient, ses dents étaient blanches et ses joues assez rebondies. Elle portait un gilet à capuche qu'elle avait légèrement rabattue sur son crâne.
« Debout camarade, Jinyoung a acheté du lait au chocolat hier. Il faut absolument que tu goûtes avant que Jihoon se lève, sinon tu n'en auras pas la moindre goutte. »
Pourquoi était-elle si gentille avec moi ? Je ne comprenais pas la gentillesse qu'elle avait à mon égard, ça me semblait si inhabituel que je n'arrivais pas à cesser de me méfier. Malgré moi, je demeurais sur mes gardes, en permanence. Je ne pouvais clairement pas prendre le risque de me faire attraper, pas encore une fois. C'était suffisant, j'avais mon quota pour toute la vie à ce stade.
Je n'arrêtais pas de penser à Kyun, comme si mon esprit se forçait à y revenir depuis que j'avais ouvert les yeux. J'avais dormi quelques heures à peine cette nuit après être rentré, sans l'ombre d'un rêve à l'horizon. Un sommeil sans rêves, une pause, le noir complet, le silence. J'en avais pratiquement oublié les événements de la veille. Au fait, pourquoi Haseul ne m'en voulait-elle pas de m'être sauvé sans rien lui dire hier ?
« Je t'attends dans la cuisine. »
Elle caressa vaguement mes cheveux avant de quitter la pièce, c'est une chose qu'ils avaient tous tendance à faire avec moi. C'était le geste qu'avait adopté l'Ukrainien avant mon départ, Taehyung le faisait aussi et maintenant Haseul. Et même si j'essayais de rejeter cette idée, je devais avouer que sentir de douces pressions sur le haut de mon crâne me faisait un peu de bien. Je n'avais jamais bénéficié de réels contacts humains, pas de marques d'affection, seulement des mots bien trop crus pour être entendus et répétés en boucle.
Je me suis détesté, à cause d'eux.
Je n'étais décidément pas dans mon assiette, comme si mon esprit refusait de se reconnecter à la réalité. J'avais du mal à tout intégrer. J'étais de nouveau à l'appartement, entouré des autres. Taehyung m'avait récupéré après que Namjoon est intervenu comme un héros dans la ruelle. Je le remerciais encore, sans lui, je ne sais pas ce qui me serait arrivé. Et au fond, je n'osais pas même y songer une seule et unique seconde. Alors, je fis semblant d'oublier que c'était arrivé.
Mollement, je me redressai sur le canapé en emportant la couverture avec moi. Elle était beaucoup trop chaude pour que je l'abandonne ici. Mes pieds nus rencontrèrent le sol gelé et je me tâtai à rester encore quelques minutes de plus allongé ici. À contre cœur, je me levai finalement en tenant fermement la couette autour de moi. C'était la même que la dernière fois, celle qui me donnait l'impression d'être entre les bras de quelqu'un. Ça faisait du bien et dans un autre sens, je m'en servais un peu pour me protéger. J'avais l'impression d'être un peu plus fort, d'avoir une couche en plus, une barrière en plus. Même si j'étais conscient que ces derniers temps, je n'étais rien d'autre qu'un château de cartes déséquilibré à la moindre bourrasque. Je redoutais l'effondrement, il était imminent.
Dans la cuisine, il y avait seulement Haseul et Jinyoung qui papotaient tout bas. Ils n'osaient pas parler trop fort de peur de réveiller les autres. C'était très respectueux de leur part, Jinyoung était l'aîné des deux. Il avait l'air de veiller sur un peu tout le monde, il empêchait généralement Jihoon de dire tout et n'importe quoi. Comme un filtre vivant qui le retient de dire des bêtises.
Je fis le tour de la table sur la pointe des pieds, voulant limiter le choc thermique qui me semblait déjà bien trop important comme ça. Les mèches grasses de ma frange me barraient la vue, j'avais du mal à me repérer dans la salle. C'est comme si à chaque fois que j'y entrais, il y avait quelque chose qui n'était pas à sa place. Aujourd'hui, la machine à café était à l'autre bout du plan de travail et une petite corbeille de fruits se trouvait à l'un des coins de la table. Les fruits étaient de toutes les couleurs, je n'avais pas l'habitude d'en manger mais à l'épicerie près de chez moi, je volais souvent des pommes à peine mûres.
Émerveillé à la vue de ce que je n'avais pas mangé depuis ce qui me semblait être des lustres, je m'approchai lentement de la jolie corbeille en analysant les différents fruits présents. Je reconnaissais ce qui me semblait être des kiwis, des bananes et également des poires. Il y avait une grosse orange aussi, je n'en avais jamais goûté. Ça me donnait l'eau à la bouche.
« J-Je peux en prendre ? Demandai-je sans lever la tête, pointant du doigt ce qui se trouvait à l'intérieur du récipient.
-Bien sûr Jungkook. Me répondit Jinyoung, d'un ton enjoué. Tu peux te servir sans demander, tu es tout autant chez toi que nous. »
Ils se mirent à chuchoter de nouveau, des chuchotements que je n'arrivais pas à décrypter de l'autre côté de la table. Et s'ils parlaient de moi ? Je ne voulais pas que ça arrive, pourquoi le feraient-ils d'abord ? Je devais cesser de me méfier sans cesse, mais c'était bien plus fort que moi. J'attrapai rapidement l'orange dans une main avant de m'asseoir à côté de Haseul, sans me préoccuper de la place que j'occupais. Je voulais seulement être à côté d'elle.
« Tu veux que je l'épluche ? »
Mes yeux papillonnèrent, elle s'était retournée si vivement vers moi que j'en avais laissé échapper le fruit. L'orange s'était mise à rouler doucement sur la table alors que j'avais directement glissé mes mains sous mes cuisses. Je hochai la tête comme simple réponse, ses yeux voyagèrent sur ma pommette. Oh... J'avais presque oublié. Mais Haseul ne posa pas de questions. Néanmoins, Jinyoung m'avait longuement regardé, une expression dont je ne connaissais pas le sens sur le visage.
Je l'avais regardé faire, elle s'était armé d'un couteau et j'ignorais que c'était nécessaire pour enlever la peau de l'orange. Mais elle l'avait manié si gracieusement qu'en moins de deux minutes, elle était épluchée. Elle déposa soigneusement les morceaux devant moi avant de laisser le couteau dans l'évier de la cuisine. Un petit sourire déformait ses lèvres, un sourire qui n'était pas joyeux, un sourire que je n'arrivais pas à comprendre. Elle ne semblait pas triste non plus, j'espérais du plus profond de mon cœur que ça ne soit pas une nouvelle forme de pitié. J'en générais bien trop, peu importe où j'allais.
Mes doigts s'approchèrent à tâtons du fruit juteux. Pour la première fois, je n'avais pas peur de les dégoûter. Car j'adoptais la bonne manière de manger. J'avais le droit d'utiliser mes mains autant que je le voulais. Un quartier entre les doigts, je l'approchai de mes lèvres quand Haseul se retourna de nouveau en ajoutant :
« Il peut y avoir des pépins, tu dois bien mâcher.
-Des pépins ?
-Oui, ce sont des petites graines, il y en a aussi dans les pommes. Il ne faut pas les manger, tu peux les recracher. Je vais te chercher un mouchoir. »
Il y avait donc des pépins dans les oranges ? Je savais qu'il y en avait dans les pommes mais pas dans d'autres fruits, j'en apprenais tous les jours. Ce que j'aimais avec Haseul, c'est qu'elle ne se moquait pas de moi quand je butais sur certains mots. Elle prenait le temps de tout m'expliquer pour que je puisse comprendre, apprendre. Ce n'était pas la première fois que ça arrivait, et je me sentais plutôt relaxé à l'idée de pouvoir ne pas savoir. Elle n'en riait pas, et Jinyoung non plus.
« Tu es allé à l'école jusqu'à quel âge ? »
Je mâchai avec attention le premier quartier que j'avais inséré dans ma bouche, c'était comme une explosion de saveurs différentes. C'était acide mais à la fois incroyablement sucré. Je relevai la tête vers Jinyoung qui avait la anse de sa tasse entre les doigts. Il me vouait une attention particulière ce matin, j'ignorais pourquoi d'ailleurs.
« Je ne sais pas. Répondis-je honnêtement en attrapant un nouveau morceau. J'ai appris à lire, écrire et compter. Mais je n'ai pas pu continuer à y aller.
-Pourquoi ?
-Elle ne voulait pas que j'y aille et...
-Qui ? »
Il m'avait coupé et je m'étais aussitôt senti agressé. Pourquoi voulait-il savoir ? Je n'allais pas lui parler de ma vie, je ne voulais pas en parler. Jamais. Alors pourquoi insistaient-ils tous sans cesse ? Je me fis tout petit sur ma chaise, souhaitant disparaître le plus rapidement possible. Moi qui était affamé, je n'avais plus faim désormais. La discussion tournait autour de ma mère, ça avait été largement suffisant pour me couper l'appétit.
Haseul déposa de quoi m'essuyer à côté de moi et se replaça sur sa chaise. Par drôle de réflexe, j'attrapai sa manche de t-shirt de ma main et elle me repoussa assez brusquement. J'écarquillai les yeux, choqué.
« Jungkook ! Elle s'exclama en fronçant les sourcils. Tu viens de salir mon haut blanc, tu ne peux pas faire ça !
-P-Pardon. »
La situation s'était encore plus aggravée et je ne savais plus où me mettre. Pris de panique, j'avais quitté la cuisine en les entendant m'appeler. Jinyoung lui faisait des reproches tels que : « pourquoi tu as fait ça ? Il commençait à parler de lui ! » alors que Haseul continuait d'assurer que c'était son haut préféré et qu'il était désormais tâché. La couverture toujours autour de moi, je m'étais perdu dans les couloirs où je ne m'étais encore jamais aventuré.
Je me sentais vraiment mal, à cause de tout ce qui venait de se passer. Pour les regards trop aiguisés de Jinyoung et ses questions qui m'avaient remué à l'intérieur, pour le haut de Haseul alors qu'elle m'avait gentiment épluché l'orange que je n'avais même pas pris la peine de terminer. Je préférais toujours fuir, comme si j'étais destiné à ça.
Je voulais pleurer, encore. C'était mon seul bon réflexe ces derniers temps. Et même si je détestais l'idée de me montrer si vulnérable, j'avais l'impression que ça allégeait la douleur, juste un petit peu. Et étant donné qu'elle atteignait son paroxysme depuis que j'avais quitté la maison de ma mère, c'était toujours bon à prendre. Une larme, puis deux et trois... Elles glissaient agilement sur mes joues alors que j'avais ralenti, ne sachant pas où aller. Je me sentais vraiment coupable pour ce qui venait de se passer. En plus, je les avais abandonné hier.
Je m'étais sauvé.
La porte à ma gauche s'ouvrit en un minuscule grincement, je relevai la tête pour apercevoir de qui il s'agissait. C'était Taehyung. Il était habillé d'un t-shirt marron et d'un jean noir, ses cheveux étaient encore légèrement décoiffés. Nos regards se croisèrent, il avait l'air étonné de me voir ici.
« Tu es déjà levé ? »
Je fis « oui » de la tête. Il était vraiment très beau, Taehyung. Je voulais être comme lui. Tout le monde lui adressait une reconnaissance sans égal. Il n'était pas transparent, lui. Moi, je l'étais. Et puis, je n'avais rien en ma possession pour arriver ne serait-ce qu'à ses chevilles.
Je n'étais rien du tout.
« Pourquoi tu pleures, Jungkook ? »
Ses doigts, plus précisément son pouce et son index attrapèrent délicatement mon menton. Je le laissai faire en reniflant. J'allais encore me ridiculiser si je venais à lui dire pourquoi je pleurnichais. Pleurer, c'était pour les faibles, non ? Ça n'allait que confirmer ce qu'il pensait déjà à mon égard, j'étais facilement atteignable et c'était vrai.
« J-Je suis trop nul. »
Ses yeux scannèrent l'hématome sur ma pommette avant d'ouvrir la porte de ce que je devinais être sa chambre, il m'invita à y entrer. Curieusement, je n'avais pas senti le besoin de m'en aller en courant. Je ne voulais pas fuir. J'ignorais depuis combien de temps Taehyung était réveillé, j'ignorais tout, jusqu'à l'heure qu'il était. Enfin, la seule chose que je savais, c'est que nous étions Samedi. Orange.
La décoration de la chambre était simpliste, mais je l'aimais beaucoup. Le lit venait d'être fait, il y avait deux taies d'oreiller et le matelas était si grand que j'étais certain d'y disparaître en m'y allongeant. Les rideaux étaient à peine tirés, laissant une faible quantité de lumière éclairer la pièce. Ça sentait Taehyung, la même odeur que sur son haut que j'avais humé hier en rentrant. Ça sentait la sécurité, quoique, la cigarette perdurait tout de même. Et ça gâchait tout. Ça me rappelait que finalement, la sécurité partait en fumée. Que le retour de flamme était toujours là, qu'il ne fallait jamais l'oublier. Car lui, n'allait aucunement prévenir avant de me sauter au visage.
« Qu'est-ce qui te fait dire ça ? Il demanda en essayant de paraître le plus calme possible, je devinai qu'il faisait attention au volume de sa voix pour ne pas m'effrayer. Pourquoi penses-tu que tu es nul ?
-J-Je ne sais pas... »
Il n'avait pas paru surpris, contrairement à Jinyoung qui s'était dépêché de m'inonder de questions. J'avais alors paniqué, mais là, ce n'était pas le cas. Je lui étais reconnaissant de ne pas trop insister. Il savait, que ça n'allait mener à rien si ça avait été le cas, à part à une énième crise de larmes.
« Viens t'asseoir. Il tapota le matelas, la place juste à côté de lui. »
J'étais partagé. Je ne savais pas quoi faire. D'un côté, j'étais conscient que d'une manière ou d'une autre, il allait tenter de me faire parler. Mais il y avait quelque chose à propos de lui qui faisait que j'avais envie de m'asseoir sur ce lit.
Car il était tout ce que je voulais être.
À tâtons, je m'approchai peu à peu. Il n'avait rien dit, attendant patiemment en passant sa main dans ses cheveux, les démêlant du mieux possible. Il était patient, comme Haseul mais c'était tout de même différent, je le ressentais. Je repensai à son haut que j'avais bêtement tâché, je m'en voulais de ne pas avoir réfléchi une seule seconde à mes actes. Je m'installai non sans douter sur le matelas, mes fesses au bord, pour être certain de pouvoir m'enfuir rapidement si j'en éprouvais l'urgence.
Un long silence suivit, un silence réconfortant qui n'avait pas l'effet d'un poids lourd sur les épaules. Cependant, de temps en temps, je sentais son regard sur moi. Je ne pouvais m'empêcher d'observer le sol, partagé entre parler ou préférer le mutisme. Puis, sans réfléchir, je lui annonçai de but en blanc :
« J-J'ai appris un nouveau mot, la dernière fois.
-Tu veux me le dire ?
-C'est le mot clément. »
Il ne répondit pas, se contentant de s'installer plus confortablement. Il était assis mais ses mains étaient loin derrière nous, elles formaient une sorte d'appui. J'étais presque sûr qu'il voulait qu'une seule chose, s'enrouler de nouveau dans les couettes pour dormir jusqu'à pas d'heure. Mes yeux captèrent le radio-réveil sur la petite table de chevet grise, il était quasiment 6h. Je comprenais pourquoi il semblait si fatigué, il avait à peine 3h de sommeil au compteur. Et c'était encore à cause de moi.
« Je suis désolé pour tout à l'heure...
-Tu n'as pas à l'être, c'est de ma faute. Nam' avait raison, je n'aurais pas dû te laisser partir. Je connais ce quartier mieux que n'importe qui, j'étais conscient des différents dangers mais je ne t'ai aucunement empêché.
-Tu n'aurais pas pu me retenir, j-j'avais pris ma décision.»
Nous en étions tous les deux conscients, du moins j'en avais la forte impression. J'étais buté à l'idée de m'en aller, je l'avais déjà imprimé dans mon cerveau et personne n'aurait certainement pu m'en dissuader. J'étais buté sur mes idées, même si elles n'étaient pas toujours les meilleures. Je me demandais encore si avoir quitté la maison de ma mère était une erreur ou non. Mais en y réfléchissant, je finissais toujours pas me dire que ce n'en était pas une. Car à aucun moment, ça ne m'avait manqué, dans le bon sens du terme bien évidement.
« L'hématome sur ta joue mettra de longs jours avant de s'estomper, on aurait dû mettre de la glace dessus avant que tu ailles te coucher.
-Ça va, je n'ai pas si mal. »
Son regard n'était plus que confusion totale pendant les quelques secondes qui suivirent, il ne semblait pas comprendre. Mais, ce n'était qu'un bleu. Ce n'était pas la mort non plus, j'allais m'en remettre rapidement. Cependant, je sentais ma peau légèrement boursouflée et je devais avouer malgré moi, que ça faisait quand même un mal de chien. Mais je tenais à avoir l'air courageux, devant lui. Car c'était la seule personne que je tentais d'impressionner. Je ne sais d'ailleurs toujours pas pourquoi ni à quel moment cette nouvelle lubie s'était immiscée dans mon crâne.
« Tout ce que j'entreprends est voué à l'échec. Avouai-je au bout d'un moment, tous les deux baignés dans un doux silence. »
Il ne prit pas la parole mais m'encouragea tout de même à poursuivre en me couvant du regard. Ça me réchauffait le cœur, j'avais arrêté de pleurer.
« E-Elle, elle a dit que j'étais une erreur. Elle l'a toujours dit. E-Et je n'arrive pas à arrêter d'y penser. Je crois qu'elle a raison mais j-je ne veux pas, je ne veux pas être une erreur. J'y pense tout le temps. Je veux exister, pour de vrai. Je veux... Je veux... Je veux être moi. Je ne suis pas une erreur, vraiment. Arg, je ne sais pas.»
Les mains de Taehyung se retrouvèrent sur mes épaules, il avait repoussé la couverture que j'avais toujours autour du corps facilement. J'ai de nouveau paniqué tout seul. Je m'étais mis la pression, comme un grand sans l'aide de personne. Mais c'était plus fort que moi. Je n'arrivais pas à en parler tranquillement. J'étais effrayé à l'idée de la voir ouvrir la porte, d'entrer dans la chambre comme si c'était la sienne. Alors que c'était purement impossible, j'avais encore du mal à l'intégrer.
« Regarde-moi. »
Impossible. Je ne le voulais pas. Je venais de me ridiculiser, deux fois de suite. La première en présence de Jinyoung et Haseul. La deuxième, en ce moment-même. C'était assez pour aujourd'hui et il était seulement 6h du matin.
« Jungkook, regarde-moi. »
Il ne m'avait pas forcé, je l'avais regardé par moi-même. Ses yeux étaient si étranges, je me demandais ce qu'ils renfermaient. Ce qu'il avait vu, vécu. La vie des autres m'intéressait, mais j'étais captivé par Taehyung. Il était un homme, l'homme que j'avais toujours voulu être. Une figure importante, que je n'avais pas eu la chance d'avoir en grandissant. C'était toujours ce même ressenti lorsque j'étais près de lui, la sécurité mais il y avait la cigarette...
Elle était toujours là, elle me collait à la peau.
Yeux dans les yeux alors que les secondes s'allongeaient, je me demandais ce qu'il cherchait à faire. Il était très sérieux, ses lèvres tirées en une ligne droite. J'avais encore le goût de l'orange sur le bout de la langue. Je voulais lui dire que c'était la première fois que j'en avais mangé de toute ma vie, mais il devait sûrement s'en foutre. Après tout, ça n'intéressait personne.
La pression de ses mains sur mes épaules se renforça, mes sourcils se froncèrent légèrement. Sa voix était bien plus rauque qu'habituellement -même si elle l'était déjà beaucoup-, elle était enrouée car il s'était levé il y a peu. Et en moins de deux, j'avais recommencé à pleurer.
« Tu existes. »
C'est Taehyung qui l'a dit. J'avais quitté le domicile « familial » pour exister, c'était mon but, mon objectif. Un peu plus d'une semaine plus tard, j'entendais à voix haute ces mots que je m'étais longuement répété pour me convaincre de sauter le pas.
Nous étions Samedi, Orange et moi, Jeon Jungkook, je commençais seulement à exister après dix-sept ans de brouillon total, de ratures, de bavures d'encre. Ma vie débutait maintenant et j'adorais cette idée.
Je n'en croyais pas mes oreilles, j'existais enfin.
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Je sais que nous ne sommes pas Mercredi mais je voulais faire un petit update surprise pour vous faire plaisir, prenez soin de vous les copains:3
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