Chapitre 16
Ana
Quelle heure était-il ?
Depuis combien de temps étais-je assise par terre, à fixer un point invisible tout en me demandant ce que j'avais fait pour mériter tout ce qui était en train de m'arriver ?
Je n'en avais aucune idée.
Une chose était sûre : la nuit était déjà bien avancée et les premières lueurs du soleil n'allaient pas tarder à chasser l'obscurité du ciel. Cela faisait donc plusieurs heures que j'étais immobile, si bien que j'avais oublié la douleur provoquée par les fourmillements dans mes jambes.
Tout ce temps, je m'étais efforcée de trouver une solution pour m'enfuir loin, très loin de ce psychopathe. Mais la vérité m'avait vite rattrapée : il n'y en avait aucune. S'il était assez puissant et influent dans son milieu pour me faire kidnapper, ne pas craindre les forces de l'ordre ni même les foudres de ma cousine si elle venait à apprendre la vérité, alors, il n'y avait aucun espoir pour moi. D'ailleurs, pourquoi m'aurait-il laissé la porte déverrouillée si j'avais une chance de m'échapper ?
Pourtant, je refusais de m'y résigner. C'est pourquoi j'avais opté pour quelque chose de plus radical. Me laisser dépérir sur ce sol. Quelle bonne idée...
Deux solutions seraient alors possibles : soit on me laissait mourir de soif et de faim sans rien faire, soit on me libérerait à défaut de me faire changer d'avis, et au risque de me voir décéder.
Et s'il ordonnait à ses hommes de te nourrir de force ? s'interrogea ma conscience. Je n'avais pas pensé à cette option. Pouvait-on réellement forcer quelqu'un à manger et à boire ? J'avais envie de croire que non, mais la petite voix dans ma tête me rappela de quoi le psychopathe avait été capable d'accomplir jusque-là, et qui me semblait pourtant impossible.
Une chose positive était à retirer de cette nuit blanche : aucun cauchemar n'était venu me hanter. Plusieurs choses négatives, à présent : j'avais terriblement envie de dormir et ma vessie menaçait d'exploser si je n'allais pas me soulager dans les prochaines minutes. Sans parler de l'odeur abominable qui se dégageait de mes vêtements. Et pas seulement, se permit d'ajouter ma conscience.
Si je me levais maintenant, personne n'en saurait rien. Et alors, après m'être soulagée et m'être débarrassée de cette puanteur qui me collait à la peau, je pourrai reprendre ma grève de la faim et de la soif. Ça me paraissait être une bonne idée.
Dans un grognement de douleur, j'essayai de me redresser sur mes jambes. Mais rien ne se passa. Mes membres étaient trop engourdis. J'avais presque l'impression d'en avoir perdu l'usage, ce qui raviva une terrible peur chez moi. La peur de ne plus pouvoir marcher, ce que je n'aurais jamais dû être capable de faire à la suite de mon accident et pourtant...
Après m'être massée les muscles comme l'on m'avait appris à l'hôpital, je réessayai et, dans un effort surhumain, je parvins à atteindre la salle de bain. Et comme dans un film que l'on passerait en accéléré, mes corps retrouva soudainement le parfait usage de ses jambes. Celles-ci se mirent à courir en direction des toilettes et manquèrent de justesse un gros sac.
Je n'y prêtai attention qu'après ma vessie soulagée. Le psychopathe m'avait informé lors de notre discussion que j'y trouverai quelques-unes de mes affaires. Mais parmi elles, je ne pensais pas y trouver une panoplie de sous-vêtements particulièrement bien choisie, ni même... Mon carnet ? Comment connaissait-il l'existence de ce carnet ? Mais surtout, depuis quand un kidnappeur ordonnait-il le rapatriement des effets personnels du kidnappé ? C'était un concept qui m'échappait totalement.
Je continuai de fouiller dans le sac, à la recherche d'une chose tout aussi précieuse : mes médicaments. Ils m'étaient indispensables depuis mon réveil de l'accident. Que ce soit pour m'aider à dormir, à moins réfléchir ou, plus important encore, à supporter la douleur de mes blessures et des traumatismes laissés par les opérations. Mais rien. Ils étaient introuvables.
Un sentiment d'angoisse s'empara une nouvelle fois de moi. Ma poitrine se compressa dans ma cage thoracique et l'air qui entrait dans mes poumons se raréfia. Non. Non. Non. Pas maintenant. Ce n'était pas le moment.
Dans un réflexe qui s'apparentait presque à de la survie, je me hissai dans la baignoire et m'empressai d'allumer le robinet. L'eau froide mouilla mes vêtements et je frissonnais au contact de la faible température. Mais je m'en fichais car c'était le seul moyen pour moi, dans l'absolu, de garder le contrôle de mon corps.
[...]
Dans une grande inspiration, je retournai dans la chambre. Le bain avait été plus que bénéfique. D'abord, il m'avait évité une nouvelle crise d'angoisse. Ensuite, il m'avait débarrassé de ces odeurs qui soulevaient l'estomac.
Dans le sac, j'avais trouvé de quoi m'habiller avec des vêtements propres. Un leggins et un teeshirt ample faisaient parfaitement l'affaire. Maintenant que j'étais propre et que l'envie pressante de tout à l'heure m'avait quitté, je pouvais enfin mettre mon plan à exécution.
Mais au même instant, une odeur provoqua un cri de famine dans mon ventre. Il ne manquait plus que ça... Une grève de la faim par une morte de faim ! se moqua ma conscience. Pourquoi une chose pareille devait-elle m'arriver maintenant ? Je n'avais pas mangé ni bu depuis... depuis bien trop longtemps étant donné que j'avais refusé la nourriture que l'on m'avait proposé après mon réveil dans cette abominable grange.
Je secouai la tête pour me donner un peu de contenance. Je pouvais y arriver ! Il le fallait, c'était peut-être ma seule issue.
Mais alors que j'essayai de me focaliser sur mon objectif, des images toutes plus appétissantes les unes que les autres défilèrent dans mon esprit. Quelqu'un était en train de jouer avec nerfs, j'en étais persuadée ! On essayait de me faire flancher.
Et ça marchait assez bien.
Résignée, je franchis le seuil de la porte et me dirigeai sans savoir vraiment où aller. Mon corps répondait à l'appel de la nourriture et avançait mécaniquement à travers les couloirs. Mon Dieu ! Cette maison était un véritable labyrinthe.
Tandis que mes jambes parcouraient seules les lieux, à la recherche de quelque chose pour mon estomac, moi, je me contentais d'observer. Cette bâtisse semblait ancienne et pourtant si récente à la fois. Comme une maison familiale qui passerait de générations en générations, subissant des rénovations diverses au fil du temps pour correspondre aux goûts des différents membres.
Tout comme la chambre, le manque de vie me sauta aux yeux. C'était toujours si... impersonnel que j'en étais presque mal à l'aise. Un peu de vie m'aurait rassuré.
Bientôt, je trouvai la cuisine et telle ne fut pas ma surprise lorsque je découvris quelqu'un qui me tournait le dos, en train de cuisiner... Des pancakes ? L'odeur alléchante qui se dégageait des poêles ne laissait aucun doute. C'étaient bien des pancakes. Face à ce constat, mon ventre émit un nouveau grognement, trahissant ma présence. Oups...
Instantanément, l'homme cessa tout mouvement et se tourna dans ma direction. Lorsque ses yeux noisettes me trouvèrent, je me redressai et essuyai d'un revers de main le filet de bave au coin de mes lèvres. Un peu de contenance, mince ! me gronda la petite voix dans ma tête.
Quelques secondes défilèrent durant lesquelles nous nous détaillions en silence. Cet homme était plus âgé que moi, sûrement de l'âge de l'autre psychopathe. Ses boucles blondes qui tombaient subtilement sur son long visage aux traits fins lui donnaient un air presque angélique, en totale contradiction avec le reste de son corps. Mon regard passa alors en revue sa silhouette. Il était grand. Très grand. Et musclé. Son teeshirt ne parvenait plus à cacher les innombrables tatouages qui parsemaient chaque centimètres carrés de sa peau blanche.
À côté de ce mastodonte, je me sentais ridicule avec mon un mètre soixante et les spaghettis qui me servaient de bras. Ridicule et terriblement mal à l'aise, si bien que je décidai de briser la glace pour détendre quelque peu l'atmosphère.
Après un raclement de gorge, je me lançai :
- Tu... Tu es le cuisinier ?
Immédiatement, je regrettai les quelques mots qui venaient de franchir la barrière de mes lèvres. Un cuisinier ? Sérieusement ? Si lui était le cuisinier, alors moi j'étais la fée clochette. Bon sang, Ana ! On ne t'a jamais appris à tourner la langue sept fois dans ta bouche avant de l'ouvrir ?
- Je... Je... bégayai-je, rouge de honte. Ce n'est pas ce que je... voulais dire.
Je relevai des yeux désespérés vers lui et soupirai presque de soulagement en voyant qu'il affichait un air hilare sûrement dû à ma réaction.
- Tu es plutôt rigolote quand tu paniques, constata-t-il dans un petit rire communicatif.
- J'ai perdu mes moyens.
Après un hochement de tête entendu, il pivota à nouveau sur ses jambes et reprit ce qu'il était en train de faire avant que je ne l'interrompe.
Ne sachant pas quoi penser de cet échange, je me dirigeai vers l'îlot central pour attraper une bouteille d'eau et déguerpir d'ici au plus vite. Tant pis pour la faim... Ça attendra que je sois seule.
Mais alors que je m'apprêtai à quitter la pièce, le blondinet m'interpella :
- C'est bientôt prêt ! Tu n'as qu'à t'installer sur les tabourets et déjeuner avec moi ! Au fait, je m'appelle Clayton.
[...]
Oh. Mon. Dieu.
Ces pancakes étaient incroyables.
- Ils sont encore très chauds, me prévint Clayton. Tu devrais...
Mais je ne le laissai pas finir et enfournai une nouvelle part dans ma bouche. C'était chaud, mais le bonheur de manger était trop grand. C'était devenu une question de survie. Il fallait que j'avale cette copieuse assiette et vite.
- Bon très bien, se résigna-t-il. Tu as l'air de te régaler !
- C'est succulent, dis-je la bouche pleine. Tu es sûr que tu n'es pas le cuisinier ?
Ma réflexion provoqua un nouveau rire chez lui.
- Malheureusement non, me répondit-il dans un sourire. Je ne suis pas employé ici pour ma bonne cuisine !
- C'est une grave erreur que de passer à côté de tels talents culinaires !
- Je suis assez d'accord. Mais j'ai d'autres talents, plus utiles aux yeux du patron !
Je me figeai dans mon mouvement, la fourchette en l'air. Le patron ?
- Tu veux dire le psychopathe qui te sert de patron ?
- Le psychopathe ? rigola-t-il. Ce surnom lui sied à merveille ! Mais un conseil, évite d'appeler Jace de cette manière en sa présence.
Sa dernière phrase n'avait pas été prononcée sous le ton de l'humour comme le reste et un frisson me secoua. Ses yeux plantés dans les yeux, il me mettait en garde contre son patron. Jace ? Il l'avait appelé Jace. Alors finalement, cet abruti avait un nom.
Je m'apprêtai à répliquer lorsque quelque chose clignota dans mon esprit. Un signal d'alerte venait de s'enclencher pour me prévenir du danger. J'étais dans la maison d'un psychopathe qui m'avait fait kidnapper et à présent, aveuglée par ma faim, je savourais un délicieux repas préparé par...
Instinctivement, j'attrapai mon couteau et me levai d'un bond. Dans la précipitation, je manquai de trébucher et de tomber.
- Qu'est-ce qui te prend ? s'enquit aussitôt Clayton, surpris par mon changement soudain d'attitude.
La main tenant l'arme blanche fermement tendue devant moi pour me protéger, je le dévisageais d'un air mauvais.
- Il t'a demandé de m'empoisonner ? demandai-je d'un air paniqué.
Mon membre tremblait mais je tenais bon. Je n'aimais pas la violence et pourtant, c'était la deuxième fois que je me retrouvais à tenir un putain de couteau de cuisine pour me défendre. Cet abruti allait me rendre fou. Qu'est-ce qu'il me faisait faire ?
- Quoi ? Non ! Bien sûr que non, Ana !
- Comment tu connais mon prénom ? hurlai-je en sentant un sentiment de terreur s'emparer de moi.
Clayton se leva alors doucement de son tabouret, les deux mains en évidence devant lui. Ses yeux noisettes ne me lâchaient pas et essayaient de me communiquer quelque chose que je ne parvenais pas à déchiffrer.
- Ana, écoute-moi et pose...
- Il se passe quoi dans cette putain de cuisine ? tonna une voix qui me glaça le sang.
Buongiorno a tutti !
J'espère que vous allez bien et que vous avez passé une bonne semaine ! Si toutefois ce n'est pas le cas, j'espère que ce nouveau chapitre vous aidera à commencer celle-ci dans la bonne humeur.
Enfin nous connaissons l'identité de ce psychopathe ou, comme aime aussi l'appeler Ana, de cet « abruti ». Jace alors ? Qu'en dites-vous ? Et cet Clayton alors ?
Pour répondre aux éventuelles questions, il est vrai que dans certains chapitres, notamment celui-ci, il y a peu de dialogues entre les protagonistes... Tout d'abord c'est le début des rencontres donc n'allons rien précipiter... Deuxièmement, Ana est un personnage en souffrance qui préfère écrire ses pensées dans un journal. Elle n'est pas trop dans la communication (du moins pour le moment). J'essaye d'être conforme au maximum à qui elle est vraiment... et j'espère que vous apprécierez autant que moi suivre son évolution au cours des chapitres suivants.
N'hésitez pas à commenter vos remarques positives et négatives (c'est toujours mieux de savoir ce qui ne va pas pour s'améliorer) et à partager cette histoire autour de vous si elle vous plait !
À très vite :)
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