Pétrarquisme.

JungKook est dans le café à côté du lycée. Ici, c'est le point de rencontre des groupes et de tous les groupes. Là, c'est les footballeurs aux vestes rouges qui frôlent les geeks à bouclettes. Ce café, c'est le repère des gens et d'autres gens. Mariage du sage et de l'enfantillage. JungKook est assis avec ses amis. Ils échangent sur les tests et sur leurs devoirs. Ils parlent des autres et d'eux même. Ils rient et boivent leurs boissons colorées. Les sièges en faux cuir et les tables métallisées sont tout écorchés. JungKook joue avec un morceau du canapé défoncé du bout des doigts. Les autres parlent mais il ne les écoute pas. Il ne les écoute plus.

Il a reconnu le garçon des gradins.

Il est assis dans un coin près des fenêtres. Ses cahiers sont étalés sur sa table et il a l'air concentré. Ses sourcils bien dessinés sont froncés, et ses yeux parcourent les textes de Walt Whitman. Il porte son stylo à ses lèvres et pince le bouchon. Ses doigts fins brisent sa chevelure de châtaigne. Il réfléchit beaucoup. Il oublie les gens autour de lui. Il oublie que le lycée est à deux pas du café. Il oublie même qu'il habite dans le quartier. Il essaye juste de se concentrer. Mais TaeHyung est fatigué et se dit qu'il a déjà connu meilleurs poèmes. Mais il ne pouvait changer le programme, alors il y pense. Il se mure dans ses questions. Que voulait Whitman ? Que faisait Whitman ? Pourquoi Whitman avait choisi cet adverbe pour engager ce vers là ? Pourquoi ces pourquoi ? Depeche Mode mélodise ses oreilles et il se souvient qu'il est encore en vie. Et pas lui.

« -Oh Capitaine, mon Capitaine. »

TaeHyung relève la tête, surpris. L'attrape-cœurs s'est assis sur la banquette d'en face, le buste penché vers le manuel qu'il lit à l'envers. L'attrape-cœurs sourit avec les yeux. L'attrape-cœurs lui parle.

« -A quoi tu penses ? »

TaeHyung détourne un peu les yeux avant de lancer.

« -Je me demande ce que Whitman aurait répondu.

-Ô de toutes les Terres, pourquoi est-ce à ma table que vient s'égarer, cet étrange étranger ? Quelque chose comme ça, j'imagine. »

TaeHyung rit d'un souffle et JungKook s'étonne. Le garçon aux pulls immenses a de la lumière sur les lèvres. Celui-ci retire un de ses écouteurs et pose sa joue sur le dos de sa main. Ses autres doigts viennent redresser ses lunettes. Il cache légèrement les rougeurs de sa timidité. JungKook s'amuse et plus loin, ses amis se demandent ce qu'il fabrique. Dehors le monde tourne encore, mais dans ce café, et chaque planète le sait, deux âmes poétesses se sont regardées. Et elles se fixent encore. Avec leurs yeux brillants, avec leurs corps blancs. Les feuilles meurent. Les feuilles tombent. Bientôt il fera nuit. Mais pour l'instant le soleil sourit.

« -JungKook.

-TaeHyung. »

Et peut être que dans une autre réalité où TaeHyung est plus confiant, il a fait écouter à JungKook la chanson qui tournait encore dans son oreille gauche.