Aparté.
Aparté.
Aimons-nous d'hiver
Fracas lapidaires
Papier mouillé. Son cœur se déchire.
« -TaeHyung, viens manger. »
« -TaeHyung, répond. »
« -TaeHyung, ouvre la porte.»
« -TaeHyung, s'il te plaît. »
« -TaeHyung, ne m'oblige pas à crier.»
« -TaeHyung, je m'en vais. »
On lâche la poignée. Bruits de pas sur le palier.
When you were here before,
Couldn't look you in the eyes
You're just like an angel
Your skin makes me cry
Grisaille et voix qui braillent. C'est beau.
« Si un cœur attrape un cœur qui vient à travers les seigles. »
Un livre tombe par terre. C'est L'Attrape-cœurs. Sans mots, sans couleurs.
If you hear something late in night
Some kind of trouble, some kind of fight
Just don't ask me what it was
Just don't ask me what it was
Cette chanson, il ne l'avait jamais entendue avant. C'est son histoire. Il pleure. A l'intérieur.
« -Maman, aime-moi. »
Ces mots, il les répète souvent. C'est son histoire. Et il pleure. A l'extérieur.
Proust a dit « Tâchez de toujours garder un morceau de ciel au dessus de votre vie ».
TaeHyung a un ciel où il fait toujours nuit.
TaeHyung, tu as fermé ton corps à clé.
Je ne peux plus te retrouver.
Il fait nuit.
Et il pleut.
Ça pleure beaucoup depuis les cieux.
Et les âmes poétesses sont ivres. Ivres de vivre.
« Qui suis-je ? »
Il fait sombre maintenant, et un filtre bleu clair enveloppe le soir. TaeHyung ouvre le velux de sa chambre, celui au dessus de son lit. Le bruit de la pluie s'infiltre, l'odeur humide s'installe et quelques gouttes tombent s'engouffrer dans les draps. Pour le reste, elles coulent le long de la vitre penchée. En cascade. En dégringolade. Et si TaeHyung le voulait, il pourrait laisser l'eau chuter par litres sur son oreiller, comme le font ses yeux dans les nuits tourmentées. Mais il ne laisse qu'un faible espace ouvert sur sa carapace. La nuit y jette un œil. TaeHyung y met les deux. Et ils se regardent dans les yeux, lui, en enfant silencieux, elle, en adulte prétentieux. TaeHyung reste assis en tailleurs sur le tapis, à regarder le halo de lumière se précipiter sur le lit. Nuit de pleine lune. Nuit d'incertitude. TaeHyung observe d'un regard absent, obstruant ses idées épileptiques. Puis finalement il se lève quand le chiffre rouge de son réveil balance pour un autre. Il est tard. Mais pas si tard. Et pour d'autres rapaces insomniaques, il est tôt. Si tôt pour se souvenir.
TaeHyung passe le seuil de sa chambre. Il traverse le couloir vers les escaliers. Il frôle la chambre de son petit frère. Lui, devant l'écran de son ordinateur, a presque les yeux en pleurs. Puis TaeHyung aperçoit la ligne lumineuse sous la porte de la chambre de ses parents. Il ralentit et ses pas sont étouffés par la moquette. Il descend les marches sans un son. Il allume la lumière de la cuisine, jette un œil vers le salon. C'est l'absolue absence. L'ombre est dans et derrière les rideaux. Il fait toujours sombre ici. Et les lampes grésillent plus qu'elles ne le devraient. TaeHyung prend l'assiette qu'on lui a laissée, la pose sur la table, s'assoit et courbe les épaules, seul. Il fixe sa solitude, aussi immuable semble-t-elle, il l'a créée lui même.
TaeHyung attrape la fourchette, ses doigts tremblent. Il la plante dans la viande informe. Il la porte à ses yeux. Son estomac se tord. Dans sa bouche, c'est immonde. Il fronce les sourcils, il serre les poings, ses pupilles sont pleines de buées. Il mâche longuement, il avale difficilement. Il a comme un couteau dans la gorge, du feu dans le ventre. C'est une souffrance, c'est impensable. Il se sent si coupable. Et c'est comme une perte de contrôle. Il s'en veut et il aimerait s'achever d'en arriver là, de tomber si bas. Il pourrait faire mieux. Il aurait dû faire mieux. Il se sent comme un échec. Ridicule. Mais comme il n'y arrive pas, il lâche la fourchette qui s'écrase dans un bruit las. Dans sa paume, ses yeux pleurent.
C'est une bonne nuit pour se souvenir. A cet instant précis, TaeHyung se souvient qu'un jour, quand il avait sept ans, sa mère s'est énervée et lui a jeté un presse papier au visage. Et TaeHyung a eu une trace bleue et brûlante sous l'œil. Sa mère l'avait alors conduit à l'école, jusqu'à son professeur. TaeHyung a menti ce jour là. Il a dit qu'il était tombé et que sa pommette s'était cognée contre une pierre. C'était faux. Mais TaeHyung a menti pour faire plaisir à sa mère. Et il se souvient encore de son expression après avoir lancé l'objet sur son visage immaculé. Il sent encore la douleur d'un brasier sous son œil gauche. Il entend encore les pleurs qu'il a gardées au fond de son cou. Et puis les deux yeux translucides de cette femme responsable. Il se souvient du regard. Le même que celui qu'elle lui jette depuis la salle à manger, ce soir. Cette expression nue qui dit qu'on a échoué quelque part. Mais par dessus la vérité, il y a le déni. Ce n'est pas de sa faute à elle. C'est de sa faute à lui. Puis la mère de TaeHyung éteint la lumière et s'en va. Dans l'ombre, TaeHyung reste. Et elle n'est plus là. Il passe une main sur la table et l'assiette glisse, part s'exploser sur le sol. Il a suffi de deux yeux. Et TaeHyung pleure. Il a suffi de deux yeux pour démonter les cieux.
Et peut être que dans une autre réalité, la mère de TaeHyung s'est au moins excusée d'avoir éteint la lumière car il fait trop sombre ici, dans cette plaie sans vie.
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