Harold observa l'homme, puis le jeu d'échecs. Il n'y avait jamais joué et connaissait vaguement les règles. Prenant un de ses pions au hasard, il l'avança, avant de demander :

-Pourquoi m'avoir fait détacher ?

-Voyons, ne passe pas pour un idiot, nous connaissons tous les deux la réponse. Cependant, j'admets que c'était bien tenté.

-Oui, il fallait que j'essaie. Qui êtes-vous ?

-Thomas Astor, ancien commandant des troupes d'élites.

-Le commandant Astor ? Celui qui, il y a une vingtaine d'années, a sauvé l'alliance d'une guerre ? S'étonna Harold, en attrapant un nouveau pion au hasard.

-Oui, c'est rare de voir un jeune ayant de la culture.

-J'ai pas mal de temps libre, expliqua le jeune en haussant les épaules.

-J'ai cru comprendre. Puis-je te poser une question personnelle ?

-Allez-y.

-Pourquoi ne pars-tu pas de chez toi ? Tu possèdes une identité secrète et un dragon inconnu, plus maintenant, mais pourquoi ne pas l'avoir fait avant ?

-Stoïck, répondit simplement Harold.

-Ton père ? Que vient-il faire dans cette histoire ?

-A Beurk, la majorité est à 21 ans. Jusqu'à cet âge-là, les enfants doivent vivre chez leurs parents, c'est la règle. Si je disparaissais, je quitterais définitivement mon île et les autres s'en apercevraient. Ils diffuseraient ma photo et tout ce qui va avec. Je n'ai pas envie d'être un fugitif, ou même de devoir quitter mon pays à cause de lui. Alors j'attends. Quand je serais majeur, je prendrais mes affaires et tout le monde sera content.

-Donc tu préfères subir maintenant pour être libre ensuite, astucieux, fit simplement le commandant Astor.

-Merci. Et vous, pourquoi attaquer Dart ?

-J'imagine que tu connais l'histoire de l'alliance ? Un jour, un adolescent a sauvé un dragon et ils devinrent les meilleurs amis du monde. Ensemble, ils firent la paix entre tous, découvrant d'autres peuples pour leurs apporter sa connaissance sur les dragons. Je ne vais pas te faire un cours d'histoire et pas non plus de géographie, mais les furies nocturnes, celle qui ont rendu ton ancêtre célèbre, existent encore.

-Je suis probablement le mieux placé pour le savoir, ricana Harold.

-Certes, ce que tu ne sais pas, en revanche, c'est le nombre d'individu de cette espèce. J'ai été en charge de leur protection pendant longtemps et nous devions les garder séparé, à l'écart, pour éviter que des chasseurs ne les tues. Veux-tu savoir ce que j'ai découvert ? Se sont tous des membres de l'alliance. Nous seuls savons comment chasser les furies nocturnes et à quoi elles ressemblent. Les chasseurs gardent les informations bien pour eux, détruisant tout ce qui permettrait de les reconnaitre et vendent des bêtes mortes en morceaux.

-A cause de la loi internationale ? Si une espèce a disparu, il est possible de marchander des os ou des écailles, le coupa Harold, vous êtes en train de dire que ces chasseurs font exprès de cacher les informations pour revendre des peaux de furies nocturnes ? C'est horrible !

-Oui, nous sommes d'accord. C'est pourquoi j'ai engagé cette troupe de mercenaire pour détruire les chasseurs. Hier était notre dernier acte de vandalisme.

-Vous avez aussi tué des innocents, gronda le jeune.

-Question de point de vue. Cet endroit était rempli des plus grandes familles de chasseurs. Bien entendu, il y a probablement des innocents dans le lot, mais ce n'est pas moi qui dirige l'affaire.

-Vraiment ? Ne me faites pas rire, vous êtes un criminel.

-Je sais. Cependant, ce n'est pas moi qui est choisi cette méthode. Je voulais faire une traque plus subtile. Malheureusement, certains d'entre eux s'échappaient ou se cachaient, alors nous avons dû employer les grands moyens. C'est pourquoi nous avons engagé ces hommes-là. De pareil gars ne méritent pas de vivre.

-Vous allez les exécuter ?

-Non, je vais laisser l'armée les arrêter et jeter en prison. C'est leur place. J'ai envoyé des coordonnées par messages à ton père et quand il arrivera, je me ferai passer pour une victime, quelqu'un de kidnappé aussi.

-Vous vous rendez compte que je sais qui vous êtes, s'étonna Harold.

-Oui, j'avais envie de tenter le coup. Vois-tu, je connais ton père depuis longtemps et j'étais présent quand on a amené la furie nocturne à ta mère. Je t'ai vu avec et quand il a accidentellement tiré sur vous. Depuis, j'ai veillé sur toi. Un enfant normal aurait abandonné, aurait tout fait pour se faire pardonner. Toi, tu t'es redressé et tu as continué. Tu es remarquable Harold. Ensuite, l'améthyste noire est née. Je savais ton identité et je me suis vraiment amusé à voir tous tes vols. Là où un autre aurait gardé pour lui, tu rendais. Tu as cet esprit de justice, de leader que je recherche.

-Vous voulez me recruter ?

-Tu comprends vite.

-Si j'ai tout compris, vous voulez que je mente à mon général, qui me passera le savon de ma vie, pour vous couvrir vous, un inconnu. Désolé, mais je ne pense pas accepter votre marché, répondit Harold, je n'aime peut-être pas Stoïck, mais lui au moins, il ne garde pas des dragons en cage.

-Je déteste ça aussi. Comme je te l'ai dit précédemment, ce n'est pas moi qui dirige. Ici, tout le monde croit que je suis un prisonnier. Seul Ricard connait mon identité. Et quand il se fera capturer, il dira que tout vient de moi, mais il sera le seul. Et entre un commandant et un fou, qui croiront nous ?

-Vous, je suppose, marmonna le jeune, alors pourquoi venir me voir ? Mettre en danger tout votre plan ?

-Tu m'intéresses Harold, fortement. Je voudrais te recruter. Je veux que toutes les îles soient sous une même bannière, créer de nouveau une immense réserve pour les dragons, pour la sécurité de tous, rendre à nos îles leur prestige d'antan. Je suis en train de monter une armée, pour prendre le pouvoir.

-Vous savez que ça ne fonctionne jamais, vous aurez forcément de l'opposition si vous y allez par la force ?

-Une armée ne veut pas dire un combat. Depuis des années, je place mes hommes, loyaux, qui veulent une véritable paix un peu partout, sur chaque île. Il ne reste plus que Beurk qui ne soit pas sous ma coupe. Je veux que tu en prennes la tête et quand je me présenterais, nous feront changer les choses.

-Et moi, qu'y gagnerais-je véritablement ? Questionna Harold.