Un mercredi, un autre. Axel était installé dans ce fauteuil qu'il ne quittait plus, et Ange lui apportait un café, comme d'habitude. Sauf que ce mercredi là, Ange semblait inquiète, préoccupée par quelque chose. Alors Axel se redressa en posant ses coudes sur ses genoux, sa tasse de café en main.

- Quelque chose ne va pas, Anne ?

Anne était le surnom donné par Axel. Il n'en pouvait plus de l'appeler seulement Ange, alors que ce n'était qu'un surnom. Alors, pourquoi ne pas donner un surnom à un surnom ? C'était une réflexion étrange mais tout à fait logique pour le jeune homme.

- .. Je peux te parler de quelque chose ? dit-elle finalement après un silence.

- Toujours. 

- Et tu me promets de te taire ?

Axel ria avant d'hocher la tête. Elle le connaissait maintenant si bien.

- Bon, alors, hum.. commença-t-elle, hésitante. En faite, je- je vois une psychiatre depuis mes 13 ans. La même, depuis tout ce temps et.. ugh, c'est stupide comme détail. elle ria très légèrement avant de reprendre son sérieux. Enfin bref.. Je la vois, parce que depuis tout ce temps, je suis dans une dépression sévère dont je n'arrive pas à me sortir. Je sais que tu te demandes pourquoi, et je vais te l'expliquer. Ça fait 2 ans maintenant que tu viens me voir tous les mercredis, j'ai suffisamment confiance en toi. elle marqua une pause avant de reprendre en évitant le regard du garçon. J'avais une grande-sœur, avant, mais à cause d'elle, nous sommes devenues orphelines. Elle a fait brûlé la maison avec mes parents à l'intérieur et a voulu m'emmener de force avec elle loin du village où j'habitais avant. J'ai compris plus tard qu'elle était beaucoup trop attaché à moi et devenait folle à chaque fois que quelqu'un d'autre qu'elle m'approchait, me parlait ou autre.

Axel haussa les sourcils puis attrapa la main d'Ange en voyant ses beaux yeux bleus-gris se gorger d'eau.

- Ne te force pas. dit-il avec un sourire compatissant.

- Non, non tu dois savoir. déclara-t-elle d'une voix plus ferme.

Axel quitta son fauteuil pour venir s'asseoir sur le canapé près d'Ange, tenant fermement sa main blanche dans la sienne.

- Je t'écoute Anne.

Elle prit une grande inspiration.

- J'ai réussi à m'échapper de son emprise. Et j'ai couru, couru pendant plusieurs heures dans la forêt qui faisait face à notre maison. Je crois que j'ai jamais eu aussi peur de ma vie en l'entendant me crier que si je ne revenais pas tout de suite, j'allais subir le même sort que papa et maman. Mais je voulais vivre, alors j'ai couru sans prendre le temps de l'écouter en retenant mes sanglots pour conserver ma respiration qui m'était bien utile à ce moment là. J'ai réussi à rejoindre une maison dans les bois qui appartenait à un bûcheron, mon père adoptif à ce jour. Il m'a ouvert sa porte immédiatement en me voyant arriver comme ça, tremblante de peur.

Elle releva la tête puis regarda Axel en souriant faiblement.

- Il a réussi à la maîtriser quand elle est entrée en furie chez lui. A ce moment là, je priais Dieu pour qu'on me sorte de là. Et, il m'a sorti de là. Ma sœur a été emmené en centre de redressement puis en hôpital psychiatrique avant qu'elle ne se donne la mort en se rendant compte qu'elle ne pourrait plus jamais me voir. Et depuis, je vis avec le poids de la mort de ma famille sur les épaules.

- Je suis désolé Anne.. souffla Axel en dégageant un peu le front de son amie de ses mèches rebelles noires.

- Je suis si heureuse que tu s-sois là Axel.. sanglota-t-elle. J'ai toujours été si seule.. Mais même si je ne veux pas qu-que tu partes, tu- tu ne devrais pas gâcher de ton temps à t'occuper de m-moi..

- Je ne gâche rien. commença-t-il. J'ai assez de temps devant moi tu sais, j'essaye juste de rallonger le tien.

Ange sanglota de plus belle en posant ses mains sur son visage pour tenter d'étouffer ses pleurs, posant sa tête contre Axel qui l'enlaça en souriant tristement.

- Merci.. souffla-t-elle entre deux sanglots.

Axel ferma ses yeux en caressant le haut de la tête d'Ange doucement. 

C'est à ce moment là qu'il comprit que ce qu'il ressentait depuis le début n'était pas qu'une simple envie d'aider quelqu'un, c'était l'envie d'aider Ange. Ce petit bout de femme brisé qui n'attendait qu'un peu d'aide pour se sortir de ce cauchemar qu'elle vivait depuis bien trop longtemps. A partir de ce moment là, ses sentiments se sont développés, et il l'a en partie comprit ce jeudi d'été.