La forêt se parait d'un langage inconnu et fantasque. Au milieu de cette nature encore pure et vierge de la main humaine, on ne voyait que ce qu'il y avait de plus parfait au monde. La magnificence d'un site avorté en lui-même et qui ne connaissait que l'anarchie harmonieuse des jours de précocité. Les sons étaient tous si précis et pourtant si lointains en leur fond. C'est ici que naissait le monde, en réalité, dans ce décor qui paraissait hostile et accueillant. Une beauté qui pourrait vous détruire d'une morsure sauvage mais que vous voudriez atteindre, dont vous essayeriez de vous emparer mais qu'il est impossible d'imiter. Au milieu des arbres qui n'étaient que des ombrelles vertigineuses, on pouvait la voir respirer. Son cœur neuf encore, avait la couleur de cette vie brute et la pluie qui s'abattait sur sa peau se muait en des rivières, en des tourbillons. Et ses yeux s'ouvrirent enfin sur ce monde qui lui était égal. Des yeux de Louve, cette nouvelle Louve qui ferait de la forêt son havre, où elle élèverait chaque être au dépit de sa force éperdue. Ses doigts, eux, se mirent à bouger lentement, séparant les feuilles qui faisaient son lit naissant. Les phalanges, blanches et intactes encore, fredonnaient et chantaient au milieu de cet éternel Eden. Et ses cheveux, longs et dorés, volaient dans les cieux si proches de son visage. Dans ses yeux, on voyait la force pourvue dans chacun de ses membres et elle l'utiliserait dans les prochaines secondes ; c'était là un moment des plus attendus, l'unique espoir d'une beauté vivace et vivante. Elle la sentait. Après son éveil, elle se rendit compte de toute la beauté qui l'entourait. Ses jambes, ces baguettes orientales, se plièrent, puis, recourbées sur elles-mêmes, se tendirent dans un orage. La tempête battait mais elle ne se sentait en rien décontenancée par cet affront encore infatigable et fourbe. Le ciel tombait sur la forêt et sur l'ivoire de sa peau frêle. Elle se leva, comme une enfant de cette nature parfaite et en rage. Ses oreilles ne prirent pas garde aux bêtes sauvages qui rôdaient, ni à ces cieux emplis d'une mort certaine.

Là, elle brandit une main vers ce ciel supposé saint et non sacrificiel, le visage rempli de l'eau de la tempête. La forêt voulait qu'elle pleure, qu'elle abandonne sa destinée de Louve. Elle rit sous les nuages qui semblaient déverser leur haine sur son âme embrasée. Mais il n'en était rien, elle était insouciante, et plus forte que tout. L'orage passerait et tout irait mieux. Cette main vers le ciel, elle ne l'oublierait jamais dans ces soirs infernaux où l'espoir parait vain. Mais il est là, il le sera toujours.

Si cette nature intouchable et violente avait appris quelque chose à la Louve, c'est que, peu importe la laideur du monde, il y aurait toujours la chaleur après la plus violente des tempêtes. Il n'y aurait jamais rien de plus fort que son cœur qui avait la couleur de la lave indomptable et de son âme, qui avait la couleur des jours de Soleil. Cette âme si haute dans ce monde si souvent bestial. La louve, émergent de cette forêt changeante, celle qui est là pour rendre le monde plus juste, plus beau et plus grand, c'est toi.