La jeune medium avait longuement hésité avant de se rendre à son ancienne agence. Ça faisait des mois qu'elle n'y était pas allée, elle refusait même de passer dans cette rue. Plus elle avançait, plus son cœur cognait dans sa poitrine.

Elle s'arrêta 5 mètres devant la porte, elle ne se sentait pas capable d'avancer plus. Et elle n'en eut pas besoin. Naru sortit rapidement de l'agence avec son imper et avança droit sur elle. Rien dans son attitude n'indiquait son état d'esprit, était-il furieux ? Pressé ? Elle n'en avait aucune idée.

Il attrapa son bras pour la tourner dans une autre direction. Son bras se posa sur ses épaules et il la guida dans une autre rue d'un pas rapide. Elle sentait son corps contre le sien, il la tenait fermement. Sa main était crispée sur son épaule.

Il s'arrêta devant un petit restaurant calme, les tables étaient séparées par des cloisons, l'intimité régnait. Naru la lâcha pour demander la table la plus tranquille qu'ils avaient. La serveuse les emmena tout au fond du restaurant. Ce n'étaient pas des tables traditionnelles japonaises, c'était une petite table avec une banquette de chaque côté.

Mai s'installa face à lui sans rien dire, surprise et inquiète.

Naru commanda pour eux, sans lui laisser le temps de choisir et se tourna enfin vers elle.

- Mai, j'ai quelque chose d'important à te dire.

- Ne le dis pas, Naru... le supplia-t-elle.

- Ça ne sert à rien de retarder le moment. Et ce que je vais te dire, je ne le redirai pas, alors écoute bien.

Mai se força à plonger ses yeux dans les siens.

- Je suis désolé. J'étais jaloux de la complicité que tu avais avec mon frère. Tu as toujours cru que c'était moi dans tes rêves, que j'étais ton guide spirituel alors que c'était lui. J'étais jaloux qu'il t'apparaisse à toi et non à moi. Je n'aurais jamais dû dire ce que j'ai dit. Ce que je ressens pour toi est réel. Sois sûre que je ne compte plus te laisser. Eugène est... Il est mon jumeau, il était la personne la plus importante pour moi. Puis il est parti sans prévenir et il a eu cet accident idiot. J'étais persuadé de sa mort. Et tu es devenue la personne que je devais protéger, la personne la plus importante pour moi.

Elle avait les larmes aux yeux. Combien de fois avait-elle rêvé de ces mots ? Des tas. Il était si froid, si insensible, arrogant... Jamais elle n'aurait imaginé réussir à briser sa carapace...

- Mai...

Elle avait l'impression que sa voix était suppliante... sans se retenir, elle craqua. Son corps et son esprit étaient encore épuisés par tout ce qu'il s'était passé durant sa dernière mission.

- Je... essaya-t-elle de parler.

Elle ne savait pas si elle était prête à lui pardonner, mais elle ne voulait plus être seule. Elle avait si bien dormi dans ses bras à l'hôpital...

Elle se leva de son fauteuil et mit ses bras autour du cou du jeune homme. Naru serra sa taille et la tira pour qu'elle s'assoit sur ses genoux.

- Ne pleure pas.

Sa voix était douce, chaleureuse. Ça faisait tellement de bien de l'avoir avec elle, contre elle. Elle se sentait aimée.

La serveuse arriva à ce moment avec les deux plats et les boissons. Elle eut un mouvement de recul, pensant déranger, mais Naru la convia à tout poser sur la table d'un mouvement de tête.

Le jeune homme caressa le dos de la jeune femme en l'invitant à se calmer. Il ne dit rien, il ne savait pas quoi dire. Une fois qu'elle fut plus calme, elle s'installa à sa place pour commencer à manger.

Naru l'observa jouer avec sa nourriture. Elle ne semblait pas en forme.

- Que veux-tu faire ensuite ? lui demanda-t-il.

- De quoi ? fut-elle surprise.

- Quand nous aurons fini de manger, que veux-tu faire ? Y a-t-il un endroit où tu voudrais aller ?

- Je... Je ne sais pas, je n'y ai pas réfléchi.

- Au zoo ? L'aquarium ?

Mai l'observa avec surprise. Lui, au zoo ? un petit rire sortit d'elle, laissant son compagnon surpris, il ne comprenait pas en quoi ce qu'il disait était drôle.

- Toi, au zoo ? Ou à l'aquarium ? Dit-elle en essayant de contrôler le fou rire qui commençait à la prendre.

Il fut un peu vexé mais elle avait bien raison. Cela ne l'intéressait pas du tout. Mais pour elle, il était prêt à mettre sa fierté de côté et à faire des efforts.

- Si tu veux vraiment faire quelque chose d'aussi attrape-touriste, nous pouvons aller au musée d'histoire naturelle ? ça fait bien longtemps que j'aimerais y aller.

- Toi, le musée ?

Elle rit doucement, gênée, et acquiesça.

- J'aime l'histoire. J'aime les mythes et les légendes et le Japon en a énormément. C'est ce que j'étudie.

- Tu étudies ? fut-il surpris, curieux.

- Oui, je prends des cours à l'université en candidats libres, ça me permet de louper les cours quand je travaille.

- Pourquoi l'histoire ?

- Ce n'est pas vraiment l'histoire, j'apprends à chercher, à découvrir, comprendre. Et c'est assez intéressant. J'aurais voulu un cursus sur le paranormal mais il aurait fallu partir et je n'avais pas les moyens. Ce cursus est ce qu'il se rapprochait le plus de ce que j'aimais.

Il acquiesça. Il était fier d'elle. Elle avait bien changé.

- Je t'apprendrais tout ce que je sais sur le paranormal.

Elle lui sourit et reprit son repas, elle avait un peu plus d'appétit.

Une fois leur repas terminé, ils marchèrent jusqu'au musée en parlant d'histoire. Naru fut plus bavard qu'à l'accoutumé, le sujet était assez passionnant et Mai avait énormément de connaissances, elle lui apprenait beaucoup de choses.

En fin d'après-midi, ils étaient tous les deux fatigués, mais Naru ne pouvait se résoudre à la laisser.

- Je vais rentrer, lui dit-elle alors qu'ils étaient dans un parc.

Il grogna, perdant sa bonne humeur. Elle baissa ses yeux, gênée. Elle s'arrêta en chemin et attrapa son bras pour qu'il s'arrête à son tour et la regarde.

- On va se revoir, Naru... Je suis juste... Fatiguée...

- Laisse-moi venir avec toi. Pourquoi personne ne sait où tu vis ?

Elle rit doucement en faisant un pas vers lui, rétrécissant l'espace entre leurs deux corps.

- J'aime ma tranquillité, je l'ai toujours eu, et... à ton départ, Ayako et Bou-san sont devenus assez... intrusifs dans ma vie.

Il acquiesça et réduisit encore plus l'espace en se collant à elle. Il devait trouver un moyen de la faire craquer. Il ne voulait pas la lâcher.

- Je ne dirais à personne où tu vis... Je ne t'embêterai pas. Je suis discret.

- Naru...

Elle craquait, il le savait. Il colla son front au sien. Les yeux de la jeune femme se fermèrent.

- Rentrons alors...

Il sourit et prit sa main. Ils marchèrent une vingtaine de minutes avant d'arriver chez la jeune femme. Ce n'était pas grand, un deux pièces. Mai était simple, rien n'était superflu si ce n'était sa bibliothèque. Il ne se rappelait pas qu'elle lisait autant. Une grande table basse carrée entourée de sièges de sol était au milieu de la pièce. Dans un coin, face à sa petite télévision, elle avait un fauteuil assez grand et profond pour deux personnes, l'endroit le plus confortable de la pièce selon lui. Une petite cuisine le long d'un mur et deux portes en face. L'une menait à sa chambre, tout aussi simple (il était content de voir que son lit n'était pas un tatami mais un vrai lit, avec un vrai matelas !) et l'autre à une salle de bain avec baignoire.

Tous les murs étaient blancs.

- C'est sympa, lui dit-il.

Elle acquiesça, puis alla dans sa chambre prendre des vêtements plus confortables.

- Mai, je vais demander à Lin de m'apporter des vêtements. Ça te dérange ?

- Non, il sait où je vis.

Oliver fronça ses sourcils. Ne lui avait-elle pas dit que personne ne savait où elle vivait ?

- Lin est le seul qui ne viendra pas à l'improviste et quand on part en mission très tôt il vient me chercher, surtout quand nous partons que nous deux...

- Je ne savais pas. J'avais un rapport des activités mais il me semblait que tu n'en faisais plus partis.

- Je ne fais plus partis de la SPR. Mais il arrive que j'aille sur le terrain avec Lin. Il sait pour mon cursus et il en profite pour m'apprendre certaines choses, il m'a aidé à canaliser mes pouvoirs...

Il acquiesça et appela son ancien mentor. Il n'aimait pas qu'il y ait eu autant de secrets. Il n'aimait pas comprendre que Mai lui en avait voulu au point de ne plus vouloir exister pour lui...

Quand le chinois arriva, Mai était toujours dans la salle de bain. Il s'éclipsa rapidement, ne voulant pas gêner le jeune couple. L'anglais se changea dans la chambre de la jeune femme et y laissa ses affaires. Il prit un livre et s'installa sur le fauteuil. Mai sortit quelques minutes plus tard. Elle sourit à l'anglais qui l'invita à le rejoindre.

Leurs gestes étaient encore timide, ils apprenaient à se connaitre autrement, plus intimement. La jeune femme s'installa entre ses genoux, Oliver passa un bras sur son ventre et l'aida à bien s'installer avant de reprendre sa lecture. Elle s'endormit rapidement contre lui. Il stoppa sa lecture et l'observa dormir, elle semblait bien dormir.

Il posa le livre à côté de lui et s'installa un peu mieux. Mai bougea et s'installa à califourchon contre lui, il pouvait sentir son souffle dans sa nuque.

Il passa ses mains dans son dos et le caressa avec tendresse. Il avait besoin de ce contact, besoin de se rassurer, elle était là.