A peine Mai sortit-elle de la pièce que Lin récupéra le contrôle de son corps. Il grogna et observa autour de lui. Il récupéra la caisse et la posa dans le couloir pour aller faire un rapport.

- Lin, que s'est-il passé ? croisa-t-il ses deux protégés dans les escaliers.

- Je ne suis pas sûr, répondit-il calmement.

- Comment ça ? s'inquiéta Naru.

- Nous sommes allés à l'étage, je lui ai demandé si elle savait l'endroit le plus propice à une manifestation et elle m'a emmené dans une chambre, tout au fond du couloir. Elle était silencieuse, perdue dans ses pensées. Elle a dit qu'elle se sentait nostalgique. Et j'ai ressenti ce froid, j'ai activé la caméra. Mai observait quelque chose, ou plutôt quelqu'un, dans l'encadrement de la porte. Elle semblait... je n'ai pas le mot. Elle n'avait pas peur, mais... Mais, elle était déroutée, triste, peut-être un peu apeuré. Elle a essayé de parler mais la porte a claqué et elle s'est effondrée en pleurant et en disant que ce n'était pas sa faute. C'est là que j'ai senti quelqu'un entrer en moi. Il y avait énormément d'amour pour Mai. Mais elle la sentit et m'a poussé alors que je la prenais dans mes bras.

- Toi, la prendre dans tes bras ? fut étonnée Madoka.

- Ce n'était pas moi, la fusilla-t-il du regard.

- Et ensuite ?

- Elle a dit « ne t'approche pas de moi » et elle est partie.

Naru acquiesça. Il aurait dû faire plus attention. Mai n'était pas en état de faire face à son passé, il lui était arrivé quelque chose ici. Ses parents étaient-ils ici ? Elle lui avait déjà confié qu'ils l'avaient suivi après leur mort, mais qu'elle avait dû arrêter de les voir sous peines d'être puni. C'est ce qui avait retardé la croissance de ses dons. Rien n'était dû au hasard. Il l'avait bien assimilé.

- Dépêchons-nous d'installer les caméras. Voici la liste des lieux que la gouvernante vient de me confier. Il s'est passé quelque chose à tous ces endroits. La chambre où Mai t'a surement emmené est appelé la chambre maudite. Tous les enfants qui y ont dormi sont tombés très malades, quelques-uns en sont morts.

Lin acquiesça et remonta avec Eugène finir de tout installer.

- Essaie de la trouver. Elle ne doit pas être seule en ce moment, lui conseilla Madoka.

- Je sais.

Il mit ses mains dans ses poches et sortit du manoir. Une vieille femme avait sa main sur son cœur et observait le vide.

- Bonjour, lui dit-il.

- Oh, sursauta-t-elle. Bonjour. Vous êtes l'équipe SPR ?

- Oui, je suis le responsable, Shibuya Kazuya.

- Enchantée, je suis la directrice de l'orphelinat, Naomi Kerida.

La femme avait la soixantaine, elle semblait bien portante, mais épuisée par les années.

- Qu'observiez-vous ? lui demanda-t-il alors qu'elle regardait à nouveau vers le coin du manoir.

- Oh... J'ai cru voir quelqu'un que j'ai connu... Je dois y aller, désolé.

Naru comprit qu'elle avait surement reconnu sa petite-amie. Il alla dans la direction qu'elle observait et fit le tour du manoir en l'observant. A l'arrière, des escaliers menait à la cave. Curieux, il descendit et ouvrit la porte. Celle qui cherchait était assise au sol, en larmes.

Le cœur de l'anglais se brisa en voyant l'état dans lequel elle était. Il s'agenouilla derrière elle et la tira pour qu'elle se retrouve dans ses bras.

- Naru... hoqueta-t-elle.

- Je suis là... chuchota-t-il en caressant ses cheveux. Je suis là.

Elle s'accrocha à son cou, elle serrait tellement qu'elle lui faisait mal. Il l'incita à passer ses jambes autour de sa taille et la porta. Il s'assit dans les escaliers en essayant de la calmer. Au bout de quelques minutes, elle s'était endormie, épuisée, trop d'émotions en si peu de temps...

A son tour, il sentit une présence autour de lui. Mais elle disparut très vite. Il n'avait pas su déterminer si c'était bon ou mauvais.

D'un geste, il se releva en la portant et fit le chemin en sens inverse pour la ramener à la base.

Madoka déplia un tatami, mais il ne voulait pas la lâcher. A contre cœur, il la posa sous la couverture et embrassa son front. D'un geste tendre et discret, il posa sa main sur son ventre. Il espérait que ça se passerait bien. Peut-être la ferait-il rentrer plus tôt, sa sécurité était plus importante.

***

Mai ouvrit ses yeux, elle était de nouveau une enfant.

- Non... Je ne veux pas revivre ça seule ! hoqueta-t-elle alors qu'elle était assise sur son lit, à l'orphelinat.

- Tu n'es pas seule ma chérie, lui répondit sa mère en souriant. Tu n'es jamais seule.

- Oui, nous resterons toujours avec toi, ajouta son père en souriant.

Ils étaient agenouillés devant elle. Ils lui parlaient, elle leur répondait en souriant.

- Mai, a qui tu parles ! entra l'ancienne gouvernante, Mme Kira.

La femme était assez stricte, aigrie, attaché aux anciennes traditions.

- A mon papa et ma maman ! sourit l'enfant.

- Pauvre petite, dit-elle sans compassion. Mai, nous te l'avons expliqué des centaines de fois, c'est impossible. Tu ne peux pas voir tes parents, comme tu ne peux pas voir les parents de tes camarades ! Arrête de dire des bêtises, tu fais peur à tout le monde. Si tu continues, tu seras punie !

- Mais...

- Ça suffit ! Ne répond pas. Va dormir ou tu seras de corvée demain !

Elle partit en laissant la porte ouverte.

Mai s'allongea, le regard triste, en regardant ses parents.

Sa mère chanta, l'aidant à dormir et à s'apaiser. Elle ne voulait plus dormir.

La jeune femme se réveilla en sursaut, elle ne voulait pas se souvenir. Ayako s'empressa de venir la voir avec du thé.

- Tout va bien ?

- Oui, merci...

- Mai, tu...

- Ça va, ne t'en fais pas, je suis désolée...

- Raconte-nous, la supplia-t-elle. Je sais que ça ne doit pas être facile, mais tu dois nous en parler.

Mai ferma ses yeux. Elle n'était pas prête. Mais il fallait qu'elle parle, sinon, d'autres enfants seraient en danger.

- D'accord, finit-elle par accepter en se levant.