- Attends, répète-moi ça ?

"- C'est compliqué, Andréa ..."

- Mais Tim va bien, au moins ?

"- Ouais ... Ouais, t'inquiète. Il va ... juste avoir du mal à venir aujourd'hui. Et moi aussi."

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Jean ?

"- C'est compliqué, Andréa. Je suis désolé ... Mais je t'expliquerai plus tard, ok ? Tu pourras dire aux profs de Tim qu'il est malade ?"

- Bien sûr, bien sûr, mais ... Je ...

"- Je suis désolé, Andréa. Je te promets que je t'expliquerai tout plus tard."

- Jean ... Ça va aller ?

"- Ouais. Ça va aller. Je te le promets, Andréa. Ça ira bien."

Cette fois-ci, au moins, sa voix semblait assurée.

- Je vois ... Merci, Jean.

"- De rien."

Ils échangèrent encore quelques mots, et ... il raccrocha.

Encore sous le choc, Andréa ne put que fixer le bout de ses chaussures, le regard brouillé par ses larmes. Jean ... Tim ...

Ce matin, lorsqu'elle était arrivée au lycée, les cherchant frénétiquement du regard, elle n'avait trouvé personne. Paul et Mélissa, les amis de Tim, n'en savaient pas plus qu'elle. Inquiète, elle avait décidé d'appeler Jean ... qui avait décroché dès la troisième sonnerie. Il semblait épuisé, tendu ... Et puis il lui avait révélé que Tim et lui ne pourrait pas venir en cours, aujourd'hui. Ni probablement de toute la semaine.

Parce que Tim déménageait. Chez la grand-mère de Jean.

Dans quel univers une telle chose pouvait arriver ? Comme ça, d'un claquement de doigts ? Est-ce que ... Est-ce qu'ils lui avaient caché quelque chose ? Est-ce que ... Jean avait promis qu'ils lui expliquerait tout mais ... Bon sang ... Bon sang ! Malgré elle ... Andréa éclata en sanglots.

- Andréa ! Comment est-ce que tu as pu me cacher ça ?!

Surprise par ce cri sorti de nulle part, elle sursauta alors que quelqu'un lui saisissait le bras ... pour se retrouver en face d'Ophélie. Oh, par tous les dieux.

- Andréa, je ...

Son visage, déformé par une sorte de moue de colère, se figea, un instant, et la stupeur lui fit écarquiller les yeux.

- Andréa ... Tout va bien ?

- Je ... Ophélie ?

- Eh, pardon. Je ne voulais pas te faire peur ... murmura-t-elle, d'une voix douce.

- J-je ... Non, tout ... Pardon, balbutia Andréa en essuyant ses joues, fébrilement.

Doucement, Ophélie desserra la prise qu'elle avait sur son bras, et jeta un coup d'œil circulaire, autour d'elle. La cour de récréation grouillait de monde, mais tous étaient un peu trop absorbés les uns par les autres.

Pourtant, Ophélie la décala doucement dans un coin désert, avec un air inquiet.

- Prends de grandes inspirations. Andréa ? Allez ...

- C-ça va, ça va ... Je ... désolée, c'est ... J'ai appris une mauvaise nouvelle.

Ophélie prit une vive inspiration, et secoua la tête.

- Je suis désolée. Ça ira ?

- J-je ... je crois, oui. Merci.

Elle essuya ses larmes, une nouvelle fois, et finit par reprendre contenance, en se redressant.

- Merci, Ophélie. Hum. Euh ... Tu ... tu voulais me dire quelque chose ?

Ophélie la fixa, un instant. Puis elle se redressa, en mettant un poing sur ses hanches. Andréa lâcha un petit soupir, malgré elle. Ophélie était toujours aussi belle. Et elle avait remis ses splendides boucles d'oreilles ! Celles qui avait servi de modèle pour ...

La cape de Lothaire.

Cape, qui était apparue dans le dernier épisode de Kaïros alors qu'elle avait dessiné un morceau de son passé.

Un chapitre qui avait été inspiré par les conseils d'Ophélie.

Oh oh.

La jeune fille prit une grande inspiration, et fronça les sourcils.

- Andréa. Pourquoi tu ne m'as pas dit que Pixxy, c'était toi ?

Pixxy, son pseudo. Quand elle était plus jeune, on la comparait à une pixie. C'était resté ... Mais l'entendre prononcé ainsi à voix haute lui donnait envie de s'enfoncer six pieds sous terre. Ça sonnait si ridicule.

- Parce que ... C'est ... Compliqué. Enfin ... Je ne me cache pas particulièrement, mais quand tu es venue me voir à la bibliothèque ... J'ai complètement paniqué. Et ... Je n'ai pas su quoi faire d'autre que ça. Je suis désolée. Je ne voulais pas te mentir ...

Elle baissa de nouveau le regard vers ses pieds, et haussa les épaules, un peu penaude.

- Je suis désolée, Ophélie.

- C'est ... c'est pas grave. C'est juste que ... Quand j'ai vu de quoi traitait la nouvelle update de mon webcomic préféré, j'ai halluciné. Vraiment. Au début, j'ai pensé que ça pouvait être ... Pixxy qui t'avait plagiée, et ... J'ai finis par percuter, quand même. J'ai presque hurlé, tu sais ? Et j'ai voulu t'appeler mais ... J'avais pas ton numéro.

Malgré elle, Andréa se sentit rosir de plaisir. Elle avait voulu l'appeler, héhé ... Même si c'était pour lui hurler dessus. Et se plaindre. Et ...

Bon dieux. Kaïros était son webcomic préféré. Et ... À la bibliothèque, n'avait-elle pas dit que Pixxy était une de ses artistes favorites, ou un truc comme ça ? Elle allait défaillir.

- Héhé ... Oui ... Désolée pour ça.

Ophélie souffla longuement, et repoussa l'une de ses tresses derrière son épaule. Mais contrairement à ce à quoi elle s'attendait, Ophélie ne paraissait plus fâchée. Bien au contraire ... semblait-elle ... ravie ?

- N'empêche ... Je suis contente d'avoir aidé à contribuer à ... Kaïros. Hurm. Tu ... as pu te débrouiller facilement, après coup ?

- Oui ! Tu m'as complètement débloquée.

- J'en suis pleinement ravie !

Elle rayonnait comme jamais, et son sourire lui vola un battement de cœur. Dieux, qu'elle était belle.

- Je t'en ... remercie ! Sérieusement, tu m'as sauvé la vie. Sans toi, Kaïros aurait eu du retard.

Ophélie hocha la tête, l'air flattée, et bomba le torse, un instant.

- J'ai littéralement sauvé Maher et Lothaire ...

- Littéralement, en effet ! Et Lysethea aussi.

- Ouiiii ! Ah, qu'elle est adorable ... Et pourtant, je déteste les bébés. Comment tu as eu l'idée de la créer ?

- En fait ... Tout est venu avec l'histoire de Lothaire.

Et petit à petit, elle lui raconta l'histoire de son cher petit Lothaire, un chevalier trop loyal pour un roi aussi cruel, mais qui trouva en la compagnie de Lysethea et de Maher, un nouvel avenir ... Ophélie ne l'interrompit pas une fois, suspendue à ses lèvres.

- Et tout ça t'es venu comme ça ? Pouf ?

- Pouf, s'amusa Andréa, en hochant la tête.

L'admiration qu'elle lut dans le regard d'Ophélie plongea son cœur dans son estomac. Par tous les dieux, elle allait VRAIMENT défaillir ...

- Tu es un génie, c'est pas possible. Une telle imagination, une telle créativité ... Je n'y crois pas ! Bravo, Andréa. Bravo !

Ah la la, elle était au paradis.

Elles discutèrent encore un peu, Andréa répondant avec plaisir aux questions d'Ophélie, et Ophélie se dépêchant de lui en poser d'autres juste après. Elle nageait en plein rêve.

- Et donc, si je comprends bien ... Est-ce que ça veut dire que Maher et Lothaire ... ?

- Ah, c'est une bonne question ... Tu penses quoi toi ?

- Moi je dis que je les shippe.

Elle éclata de rire, au moment même où la cloche sonna.

- Quoi, déjà ? grogna Ophélie, en jetant un regard noir au bâtiment derrière elle.

- C'est pas grave ! On reprendra plus tard ... Si tu veux, bien sûr !

- Avec plaisir ! A la récré ?

Qu- ... Aussi tôt ? Elle nageait dans le bonheur ...

Peut-être trop, justement.

Elle buta contre un morceau cassé du bitume de la cours, tombant avec un petit cri ...

Quand Ophélie la rattrapa au dernier moment, avant de la hisser sur ses pieds.

- Ouf ! Ça va ?!

- O-oui ! Pardon ... Je ...

- T'inquiète. Heureusement que je t'ai attrapée au vol !

Oui ... Elle sentait la violette.

Ça sent bon, la violette.

Et elle était en train de péter les plombs. Alors qu'elle balbutiait encore des excuses, le regard rivé sur le bout de ses chaussures, Ophélie glissa un bras sous le sien, et lui fit un autre de ses merveilleux sourire.

- Et voilà ! Comme ça, tu ne risques plus de tomber. Allez ! Direction, le cours de maths ! On se met à côté ?

- O-ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii ... ! Euh, oui ! Enfin, si ça ne te dérange pas, bien sûr !

Elle se mit à rire, et Andréa manqua de trébucher de nouveau.

- Allons-y avant d'être en retard.

Et bras dessus, bras dessous, elles s'en allèrent en direction de leur premier cours de la journée. Et par la suite ... Ophélie ne la lâcha plus vraiment.