XII.
« Du passé on peut faire soit un boulet que l'on traîne, soit une accumulation de vécus sur laquelle on grimpe pour voir un peu plus loin. »
- Grégoire Lacroix.
- C'est...
- La merde.
Ils étaient tous les deux assis sur le carrelage froid de la salle de bain.
- J'aurais pas vraiment dit ça comme ça mais, ouais, c'est une façon de voir les choses.
Le test, positif, était posé tout près d'eux.
- Chris, soupira Katherine en laissant tomber sa tête entre ses bras.
- Je sais... Je sais.
Ce fût tout ce qu'il réussit à dire. Il était troublé. Ce moment-là, il l'avait déjà vécu, il y a plusieurs mois, lorsque Katherine était tombé enceinte pour la première fois.
- Chris je... Je suis pas sûre de pouvoir faire ça, murmura la jeune femme.
Le noiraud passa un bras autour de ses épaules et l'attira contre lui.
- On est pas obligé de prendre une décision tout de suite. On... On pourrait en parler au docteur Garrido et aller voir une spécialise de... De tout ça.
Katherine se dégagea doucement de son emprise et releva la tête vers lui.
- Je crois que j'ai besoin que tu m'en parles, de cet enfant qu'on a perdu.
*
- Tu... Tu étais enceinte de trois mois quand c'est arrivé.
- Est-ce qu'on a essayé longtemps avant que ça marche ?
Christopher secoua la tête.
- Non c'est juste arriver comme ça, sans qu'on s'y attende.
- Et... On a quand même décider de le garder ?
- Tu disais que tu te sentais prête... Et tu m'as dit que si moi aussi je l'étais alors on devait foncer.
- J'ai vraiment dit ça ? Demanda Katherine en haussant un sourcil.
- Je sais que c'est plus ce que tu penses aujourd'hui mais oui, c'est que tu m'as dit.
Il eut un silence puis Christopher lui dit :
- Je crois que tes sentiments étaient différents, avant.
Katherine le regarda en clignant des yeux.
- Qu'est-ce que tu essais de me dire, Chris ?
- J'ai l'impression que... Que peut-être tu ne m'aimes plus comme avant.
*
- C'est ce qu'il vous a dit ? Questionna le docteur Garrido en réajustant ses énormes lunettes sur son nez.
Katherine hocha la tête.
- Et vous, qu'est-ce que vous en pensez ?
- Je ne me souviens pas de comment je l'aimais avant. Est-ce qu'il y a plusieurs façons d'aimer quelqu'un ?
Le docteur Garrido esquissa un sourire.
- Croyez-vous qu'il y a plusieurs façons d'aimer quelqu'un ?
La jeune femme haussa les épaules.
- Je suis à peu près sûre qu'on aime pas ses amis et sa famille de la même façon.
- C'est une bonne remarque. Comment voyez-vous votre mari, quelle place a-t-il dans votre vie ?
- Je...
Katherine ne s'attendait pas à cette question, elle ne se l'était même d'ailleurs jamais posée. Est-ce qu'elle était avec lui parce qu'ils étaient mariés, ou est-ce qu'elle était avec lui parce que c'était ce qu'elle voulait vraiment ? Peut-être qu'elle était restée parce que c'était son devoir en tant qu'épouse, à moins que ce ne soit lui et sa façon d'être quand il était avec elle. Près de lui elle s'était redécouverte. Elle avait rencontré de nouvelles personnes, apprit de nouvelles choses. Elle avait renoué avec sa passion et son amour pour l'art grâce à lui mais plus important encore, il lui avait inculqué ce qu'elle pensait être désormais les vraies valeurs de la vie. Ne jamais baisser les bras, se battre pour ce que l'on aime et apprendre à pardonner.
Elle l'avait entendu se confier l'autre nuit. Elle avait entendu sa voix trembler et elle avait senti le poids de sa culpabilité.
- Je ne sais pas, finit-elle par répondre à voix basse.
*
Katherine se mordit les lèvres, nerveuse à l'idée de la discussion qui l'attendait avec son mari. Elle avait tourné et retourné les mots dans sa tête mais toutes ses phrases lui semblaient trop agressives, trop brutales ; et Christopher n'était pas encore prêt à attendre ce genre de chose. Elle sursauta lorsqu'elle entendit la porte d'entrée claquer. Ses mains devinrent moites.
- Kat, t'es déjà à la maison ? S'étonna le jeune homme en la voyant assise autour de la table à manger. Tu devais pas accompagner les garçons chez le traiteur ?
- Ils ont décommandé, Minho est malade.
Christopher s'installa en face d'elle.
- Ça va pas ? Lui demanda-t-il. Tu fais une drôle de tête.
- Tu... Tu avais raison l'autre jour : je ne t'aime plus comme je t'aimais avant.
- Oh, wow... Murmura le jeune homme en écarquillant les yeux.
- Ça veut pas dire que c'est moins bien Chris, c'est juste différent.
- Je ne veux pas que ce soit différent, Kat.
- Pourtant ça l'est. Ça l'est depuis ce jour où je me suis réveillée dans cette chambre d'hôpital, depuis le jour où cette voiture m'a renversé. Et c'est le genre de chose qu'on ne peut pas changer, Chris : le passé est intouchable.
Le noiraud sentit ses yeux brûler. La vérité était venue le frapper de plein fouet. Katherine avait raison et il le savait pourtant, tout ce temps, il s'était voilé la face.
- Et si tu n'es pas capable d'admettre ça, reprit l'australienne. Alors ça veut dire qu'on s'est tous les deux trompés.
*
« Le passé est intouchable », « tout a changé ». Ces mots résonnaient encore dans la tête de Christopher. Il n'avait pas été que blessé par ces paroles, elles l'avaient aussi poussé à se remettre en question. Sa vie avait changé, Katherine n'était plus la même, il n'était plus le même ; et peut-être que ses sentiments à lui aussi avaient changés. Il aimait toujours autant sa femme, il en était persuadé, mais pas de la même façon. C'était ce qu'il en avait conclu au petit matin, après avoir passé toute la nuit éveillé.
Lorsqu'il retrouva Katherine dans la cuisine ce matin-là, l'ambiance était glaciale.
- Salut.
- 'Lut.
La jeune femme lui répondit à peine.
- Tu m'expliques pourquoi c'est toi qui fais la gueule après ce que tu m'as balancé hier soir ?
Katherine referma violement la porte du réfrigérateur et lui lança un regard noir.
- Oh je sais pas, peut-être parce que t'es partis sans me dire où tu allais et que t'es pas rentré de la nuit !
Christopher se mordit l'intérieur des joues.
- Tu étais inquiète ?
- Mais bien sûr que j'étais inquiète espèce d'abruti ! Qu'est-ce que tu crois ?!
La mâchoire serrée, elle lui assena un coup de poing dans l'épaule.
- Aïe ! Mais ça fait super mal !
- « Mais ça fait super mal ! », le singea-t-elle en grimaçant. Et toi tu penses un peu au mal que tu me fais ? J'ai cru que...
- Que quoi ? Lui demanda Christopher en faisant un pas vers elle.
- Que peut-être tu étais retourné voir cette fille.
Le jeune homme sentit son cœur se serrer.
- Kat, murmura-t-il en la prenant dans ses bras. Je suis désolé pour hier soir et aussi pour... Pour ce que j'ai fait dans ton dos avec cette fille.
La blonde lui rendit son étreinte.
- Je sais que tu es désolé.
- Tu crois... Tu crois que tu arriveras à me pardonner un jour ?
- Il y a quelque chose de plus important que mon pardon Chris, le tiens.
*
- M'écrire une lettre ? Répéta Christopher en fronçant les sourcils.
Le docteur Garrido acquiesça d'un signe de tête.
- Vous devez avancer, monsieur Bang. Vous avez fait des erreurs c'est vrai, mais que celui qui n'en a jamais faites vous jette la première pierre. Vous avez eu besoin de vous confier à une personne extérieure et c'est ce que vous avez fait avec cette femme.
La psychologue tira sur les pans de sa jupe en coton noire avant de se réinstaller confortablement sur son fauteuil.
- Monsieur Bang, reprit-elle. Votre femme vous aime, elle vous a pardonné et maintenant vous attendez un enfant. La seule chose qui vous empêche d'avancer c'est vous. Vous et cette emprise que le passé a sur votre vie. La guérison est une longue marche, et maintenant c'est à vous de prendre les choses en mains. Alors qu'est-ce que vous voulez Christopher, continuer à faire des détours ou passer par le chemin le plus court ?
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