Vous savez ce qui s'est passé maintenant. Je suis une meurtrière depuis le début. Je le regrette profondément, j'ai des remords qui me rongent de l'intérieur mais comme je dis, on ne peut pas changer ce que l'on est, ce sont nos choix qui font ce que nous sommes. Je vous assure que je ferais tout pour réparer les dégâts que j'ai causés...

- Tu peux te rattraper.

Je lève lentement les yeux vers lui et fronce les sourcils. Et qu'est-ce qui pourrait m'aider à tout recoller ? C'est impossible, on est pas dans un conte de fées : une autre question me perturbe encore plus. Heaven, Jessica, Mélania, Devil... Ils sont morts.

- Ils ne sont pas morts.

Je fixe chaque parcelle de son visage pour déceler une cellule qui pourrait trahir un quelconque mensonge. Mais non rien, il a l'air vraiment sincère dans ce qu'il dit. Je ne sais plus quoi penser, quoi dire ou encore où regarder. Est-ce que ce serait une ruse pour me ramener près de lui ou alors il cherche vraiment à m'aider et à tourner la page ? Mon passé revient à la surface d'un seul coup : mon enfance, mes fous rires, mes joies mais surtout nos moments. Je souris bêtement à la vue de tout ça. Mais la dure réalité me replonge en enfer et tout se brouille autour de moi ; ça fait des mois que je ne me suis pas laissée aller à pleurer pour me sentir mieux. Je sens une main sur ma joue me relever la tête.

- Tu veux vraiment te faire pardonner ?

J'hoche la tête tout en le fixant intensément. Il trace des cercles réguliers sur mes pommettes et se rapproche de plus en plus jusqu'à ce que je tourne la tête. Je me racle la gorge et regarde ailleurs, je n'ai pas fait tous ces efforts pour replonger en un seul regard avec lui. Il mérite beaucoup mieux que moi et j'ai encore moins envie de lui faire du mal.

- Oui, je veux rattraper mes erreurs, je finis par dire après un moment de silence.

- Je veux bien t'expliquer mais à une condition.

Je déglutis : je sentais bien que c'était trop beau et qu'il allait me demander quelque chose en retour. Il attend plusieurs secondes comme s'il n'osait pas le dire avant de lâcher le plus vite possible.

- Que tu rentres à la maison.

Je secoue la tête vivement en commençant à reculer de quelques pas. Hors de question que je mette d'autres vies en jeu ! J'ai l'impression de sentir la pointe de l'épée de Damoclès sur le haut de mon crâne. Une seule dernière erreur et ce sera celle de trop. Il m'attrape la main pour me ramener près de lui.

- Fais-moi confiance pour une fois.

Je souffle un coup et hoche la tête rapidement avant de regretter mon geste. Mais dans quoi je me suis encore embarquée ?

***

Je me stoppe net en sortant de la voiture. Je ne peux plus bouger à la vue du portail, mon corps semble paralysé et refuse de répondre à ma place comme s'il savait que je n'étais que la seule et unique responsable de ce qu'il se passe. Mes mains sont tremblantes et des sueurs froides coulent de mon front. Je vois à peine à deux mètres devant moi. J'ai l'impression d'entendre un bourdonnement incessant et perturbant dans mes tympans. Pire, on dirait qu'il vient de ma tête ce qui le rend d'autant plus insupportable. Le silence est total. Aucun bruit d'animaux. De glissement du vent sur les branches. Rien.

Je sursaute violemment quand je sens une main puissante sur mon épaule. Je pose ma main sur ma poitrine et sens mon cœur qui est prêt à sortir de ma cage thoracique. J'essaye de reprendre une respiration normale.

- Hé. Ça va ? T'étais dans la lune.

J'hoche la tête et souffle un coup en fermant les yeux. Sentant encore la pression de sa main sur mon épaule, je fais un léger mouvement circulaire pour l'inciter à l'enlever ce qu'il fait. Il se racle la gorge et fait un signe de la main pour m'inciter à avancer. C'est tellement tendu entre nous que ça en devient comique : j'ai une irrépressible envie de faire demi-tour et de m'enfuir en courant.

Je passe le portail, tremblante, quand des événements me reviennent en tête...

- Tu ne peux pas savoir le nombre de risque qu'elle a couru avec cette bague. Et je suppose que ce n'est pas simplement une bague de compagne !

- Ça va, calme tes nerfs ! On dirait une femme enceinte sérieux.

...

- Attends Clara, je ne sais pas ce que tu as appris mais...

- Ah non ! Pas ton excuse à la con ! Depuis toute petite, je pensais que tu étais là pour me protéger, et même plus parce que tu m'aimais ! Mais en fait c'était juste une histoire de compagne !

...

- Laisse-moi tranquille si tu tiens à la vie.

...

- Tu sais que même si tu me rends mes sentiments, je ne changerai pas. Certes, je pourrai avoir des sentiments tels que la peine, la joie, la colère...

- L'amour.

- Ça, je demande à voir.

...

- Je suis faite pour tuer. Tu es juste là pour veiller sur l'enfer. Je n'ai pas ma place ici désolée.

...

- Je t'aime Clara Smith.

...

Je t'aime... Je ne lui ai jamais dit... Je n'ai jamais sorti ce signe d'affection à quiconque comme si je savais que personne ne méritait assez pour que je l'aime.

Je passe la porte et me retrouve dans le hall. Je tourne la tête vers la gauche et vois la cuisine. Mon dieu la cuisine...

...

- Tu voulais vraiment partir sans me dire au revoir ?

- Je n'allais pas partir, je prenais juste une bouteille d'eau.

- Ne joue pas à ça, princesse.

Il se rapproche de plus en plus pour se coller à moi et bien que je sois en short débardeur, je commence à avoir chaud. Il passe doucement ses mains dans mes cheveux et m'embrasse amoureusement. Je sens ses mains passer dans mon dos et caresser ma colonne vertébrale. Il laisse son souffle traîner exprès dans mon cou pour me faire frissonner. Il embrasse lentement mon cou pour revenir sur mes lèvres...

...

Je tourne la tête rapidement en entendant un bruit de verre brisé. Je tombe face à Alia. Oh non...

Elle s'approche de moi à une vitesse hallucinante et m'attrape le cou. Elle vient claquer mon dos contre le mur en faisant bien attention à me faire mal. Je sens les plumes noires de ses ailes me caresser le visage.

- Alia... j'arrive à articuler. Mes mains se placent sur les siennes en essayant de les délier de mon cou.

- Ne m'adresse pas la parole.

Je sens ses ongles s'enfoncer dans la peau de mon cou progressivement et le sang glisser doucement sur ma poitrine. Dans quelques secondes, son ongle de son index va atteindre ma jugulaire et je vais me noyer dans mon propre sang.

- Alia !

A la seconde, elle me lâche. Mes jambes ne tiennent pas le choc et je m'écroule au sol tout en tenant mon cou. En palpant celui-ci, je sens ma peau se reformer et les plaies se refermer. Alia me jette un regard noir avant de se tourner vers Théo. Celui-ci a l'air assez en colère contre Alia quand il s'approche de moi pour m'aider à me relever.

- Si je l'ai fait venir ce n'est pas pour que tu la tues à la seconde !

- Tu l'as fait venir pourquoi alors ?

- Je suis revenue pour réparer mes erreurs, je m'interpose.

- Tu étais plus convaincante quand tu étais possédée. Là tu fais juste pitié.

Je la fixe sans sourciller. Je sens la haine monter et ma vraie nature revenir à la charge. Ma main se serre d'elle-même et j'imagine mon cou entre celle-ci mais Théo place sa main sur la mienne pour m'arrêter.

- Clara, stop. Elle te provoque.

Je soupire et détourne mon regard. Je croise mes bras sur ma poitrine et m'adosse au mur auquel j'ai failli mourir étranglé deux minutes auparavant. J'entends des pas venant du sous-sol et deux silhouettes apparaître. Sûrement alertés par le bruit, Menthaïs et Tony s'approchent de nous mais dès que leur regard tombe sur le mien, je me sens déstabilisée.

- Clara ?

Je suis à deux doigts de m'enfuir. Je me sens tellement mal dans cette endroit que mon pouls s'accélère. Vu leur façon de se tenir loin de moi et la manière dont ils me regardent, ils ont dû regarder les infos qui me décrivent comme un monstre. Je me tourne vers Théo pour briser ce silence pesant.

- Maintenant que je suis là, explique-moi.

- Heaven, Jessica, Mélania, Devil... Ils ne sont pas morts.

Tout le monde sauf moi est étonné. Mais moi ce qui m'intéresse c'est comment il le sait et si c'est vrai : comment on fait pour aller les chercher.

- Tous les soirs, je me demandais où tu étais, qu'est-ce que tu faisais, avec qui tu étais mais j'ai aussi pensé aux autres. Un démon a une mission à accomplir mais il peut aussi mourir avant de l'avoir accompli malheureusement. Dans ce cas-là, il peut revenir en enfer si on va le chercher. Quand un démon meurt, il est envoyé au Tartare.

Le Tartare ? Ça me dit quelque chose.

- Tout ce qu'il faut faire c'est aller les chercher dans les profondeurs, qui sont les limbes mais pour ça il faut...

- Mourir.

J'avais fini sa phrase ; c'était tellement évident.

- Il faudra qu'une personne reste ici pour surveiller tous les corps pendant que nous serons dans les limbes, termine Théo.

Juste après être rentrés du manoir d'Athénais, Tony est parti chercher les corps des autres et les a mis au sous-sol.

- C'est infaisable.

C'est sorti tout seul mais je le pense sérieusement. Mourir pour ensuite aller chercher les autres bloqués dans le Tartare, refaire le chemin inverse puis revenir sans se faire attraper par les créatures et la folie qui se trouvent là-bas est impossible. Bah oui ne croyez pas que le Tartare est un endroit calme et reposant. C'est pire qu'en enfer...

- Fais-le pour moi, Clara.

- Arrête de sortir cette vieille phrase bateau à chaque fois, s'il te plaît. Ce n'est pas ça qui va me faire revenir et encore moins dans tes bras.

- Tu m'aimes et tu as besoin de moi, je le sais.

- Je ne t'ai jamais aimé.