Stoïck avait grondé, déclenchant des murmures. Il se dressait désormais devant son fils, qui abordait un sourire sarcastique. Il adorait se confronter à son père, il gagnait toujours et celui-ci s'en rendait compte, devenant encore plus furieux. Harold s'adossa de manière nonchalante à la table derrière lui, posant un regard désabusé sur son paternel. D'une voix emplie de sarcasme, il répondit :

-Déjà, il lui faudrait des excuses publiques. Tu l'as agressé et rabaissé devant tout le monde. Ensuite, il lui faut une reconnaissance de ses talents ainsi que la protection militaire. Il n'a jamais commis de véritables crimes. Après, son dragon doit entrer dans les espèces protégées. Enfin, il faut accepter une de ses requêtes. Alors, dans ce cas-là, peut-être, qu'il acceptera de t'aider

-Tu te crois malin ! C'est un honneur pour lui de recevoir une telle demande ! Mais tu ne peux pas comprendre

-Probablement

            Harold ricana un peu et quitta la salle de très bonne humeur. Tant que son père ne lui ferait pas des excuses publiques, l'améthyste noire ne pointerait pas le bout de son nez. Ne voulant pas subir les réprimandes de son père le soir venu, Harold se rendit dans la clairière de Krokmou. D'une voix joyeuse, il s'exclama :

-Ce soir, mon grand, on va faire un casse !

            Le dragon releva la tête, les oreilles dressés, un regard intrigué sur sa face. Ils n'en faisaient plus depuis le début des attaques. Harold lui répondit :

-On va juste aller faire un tour aux champs de course

-Gram Gro gras

-Oui Krokmou, on va aller exploser les records !

            Krokmou sauta de joie et Harold, tout sourire, entreprit de le sceller. La nuit était déjà bien installée qu'ils volaient déjà à vive allure vers le champ de course. Ils croisèrent divers dragons, qui ne remarquèrent pas leur présence. Ils s'arrêtèrent en haut de la falaise et regardèrent les concurrents arriver devant la ligne signifiant le dernier tour et passer devant le détecteur de vitesse. Lorsque le dernier l'eut franchi, Krokmou ouvrit les ailes et se laissa tomber. Il replia ses ailes, réduisant la surface de frottement.

Le sifflement si caractéristique de cette espèce oubliée retentit, attirant l'attention des spectateurs, qui les pointèrent du doigt. Caché par son casque, Harold ne retient pas son sourire quand le commentateur délaissa la course pour le nommer :

-Alors que les concurrents entament le dernier tour, l'améthyste noire arrive sur le terrain à pleine vitesse !

            Les deux amis passèrent devant le capteur de vitesse, déclenchant une crise d'hystérie parmi les spectateurs. Continuant la course, ils firent le slalome à vive allure, bougeant avec une agilité qui n'avait rien à envier aux dragons serpents. Virevoltant, ils passèrent dans les tonneaux, avant d'atteindre la ligne droite, l'un des seuls endroits où le classement changeait.

Au loin, Harold voyait les concurrents proches du virage, il lui fallait gagner pour pouvoir se moquer publiquement de son père. Krokmou sentait ce besoin de vengeance, mais il voyait surtout un moyen de s'amuser, dépassant, grâce à sa vitesse, les dragons les plus rapides du monde. Car oui, ce n'était pas n'importe quel concours, aujourd'hui, en ce moment-même, ce tenait la course des champions.

Les dragons les plus rapides au monde, ayant les meilleures pointes de vitesse, mais aussi la meilleure agilité, se regroupaient pour prouver, qu'ils étaient le meilleur et cette année, les deux amis voulaient leur voler la vedette.

Ouvrant grand les ailes, la furie nocturne bâti plusieurs fois, prenant légèrement de l'altitude. Puis, la vitesse de l'équipe augmenta drastiquement. Se teintant de la légère couleur violette, caractéristique de son nom, le dragon rejoignit le groupe au niveau du virage, s'insérant à la quatrième place.

Les épreuves suivantes empêchèrent les deux intrus de prendre la tête du classement, à leur plus grand dépit. Ce ne fut qu'à l'épreuve du tuyau, un boyau assez fin comprenant de nombreux virages en tête d'épingles, qu'ils purent prendre de l'avance. Malgré l'envergure de ses ailes, Krokmou était d'une agilité incroyable et réussi à être le premier à sortir du tuyau.

Sans attendre, les deux amis partirent à vive allure vers la prochaine épreuve, une série d'obstacles. Gardant son avance, Krokmou fut le premier à arriver à la dernière ligne droite et parti à vive allure, laissant en plan les autres concurrents.

            En voyant la limite, Harold eut une envie soudaine de s'arrêter et expliqua d'une main sur les écailles son idée à son compagnon. Le jeune homme sentit plus qu'il n'entendit le rire du dragon et ils foncèrent sur la ligne d'arrivée. Cependant, arrivé juste devant, ils pillèrent net et se posèrent.

D'un geste nonchalant, Harold descendit et s'adossa à Krokmou, qui passa sa queue autour de ses pattes avant. Presque une minute plus tard, les concurrents passèrent à leurs côtés, laissant toutefois un large espace avec eux.

            Le jeune homme attendit plusieurs heures avant que Stoïck arrive. Il avait été prévenu, comme à chaque fois, de la découverte de l'améthyste noire. En le voyant, Harold, la voix et le visage masqué, ne put s'empêcher de s'exclamer :

-Je comprends pourquoi ils vous échappent tout le temps, vue votre vitesse de réaction !

-Ce n'était pas prévu

-Comme les attaques, répliqua Harold

-Tu sais quelque chose ?

-Rien et même si je le savais, je ne vous aiderais pas

-Ils commettent des crimes ! Des meurtres !

-Pourquoi je vous aiderais, je n'y gagnerais rien

-Tu y gagnerais la reconnaissance et les tiens t'idolâtrons, fut la réponse que donna Stoïck

-De quoi parlez-vous ? Personne ne me connaît, ne sait mon identité et si je dois faire une bonne action pour mériter la reconnaissance, je ne le ferais pas. Je n'ai pas besoin des autres pour exister

-Que veux-tu ?

-A vous de voir ce qui pourrait me plaire. Je suis sûr qu'en réfléchissant, vous savez ce que je veux

            Sur ces sages paroles, Harold remonta sur son dragon et les deux partirent aussi sec, sans attendre la réponse du général. Il obligerait son père à se souvenir de ses paroles et à ployer devant lui, de gré ou de force.