Poésie.
Poésie.
Il fait silence. Dans la pièce presque vide, l'âme du monde murmure un langage sans mots.
J'aurais pu parler de moi.
TaeHyung observe sa chambre dans un soupir, et sans bruit, il s'assoit sur le lit.
J'aurais pu parler de l'orage, et des arbres qui dansaient et de la pluie qui tombait en même temps que le ciel, du grondement du tonnerre et des larges éclairs.
Il n'y a personne ici. TaeHyung regarde la fenêtre. Un frémissement.
J'aurais pu décrire ma chambre déserte et les cartons qui s'entassaient sur le sol.
Le son d'une voiture se rapproche, au loin, au bout de la rue. Il l'entend.
J'aurais pu y chercher un sens.
Puis des cris, et son nom, et son nom, et des cris. Dans la voiture. Dans la rue. Tout près.
Je ne l'ai pas fait.
TaeHyung descend et traverse la maison plus si sombre. Il ouvre la porte. Et à l'instant où il met un pied dehors, le cœur du monde s'ouvre, et le soleil tranche les nuages. Dans la grande voiture, il y a des visages familiers. Ils ont l'air content de le voir. Et dedans il y a un visage plus familier que les autres. JungKook se tourne vers lui. Il lui sourit. Il est fulgurant.
J'ai préféré parler de lui.
TaeHyung rejoint le groupe et prend la main de JungKook qui s'ouvre comme une fleur. Il monte dans la voiture et quand ils s'éloignent à une vitesse peu raisonnable, les nébuleuses grises s'ouvrent sur un tableau qui leur rappelle la Mer. S'ils sont là, à l'aube du crépuscule, c'est sûrement pour la dernière fois. Mais personne ne parle des dernières fois. TaeHyung et JungKook regardent vers le ciel. Ils roulent droit sur le soleil. Ils roulent jusqu'à la sortie de la ville. Là où ils vont, la Terre est courbée, les côtes sont hautes, et la vue est vaste. Les cris des enfants se perdent dans le vent qui bat si fort contre leurs tempes. Hoseok laisse la fumée de sa cigarette planer hors de l'habitacle. NamJoon conduit, Jin raconte ses histoires depuis le siège passager et YoonGi les commente. Jimin tend la main au delà de la vitre baissée pour toucher les rafales du bout des doigts. TaeHyung pose sa tête sur l'épaule de JungKook. Et JungKook sourit.
Finalement ils s'arrêtent au bord de la route déserte et quittent tous la voiture dans un même claquement céleste. A l'horizon, des arbres, et des champs, et la ville tout au fond. Certains s'en vont en courant le long des pentes couvertes d'herbe, d'autres suivent d'un pas plus lent. TaeHyung s'arrête en chemin. JungKook s'arrête aussi quelques pas plus loin, se tourne vers lui et le ciel est transpercé d'une couleur rose incroyable.
J'aurais pu lui dire de se retourner pour voir la couleur majestueuse. Je ne l'ai pas fait. Parce que je voulais contempler pendant encore quelques minutes, les beautés cachées de son visage.
« -JungKook.
-Oui ?
-Tu es partout. »
JungKook ne répond rien. Et ses pupilles sont deux points d'encre au milieu du cristal.
« -Et même quand tu seras loin tu seras là. JungKook. Tu es tout. Tout est toi. »
Demain c'est demain. Demain c'est bien mais demain c'est plus tard. Maintenant c'est maintenant et maintenant le ciel est d'un rose brûlant. Je te fais signe de regarder le ciel. Tu te tournes, puis tu te diriges à nouveau vers moi, tu me souris comme si je reflétais tout le reste. Et maintenant, on se regarde, on se sourit. Peut être que dans ta tête il y a des poèmes. Oui, je peux presque t'entendre. Je te dis que je suis libre. Je te dis que tout est liberté. Tu me dis que tu m'aimes. Tu le dis maintenant. Je crois que je n'ai jamais connu d'aussi beau présent. Merci.
JungKook tend la main. Les autres font du bruit au loin. Le soleil brille au fond de ce ciel mystique. TaeHyung tend la sienne et leurs paumes s'embrassent. Puis, comme deux âmes immatérielles, ils se précipitent dans le jour présent, disparaissent au creux du vent, et le temps les emporte. Et là où ils vont c'est beau. Là où ils vont plus rien n'importe. Là où ils vont,
ils sont tout.
Et tout n'est que liberté.
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Quelque part, dans une autre réalité, JungKook soupire. Enfermé dans une des cabines des sanitaires du lycée, il rature un poème sur son carnet. Puis il pose sa tête contre la paroi en bois bleu à sa droite. Assis en tailleurs, il observe les lieux, regarde les images insalubres, les graffitis écrits par ci par là, des numéros de téléphone, des insultes, des déclarations d'amour etc. Il trouve ça laid. Il regarde les papiers qui jonchent le sol. Il trouve ça laid. Il le pense deux fois. Il le pense très fort. Lassé de cette cabine étroite et «contre-productive», il prend ses écouteurs emmêlés dans sa poche, se débrouille pour défaire les nœuds puis les branche à son téléphone. La musique ne résonne dans ses oreilles que lorsqu'il pousse la porte de sa cachette. Il y a un seconde qui se lave les mains, JungKook lui sourit. Le gamin reste inexpressif. Alors JungKook lève les yeux au ciel et sort. Il s'enfonce dans la marée humaine, la musique éclaircissant son esprit. La foule d'élèves capture l'essence de ses poèmes. Tout se mélange. JungKook sourit. Il ne croise aucun regard, on ne lui adresse aucune parole. Mais cette fois, il apprécie les lycéens qui s'enragent autour de lui. Mais cette fois JungKook en est content.
Puis la sonnerie retentit. Les élèves s'activent. JungKook est serein. JungKook s'en fout. Il s'avance, son carnet et ses poèmes raturés dans la main. Il aperçoit la porte ouverte quelques mètres plus loin et se prépare à tourner à droite pour rejoindre sa classe de littérature.
Mais soudain, le vent souffle.
JungKook s'arrête, et doucement, il baisse la tête. Il se tient debout en plein milieu du couloir, et le temps se ralentit. Tout autour, les lycéens continuent de marcher pour rejoindre leur salle de classe. Ils l'oublient. La Terre continue de tourner. Et pourtant il y a un livre sur le sol. Le courant d'air l'ouvre et fait danser ses pages dans un élégant ballet. JungKook se baisse et ramasse le livre abandonné. Ses yeux se perdent sur la couverture aux couleurs vives. Il se redresse avec lenteur. Ce livre c'est L'Attrape-cœurs. JungKook le regarde, silencieux, au milieu d'un monde qui hurle. Il contemple le livre sans comprendre quand une voix surgit en lui. Un ouragan.
« -Si un cœur attrape un cœur qui vient à travers les seigles. »
JungKook relève la tête. La Terre continue de tourner. Et pourtant quelqu'un d'autre s'est arrêté. Ce quelqu'un c'est TaeHyung. Et JungKook regarde TaeHyung. Et TaeHyung porte un pull très large et très coloré. JungKook reste muet, les yeux grands ouverts. Soudain la deuxième sonnerie retentit. TaeHyung sourit. JungKook est surpris, le sourire du garçon est plein de lumière. Puis, le garçon s'éloigne, part rejoindre le mouvement humain. Et JungKook se retourne pour le regarder partir. Il ne bouge pas. Et JungKook voit sa silhouette colorée s'évanouir au loin. Il ne bouge pas. Et au bout d'un temps, il n'y a plus personne.
Il ne bouge pas.
Et dans cette réalité-ci, les Âmes poétesses se sont foudroyées.
Ce soir là, JungKook rentre chez lui, et assis à son bureau, il ouvre son carnet. Et quelque part, hors du temps, loin des gens, il finit son poème. Et cette fois les mots ont un sens.
Il les écrit pour lui.
Armes luminescentes. Eolienne d'amour.
Où puis-je te rencontrer ?
Poussière tu fus, poussière tu es.
Folie indécente. Mortelle adolescence.
Connais-tu la douleur du sacrifié ?
Plaie tu fus et plaie tu es.
Coeur damné, âme poétesse.
Est-ce que je t'ai rêvé ?
Je pourrais tout endurer
Poussières et plaies,
Pour que tu me laisses contempler
Les couleurs insolentes, le soleil sur tes lèvres,
Nulle guerre ne mérite une telle trêve
Et je mourrais ainsi qu'une ombre
Sous tes orbes et tes colombes
Juste pour t'apercevoir.
Laisse moi nourrir l'espoir
Qu'un jour mes mots auront un sens
Que mes poèmes et leur essence
Seront aussi beau que toi.
Et sur nos âmes nous serons rois.
« On se reverra autre part. Et là,
je t'aimerais encore. »
FIN
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