5 - 1ère dispute
Ça faisait un mois qu'Oliver ne lâchait plus Mai. Il l'avait longuement observé dans ses habitudes et il était sûr de lui : ça ne pouvait plus durer. Mai travaillait énormément. Elle se levait tôt pour aller faire un petit boulot de ménage, elle rentrait à peine pour se laver et s'habiller pour aller à un de ses cours. Si elle n'avait pas cours, soit elle travaillait dans une bibliothèque, soit elle rangeait et faisait le ménage. Autant dire qu'elle travaillait plus souvent. Il ne la revoyait pas avant le soir. Elle préparait le repas car il n'arrivait pas à utiliser sa cuisinière. Ils mangeaient ensemble, parlaient de leur journée, puis elle révisait et travaillaient ses cours pendant qu'il lisait. Au moins, elle était tellement fatiguée qu'elle ne ronchonnait pas lorsqu'il la prenait dans ses bras dans la nuit.
Non, ça ne pouvait plus durer. Mai travaillait trop pour son bien-être. Il voulait l'aider. Pour commencer, il avait besoin de récupérer un minimum de confort, son appartement était trop petit. De plus, il était assez éloigné de l'université de la jeune femme et de l'agence. Bien entendu, il avait repris le travail et ses projets. Mais il savait que convaincre la jeune femme serait difficile. Leur relation n'avait pas non plus avancé, ils ne s'étaient pas encore embrassés. Pourtant, ils s'habituaient très bien l'un à l'autre et les rares moments qu'ils s'accordaient étaient magiques.
Il avait rendez-vous avec un agent immobilier pour visiter un appartement dans la rue de l'agence. Il savait que Mai était bloquée, qu'elle n'arrivait pas à revenir à l'agence, elle était incapable d'en franchir la porte. Il ne savait pas quoi faire pour y remédier.
Il passa son après-midi à visiter des appartements avec son assistant. Mais rien ne lui plaisait. Les appartements étaient soient trop petits, soit trop grands, ou ils avaient des défauts d'isolation, de la moisissures, des voisins bruyants... Et il en passait.
Il traversa les portes de l'agence avec une humeur de chien.
- Alors ces appartements ? Lui demanda Madoka devant le reste du groupe.
Il fusilla Lin du regard, il n'en avait parlé à personne pour éviter qu'ils ne vendent la mèche à Mai. Même son jumeau n'en savait rien.
- Vu son humeur, la question ne se pose même pas, rit Eugène. Naru, n'en veut pas à Lin, il fréquente Madoka et c'est une reine pour soutirer des informations.
Son frère ne répondit pas. Il préféra les ignorer froidement et prit le journal du jour tout en vérifiant s'il n'avait pas un message de Mai.
- Où avez-vous visité ? demanda Ayako.
- Dans la rue, répondit poliment Lin.
La moitié de l'équipe de la SPR faillirent s'étouffer en entendant la nouvelle.
- Naru, tu es bête ou tu le fais exprès ?! s'énerva la mikko. Jamais Mai n'acceptera de vivre dans cette rue ! Elle préfère faire des détours que de passer par ici !
- C'est à côté de l'agence, c'est parfait.
- Elle ne veut plus mettre un pied dans l'agence. C'est à peine si elle s'en approche à moins de cinq mètres, lui rappela le moine.
- C'est juste une passade, elle ira vite mieux.
- Imbécile, grogna son frère en se levant. Quand comprendras-tu que cet endroit lui rappelle trop de souvenirs ? Comme la fois où tu l'as rejeté sans une once de cœur ? Puis que tu es parti dans un au revoir, sans penser aux conséquences pour elle ? Elle vivait que sur cet emploi où tu exigeais d'elle qu'elle soit disponible en tout temps, loupant même ses cours. Du jour au lendemain, elle s'est retrouvé sans rien ! Elle a vécu des mois difficiles après notre départ !
- Tu n'étais même pas là, comment peux-tu le savoir ?
- Moi, j'étais là, déclara Lin, surprenant tout le monde car il se mêlait rarement des disputes. Mai a touché le fond. Madoka et moi l'avons hébergée quelques temps et nous nous sommes assurés qu'elle passait à autre chose. Ils ont raison, Naru, Mai n'est certainement pas prête à remettre les pieds ici ni à retravailler pour toi. Tu n'as pas tort dans l'idée de la faire déménager et de l'aider pour qu'elle réussisse au mieux ses études, mais...
- Mai fait des études ? s'étonna Yasuhara.
Naru grogna, Mai ne voulait pas que d'autres le sachent. Elle risquait d'être furieuse.
- Ce n'est pas le sujet.
Ils soupirèrent, comprenant qu'ils n'auraient pas de réponses si ce n'est sur le sujet principal : l'appartement.
- Alors quel genre d'appartement cherches-tu ?
- Nous devons être près de l'agence et de l'université. Les lieux devront être propre, sans travaux, quatre pièces et équipés. Un appartement simple et très bien organisé.
Madoka et Eugène soupirèrent, il était si compliqué... et bornée.
- Alors je vais t'aider, décida Ayako. J'ai une connaissance dans l'immobilier. Allons-y.
Naru fronça ses sourcils, il ne savait pas comment réagir.
- Ce n'est pas pour toi que je fais ça, c'est pour Mai, dépêche-toi. Mon ami a des appartements près d'ici, à côté d'un parc. Le bâtiment a été rénové, il est propre et moderne.
Elle prit son téléphone et composa un numéro. Elle téléphona à son ami en sortant de l'agence. Naru n'attendit pas et sortit rapidement pour la suivre.
Quand Naru arriva, il apprécia le bâtiment, déjà un bon point. Le parc était juste à côté, c'était le parc où il s'était promené avec Mai le premier jour, le restaurant où il l'avait emmené n'était pas très loin.
Le hall d'entrée était sécurisé et il y avait un gardien. Il appréciait ça, au moins, lorsqu'il recevrait un colis et qu'il n'était pas présent, il n'aurait pas à courir pour aller le rechercher ailleurs. Il y avait dix étages et trois ascenseurs. Les ascenseurs étaient spacieux, cet immeuble était adapté pour les familles. Il ne put s'empêcher de penser à un enfant avec Mai. Il n'était pas pressé du tout, et il ne voulait pas beaucoup d'enfants, mais il imaginait bien se balader avec Mai dans le parc à côté, un bambin avec eux.
Il devenait trop mielleux. Ça ne lui ressemblait pas. L'appartement était au dernier étage, il appréciait cela. Il n'aurait pas de voisins bruyants au-dessus de lui. Tous les murs étaient blancs et le sol en parquet flottant. La petite entrée était ouverte sur une grande pièce ouverte qui serait un salon. Une ouverture sur la gauche donnait sur une cuisine familiale avec un ilot central. Il y avait la place de mettre une grand table à manger. Dans le salon, une porte donnait sur une petite salle de bain où il y avait un espace laverie.
Ils continuèrent leur visite de l'autre côté de l'entrée, il y avait un couloir menant à quatre chambres. Au bout du couloir, une petite partie ouverte permettant de faire un petit salon tranquille. Il voyait bien une bibliothèque contre le mur, les fauteuils face à la fenêtre, Mai et lui lisant un livre, l'un contre l'autre.
Il y avait beaucoup de rangements, c'était parfait pour son matériel. La plus grande des chambres serait son bureau. Il s'y voyait bien.
- Je le prends, dit-il à l'ami d'Ayako.
- Ne veux-tu pas le visiter avec Mai ? le contredit-elle. C'est un peu grand non ?
- Non, c'est parfait.
Ayako soupira. Oliver avait grandi dans un manoir comme lui avait rappelé Eugène. Il n'avait jamais aimé les petits espaces. Elle espérait seulement que Mai ne se braquerait pas.
Il signa quelques papiers et ils repartirent. Oliver appela ses parents qui étaient rentrés temporairement en Angleterre. A la demande de leurs fils, ils empaquetaient leurs affaires pour les faire rapatrier au Japon. Ces derniers avaient déjà envoyé les affaires, ils prenaient l'avion dans quelques jours pour les rejoindre.
Quand il raccrocha, il reçut un message de Mai le faisant sourire. Elle ne travaillait pas l'après-midi, elle rentrait.
Il sourit en observant les clefs de leur nouvel appartement. Il allait devoir la convaincre.
Il s'excusa auprès de la mikko et appela la jeune femme. Elle répondit au bout de deux sonneries.
- Où es-tu ? lui demanda-t-il.
- Je sors des cours, pourquoi ?
- Tu te souviens du restaurant où je t'ai emmené ?
- Euh, oui...
- Tu saurais y retourner ?
- Oui, ce n'est pas très loin, pourquoi ?
- Je t'y attends, je dois te parler.
Elle sembla hésitante, inquiète, mais il la rassura et raccrocha. Il salua Ayako et alla jusqu'au restaurant. Mai arriva à peine un minute après lui. Elle embrassa sa joue pour le saluer, comme elle le faisait souvent et ils entrèrent. Ils eurent la même table que la première fois. Ils commandèrent et un long silence suivi. Naru devait choisir ses mots pour la convaincre.
- Naru ? le coupa-t-elle dans ses pensées. Tout va bien ? Tu m'inquiètes...
- Désolé. Mai, ça fait un mois que nous vivons ensemble et je n'aurais jamais imaginé apprécier cela.
- Oh... rougit-elle, surprise.
- Je veux continuer à vivre avec toi. Mais...
- Mais ? s'inquiéta-t-elle.
- Je n'aime pas ton quartier. Ton appartement est petit et tes voisins bruyants. J'ai besoin d'un bureau, d'un endroit calme et assez de place pour mes affaires.
- Oh... OK... Je comprends.
Naru sourit intérieurement. C'était bien plus simple qu'il ne le pensait. Malgré tout, il n'aimait pas le regard froid qu'elle arborait, elle semblait n'avoir aucune émotion sur son visage et c'était étonnant pour elle. Il n'aimait pas ça. Il avait l'impression que les rôles étaient inversés. Leurs plats arrivèrent et ils commencèrent à manger. Elle ne disait rien.
Finalement, il commençait à être inquiet. Elle ne finit pas son assiette. Il paya sans lui demander son avis et la tira jusqu'au petit parc à côté de leur futur immeuble.
- J'ai quelque chose à te montrer, viens, prit-il sa main.
Elle comprit de quoi il parlait quand ils entrèrent dans le hall d'entrée et qu'il s'avança vers les ascenseurs.
Elle était toujours autant silencieuse. Il lui fit visiter l'appartement en lui montrant les meubles qu'il imaginait. Elle acquiesçait sans rien dire, il ne voulait que son avis, il voulait qu'elle l'aide à meubler cet endroit.
- Mai, qu'est-ce qui ne va pas ? finit-il par demander.
Elle soupira en levant les yeux au plafond. Elle se retenait de pleurer. Il ne comprenait pas.
- Tu me dis que tu veux continuer à vivre avec moi et tu te prends un immense appartement ! craqua-t-elle.
Son compagnon fut choqué, elle n'avait pas compris !
- Mai, tu n'as pas compris, posa-t-il ses mains sur ses joues. Je veux que nous vivions tous les deux ici !
- Quoi... gémit-elle, surprise.
- J'ai acheté cet appartement, pour y vivre avec toi. Je l'ai trouvé parfait et je ne voulais pas perdre cette opportunité. Nous sommes à côté de l'agence et de ton université, toutes les commodités sont dans la rue, le parc à côté est sympa. J'aurais la place pour mon bureau, regarde cet endroit, pointa-t-il l'endroit où il imaginait sa bibliothèque, nous avons vue sur le parc, on pourra y mettre deux fauteuils ou ton fauteuil, une bibliothèque et on pourra se poser et lire ensemble...
Elle acquiesça en hoquetant, se calmant un peu.
- Dis quelque chose...
- Je ne sais pas, Naru, c'est si soudain... Je... Je ne peux pas te suivre, financièrement ce...
- Je ne demande que ta présence, Mai. Je l'ai déjà acheté, tu n'as rien à débourser et au moins, ça te permettra d'arrêter tous ces petits boulots et te concentrer sur tes études, je...
- C'est une blague ? le repoussa-t-elle, en colère. Alors c'est ça que tu attends de moi ? La gentille petite Mai qui ne bronche pas et qui est disponible pour toi ? Je ne serai pas ta charmante petite femme Naru ! J'ai toujours su me débrouiller seule et prendre soin de moi depuis la mort de mes parents ! Je ne cherche pas à me faire entretenir !
Il grogna. Il n'aimait pas ce qu'elle insinuait, ni le ton qu'elle employait. Décidément, elle ne comprenait rien. Elle lui tourna le dos pour commencer à partir mais il la rattrapa. Pas question qu'elle parte avant qu'il ait pu s'expliquer.
- Tu n'y es pas ! lui dit-il en lui tenant le bras. Je veux que tu sois avec moi, je veux être avec toi ! Je ne veux plus te voir te tuer à la tâche en travaillant ! J'ai les moyens, avec moi, tu seras à l'abri des besoins, tu pourras te concentrer sur tes études, si tu veux travailler, tu auras toujours ton poste à la SPR, je...
- Tais-toi ! cria-t-elle sans pouvoir s'empêcher de lui mettre une claque.
Il la lâcha de surprise. Mai en profita pour sortir de l'appartement. Ils venaient d'avoir leur première dispute de couple et ça les ébranlait. Mai se réfugia dans un parc, pas celui de l'immeuble, il l'aurait trouvé trop vite, non, un parc où elle allait souvent lorsqu'elle était jeune et qu'elle se sentait seule.
Elle renifla et essuya ses joues trempées de larmes.
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