Chapitre 13- Se laver de tout pêchés
La salle d'eau était le théâtre d'une drôle de scène : Un fantôme y avait sauvé celui qui redoutait des monstres tapis dans l'eau. Cette salle avait de toute manière été témoin de centaines de matins, mais peu de matins ressemblaient à celui-ci ! Il y en avait des ennuyeux, où personne ne venait et à l'inverse : des animés où l'on se battait pour avoir la place... Cet endroit réunissait curieusement les créatures surnaturelles.
Ce matin-là, six mois après la guerre, la paix était revenue dans la maison. Une brève paix.
L'innocente petite fille se pencha vers son ami, pensant l'intimider. Elle afficha un sourire complice qui traduisait une nouvelle idée dans son esprit créatif.
La judicieuse Nil conclue que si le phobique était entré en contact avec sa peur, c'est qu'il devait vraiment se laver. Là-dessus, il était impossible de lui en vouloir : la propreté est un besoin vital.
« Écoutes, on va te laver sans eau. » proposa la fille amusée.
"Comment ?" Rédigea immédiatement Kuro, inspiré par cette fameuse solution invraisemblablement porteuse d'espoir.
Nil bondit de son tabouret et installa le garçon sale au milieu de la pièce, sur le tapis taupe avec son petit escabeau. Elle réaménagea la pièce, mis à part leurs deux sièges qu'elle avait disposé l'un derrière l'autre. Une bassine se rajouta à l'ensemble, calée aux pieds de l'initiatrice.
Le fantôme lui avait recommandé de fermer les yeux : qu'il ne craignait rien avec elle. Kuro suivit ses ordres d'évangiles, persuadé qu'elle contrôlait la situation.
Quand elle lui ordonna de se mettre torse-nu avec la serviette couvrant ses cuisses, il hésita sérieusement. "Qu'a-t-elle en tête, Nil n'est pas rassurante !" Protestait-il muettement. Il ne la laisserait pas faire de lui un pantin ridicule, restant sur ses gardes si son amie dépassait les limites.
« Fais-moi confiance enfin ! Je n'ai encore rien fait... » Implorait la gardienne de Kuro en s'éloignant, parce qu'il fronçait les sourcils avec un geste de recul.
Le jet d'eau gorgé de pression fit tressaillir le phobique. Nil savait qu'il ne supportait pas le liquide meurtrier, alors pourquoi ? Que cherchai-t-elle à faire !? Kuro monopolisait tout son courage pour ne pas reculer une seconde fois devant sa frayeur. Devant l'inconnu. Son instinct lui murmurait de tenir bon, que Nil méritait sa confiance absolue.
Sans autres choix, il attendit, le dos droit et les yeux plissés pour être sûr qu'ils ne s'ouvrent pas.
La résonance subtile, le cheminement de l'eau contre les parois en fonte diminuait progressivement. L'eau cessa de couler dans le lavabo.
Le moment décisif s'approchait à grands pas.
Nil vint se rasseoir, dissimulée derrière lui. La crainte ultime grandissait : son cœur ralentissait ses battements.
L'effroi paralysait le miséreux.
...
Un agréable bout de tissu carré s'étendit sur sa colonne vertébrale, et se mit à lui frotter le dos. Il devait être conçu pour désincruster les parasites qui s'attachaient au dos des gens miséreux, pour leur dérober avidement leur courage. Détourner leur espoir à toute occasion.
Les vermines se logeaient dans le dos de leur proie, parce que de cet endroit : les extorqués n'avait pas la capacité de les décoller. Il fallait demander l'aide d'autrui pour le faire à leur place.
Cette même culpabilité les empêchait de le faire pour sortir du tourment, les enfonçant d'avantage dans le reproche et l'amertume de leur reflet. Ce sentiment que l'on sait derrière nous en permanence mais que l'on ne peut atteindre...
Les mouvements qu'il ressentait étaient comparables à des massages. Il détendit ses muscles endoloris, se reposa, profitant d'un bien qu'il n'avait pas eu depuis des mois. Le doux tissu laissait une trace de fraîcheur et des gouttelettes qui ruisselaient le long de ses omoplates. Nil dirigeait le gant de toilette de haut en bas, pour frotter le haut de son dos et le nettoyer.
La fille avait déjà lavé le dos de sa mère et s'avait à peu près comme s'y prendre*. Elle intervertissait entre savon et petite serviette humide pour prodiguer les soins essentiels à son ami.
Cela lui rappelait le temps où les enfants prenait leur bain en commun sans aucune pudeur, s'amusant plus que quiconque. Les bras, le torse... Nil passait la lingette partout sans omettre d'oublis : Elle s'abaissa même pour nettoyer les jambes du garçon.
Le patient éprouvait de l'embarras malgré la serviette qui avait fini par s'enrouler autour de sa taille.
Elle termina par lui mouiller le visage, Kuro gardait ses paupières clauses, mais réagissait par des crispations quand le gant était trop mouillé.
Cette tâche était un amusement ardu pour la demoiselle, toujours soucieuse de bien faire. Encore une fois, elle l'avait aidé à avancer, à franchir un obstacle. Ce fut long, mais récompensé : Le garçon était à présent entouré d'un parfum de cannelle, celui du savon qu'avait ramassé et employé Nil à la tâche.
Le nettoyage avait, par une magie savonneuse, redonné une voix à l'enfant muet. Elle restait cependant faible, mais était revenue ! Ça patience avait été gratifié et il en était très reconnaissant.
« Que les Dieux t'reme'cient ! » Kuro avait recours à de grands mots, que ça mère avait autrefois utilisés pour remercier quelqu'un d'important. Cette bride de souvenir était remontée à la surface sans qu'il n'en ait conscience.
En lavant son compagnon, le fantôme avait l'impression de se laver de son propre pêché : contrairement à Kuro, la jeune fille avait des choses à se reprocher. Ces regrets grignotaient lentement les parois de son âme, Nil faisait taire ces vilaines bêtes.
Les deux enfants se complétaient l'un l'autre, renvoyant un sourire triomphant :
« Tu n'as pas besoin, tu me prêtes déjà ta maison. Plutôt merci à toi ! » Lui renvoya la fillette contente de le revoir parler, même si c'était encore difficile pour lui. Nil avait le don d'effacer la douleur qui hantait Kuro, rien qu'avec l'esquisse d'un sourire.
Peu de temps après, Kuro s'était rhabillé et Nil patientait derrière la porte, cette fois déverrouillée. C'est en la déverrouillant de l'intérieur, que la fille se demanda ''Comment diable avait-elle pu entrer en sachant la porte verrouillée ? '' Ses mouvements cessèrent, la sauveuse fut prise d'effroi : C'est vrai, elle n'aurait jamais dû entrer pour le rejoindre, il n'aurait pas dû s'en sortir !
Comment s'y était-elle prit pour changer le cours du destin ?
Le fantôme se rendit à l'évidence, La seule possibilité était qu'elle ait traversé d'une manière ou d'une autre la porte. Pourtant, elle refusait d'y croire. C'était complètement fou !
Après tout, c'était un esprit errant, traverser les murs faisait partie du quotidien des êtres invisibles. Nil n'était pas d'humeur à démontrer ses suppositions pour le moment... Cette nuit, elle vérifierait si elle en était vraiment capable ! Planifia la jeune demoiselle. C'était une question personnelle qu'elle voulait résoudre de son côté avant d'en faire part à Kuro. Imaginez s'il elle n'avait pas ce pouvoir : son ami la trouverait ridicule et se moquerait d'elle pour quelques jours. L'enfant désirait à tout prix éviter cette conclusion...
Ses idées claires, Nil continua de se préparer, sans se faire plus remarquer.
Se sentir propre faisait un bien fou que le garçon ne pouvait même pas concevoir avant d'avoir quitté la vie quotidienne durant six mois.
Kuro parti en mission de ravitaillement à son tour, pendant que Nil se lavait : Il fit un tour dans la chambre de sa maman, récupéra un tee-shirt violet, propre et sans motifs. Il se retourna une dernière fois avant de partir de la pièce pour de bon : Il régnait une étrange sensation, comme un froid permanent dans les environs.
Oui, c'est ça : la chambre avait une allure d'espace inoccupé depuis longtemps. Il ne comprenait pas, donc laissait tomber le doute. Mais son intuition était correcte : Shisaki ne vivait plus dans cette pièce, ne dormait plus dans ce lit. Elle avait déménagé dans un matelas double, celui qu'elle partageait avec son mari dans la chambre aménagée au rez-de-chaussée, loin de son enfant.
Kuro n'imaginait pas sa mère être capable de dormir avec quelqu'un d'autre que son père biologique. Avant, ils dormaient tous les deux dans ce lit. Quand il repensa aux mots de Gaken, il sentait son regard aiguisé le transpercer. Rien que son souvenir terrifiait le gamin !
L'enfant ne saisissait pas en quoi dormir ensemble pouvait unifier un couple. Il préféra croire que sa mère reviendrait dormir dans ce lit en face de lui, qu'elle était juste partie travailler et que tout redeviendrait comme à son habitude.
Il préférait croire plutôt qu'accepter...
Soit. Le jeune tourna le dos à la chambre, et reparti vers sa précieuse amie, sans plus de tourments.
~~Fin de Chapitre~~
*Les japonais se lavent parfois le dos entre eux, notamment dans les bains communs. C'est un signe de confiance car l'on remet la tâche de nous laver à l'autre. Cela se fait souvent dans les familles entres confrère. Le corps est aussi lavé dans ces cas-là avec une serviette humide. Il est commun que les japonais se lavent sur des petits sièges avec des seaux d'eau chaude. Cela se faisait régulièrement dans le passé avant la révolution technologique, c'est très traditionnel.
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