Ambre
Je me souviendrai toujours de l'été de mes quinze ans.
Un été rempli de rires, de colliers de coquillages et de plongeons dans l'eau de mer. Un été marqué par la douce sensation du soleil sur la peau, le chatouillement du sable sous les pieds et l'odeur âcre de la fumée du barbecue s'envolant dans le ciel étoilé.
J'avais quinze ans, j'étais libre.
Tout me semblait alors possible, les soirs où je me glissais hors de ma chambre à pas feutrés pour aller observer les étoiles me paraissaient le paradigme de la désobéissance et l'autorisation parentale d'aller où bon me plaisait toute la journée était le signe ultime de la liberté qui accompagne l'adolescence.
J'aimerais avoir quinze ans de nouveau. Cet âge où chaque chose rencontrée est inédite, où chaque jour apportait son lot de découvertes, où chaque pas me menait dans un inconnu onirique et où chaque nouvelle matinée était attendue avec toute l'impatience enfantine qui n'a pas encore séché contre notre peau. J'aimerais avoir quinze ans encore, cet âge qui paraît éternel, cet entre-deux entre le monde de l'enfant et celui de l'adulte.
J'aimerais avoir quinze ans, mais pas n'importe lequel : j'aimerais avoir les quinze ans de ces deux ptits mois d'été. Ces minuscules soixante jours, remplis avec tout autant de trésors que d'heures, de secondes. Ces deux petits mois, qui me sont toujours rappelés par la sensation du sable chaud sur ma peau où le bruissement des feuilles d'olivier dans le vent. Ces deux petits mois si insignifiants sur le cours d'une vie, mais que j'ai tant retenu dans mes mains quand les souvenirs glissaient entre mes doigts comme autant de grains de sable blanc. Tous ces jours où la chaleur me collait à la peau, où l'odeur de lavande m'accompagnait dans mes escapades diurnes et où l'ombre des chênes centenaires me faisait don d'un semblant de courant d'air durant les heures les plus étouffantes.
J'ai oublié beaucoup de cet été, aujourd'hui je n'ai plus assez de rayons de soleils à conjurer de ma mémoire pour me réchauffer durant les jours de pluie. J'ai oublié le goût qu'avait la pastèque quand elle fondait sur ma langue, le picotement des herbes hautes sur mes cuisses et l'adrénaline du saut du haut d'une falaise dans l'océan azur. J'ai oublié la sensation de rire aux éclats, ce moment où la joie est tellement grande, le bonheur si infini, que le corps oublie de respirer pour les laisser éclater. J'ai oublié ce que ça fait de se sentir libre.
Mais qu'importe le nombre de souvenirs qui ruisselent chaque jour de ma mémoire, je me souviendrai toujours de cet été car quelque chose, un tout petit élément de ces deux mois a changé ma vie pour toujours.
L'été de mes quinze ans, ce n'était pas seulement la lumière du feu ou la clarté de la lune. Ce n'était pas uniquement le goût sucré de guimauves fondues ou celui épicé des chips au paprika que je mangeais sur la plage en regardant le soleil se coucher.
C'était tout ça et bien plus, tellement plus. Toujours plus.
C'était l'été d'Ambre.
Un été si familier mais en même temps si mémorablement nouveau. Quand j'y repense c'est la seule raison pour laquelle il reste gravé dans ma mémoire encore aujourd'hui.
Ambre.
Je ne saurais dire quand elle est apparue ; telle une présence, un parfum ou un rayon de soleil, elle était simplement là. Elle existait d'une manière si fascinante, toujours comme si elle était sur le point de s'envoler, éphémère mais inoubliable.
Elle existait et elle me fascinait.
Tout en elle semblait fait d'eau et, intangible et mouvante, elle glissait hors de portée quand j'essayais de la toucher du doigt.
Ambre m'a fait comprendre ce que c'est que d'être libre. Chaque atome de son être était libre, d'une manière indescriptible car il faut observer ce genre de chose pour s'en rendre compte. Elle allait, portée par le vent. Je l'enviais de cette envie qui se mêle à l'admiration, qu'on ressent quand on comprend qu'une personne est simplement dans un autre monde.
Leur monde.
J'aurais aimé savoir de quoi était fait son monde à elle.
Parfois, je me demandais si Ambre était seulement réelle. S'il ne s'agissait pas d'une quelconque illusion portée par l'écume le temps d'un été, si elle n'était qu'un songe. Si j'imaginais le châtain de ses cheveux, le bleu de ses yeux et les tâches de rousseurs qui constellaient ses joues.
Parfois, son existence semblait ne faire aucun doute. Elle était réelle dans la sensation électrisante qui se propageait dans mon corps quand sa peau frôlait la mienne. Elle existait dans les moments où mes yeux rencontraient les siens, et où j'étais immobilisée par ces pupilles qui semblaient détenir tous les secrets de la vie et tant d'autres merveilles. Je ne l'imaginais pas quand le soleil caressait ses cheveux avec la délicatesse d'une plume, et dans ses moments où j'étais incapable de regarder autre chose qu'elle.
Je ne me souviens pas de ce que nous avons fait ensemble, durant cet été. Sommes-nous allées en vélo à travers les champs ? Avons-nous plongé dans l'eau salée et délicieusement fraîche ? Sommes-nous allées voir les étoiles la nuit ?
Lui ai-je seulement parlé ? Lui ai-je seulement dit qu'un simple de ses regards suffisait pour m'essouffler? Lui ai-je avouée à quel point elle paraissait éthérée, la lumière du crépuscule dansant sur son visage dans des reflets orangés ?
Je n'en ai pas le souvenir. C'est étrange vraiment, je saurais donner en détail la place de chacune de ses tâches de rousseurs mais je ne me souviens plus du son de sa voix. Elle reste dans mon esprit comme une image, flottante et inatteignable, existant simplement pour la durée de cet été.
Tout comme pour son apparition, je ne saurais dire quand elle a disparu. Peut-être ne l'a-t-elle jamais fait. Elle existe toujours dans la lumière virevoltante des lucioles, dans les colliers de coquillages et autres breloques et trésors enfouis dans le sable. Je vois ses yeux dans l'océan, ses joues dans le ciel étoilé, ses cheveux dans le tronc des oliviers centenaires.
Encore aujourd'hui, je vois son sourire dans le coucher du soleil.
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Hey!!
Voilà une petite histoire qui diverge assez fortement de mes sujets d'écriture habituels, mais aussi de mon style d'écriture, donc je ne sais pas trop quoi en penser (mis à part qu'écrire à la première personne c'est une vraie galère).
Cette nouvelle a été écrite pour le concours d'@AntigoneDeJocaste, et le défi suplémentaire était de caser cinq mots (qui sont soulignés dans le texte):
Inédit
Paprika
Frôler
Essouffler
Breloque
N'hésitez pas à laisser un commentaire pour me dire ce que vous en pensez (j'accepte volontiers la critique constructive) --->
J'espère que tout va bien chez vous, et à bientôt pour de nouvelles histoires!
Hannahavenir
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