II.
« Quand le ventre est vide, le corps devient esprit ; quand il est remplit, l'esprit devient corps. »
- Proverbe iranien.
Deux mois plus tard.
- T'as presque pas touché à ton assiette, fit remarquer Peter en prenant une gorgée d'eau.
- Pas faim, grommela Christopher.
Il repoussa son plat sous le regard inquiet de Minho et Peter.
- Chris...
- Quoi ?
Le jeune homme releva la tête et plongea son regard, vide, dans celui de son ami.
- Il faut que tu te nourrisses, soupira Minho.
- Je peux pas, ça passe pas.
Peter jeta un coup d'œil autour de lui : rien n'avait bougé depuis l'accident.
La trousse de toilette de Katherine traînait toujours sur le buffet, dans la salle à manger – elle aimait se maquiller devant le grand miroir qu'il avait à l'entrée, dans le vestibule -. Sa bouteille de parfum, presque vide, était restée sur le plan de travail et commençait déjà à prendre la poussière. Son chapeau de paille et son blouson pendaient encore au porte-manteaux.
C'était comme si Katherine était toujours ici, avec lui.
- Et si... Et si on faisait un peu de ménage ? Hasarda Peter.
Christopher haussa les épaules.
- On pourrait peut-être ranger les affaires de Katherine, reprit Minho.
- Je sais pas trop...
- Chris, il faut que tu te fasses une raison et que tu arrêtes de vivre dans son ombre comme si elle allait re-
- La ferme ! Cria Christopher en abattant violement son poing sur la table à manger.
Il se leva d'un bond et attrapa Minho par le col de sa chemise.
- Arrêtes de parler d'elle comme si elle était morte !
Minho posa sa main sur celle de son ami, la pressant légèrement pour l'obliger à le lâcher.
- Je t'en prie, continua Christopher en sanglotant. Ne la tue pas... Ne lui fais pas plus de mal, s'il te plaît.
- Je suis désolé, Chris. On l'est tous.
Peter acquiesça d'un petit signe de tête, les larmes aux yeux. Il n'osait même pas imaginer la douleur que Christopher devait ressentir. Minho était son grand amour, celui qui n'arrive qu'une fois dans une vie, et il ne savait pas ce qu'il ferait s'il lui arrivait la même chose qu'à Katherine.
- Imagine qu'elle ne se réveille pas... Murmura Christopher.
Il était complétement dévasté, tout le dépassait. Tout était si douloureux, tellement insupportable. Il se sentait désemparé et horriblement seul.
- Peu importe ce qui arrivera, dit Minho en l'aidant à s'asseoir sur le canapé. On sera toujours là pour toi.
- Tu peux compter sur nous Chris, renchérit Peter.
Il posa une main qui se voulait consolatrice sur son épaule.
Le jeune homme ne répondit rien. Il laissa tomber sa tête entre ses mains, toujours secoué de sanglots.
*
Christopher traversa rapidement le hall de l'hôpital, saluant les infirmières d'un discret signe de tête. Il rasait presque les murs, les yeux le plus souvent rivés sur le sol, jusqu'à atteindre la chambre de Katherine.
201, 202, 203...
C'était son rituel dès qu'il arrivait au deuxième étage : il énuméré tous les numéros des chambres qui précédaient celle de sa femme.
Alors qu'il s'apprêtait à entrer dans la pièce, des éclats de voix de l'autre côté de la porte le firent se figer. Il tendit l'oreille en entrouvrant doucement la porte.
- Dans le coma ? Depuis combien de temps ?
C'était la voix d'une femme, mais il n'arrivait pas à la reconnaître.
Intrigué il finit par pénétrer dans la chambre.
Debout, devant le lit de Katherine, il y avait une femme qui semblait avoir une bonne cinquantaine d'années. Elle était blonde et ses cheveux étaient remontés en un imposant chignon. A ses côtés se tenait un petit homme chauve et tassé, visiblement fatigué par les années. Il avait le nez crochu et les lèvres pincées qui lui donnait l'air affreusement sévère.
- Oh monsieur Bang, bonjour ! Le salua le médecin lorsqu'il l'aperçût dans l'encadrement de la porte.
- Bonjour, répondit-il en faisant un pas vers les deux individus qui avaient envahi la chambre.
Remarquant leur coups d'œil insistant, Christopher les interrogea du regard, les sourcils froncés.
- Vous êtes qui vous ? Lâcha finalement la femme.
- Je pourrais vous retourner la question.
La blonde leva les yeux au ciel.
- Nous sommes les parents de Katherine.
Se fût le petit chauve qui répondit.
Le noiraud se mit à déglutir avec difficulté.
- Ses... Ses parents ? Murmura-t-il sans vraiment attendre de réponse.
- Vous ne vous connaissez pas ? Demanda le médecin, surprit.
- Est-ce que quelqu'un veut bien nous expliquer ?!
La femme était à deux doigts de la crise de nerf.
- C'est monsieur Bang, le mari de votre fille.
*
Les parents de Katherine et Christopher étaient attablés à la cafétéria de l'hôpital. Aucun d'eux n'osaient se regarder.
- Qu'est-ce qu'il lui est arrivée ?
L'homme s'appelait James.
- Une... Une voiture l'a renversé, répondit Christopher.
Il baissa les yeux sur sa tasse, touillant son café beaucoup trop amer à son goût et déjà froid.
- Seigneur... Chuchota la femme en posant sa main sur celle de son mari.
Elle s'appelait Elizabeth.
Christopher essuya ses yeux humides d'un revers de main et se racla gorge.
- Les... Les médecins disent qu'elle a eu beaucoup de chance de s'en sortir... Même si elle est toujours dans le coma, reprit-il.
- Mais elle va se réveiller, n'est-ce pas ? L'interrogea James.
- Je... Je ne sais pas.
« Oui, bien sûr qu'elle va se réveiller ! » : c'était ce qu'il aurait voulu leur répondre.
Mais il n'était même plus sûr d'y croire encore.
*
Il était déjà tard lorsque Christopher rentra chez lui ce soir-là. Il retira sa veste et ses chaussures dans l'entrée et lança ses clés sur la petite console en verre qui était dans le vestibule.
Katherine l'aurait tué si elle l'avait vu faire : elle détestait quand il jetait ses clés comme ça.
Il se traîna jusqu'à la salle à manger et se laissa tomber sur l'une des chaises en tissues. Sur la table, un petit bout de papier attira son attention.
« Je t'ai préparé de quoi manger pour ce soir, tout est dans le frigo. Prends soin de toi, Chris. Amicalement, Minho. »
Christopher se leva et se dirigea d'un pas nonchalant vers le frigo. En fouillant parmi toutes les courses que lui avaient fait ses amis, il trouva un Tupperware remplit de ce qui ressemblait être un sauté de bœuf accompagnait de riz blanc. Encore une de ses spécialités coréennes.
Il passa le plat au micro-onde quelques minutes avant regagner le salon pour s'installer devant la télé.
Il zappa de chaînes en chaînes jusqu'à tomber sur un programme suffisamment intéressant pour lui tenir compagnie.
Christopher remua son riz et sa viande pendant un moment, se demandant si ce soir il allait supporter ce repas.
Il se décida finalement à prendre une bouchée, puis deux, jusqu'à ce que les cris de famine de son estomac le pousse enfin à se nourrir.
Affamé, il termina son plat en quelques minutes seulement.
Il déposa le Tupperware sur la table basse et attrapa son téléphone portable pour à écrire à MinHo :
« Sans toi je serais mort de faim. Merci. »
Puis il regarda l'heure.
23 : 59.
Il se mit à bailler et d'un geste vif, il retira son t-shirt qu'il envoya valdinguer dans un coin de la pièce puis il s'allongea sur le canapé et se mit à fixer le plafond. Eclairé par la faible lueur de la télévision, il attendait patiemment que le sommeil vienne le chercher.
*
Christopher se réveilla en sursaut, tremblant de tous ses membres et transpirants à grosses goûtes. Brusquement prit de nausées il plaqua sa main contre sa bouche et se précipita aux toilettes.
Aujourd'hui encore son organisme avait rejeté la nourriture qu'il avait ingurgité.
Il tira la chasse et referma la cuvette : il n'avait même plus la force de se relever.
Depuis deux mois son quotidien était nauséeux. Il passait ses journées à l'hôpital, pleurant au chevet de Katherine avant de rentrer se barricader chez lui, seul. Rare sont les fois où il laissait MinHo et Peter lui tenir compagnie.
Il était dans un tel état, si pitoyable, qu'il ne se reconnaissait même plus.
Cet accident avait détruit leur vie, leur ôtant tout ce qu'ils avaient construit ces cinq dernières années.
Il ne lui restait plus rien et sa vie sans elle n'avait plus aucun sens.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro