Chapitre 23
Ana
Sous mes doigts, la douceur de la couverture qui recouvrait mon corps m'apaisa. Je reconnus ce simple toucher et un sentiment indescriptible s'empara de moi lorsque je compris où j'étais : endormie dans mes draps. Alors tout ça n'avait finalement été qu'un horrible cauchemar : l'enlèvement, Jace, ma tentative de fuite... Le fruit de ma propre imagination.
Le poids qui écrasait jusqu'alors ma poitrine disparut, et je pris une profonde inspiration. Curieux, pensai-je. Quelque chose avait changé... Mes draps n'avaient pas l'odeur habituelle de la lavande. Maddie avait dû remplacer la lessive sans que je ne m'en aperçoive.
Je tournai la tête pour changer de position, désirant profiter plus longtemps du confort du lit. Un rayon de soleil qui perçait à travers la fenêtre vint caresser la peau de mon visage, renforçant mon sentiment de bien-être.
Pour la première fois depuis de nombreuses semaines, je me sentais bien.
Pourtant, une voix lointaine résonnait dans mon esprit. Elle essayait de me ramener à elle.
Ana.
Pourquoi voulait-elle tout gâcher ?
Ana.
Je m'étais enfin réveillée de ce cauchemar et Maddie était probablement en train de préparer le petit-déjeuner.
Ana.
Mais quelque chose me percuta. Il n'y avait pas de fenêtre de ce côté-ci du lit. Il n'y en avait jamais eu dans ma chambre.
Réveille-toi !
Mes yeux s'ouvrirent puis se refermèrent presque immédiatement. La pièce baignait dans une luminosité aveuglante, m'obligeant à les garder mi-clos plusieurs secondes. Ce n'est qu'une fois habituée à la clarté que je pus observer autour de moi. Des couleurs sombres, une télévision plus chère que mon loyer, des fenêtres qui donnaient sur des collines et des champs à perte de vue... Je n'étais pas chez moi et tout ça n'avait jamais été le fruit de mon imagination. C'était un cauchemar que je vivais éveillée. Une réalité.
Un sanglot me secoua tandis que mes yeux observaient toujours. Ils s'arrêtèrent sur une silhouette rendue floue par les larmes qui se tenait dans un coin de la pièce. Les bras repliés sur sa poitrine, elle était nonchalamment appuyée contre le mur.
Il ne me fallut pas plus d'une seconde pour le reconnaître et une nouvelle crise de larmes me déchira de l'intérieur. Je voulais retourner là où je me trouvais quelques minutes auparavant...
[...]
J'avais réussi à retrouver le sommeil, mais cette fois-ci, mes rêves ne m'avaient pas ramené chez moi auprès de ma cousine. Mon esprit avait ressassé ma tentative de fuite et tout ce qui s'était produit jusqu'à ce que je me fasse droguer. Cette fois-ci, ma mémoire n'avait rien oublié des évènements. Mais j'aurai préféré.
Debout devant le miroir de la salle de bain, mes doigts effleurèrent les bleus autour de ma bouche et sur ma joue. Là où il avait maintenu sa main appuyée si fort pendant qu'il me piquait dans le cou à l'aide de son autre bras.
J'inclinai la tête sur le côté pour observer l'endroit où la piqûre avait pénétré ma peau. Là aussi, un bleu s'était formé et autour, une rougeur s'était répandue et me démangeait.
Mais ce n'étaient pas les seules séquelles que je gardais de cette soirée. Le côté droit de mon buste me faisait souffrir presque autant que mon dos. En soulevant légèrement mon teeshirt, je remarquai un bandage soigneusement apposé sur mes blessures.
Mon cœur se mit à battre rapidement à l'idée que quelqu'un ait pu voir ma peau nue.
- Ana ! une voix familière m'appela dans la chambre.
Je fis redescendre mon teeshirt et le rejoignis précipitamment.
- Qui m'a soigné ? demandai-je sèchement en surgissant derrière lui.
Clayton se retourna pour me faire face et à son expression, je compris que c'était lui. Il avait forcément vu mes cicatrices... il n'aurait pas pu me soigner sans les remarquer tellement elles sont nombreuses et visibles.
Il capta sûrement la détresse dans mon regard, car il s'empressa de me rassurer :
- Ana, je suis le seul à t'avoir soigné. On ne pouvait pas risquer de t'amener à l'hôpital, les infirmiers auraient été trop curieux et...
- Tu les as vues ? demandai-je d'une voix tremblante, connaissant pertinemment la réponse.
- Tes cicatrices ? Elles sont difficiles à manquer...
Sa réflexion m'arrache une grimace. Elles me rendaient répugnante.
- Ana ? Pourquoi tu me parles de tes cicatrices ?
- De quoi voulais-tu que je te parle, Clayton ?
- Je ne sais pas, souffla-t-il en se grattant l'arrière de la nuque. De ce qu'il s'est passé hier l'autre soir ou bien... Je ne pensais pas que tes cicatrices seraient synonymes d'une si grande détresse chez toi.
Mon regard se mit à fixer un point invisible sur le sol. J'avais suffisamment honte comme ça, je n'étais pas certaine de vouloir continuer à aborder le sujet. Pourtant, Clayton semblait en avoir décidé autrement.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? me questionna-t-il.
Face à mon silence, il comprit que je n'en parlerais pas. Aborder mon accident auprès de Maddie relevait déjà du miracle.
- Je suis désolée, Ana.
Je relevais la tête pour l'observer. Son regard semblait sincère. Mais pour quelle raison était-il désolé ?
- Je ne savais pas que c'était un sujet sensible, m'expliqua-t-il. Quand j'ai dit qu'elles étaient difficiles à manquer je ne voulais pas... Elles ne me dégoûtent pas, et je te promets que je n'en parlerai à personne.
Je le gratifiais d'un mince sourire, peu convaincue par sa révélation. Mes cicatrices m'avaient fait détester mon corps. Elles me dégoûtaient et répugnaient tous ceux qui les voyaient. Il n'y avait aucune exception à la règle. Les médecins m'avaient dit qu'un tel accident laissait des traces indélébiles, aussi bien psychologiques que physiques. Ces marques étaient ma malédiction et je n'avais pas d'autre choix que de vivre avec.
- Est-ce qu'elles te font mal ?
- Ça dépend, avouai-je d'une voix tremblante, n'ayant pas l'habitude d'en parler avec une personne autre que ma cousine. J'ai des médicaments contre la douleur.
- Mais pas ici... comprit-il rapidement. Je peux me débrouiller pour t'en ramener si tu peux me dire ce qu'il te faut exactement.
Véritablement touchée par sa proposition, une larme roula sur ma joue.
- Merci, Clayton.
- En attendant... viens avec moi en cuisine, je vais te préparer quelque chose.
Au même instant, un gargouillement peu discret résonna.
- Oui, je pense que ce n'est pas une mauvaise idée que je mange quelque chose.
[...]
- Tu es sûre que tu ne veux rien savoir ? insista Clayton. Je peux répondre à tes questions, te dire ce qui s'est passé... Si ça peut te rassurer, ce salopard est mort.
J'avalai difficilement ma salive en réaction à cette confidence. Mort. Probablement tué par Jace.
J'appréciais les efforts qu'il faisait pour me rassurer, mais je désirais des réponses de la bouche d'une tout autre personne. La personne qui m'avait mis dans ce foutoir et que je détestais plus que ma propre existence. La même personne qui m'avait fait droguée, kidnappée puis enfermée entre ces quatre murs, et... qui risquait ma vie pendant ses missions. S'il m'avait informée plus tôt de ce qu'il s'agissait, peut-être aurais-je réagi différemment. Je voulais personnellement le remercier pour tous ces jolis bleus et ces deux jours dans le coaltar. Mais je savais grâce à Clayton qu'il était sorti ce matin et qu'il ne savait pas quand il serait de retour. Notre face-à-face devra attendre alors.
Mais pour l'heure, je désirais savourer ce merveilleux plat de carbonara à l'italienne devant la télévision, et cela en silence. Clayton respecta mon choix et s'assit près de moi sur le canapé pour regarder un film choisi au hasard en zappant sur plusieurs chaînes.
Le film dura un peu moins de deux heures, durant lesquelles Clayton avait succombé au sommeil. Allongé à l'extrémité du canapé, il dormait profondément, la bouche légèrement entrouverte. Je ne pouvais m'empêcher de me demander comment il faisait pour être aussi paisible en commettant des meurtres et en vendant de la drogue à longueur de journée.
Pour ma part, j'avais résisté à l'envie de dormir bien que l'envie ne manquait pas. J'attendais patiemment le retour de Jace pour l'affronter. Mais dehors, la pénombre avait presque englouti tout le paysage et toujours aucune signe du psychopathe.
En saisissant une cigarette dans le paquet que Clayton avait posé sur la table, je décidai de sortir sur le balcon pour me rafraîchir. L'air qui s'était rafraîchi me fit le plus grand bien.
Armée d'un briquet, j'approchai la flamme de l'extrémité de ma clope pour l'allumer. La nicotine s'insinua dans mes veines et parcourut mon corps, atténuant l'effet de manque. Je n'avais pas fumé depuis trop longtemps et mon corps réclamait déjà une nouvelle taffe.
Soudain, j'entendis la porte d'entrée claquer violemment derrière moi. Je me retournai et, à travers les baies vitrées, j'aperçus Jace une courte seconde. Il avait dû se diriger vers les escaliers qui menaient à sa chambre. Ma supposition fut confirmée lorsque, l'instant d'après, la lumière de sa chambre s'alluma.
Le cœur battant la chamade, j'allais saisir ce moment.
Ciao !
Voici un nouveau chapitre !
N'hésitez pas à laisser un petit commentaire :)
En vous souhaitant une bonne semaine, et une bonne lecture...
Bacio
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