Chapitre 1- Noyade
Une douce musique lui revint en tête quand il s'abandonna à ce magnifique lever de soleil. Ses rayons blancs s'infiltraient à travers l'ouverture de la salle de bain, apportant une touche de gaieté inaliénable. Les oiseaux piaillaient sous la fenêtre de cette pièce, et Kuro s'arrêtait pour les écouter chantonner.
En raison d'un rendez-vous que sa maîtresse ne pouvait pas rater, il profitait de commencer l'école une heure plus tard pour prendre un bain ce matin. Ensuite, il comptait manger puis se faire emmener par son beau-père. Sa mère étant partie tôt au travail, elle demanda alors à son bien-aimé de partir un peu plus tard pour emmener son fils à l'école. Les parents s'étaient mariés récemment et partageaient déjà une confiance absolue l'un envers l'autre. Cet homme détestable qui était en charge de lui, Kuro ne l'appréciait certainement pas.
Ils étaient donc seuls dans la maison ce matin-là.
Le garçonnet ne s'était pas encore déshabillé mais laissait l'eau couler dans la grande baignoire, en vue de plonger dans un agréable bain chaud. Il espérait ainsi se changer les idées, afin oublier cette situation de tête à tête qui le dérangeait. Quand l'homme perfide rôdait dans les parages, il n'y avait rien de bon à présager...
Dès que le volume d'eau fut à peu près à la moitié de la baignoire, Kuro coupa le robinet. C'est à ce moment que son beau-père frappa à la porte, demandant s'il pouvait chercher ses affaires.
À la réponse de l'enfant, il se faufila dans la salle, se dirigeant vers l'évier qui se situait juste à droite de la baignoire. Kuro lui fit un petit sourire gêné, patientant que son parent s'en aille pour continuer son rituel matinal. Maintenant, l'écolier n'avait plus la possibilité de sortir ce vulgaire étranger de ses pensées. Ni de sa vie d'ailleurs... L'enfant était comme épié par ce vautour qui vadrouillait autour de lui, jusqu'à venir s'introduire dans son intimité quand le désir lui prenait.
L'adulte fit tomber par mégarde la bouteille de savon qui tenait en équilibre sur le rebord de l'évier. Celle-ci disparut dans la baignoire juste à côté, en contrebas. Occupé à chercher son rasoir dans le placard-miroir, il pria Kuro de ramasser le savon au fond du bain pour lui. Innocemment, le petit garçon se pencha au-dessus de l'eau, s'étant mis à genoux au rebord de la bassine, pour y plonger un bras et attraper le produit.
L'homme ne put se retenir de fendre un sourire sur son visage. Un sourire si détraqué transparaissait sur sa face, que même Kuro détourna instinctivement le regard sur cette horrible satisfaction qui naissait dans le cœur de son parent. Il n'eut que le temps de laisser son visage se décomposer lentement, stupéfait de peur, une peur justifiable pour ce monstre.
Son teint était livide, pas un sentiment ne le traversait. D'un sang-froid parfaitement maîtrisé, il s'apprêtait à mettre son plan d'élimination à exécution. Pas un remord, le gamin n'était pas le sien. Son corps dévoilait une ombre sur le pauvre enfant à l'allure abattue. Il n'avait plus de globes oculaires, seuls des trous noirs émanaient de ces orifices. Un sourire sadique tranchait son visage en deux, laissant apercevoir des dents ravissantes. Ses lunettes formelles ne marquaient que plus de méprise dans son regard, une nausée qu'il éprouvait en apercevant sa victime. Bon débarras !
Kuro ne se serait jamais attendu à terminer ainsi. Il pensait avoir cerné le caractère du méchant, mais bien-sûr, l'odieux avait toujours un coup d'avance sur le dépravé. On lui découvrait ce matin encore une nouvelle personnalité plus corrompue qu'à son habitude. C'était un homme glacial : il l'avait toujours été. Sauf qu'il n'avait plus d'humanité, un bloc de béton lisse et impénétrable. Paradoxalement à son aspect extérieur, le père brûlait intérieurement d'une flamme dévorante, probablement celle animée d'une jalousie trop longtemps réprimée.
Il rigolait presque... Quel tordu ! Un vrai pervers, un fou, un grand malade. Tous les noms le décrivaient à merveille, maintenant qu'il avait jeté son masque. Plus personne ne pouvait l'arrêter : le haineux accaparait toute la puissance de l'univers, uniquement pour envoyer son fils dans un autre monde, afin de se soulager. Quoi qu'il entreprenne, ses convictions écrasaient tout sur son passage.
Le faible Kuro eut compris en un instant, en un regard, les intentions perverses de l'adulte. Mais ses membres refusaient de lui obéir. Il ne se défendit, ni même osa produire un son de détresse. La priorité était de s'enfuir dans un premier temps. Mais ses jambes devenaient atrocement molles et tremblaient comme des feuilles. Devenues froides et inertes, on aurait pu oublier qu'il en avait.
L'enfant voulu se lever : il dérapa sur le sol glissant pour revenir à son point de départ. Recroquevillé, Kuro recula d'un pas, se confrontant au rebord en fonte. Se déplacer lentement n'allait pas attiser la colère de son bourreau : Le petit en était conscient. Kuro aurait déclaré forfait s'il l'avait pu... Mais il était piégé dans le plus impitoyable des étaux qu'il fut.
Tout ce que le rejeton pouvait faire en ce moment de supplice, était de regarder les yeux le cernant bouillir leur substance noire à l'allure visqueuse. Puis, se faire dévorer par cette vision d'horreur. Progressivement... Sans jamais annoncer la fin du cauchemar.
Tétanisé, Kuro lâcha le savon qu'il venait de récupérer. Celui-ci s'écrasa sur le carrelage blanc et glissa aux pieds de l'homme qui l'ignora comme un morceau insignifiant.
Une main insensible saisit son crâne fermement, son corps se tordit comme un clou rouillé, pour se retrouver face à son reflet chétif. Kuro y discernait un grand contour distordu au-dessus du sien. Sans lui fournir d'explications, le malheur s'abattit sur ces faibles épaules : Il se fit broyer violemment le crâne et plongea inévitablement sa tête dans l'eau, sans qu'il n'eut le temps de prendre son inspiration. L'eau chaude lui piqua les yeux, brouilla les sons qu'il entendait, remplit son nez, sa bouche quand il tenta de gonfler ses poumons d'air, l'estomaquait de toutes part...
Kuro grattait le fond blanc de ses doigts engourdis, il repoussait la pression qui le retenait en apnée. C'était peine essayé : Le destin avait signé sa fin sans autres formes de procès. Le courageux rejeton se débattit de son mieux, mais le temps lui manqua car ses sinus lui firent très mal et sa vue se brouilla en un millier de petits points fourmillant comme des insectes.
Le petit se noyait dans ses propres larmes de supplication, dans ses propres cris et dans le reflet déformé du monstre.
Des bulles s'échappèrent de ses poumons, ses dernières forces l'abandonnèrent... Le noir l'accueillit sans bontés. Plongé dans un néant profond, il crut entendre une dernière fois, une douce voix lui chanter la petite mélodie des oiseaux... avant de s'éteindre.
Kuro, un pauvre enfant de huit ans à peine, venait de malencontreusement faire une crise d'hypoglycémie car il avait trop tardé à déjeuner alors qu'il prenait son bain. Il se noya dans le plus grand des calmes, en ce matin de début Avril*.
Son père s'était sûrement débarrassé de lui pour toujours, gardant sa mère auprès de sa personne, sans qu'elle ne détache une once d'attention destiné à son mari. En tout cas, plus pour un misérable gamin gênant comme Kuro.
~~fin de chapitre~~
*Au Japon, la rentrée des classes à lieu en Avril. Kuro ici, avait repris l'école que depuis quelques jours, une semaine tout au plus.
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