MOROSIS
CRITÈRES
moment de la journée : après-midi
lieu : pièce de la maison (pièce imposée : balcon)
objet : bague, fourchette, lanterne (que j'ai oublié lol)
1200 mots
La légère brise du vent faisait voler les feuilles des arbres, rendant le tableau qui se dessinait en face de ses yeux plus apaisant. Il s'était senti débordé par ses émotions, alors malgré le froid qui glaçait ses os, il avait emporté son assiette sur le balcon et avait mangé ses spaghettis pas assez cuites assis contre la baie vitrée. Il était loin d'être l'heure de manger, les douze coups de midi ayant sonné trois bonnes heures auparavant, mais il avait eu faim après avoir émergé de son sommeil. A son réveil, il avait trouvé l'appartement vide, comme il en avait été convenu la veille. Avel était parti, il avait même déposé sa bague sur la table de la salle à manger. Celle de Cassien était toujours présente, sur son annulaire gauche. Elle brillait fort, elle était encore neuve de l'année dernière.
Il menait mollement la fourchette à sa bouche en observant le paysage. Il avait pleuré en silence toute la nuit, ses yeux étaient gonflés comme jamais ils ne l'avaient été. C'était bête de se retrouver sur le balcon, alors que la veille, c'était l'endroit où tout avait éclaté. Leur petite bulle, leurs sentiments, leur mariage. Avel n'avait pas supporté la pression et s'était tiré loin d'ici, laissant Cassien broyer du noir. Depuis que les deux garçons s'étaient rencontrés, ils n'avaient jamais passé plus d'une semaine séparés. Alors se dire que plus jamais ils ne se verraient à nouveau désespérait Cassien, le prenait aux tripes et l'attristait jusqu'à la moelle. Il ne s'était jamais imaginé une vie sans cet homme, cet homme aux traits doux et aux sculptures délirantes. Une âme d'artiste, libre et virevoltante. Peut-être trop, et c'était sûrement ça qui l'avait fait partir.
Comment en étaient-ils arrivés là ? C'était simple, Avel était si libre qu'il en avait oublié qu'il était marié en ramenant cette fille à la maison. Cassien l'avait découvert, et s'était - légitimement - senti trahi par son compagnon. Il avait remué la chose pendant des semaines, se demandant s'il pouvait réellement continuer à embrasser son mari en pensant que ces mêmes lèvres avaient été pressées sur celles d'une autre.
– Avel, on peut parler ? demanda timidement le blond en s'avançant sur le balcon où son mari fumait.
– Oula, ça sent pas bon ça. J'ai encore oublié de laver le linge ? s'affola-t-il.
– Non, non, c'est bien plus... sérieux.
– Pardon, je t'écoute, fit-il en s'accoudant à la rambarde, le bout de tabac coincé entre ses lèvres et le bout du nez rougissant à cause du froid.
– J'ai appris que tu m'avais trompé. Les yeux du brun en face de lui s'écarquillèrent. Je voulais juste être sûr de ce que j'avançais. Sois honnête avec moi, tu as couché avec cette fille ou non ?
Cassien lui-même s'était étonné de ne pas être énervé. Il cherchait juste des réponses pour le moment, il voulait encore croire à la fidélité de son mari. Il avait toujours été comme ça, à mettre en valeur le bon chez tous ceux qu'il croisait.
– Je... Je sais pas quoi te dire, avoua Avel, l'air décontenancé. Enfin, oui, j'ai couché avec elle. J'étais trop bourré, et t'étais pas souvent là à cause du travail...
Peut-être que Cassien devrait arrêter d'être optimiste. Son monde était lentement en train de s'écrouler, il le voyait bien. Surtout quand le garçon en face de lui n'avait pas l'air de regretter, juste d'être désolé.
– Wow, lâcha le blond. Je pensais pas qu'un jour ça nous arriverait.
– Je suis sincèrement désolé, il triturait ses mains. Depuis combien de temps tu le sais ? s'osa-t-il finalement.
– Depuis des semaines. Cassien eut un rire amer, qui traduisit sa peine. Et dire que tu continuais de m'embrasser comme si de rien était, de me dire que tu m'aimais...
– Je t'aime vraiment.
– Je ne pense pas qu'on trompe quelqu'un qu'on aime vraiment, fit Cassien en fronçant les sourcils. Tu aurais tout simplement pu me dire que je te manquais et que tu ne me voyais plus à cause du travail, j'aurais compris et je me serais adapté.
– Mais c'était impossible de te parler ! s'énerva le brun. Il fit des grands mouvements de main pour expliquer ses dires. Monsieur se braquait dès qu'on lui faisait une remarque, je suis pas les idiots du boulot moi. J'ai pas à recevoir ta haine gratuitement.
– Et tu penses que te vider les couilles dans la première venue c'était une solution ?! Ta libido est si grande que je te suffis pas, c'est quoi le truc ? Une larme s'échoua sur sa joue alors que sa voix se brisa. C'est pas une raison pour me tromper, Avel.
– Mais ça n'a rien à voir ! grogna-t-il. J'étais au bar, complètement torché parce que t'étais pas foutu de rentrer avant vingt-deux heures au moins une fois par semaine. Je t'envoyais des messages, tu répondais même pas. J'ai croisé une fille, elle m'a allumé et voilà, ça s'est passé comme ça, bredouilla-t-il, tout de même un peu honteux.
– T'as jamais pensé au fait que si je faisais pas d'heures sup', on aurait été virés de l'appart' ? Rien qu'avec mon salaire on galère, tu gagnes rien, tu travailles pas ! Donc excuse-moi de nous faire vivre, mais je vois toujours pas en quoi c'était une raison pour me tromper !
– Mais c'en est pas une, de raison, je le sais bien. Je m'en veux, bien sûr, et j'arrête pas de me dire que j'aurais pu faire autre chose, il bredouilla encore, il comprenait très bien que le problème dans l'histoire, c'était lui. Mais sur le moment j'avais pas les idées claires et c'était le seul truc que je pouvais trouver pour me soulager.
– Pour soulager la douleur dans tes couilles, ouais, enflure, siffla Cassien.
– J'te permets pas, surtout quand j'ai pas le droit de te toucher, parce que "t'as pas envie" ou que "t'es fatigué" !
– Non mais je suis pas ta pute moi, il s'approcha du brun. J'suis pas marié avec toi pour le cul. Il rit faussement. C'est la meilleure, j'ai pas le droit de refuser de coucher avec toi ?
– C'est pas ça que je viens de dire, ne détourne pas mes propos ! raga Avel. Tu sais très bien que je suis assez demandeur, alors en effet, ça ferait pas de mal que quelques fois tu t'occupes de moi.
– Je vais arrêter de parler avec toi en fait, tu m'exaspères.
– T'es sérieux là ?
– Très. On arrête là, je sais pas pourquoi l'évidence ne m'est pas apparue plus tôt.
– Non mais attends t'es sérieux ? Avel s'affola, les yeux un peu plus ouverts que d'habitude. Tu veux qu'on arrête ? Tu me quittes là ?
– Tu te fous de ma gueule ?! Cassien haussa vraiment le ton pour la première fois depuis le début de la discussion. Bien sûr que oui je te quitte, tu m'as trompé tocard ! Je me demande pourquoi je l'ai pas fait plus tôt, d'ailleurs.
– Alors t'étonnes pas si demain matin je suis parti. T'inquiète pas, tu me reverras plus avant longtemps, il prononça le dernier mot très lentement pour accentuer son sens.
Cassien n'avait pas voulu en entendre plus et s'était enfermé dans la chambre pour pleurer. Il avait chialé comme une gamine, même Avel l'avait entendu. Cela lui avait brisé le cœur, évidemment, il aimait toujours autant son mari et ça prendrait du temps pour apprendre à l'oublier. Avel avait de réels sentiments, et en prenant le chemin le plus simple à son goût, la tromperie, il avait tout gâché.
Sur son balcon, Cassien secoua la tête. Lui rappeler la dispute de la veille n'aidait pas, se remémorer la déception dans le regard de son mari, cette même déception qui, quelques minutes avant, se lisait dans son regard à lui.
Finalement, peut-être qu'Avel était trop libre, semblable au vent, et qu'il avait tout emporté sur son passage en tentant de faire les choses à sa manière. Il avait laissé Cassien vide, comme une coquille, son cœur en miettes entre les mains.
'morosis' : the stupidest of stupidities
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