Lyrisme.

Âmes poétesses dérangées,
Amusées, dans la nuit sombre
Dans les yeux ombragés
Elles brûlent de flammes blondes

Il y a du bruit dans les couloirs, dans la cuisine et dans la grande salle. Il y a des filles qui discutent sur le canapé. Il y a des gobelets en plastique écrasés sur le tapis. Il y a des effets de lumière sous d'autres lumières. Et certains jeunes dansent. Et certains parlent. Et certains s'embrassent. Il y a de la bonne musique dans les enceintes. Ils s'amusent. Et ils sont peut être pas tous si nets. Il paraît que c'est la maison de NamJoon. Dans quelques heures ce sera minuit et on changera d'année. Même si certains auront même oublié le cours de leur soirée, le temps continue de filer. Entre les paroles, il y a la jeunesse. Elle est là et elle ressemble à l'envie de vivre.

JungKook se fait un chemin entre les invités, il discute avec ceux qui l'accostent, boit quelques gorgées du verre qu'il a piqué dans la cuisine. La sensation chaude de l'alcool s'insinue dans sa gorge. Il ne saurait dire s'il aime ça. Il trouve ça normal. Tous les jeunes font ça. Il n'y pense pas. Il n'y pense plus. Au moins, il n'a plus froid. Il regarde un peu partout, il longe les murs, traverse le salon plusieurs fois. Il le cherche mais il ne le trouve pas. Ce ne sont que des morceaux de bruit et de lumière. Ce n'est qu'un peu d'éthanol perdu dans un verre. Et il y a beaucoup de couleurs ce soir. Mais il ne trouve pas ses couleurs. Ses yeux cherchent, ne trouvent pas. JungKook tourne en rond parce qu'il a perdu l'arc en ciel.

TaeHyung est autre part. Il vogue dans un esprit décalé. Il s'égare dans sa propre tête. Et il a l'impression d'être dans la tête de tout le monde à la fois. Et ça l'effraie. Les yeux le fixent quand il marche. Les iris s'envolent et tombent par terre. Les lignes le long des murs se déforment. Il regarde pendant dix minutes le portrait de la famille de NamJoon. Il termine son gobelet rouge en quelques gorgées et le laisse tomber quelque part. Soudain, il meurt de chaud. Il tourne en rond plusieurs fois et trouve les escaliers. Les marches sont de travers. Il les monte quand même. Et manquant de trébucher sur la moquette, il pousse la porte des chambres, tombe sur des couples qui se mangent le visage et rebrousse chemin jusqu'à trouver la salle de bain. Là, il s'assoit dans la baignoire, pose sa joue contre la céramique rose, froide, délicieuse. Sous ses paupières closes, les boules de lumière dansent encore. Il a la tête qui tourne et tourne et tourne. Il n'est pas sûr d'être plus proche du sol que du plafond. Mais il rêve encore, le corps couverts de couleurs.

TaeHyung sursaute quand JungKook entre dans la salle de bain. Il redresse la tête en se demandant s'il est vraiment là. JungKook s'accroupit à côté de la baignoire, pose sa main sur la rebord, juste à côté de celle de TaeHyung et le regarde. Il ne parle pas tout de suite. Il le regarde simplement. Ils communiquent sans ouvrir la bouche. Puis TaeHyung repose sa joue contre la surface fraîche.

« -J'ai chaud.
-Tu as bu ?
-Ouais.
-Ça t'était déjà arrivé ? »

TaeHyung lève les yeux au ciel pour réfléchir. Il penche la tête et pose son menton sur sa main. Ses lèvres se pincent puis il répond:

« -Pas vraiment.
-C'est ta première fête ?
-Ouais.
-Et pourquoi tu es dans la baignoire ?
-Parce qu'elle me protège. »

JungKook sourit. Ses prunelles s'allument. Alors TaeHyung sourit aussi même s'il ne comprend pas ce qu'il y a de drôle. Il n'est pas sûr d'aimer les fêtes. Il y a beaucoup de gens qui boivent, qui parlent, qui se collent. Et la musique lui donne des frissons quand les battements sont trop rapides. Mais si JungKook est là, il oublie le reste.

« -Tu veux venir ? »

JungKook hoche la tête et va s'asseoir à côté de TaeHyung dans la baignoire. Les enceintes projettent un vieux tube de The Journey contre les murs. TaeHyung trouve les notes familières, le monde ne tangue plus autant. Il pose sa tête sur l'épaule de JungKook. JungKook ne cache pas son sourire. TaeHyung lui dit qu'il n'a bu qu'un seul verre de punch et JungKook répond qu'il ne tient pas bien l'alcool. Ils discutent un peu, ils ne savent pas exactement combien de temps. Parfois, quelqu'un entre, les voit, puis fait demi tour. Et quand ça arrive, ils rient. Et TaeHyung ne bouge pas de l'épaule de JungKook. Et JungKook inspire son odeur. TaeHyung sent l'enfance. JungKook aimerait rester ainsi pendant des heures. Puis, il se rend compte qu'ils parlent de moins en moins. TaeHyung s'est endormi. Et étrangement, JungKook somnole aussi. Il laisse tomber sa main sur celle de l'autre garçon. Ils rêvent, ensemble.

On ne sait combien de temps plus tard, JungKook réveille TaeHyung. Il lui murmure à l'oreille qu'il devrait prendre l'air, que ça lui ferait du bien, qu'il y a moins de bruit dehors. Même si c'est pas forcément vrai, il le lui murmure quand même. Il lui promet qu'il y a de la neige sur la route. Alors TaeHyung fait oui de la tête. Ils descendent les escaliers, s'aventurent entre les paupières grandes ouvertes. Les pupilles à l'intérieur ne les dévisagent plus autant. Et TaeHyung se sent mieux. Les droites ne se courbent plus. Les couleurs ne se mélangent plus. Il ne voit que leurs silhouettes. Il croit en faire partie. Il croit les suivre. Et JungKook le guide jusqu'à la sortie. Dehors, il fait nuit noire. Les lumières de l'autre côté des fenêtres s'étendent sur la neige foulée. Il y a des guirlandes enroulées autour des lampadaires. Ils dévalent la pente de la maison de Namjoon, manquant de glisser sur le verglas, puis vont s'aventurer sur la route. Il y a des sapins autour du pavillon et au dessus des sapins, il y a le ciel et dans le ciel, il y a des étoiles. Tellement d'étoiles. TaeHyung tend les mains vers elles, il souffle :

« -J'aimerais qu'elles tombent. Juste pour voir si quelque chose sur Terre peut surpasser leur beauté.

-Je peux essayer de les faire tomber si tu veux. »

TaeHyung sourit, baisse les bras et croise son regard plein de lumière. JungKook s'approche, frôle la nuque de TaeHyung avec sa main puis pose ses lèvres contre les siennes. TaeHyung ferme les paupières, cloître ses oreilles. Ils s'embrassent. Et même quand les autres lancent le compte à rebours, s'égosillent dans la maison, font trembler l'asphalte, ils s'embrassent. Et même quand les étoiles tombent pour avaler la Terre, ils s'embrassent. Et même quand la vie s'arrête, ils s'embrassent.

Et dans toutes les réalités mélangées, ils s'embrassent.