Chapitre 7
Pour la deuxième fois en l'espace d'une heure, Marinette était proche de la cuvette, très proche même. Elle n'avait pas de fascination particulière pour ces toilettes, mais une nausée l'avait réveillée tôt le matin, avant que son réveil ne sonne. Désormais, elle occupait les toilettes depuis soixante minutes.
Son maigre dîner était passé à la trappe, du moins ce qu'il en restait dans son estomac, pour le reste, elle ne vomissait que de la bile.
Ecœurée et l'estomac encore fragile, elle s'accrochait à sa peine comme à une bouée de sauvetage. Elle ne comptait déjà pas aller en cours. Le mardi venait de devenir un jour détestable. Elle se releva, les jambes tremblantes. Elle n'avait plus rien à évacuer, mais elle se sentait toujours aussi nauséeuse.
Elle s'appuyait sur les murs pour retourner dans sa chambre. Marinette n'avait pas réveillé Tikki, ne prenant pas la peine de lui parler ou de devoir lui demander des choses, comme ses vêtements encore sur son lit. Douloureusement, elle grimpa l'échelle en tremblant et en grimaçant à cause des courbatures. La franco-chinoise prit rapidement ses vêtements, non sans craindre une chute magistrale.
Sa mère passa l'embrasure de la trappe, inquiète du boucan qu'il se faisait en haut. Elle ne vit que trente secondes sa fille mettre difficilement son pantalon en sifflant, visiblement malade. Sabine repartit, laissant sa progéniture décider si elle irait en cours ou non.
Après les nausées, les crampes s'installèrent dans la vie de Marinette. Quand elle vivait une gastro, elle acceptait le fait d'être malade et de vomir tout le temps. Elle avait même eu des vertiges et des migraines. Elle se persuadait qu'elle n'avait qu'une simple gastro, bien qu'au fond d'elle, elle savait que ce n'était pas le cas.
Face aux révélations successives et au manque de temps pour accepter sa condition, la jeune fille n'admettait tout simplement pas que ses symptômes n'étaient pas dû à une simple gastro. C'est donc alors avec de beaux jurons et quelques sauts d'humeurs colériques, qu'elle s'habilla malgré de grosses crampes qui la pliaient en deux.
Elle se lava les dents tout de suite après, il était hors de question d'avaler quoi que ce soit tant son estomac avait souffert. Si c'était pour rencontrer une nouvelle fois la cuvette et y laisser sa dignité, elle s'y refuserait ! Elle avait passé assez de temps en tête à tête avec ses toilettes. Elle eut même du mal à remonter dans son lit, ses forces l'abandonnèrent même pour ça. « Je suis misérable », pensa-t-elle. La brunette finit par s'allonger sur sa banquette en réfléchissant à toute allure.
Elle abandonnait l'école pour aujourd'hui. Elle qui espérait faire comme le lundi, aller en cours comme si tout était normal dans sa vie. C'était impossible à l'heure actuelle. Elle pesta dans son coin de nouveau. Pourquoi fallait-il qu'aujourd'hui ces nausées persistent ? Le jour précédent, une fois son estomac vide, elle était devenue une boule d'énergie.
Le seul côté positif était que ces parents ne posaient pas de question. Elle les avait imaginés protecteurs et inquiets pour sa scolarité, mais à croire que depuis ses dix-huit ans, ils lui laissaient faire ce que bon lui semblait.
Elle avait encore l'arrière-goût immonde dans la gorge, rajoutant à sa colère du jour. Elle tapa son poing sur le coin de la banquette, à bout. Elle laissa quelques larmes franchir la barrière de ses yeux. Elle soupira en maudissant tous ceux qu'elle côtoyait y compris elle-même. Elle ne contrôlait déjà plus son ventre, maintenant c'était au tour de ses émotions. Elle ne contrôlait plus du tout son propre corps et cela la frustrait. À fleur de peau, elle finit par se lever moins souffrante et descendit de sa grotte.
Une fois sa destination en vue, elle se précipita vers son nouveau cocon. Elle s'affala sur le canapé, décidant de s'occuper avec un peu de lecture. Elle prit son livre de cours sur la table basse et le commença en faisant abstraction de son ventre qui criait famine.
Sa tête continuait de bourdonner peu à peu. Ses idées s'emboîtaient difficilement l'une sur l'autre et des idées loufoques la faisaient trébucher sur des pentes qu'elle n'aurait jamais pensé franchir dans son inconscience. Ses yeux lourds de fatigue se fermaient puis se rouvraient. À chaque fois que ses paupières se fermaient pendant quelques secondes, elle voyait une plante verte. Repoussante et écœurante, cette dernière s'enroulait autour d'elle. Lorsque Marinette ouvrait à nouveau les yeux, elle sentait des frissons la parcourir de manière suffocante. Une nouvelle fois, ses yeux se rabattirent et elle replongea dans son cauchemar.
Enfermée dans une cage d'or, les pieds et poings liés par un chaîne et un paquet entre les mains qui lui vrillait les tympans. Elle sursauta, ayant une sensation de chute lorsqu'elle voulut avancer pour déposer le paquet. La chaine la fit tomber au sol, une grande inquiétude la prit et elle se réveilla angoissée. Son ventre cria de nouveau, elle posa une main dessus fatiguée. Elle se leva, prit une couverture et alla se coucher sur sa banquette dans sa chambre. Ces yeux continuaient de papillonner, et elle sombra, encore.
Le Papillon lui faisait face avec une armée akumatisée, elle voulut courir, le rouer de coups mais plus elle avançait, plus elle était lente. Avec surprise, elle descendit son regard sur son corps difforme. Un vilain la transperça, la réveillant en sursaut, ce qui lui permit de sortir de son cauchemar. Lasse, ses paupières la forcèrent à se rendormir et à replonger dans un univers de mauvais rêves. Cela continua ainsi jusqu'à voir deux yeux verts en face d'elle. Elle sentait une main gantée sur son front :
- Marinette, tu vas bien ?
Chat Noir.
Elle sursauta en grimaçant de douleur. Que faisait-il ici ? C'était le cadet de ces soucis ! La dite Marinette se redressa, s'appuyant sur ces genoux puis épousseta son chemisier avec dégoût.
- Que fais-tu là ? Je pourrais porter plainte pour violation de domicile.
Il se gratta la nuque, mal à l'aise.
- Désolé, je passais par là et ça faisait longtemps qu'on ne s'était pas vu. Je venais prendre des nouvelles.
Grinçante, elle répondit en traversant sa chambre jusqu'à sa coiffeuse.
- Je vais bien. Merci de t'en soucier.
Elle s'attacha les cheveux, ne ressentant plus aucune hypersensibilité sur son pauvre crâne. Réprimandé comme un malfaiteur, le héros félin baissa ses oreilles vers l'arrière. Elle soupira, se faisant la morale dans son esprit.
- Installe toi, je vais chercher des croissants ça te va ?
Heureux, il releva la tête, se courbant devant sa dame.
- Avec plaisir !
Elle le laissa assis sur son tapis, et le retrouva dans la même posture. Elle le connaissait, quand il était pris de culpabilité, il faisait tout pour enfouir sa curiosité maladive, un vrai touche à tout.
- Qu'est-ce que tu me voulais en venant ici ?
Marinette posa la question en même temps qu'elle déposa le plateau de pâtisseries face au Chat. Elle était curieuse, agacée, étrangement joyeuse et triste à la fois. Un beau foutoir émotionnel dans un seul corps. Chat Noir semblait chercher dans sa mémoire, une main griffue sur son menton. Il renifla l'air face à l'impatience de son hôte. Il écarquilla les yeux, fixant la jeune fille avec étonnement. Il abattit ces mains au sol, et renifla de nouveau, perplexe.
- J'étais venu car je m'inquiétais pour toi, j'ai senti... quelque chose. Que seul un chat ou un super héros peut savoir.
Il croisa les bras, se reprenant, un sourire amical sur son visage. Marinette soupira, la migraine pointant le bout de son nez. Aujourd'hui, les devinettes et elle, c'était la troisième guerre mondiale.
- Et bah t'as pas à t'inquiéter, tout est ok, tout est cool, c'est super, y a rien de changer, tranquille.
Sur la défensive et méfiante, elle aurait pu sortir les griffes et les crocs le résultat était le même. Elle posa instinctivement une main sur son nombril, fronçant les sourcils en observant son invité fixé un point qui l'horrifiait.
Comme prédit sur les devinettes, le Chat n'y alla pas de mains mortes.
- Je sais que tu es enceinte, je le sens, pas besoin de me foudroyer ou me tuer du regard, j'ai voulu te voir à ton école mais tu n'y étais pas, te connaissant tu devais avoir choper un gros virus.
Sa surprise ne fut que de courte durée, elle s'énerva de plus belle.
- Un putain de gros virus ouais.
Chat Noir l'observait avec aucune pitié ou compassion, juste avec admiration et détermination. Pourquoi de l'admiration ? Il n'était pas en colère avec les termes qu'elle employait, même pas déçu de son comportement égoïste comme disait Tikki.
- C'est tout ? Tu n'es pas étonné, choqué ou en colère ?
Il sursauta, ébahi.
- Pourquoi serais-je comme ça ? Tu es une de mes meilleures amies princesse, tu fais ta vie, je n'ai pas à te réprimander sur tes choix.
Il la laissait faire ? Il la laissait décider. Il était le seul qui lui laissait un semblant de choix. Le seul et l'unique encore une fois. Elle essuya une larme qui menaçait de couler. Elle lui sourit et se jeta dans ses bras. Toutes défenses et méfiances jetés au diable. L'ancienne Marinette sans ce genre de soucis réapparue. Ils se câlinèrent et tombèrent à la renverse. La chute fit rire la brunette, le blond suivit son rire de façon mélodieuse. Allongé par terre, chacun en étoile de mer, ils fixaient le plafond en soupirant joyeusement.
- Toujours aucun akuma pour le moment ?
- Oui, à croire que le Papillon nous laisse du repos, à Ladybug et à moi. Ça doit faire un mois qu'il n'y a rien eu. J'en suis un peu soulagé. Comme ça je peux enfin me libérer des conditions pas cool de super-héros et Ladybug peut se reposer.
Elle se tourna vers le blondinet à fourrure noir, curieuse et troublée.
- Comment ça ?
Il lui sourit tendrement.
- J'ai raté pas mal de cours avec ces maudits papillons, j'étais épuisé. J'imagine que Ladybug aussi, elle fatiguait ça se voyait, j'ai bien cru parfois qu'elle était asthmatique ou blessée, mais vu son orgueil, le lui faire remarquer qu'elle ne va pas bien est une mauvaise idée.
Il rit gentiment, se releva et s'assir en tailleur. Marinette fit de même, attendrie que Chat Noir soit aussi observateur et aimant envers son alter égo. Si seulement il savait. Il courrait encore après son autre elle, alors qu'en réalité, il ne savait même pas qu'il avait déjà obtenu une nuit avec Ladybug. Son cœur se serra dans un étau. Cette nuit avait engendré une autre vie au fond d'elle. Qui s'agitait. Qui grandissait. Qui se faisait une place dans son corps malmené. Une vie, un autre petit corps dans le sien. Elle ne savait pas si elle voulait pleurer ou juste sourire dans le vide.
Une chose l'horrifia : et si elle était blessée pendant un combat ? Cette prise de conscience la titilla, puis la choqua. Elle était enceinte lorsqu'elle faisait son devoir d'héroïne. Elle avait été blessée, jetée contre des toits et plein d'autres attaques encore. Elle était en colère. Contre elle-même, d'avoir été si inconsciente, et contre le truc, qui avait eu un million de possibilités de se détacher d'elle et par la même occasion, ne plus lui causer d'ennui.
Elle rit avec Chat Noir, un rire amer pouvant être coupé par les larmes à tout moment. Elle voulut pleurer, comment pouvait-elle penser de cette manière ? Comment osait-elle ? Sa colère brûla en un tas de cendres tristes. Elle était éberluée et en proie au chagrin. Elle parlait désormais d'une vie. Une vie qu'elle souhaitait détruire plus que tout. Elle s'en voulut. Pleines de remords d'avoir pensé ainsi.
- Parlons d'autres choses, ça va toi ?
Elle se confia d'un coup, il était bien le seul avec qui elle pouvait parler librement ainsi sans jugement. Il y avait bien Alya mais ce sujet allait la faire hurler et s'indigner. Adrien était trop innocent et il travaillerait pour trouver des solutions, et Nino... Il dirait des blagues et finirait par considérer Marinette comme aussi fragile que du sucre.
- Tu veux dire à part les courbatures, la fatigue, les nausées, les vertiges et la migraine ? Oui impeccable, je vis le plus beau jour de ma vie.
Il nota le ton ironique, et pouffa, les larmes aux yeux. Il la câlina et la força à mettre sa tête sur ces genoux, lui massant le cuir chevelu avec ces griffes.
- Ça passera, pour la fatigue n'hésite pas à faire des siestes, même dans des lieux improbables c'est pas grave. À peine ce week end, j'ai dormi dans un canapé diabolique et sur la Tour Eiffel.
Elle omit ces cauchemars et ces sautes d'humeurs. Il valait mieux garder certains secrets pour le moment. Elle leva les yeux au ciel sur les exemples d'endroits improbables pour dormir que Chat Noir lui donnait. Quel étrange malchanceux il faisait !
- Pourquoi ?
- Réfléchir je suppose.
Elle faillit faire une blague sur sa soudaine intelligence et le fait qu'il puisse réfléchir mais elle se retint. Son ton était rêveur et lointain, peut-être avait-il des problèmes et elle parlait d'elle comme une narcissique ! Il la coupa dans ces réflexions par une demande effrayante qui la figea.
- Tu n'as pas de médicaments pour la grossesse ? Tes parents ne peuvent pas en trouver spécialement ? Ta mère l'a vécu, ses conseils seront très précieux ?
Elle gigota, voulant se relever, mais retomba finalement sur lui. Il la détendait et la rassurait. Elle n'avait plus de kwami bienveillant et en parler lui ferait du bien.
- Ils ne sont pas au courant.
- Comme le père je suppose. Ne t'en fait pas.
C'était stupide de lui dire de ne pas s'en faire. Elle allait être punie à vie, elle allait en pâtir toute sa vie, et il lui disait tranquillement qu'il ne fallait pas s'inquiéter ? Elle ne dit rien. C'était stupide. Et pourtant, il la réconfortait quand même avec des sottises. Il ne s'aventura pas sur le sujet, de peur de glisser sur une pente dangereuse.
- Tu n'es pas plus curieux ? Es-tu réellement Chat Noir ?
Elle le testait, le fixant dans les yeux avec amusement. Elle voulait se changer les idées et le provoquer.
- Bien sûr que je le suis. Mais demander qui est le père serait autant risquée que de dire à Queen Bee qu'elle pue de la gueule lorsqu'elle se transforme le soir.
Elle aurait bien ri mais l'allusion sans vraiment sous-entendu, la fit remettre sa tête droite, fixant les croissants à quelques mètres du tapis.
- Il est loin. À vrai dire, c'est un gars plutôt mystérieux et le retrouver pour lui dire une telle chose le ferait fuir. Je préfère le laisser dans l'anonymat et loin de ma vie.
Il acquiesça, comprenant et acceptant son choix. Elle le savait car elle s'était levée, décidée à ne pas laisser ces croissants dans un coin et pourrir. Elle en fourra un dans la bouche de Chat Noir l'étouffant presque. Il roula sur le sol en toussant et criant au meurtre. Marinette éclata dans un fou rire qui la fit pleurer.
- Moi qui croyait que tu avais des réflexes hors du commun.
Après quelques respirations agrémentées de toussements, il se reprit, la mine faussement mécontente.
- Il y a les réflexes oui, mais aussi les réflexes ralentis en présence de gens qu'on aime qui veulent nous tuer !
Elle se moqua gentiment avant de lui tapoter le haut du crâne amicalement.
- Oh donc le chaton docile m'aime alors que j'ai voulu l'assassiner ?
Il se tourna, dos à elle, boudeur.
- Bien sûr que je t'aime, heureusement que j'ai neuf vies, tu pourras me tuer autant que tu veux, mais laisse m'en une quand même j'aimerais profiter un peu de la vie !
Elle sourit gentiment, quel idiot faisait-il. Un charmant idiot.
***
Le père de Marinette l'appela pour manger, ou plutôt cria dans les escaliers de sa voix grave : « C'EST L'HEURE DU GOÛTER !!! »
N'aillant rien avaler de la journée – les croissants ayant été gobés par un certain chat – le ventre de la jeune fille criait famine. Elle ne craignit pas longtemps l'arrivée de nouvelles nausées car une faim de loup l'anima soudainement. Il était grand temps qu'elle mange quelque chose.
Marinette descendit quatre à quatre les marches, Tikki dans sa veste. Elle déboula dans la cuisine, s'attaquant à une pauvre tarte. Son père fronça les sourcils, étonné de la voir manger si vite, mais il finit par lui sourire avec tendresse. Il repartit à la boulangerie, frottant de sa grande main les cheveux de sa fille. Elle ne broncha pas, continuant à manger. Elle emprunta au passage un cookie pour son kwami, comprenant les sons de famine venant de la coccinelle.
Sa mère l'observa avec amusement, une étincelle d'inquiétude dans les yeux.
- Chérie, il faudrait qu'on te parle avec ton père ce soir.
Marinette décrocha de sa délicieuse tarte, mastiquant encore, son regard lagon posé sur sa génitrice.
- On s'inquiète énormément tu sais, tu es malade assez souvent, tu t'endors partout, tu manges peu et parfois tu vides le réfrigérateur. Et nous voulons savoir ce qu'il s'est passé avec Luka, on aimerait savoir car tu l'aimais, tu es peut-être un peu triste et-
Sabine se coupa elle-même, une lueur de reproche brillait dans le regard de sa fille. Elle posa les pains au chocolat qu'elle faisait, mettant ses mains sur ses hanches. Marinette suspendit son souffle, interceptant son regard de compréhension. Elle bailla, prit un dernier morceau de tarte et fuit la pièce lâchant un « Ok à ce soir », d'une voix hésitante et tremblante.
De retour dans sa chambre, l'angoisse la prit. Sa mère était justement une mère, elle avait vécu la grossesse, et si elle avait compris ? Le stress de Marinette redoubla, à tel point qu'elle en eut les larmes aux yeux. Serait-elle une déception pour ses parents ? Et s'ils se mettaient en colère ? Lui demanderaient-ils d'avorter ? Et s'ils apprenaient tout ? Quelle serait sa punition ?
- Marinette, tes parents sont compréhensifs, et tu l'as dit toi-même : c'était une erreur, il n'y a pas que toi en tort, respire. Tu es majeure, ce sont tes décisions, tes choix, ils n'iront pas contre ta volonté car c'est ta vie !
Tikki se voulait rassurante, elle voulait réparer ses bêtises, la coccinelle était l'origine de ça et comptait bien aider sa porteuse jusqu'au bout.
Marinette se rassura, prit de grandes inspirations. C'était vrai, Tikki avait raison. Ça ne pouvait pas être si dramatique, elle trouverait une solution.
- Merci Tikki.
Elle soupira câlinant son kwami pour la première fois depuis leurs disputes, des jours avant. Croyant pouvoir respirer, elle s'installa sur sa banquette avec ses cours à rattraper. Mais des pas lourds et précipités dans les escaliers inquiétèrent la jeune fille. Que se passait-il ? Elle se redressa quand son père apparu à l'ouverture de la trappe. Il l'ouvrit complétement avec force, de petites gouttelettes fines perlaient au coin de ces yeux.
- Descends immédiatement jeune fille. On a à te parler ta mère et moi.
Il repartit aussitôt et le visage de la demoiselle pâlit d'un coup. C'était tout sauf rassurant. Elle retourna dans le salon, la tête baissée, elle avait honte et terriblement peur. Ses jambes tremblaient et Ses yeux lui piquaient. Elle s'installa sur un bout du canapé, son père était assis à l'autre bout, aussi droit qu'un soldat, tandis que sa mère tournait en rond, les mains sur les hanches et le visage fermé. Quelques secondes de silence mortel, et Sabine déballa son sac, furieuse.
- Je suis une mère et une mère connait les symptômes d'une grossesse. Toi qui disais vouloir faire des études, je suis bien choquée !
- C'était un accident maman...
Elle tremblait, ne reconnaissant plus sa mère. Jamais elle n'avait été grondée si fort. Le fait qu'elle savait tout, tendit la jeune fille qui crut partir dans de gros sanglots si la crainte ne la figeait pas.
- En plus !
- Qui es l'enfoiré derrière ça ? Il va m'entendre et ses parents aussi !
Son père avait pris la parole, il avait un air grave et sa voix tremblante de rage.
- Je ne sais pas, il est loin, c'était une bêtise !
Elle fit tout pour se défendre, n'osant pas révéler quoique ce soit. Tikki se cala contre la poitrine de sa porteuse, lui donnant autant de soutien qu'elle le pouvait à la seconde.
- Tu oses prendre sa défense après ce qu'il t'a fait ? Et Luka dans tout ça ?
Le sujet Luka. Point extrêmement sensible. Elle grimaça, à la fois submergée par la colère d'être portée en victime et par la tristesse d'évoquer un ancien amour.
- J'étais consentante ! Luka... c'est de l'histoire ancienne, nous n'étions plus ensemble quand c'est arrivé.
Ses parents la fixèrent avec désarroi, choqués. Son père l'observait avec de gros yeux.
- Croyais-tu nous berner encore longtemps ? Nous sommes tes parents !
Elle baissa la tête coupable, sa jambe trottait dans un tic nerveux, la migraine pointait le bout de son nez et la nausée se rajouta en bonne amie.
- Tu nous a mentis et cachés la vérité ! N'as-tu pas honte ?
- J-j'ai eu p-peur...
Et c'était bien vrai, elle était guidée par la peur. La terreur lui avait fait faire plein de choses, dit pleins de choses. Elle avait la boule au ventre.
- Tu ne dis rien Tom ?
Sabine interpella son mari avec un ton de reproches. Tom soupira, sa colère semblait retombée. Il se leva lentement et fixa sa fille avec pitié.
- Je ne veux pas causer l'arrivée d'akumas, mais sache jeune fille, que nous sommes extrêmement déçus de ton comportement. Je suis déçu et je ne te reconnais même plus.
Il partit sans plus de cérémonie, déchirant les derniers morceaux du cœur de Marinette. Sabine partit à la suite de son mari, plus en proie à l'irritation qu'à la colère.
Tikki se mit face à sa porteuse, inquiète de voir la souffrance qu'une telle dispute a pu causer à Marinette. Rongée par la honte et la déception d'elle-même, l'ancienne future styliste pleurait silencieusement, touchée par les paroles de ses parents.
Aucun ne s'était attendu à cela. Marinette ne s'était pas préparée à une réaction aussi violente de ses parents, si doux et tendres habituellement. Les boulangers ne s'étaient pas non plus préparés à découvrir que leur fille était enceinte d'un autre garçon que Luka, ni au fait qu'elle ne veuille parler ni de Luka, ni de l'autre. Ils étaient inquiets et consternés par l'attitude de leur fille.
***
Sabine se gara, le trajet avait été aussi silencieux et froid que l'était une morgue. Elle prit les devants et parti d'un pas déterminé vers un cabinet sans regard derrière elle. Marinette la suivait, les larmes aux yeux, sur le point d'avoir un gros sanglot. L'indifférence et l'ignorance de ses parents deux jours après leurs disputes avaient refroidi leur lien, ou plutôt brûler le lien qui les unissait. C'était la punition la plus douloureuse qu'elle n'avait jamais reçu. Elle se faisait toute petite derrière sa mère qui avançait avec motivation et colère. Elle avait dix-huit ans, elle était majeure, mais le comportement de sa mère la faisait se sentir comme une enfant de dix ans qui venait de faire la plus grosse bêtise de sa vie.
Dans la salle d'attente se fut pire. Pas un seul échange, pas un seul regard. Sa mère faisait comme si elle n'existait pas. Pourtant si elles étaient dans ce cabinet gynécologique, c'était forcément pour elle.
Quand la secrétaire les appela, Sabine passa derrière sa fille, la foudroyant du regard. La gynécologue apparut dans son bureau. C'était une vieille dame aux cheveux bruns, de très petite taille, à peine plus haute que Sabine.
Marinette se mordit la lèvre et espéra s'en sortir sans trop de dommages. Ses mains vibraient de peur tandis que la gynécologue la conduisait d'un pas tranquille vers son cabinet. Elle l'installa sans le moindre mot sur un long siège en cuir vert et alluma une espèce de télévision.
- Alors, tu as quel âge Marinette ?
La franco-chinoise s'étonna qu'elle connaisse son prénom et qu'elle soit si familière. mais cette familiarité la détendit.
- J'ai dix-huit ans.
Méfiante tout de même à cause de son angoisse, elle resta crispée. La vieille femme le remarqua et lui sourit.
- Tu es donc à l'université ? Oh quels beaux souvenirs. Détend-toi, je ne vais pas te manger, je suis là pour t'aider. Voyons donc voir le mini Alien !
Marinette fronça les sourcils mais sans plus. Cependant, ses joues prirent une violente teinte rouge lorsqu'elle sentit les doigts glacés du médecin relever son T-shirt et lui tâter le ventre d'un air neutre. Ses dents faillirent se mettre à claquer tant la sensation dépassait le désagréable.
Juste après avoir jeté un regard d'accord avec la mère de la patiente, un regard que Marinette ne pouvait déchiffrer dans sa froideur, le médecin alluma la télévision et s'empara d'un tube qui contenait un gel transparent.
- Ne t'inquiète pas, ça ne fait pas mal, dit-elle dans une démarche rassurante.
Sabine hocha la tête et attrapa la main de sa fille, pour lui faire parvenir son soutien malgré sa colère. Marinette inspira alors et essaya de déconnecter ses nerfs sensoriels alors que la professionnelle lui appliquait la solution gélatineuse et visqueuse sur le ventre.
- On évitera ainsi tout désagrément, ajouta-t-elle.
Marinette hocha la tête tout en fixant l'écran noir et blanc de la "Télé". Au bout d'un moment, elle sentit la pointe d'un bâillement la chatouiller et elle décida de tourner la tête. Sur le mur turquoise de la pièce plusieurs diplômes encadrés trônaient comme des trophées. Marinette ne put tous les énumérer qu'elle se demanda déjà l'âge de la gynécologue.
Cette dernière s'empara d'une sonde et, doucement, se mit à la passer le long du ventre de la jeune fille. Des images, toujours oniriques, apparurent sur le téléviseur miniature. Sabine écarquilla les yeux mais garda la main de Marinette au creux de la sienne.
- Quand je fais une échographie, à chaque fois le regard de mes patientes me passionne. Regarde Marinette, le petit truc gris, ce n'est pas ton repas d'hier mais un petit bébé qui a décidé de s'installer.
La jeune fille tourna la tête pour observer le point que l'on lui montrait de l'index. Une forme étrange se dessinait. Elle faillit demander si c'était normal qu'un "Alien" soit si moche et petit. Une sensation désagréable la prit, puis une autre qui remplaça son écœurement. Elle ne savait pas pourquoi mais elle était émue. Les larmes ne voulaient pas rouler sur ces joues, au lieu de ça, elle renifla piteusement. Sabine observa, comme lointaine face à la situation. Son bébé allait avoir un bébé.
- De ce que je peux voir, le fœtus a trois mois, aucun sexe en vue, deux bras, deux jambes, une tête. Il n'y a pas plus normal comme bébé en bonne santé.
Il était... bien. Normal. En bonne santé. Elle se mordilla les lèvres, resserrant la main de sa mère avec culpabilité et remords.
- Vous... vous êtes sûr ?
La gynécologue se montra compatissante, admirant l'inquiétude et l'amour qui grandissait dans les yeux de sa patiente.
- Hé bien oui, il va bien, un peu en dessous de la taille moyenne, mais croyez-moi ça grandit vite. Rassure-toi, si tu faisais des sports extrêmes, alors oui, il faudrait s'inquiéter.
Marinette hocha la tête, faisant mine de rien. Être une super-héroïne était un sport extrême ? Certainement. La chose allait être en danger si elle continuait son rôle, mais en même temps c'était son devoir. Sabine lui pinça le bras, lui souriant légèrement.
- Marinette, la dame te parle.
Elle ne s'était pas rendu compte qu'elle était partie si loin dans ses pensées. Elle se reconcentra sur la gynécologue qui lui souriait poliment.
- Avant de te donner les instructions et tout plein d'interdictions qui vont te laisser ébahie, tu peux écouter son cœur si tu veux ? Le cœur se forme dès les premières semaines, tout comme la majeure partie du corps, après il ne fait que grandir, s'alimenter et se préparer à vivre à l'extérieur.
Elle ne voulait pas l'écouter, c'était si réel. Trop réel ! Ça l'effrayait. Sa respiration se coupa et pourtant... elle répondit affirmativement. Elle avait besoin de ces faits réelles pour accuser le coup et vivre avec. Le déni ne l'aidait aucunement. Elle ferma les yeux et attendit. Un bip retentit et deux battements suivirent, curieusement elle fixa la gynécologue.
- Pas de panique, les nouvelles technologies ne sont pas copines avec moi, écoute bien, il n'y aura pas d'écho.
C'est alors que la plus belle mélodie qu'elle avait écoutée, même la musique de Luka ne rivalisait pas. Un battement, puis un deuxième, un troisième, et encore un, encore et encore. Les battements du cœur de son bébé.
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