Deux enfants furent amenés en urgence la veille – dans la matinée – pour des cas rescapés de noyades.
C'était une fille et un garçon. Ils avaient environ le même âge : "Pauvres enfants, ils subissent ce genre d'accidents si jeûnes..." se disait le médecin en charge des deux patients.

Ils arrivèrent le vendredi douze Avril vers huit heures du matin. Comme ils furent intégrés au même moment et que c'étaient des cas similaires, on les logea dans la même chambre, la 84ème. Leurs lits se côtoyaient, séparés par un rideau fin.

Le personnel de l'hôpital n'en revenait pas qu'une si grosse coïncidence se soit produite : Deux enfants de même âge ; noyés dans des circonstances différentes ; survivant de peu à la mort. Le tout à approximativement la même heure ; soignés dans le même hôpital ; le même jour, qui était quasiment un vendredi treize !
Il fallut être stupide pour continuer à se persuader que c'était du pur hasard.
Tous les médecins étaient dépassés par les circonstances de leur arrivée. Certains crièrent au complot Illuminati, – mais furent pris pour des illuminés – d'autres se questionnaient plutôt sur le sort des gamins, soucieux de l'évolution de la situation.

Le fait était que les deux innocents devenaient la nouvelle attraction de l'établissement et le premier sujet des rumeurs dans l'infrastructure.

Dans notre cas, la coïncidence n'était certainement pas l'œuvre de la chance :
Ce n'est pas sans lésions importantes que les deux patients furent pris en charge. La première victime avait traversé de dures épreuves : de nombreux organes vitaux étaient touchés car son corps resta longtemps non-oxygéné, ce qui aurait pu causer des lésions irréversibles à son cerveau. De plus, l'impact du rocher avait ouvert sa tête déjà cabossée comme un astéroïde altruiste et on dut la recoudre immédiatement. Elle s'en tira avec quelques os déformés... si ce n'était pire.

Il fallait reconnaître que l'écolière n'était pas passée loin du drame : Un sportif matinal faisant son footing l'eu retrouvé inconsciente, dérivant dans la rivière. Il la repêcha juste à temps etlui prodigua les bons gestes, permettant à l'inconnue de survivre jusqu'àl'arrivée inespérée d'une ambulance.

La patiente subit plusieurs opérations délicates et une réanimation. Ayant sombré dans un état de coma profond, elle se retrouvait sous la dépendance de médicaments en perfusions. Ces pochettes résumaient son quotidien : Elles l'alimentaient, la soignaient, l'hydrataient... C'était un spectacle désolant à voir, troublant tous les visiteurs inhabitués. Enfin, ce qui comptait pour sa famille, était qu'elle soit en vie. Même si sa mère pleurait sans cesse... 

De l'autre côté du rideau qui séparait les deux noyés, se tenait Kuro :
Il fut reçu avec quelques lésions aux poumons, un infime saignement à la nuque, mais il se rétablirait rapidement.

L'enfant était bien cible d'infortune : "Il fut victime d'un évanouissement pile au moment où il prenait un bain." rapporta son beau-père qui le trouva inerte dans la baignoire, venu le voir car il ne répondait plus à ses appels. 

Héroïquement, il appela les secours et son fils fut sauvé juste à temps.

Les familles des victimes purent rendre visite aux protégés deux jours après leurs opérations.
Mais elles furent bouleversées de constater que Kuro et sa camarade dormaient dans "un coma qui pourrait durer plusieurs semaines" leur expliquèrent le médecin.

Contrairement à la logique des choses, les deux familles ne se rencontrèrent pas : Le personnel veillait à ne pas confronter les proches aux peines des autres. "Ils ont toujours besoin d'intimité", justifiait l'hôpital. Les parents du garçon passaient rarement et ceux de la jeune fille l'approchait quelques fois par semaines, espérant que l'un d'eux se réveil, pour repartir toujours déçus... 

Tous étaient plus préoccupés par leur enfant coincé dans un état instable que par ceux qui pouvait bien les entourer. Ce manège de vas-et-viens s'éternisa : la mère de la miraculée s'acharnait à rester avec son enfant, ayant perdu ce qu'elle avait de plus cher. On pouvait dire qu'elle s'était acquittée de sa raison d'être et qu'elle dérivait dans une déprime empoisonnante.

On observait une jardinerie qui s'agrandissait drastiquement à chaque visite de Rana. Elle prenait naissance au chevet de la fillette et sa mère l'entretenait merveilleusement bien. En bon époux, son mari se préoccupait beaucoup de l'état mental de sa femme, visiblement égarée dans le passé... Dans la seconde famille, la maman de Kuro se rapprocha inévitablement de son mari pour affronter ce moment difficile ensemble. L'homme perfide s'en vit ravi, car tout se passait comme prévu...

Ainsi défilaient de pénibles semaines et la vie reprit son chemin à la suite de ce drame pour ces familles désemparées. Tous attendaient qu'un signe de vie remonte à la surface. Mais les enfants restaient tapis dans le lit d'une mer dévoreuse.

~~fin de chapitre~~