✾ Chapitre 8 ✾
Changbin s’était d’abord dit que ça allait être gênant de rester à la ferme pendant deux jours, mais finalement, la vie y était plutôt agréable. Jeongyeon avait pris Félix sous son aile, elle s’occupait d’elle, lui faisait faire des tâches faciles ou lui disait simplement de faire ce qu’elle voulait. Elle semblait considérer la princesse comme la fille qu’elle n’avait jamais eue et la blonde n’avait pas l’air de s’en plaindre, bien au contraire. Elle avait l’air heureuse et soulagée d’avoir une figure maternelle pour s’occuper d’elle, et le mercenaire trouvait cela attendrissant.
Après tout c’était plutôt normal que la princesse se sente bien dans ces conditions, la vie de voyageur n’était pas faite pour elle, il lui valait mieux un endroit accueillant ainsi que des personnes bienveillantes pour prendre soin d’elle. Ça ne faisait que renforcer l’idée qu’il fallait la ramener dans son royaume, jamais elle ne supporterait une vie comme celle que Changbin menait.
Le jeune homme, quant à lui, aidait Jisung ainsi que Siwon, le père du jeune homme, dans les tâches agricoles.
— Jisung, appela Siwon alors qu’il terminait de s’occuper des moutons. Toi et Changbin pouvez aller couper du bois.
Le jeune homme soupira et fit signe au mercenaire de le suivre. Ils allèrent chercher deux haches dans la grange avant de se diriger vers la lisière de la forêt, où quelques arbres avaient déjà été abattus. Les deux garçons se placèrent chacun d’un côté d’un tronc et commencèrent à y donner des coups de haches à tour de rôle.
Jisung avait beau paraître frêle à première vue, il n’en était pas moins musclé, et Changbin n’hésitait pas à bander un peu ses bras afin de montrer qu’il était le plus fort. Leur petite compétition ne les rendit pas plus efficaces, bien au contraire, elle les fatigua plus rapidement et ils finirent pas s’arrêter en même temps, se laissant tomber sur des souches d’arbres.
— T’es pas seulement voyageur, non ? demanda finalement le fermier tout en vidant une bonne partie de sa gourde.
— Qu’est-ce qui te fait dire ça ?
Jisung lâcha un petit rire.
— À peu près tout.
Changbin ne répondit pas, il se contenta de boire à son tour tout en haussant les épaules, il se fichait bien de ce que le jeune homme pouvait penser de lui.
— Je pense plutôt que tu es… une sorte… d’aventurier…
Le noiraud manqua de recracher l’eau qu’il avait dans la bouche. Est-ce que ça n’était pas sensiblement la même chose qu’être un voyageur ? Ou du moins, la différence était trop infime pour être d’une quelconque importance.
— Est-ce que ça changerait quelque chose ? finit-il par demander sans regarder le fermier.
— Non, pas vraiment, c’est juste que je suis curieux…
Un silence un peu gênant s’installa entre les deux garçons. Jisung jouait nerveusement avec ses doigts tandis que Changbin se contentait de fixer l’horizon.
— C’est rare qu’on voit des gens à la ferme, dit le brun pour relancer la discussion. Personne ne vient jamais, les seules fois ou je croise des gens, c’est quand je vais en ville.
— Ça a l’air calme ici.
— À en mourir… souffla Jisung en s’essuyant le front d’un revers de main. Y’a rien à faire ici ! Enfin si, les animaux, les champs, tout ça. Mais à côté de ça…
— Tu préfères la ville ? demanda Changbin en daignant finalement le regarder.
— Oui, c’est beaucoup mieux qu’ici ! Quand j’y vais, j’y reste un ou deux jours et j’en profite le plus possible avant de rentrer à la ferme, avoua le cadet avec un petit sourire.
— Pourquoi tu ne vas pas t’installer en ville alors ? Si c’est tellement mieux qu’ici ?
Jisung soupira longuement avant de répondre :
— Parce que je peux pas laisser mes parents se débrouiller seuls. Mon père commence à avoir du mal avec certaines tâches et ma mère n’est pas assez forte pour l’aider dans tout. Et puis… quand il leur arrivera quelque chose, il faudra bien que je m’occupe de tout.
Changbin ne savait pas trop quoi en penser, c’était exactement la raison pour laquelle il avait quitté son pays natal ainsi que sa famille. Il ne voulait pas se sentir obligé de rester quelque part à jouer un rôle qu’on lui avait imposé, il rêvait de liberté depuis toujours alors servir un roi jusqu’à la mort, c’était tout bonnement hors de question. Il comprenait ce que ressentait Jisung, ce dernier n’avait tout simplement pas encore su prendre de décision, contrairement à lui.
— Qu’est-ce que tu ferais si tu quittais la ferme ? demanda-t-il finalement.
Jisung leva les yeux vers lui, l’air étonné face à la question soudaine du noiraud.
— Eh bien, je sais pas trop… Y’a pleins de choses à faire en ville, vraiment pleins de choses… réfléchit-il.
— Oui mais parce que tu y vas peu de temps, mais si tu devais y rester ?
— Hum, je n’avais jamais vu les choses sous cet angle. C’est vrai que si je devais y rester, ça serait peut-être moins amusant…
Changbin pouffa de rire, il voyait bien à quel point son camarade pouvait manquer de maturité par rapport à lui.
— J’aime bien… aller voir les filles, lâcha Jisung après un silence.
— Les filles ? répéta le noiraud pour être sûr du sujet de la conversation qui arrivait.
— Oui, tu sais les filles dans les bordels, enfin des fois y’a même pas besoin d’aller dans les bordels, j’en croise souvent à l’auberge. Alors quand mes parents m’autorisent à dépenser un peu d’argent, mon choix est vite fait sur comment l’utiliser.
Changbin eut un petit sourire en coin.
— Enfin tu dois pas trop savoir de quoi je parle, ajouta Jisung en jouant avec une brindille.
Le noiraud manqua de s’étouffer.
— Pardon ? Pourquoi ça ?
— Ben avec Félix du coup… les bordels… enfin… bégaya le brun en passant une main dans ses cheveux. Je veux dire, tu vas pas aller voir des… alors que… qu’elle est là ?
— Je comprends rien à ce que tu veux dire… soupira Changbin.
— Félix, est-ce que c’est… enfin, elle et toi vous… ?
Le mercenaire sembla enfin réaliser où le fermier voulait en venir et il sentit son visage s’empourprer. Il tenta cependant de cacher son embarras.
— C’est juste quelqu’un que j’ai rencontré en chemin et comme elle a le don de se mettre dans des situations dangereuses, je préfère ne pas la laisser seule.
— Oh, fit Jisung un air dubitatif sur le visage. Je pensais qu’il y avait quelque chose entre vous vu que Félix a insisté pour dormir avec toi alors qu’elle pouvait prendre ma chambre.
Changbin se racla la gorge avant de se lever pour récupérer sa hache et se remettre au travail. Il n’avait pas vraiment envie d’aborder le sujet de sa relation avec la princesse en compagnie du jeune homme, mais ce dernier ne semblait pas en avoir terminé avec lui.
— Du coup, y’a vraiment rien entre elle et toi ? demanda le fermier en imitant le mercenaire. Pourtant, elle est super mignonne !
— J’ai pas forcément envie de discuter de ça avec toi, lui répondit le noiraud en donnant un coup de hache dans une des bûches.
Jisung leva les yeux au ciel, il voulait juste discuter, c’était rare qu’il ait l’occasion de côtoyer des gens de son âge et hors de question qu’il parle de filles avec ses parents !
— Ça doit pas être évident d’attirer les filles quand y’en a une aussi jolie qui t’accompagne… continua le brun l’air de rien.
Changbin soupira, le jeune fermier commençait sérieusement à lui taper sur les nerfs.
— Ne t'inquiète pas pour moi Jisung, je n’ai aucun problème pour attirer les filles, bien au contraire…
— Oh je vois, Monsieur est un tombeur… marmonna le brun comme déçu par la réponse de son camarade de labeur. On verra ça une fois en ville.
Il s’était mis à siffloter innocemment tandis que Changbin en avait presque fait tomber sa hache. Décidément, il trouvait le fermier complètement sans gêne. Il n’allait pas se faire malmener par un paysan de quelques saisons de moins que lui tout de même !
— Je parie que je partageais déjà la couche des femmes que t’avais pas encore mis le nez hors de ta ferme…
Ce fût au tour de Jisung de manquer de faire tomber son outil.
— Ça veut dire quoi ça ? s’indigna-t-il en fixant le noiraud.
— Ça veut dire ce que ça veut dire. Tu fais le fanfaron devant moi parce que tu as besoin de prouver quelque chose, mais tu ne m’impressionnes pas et surtout pas en matière de conquêtes, désolé pour toi.
Changbin se remit au travail, ignorant totalement le brun qui fulminait à côté de lui. Il n’avait rien à lui prouver, mais il n’allait tout de même pas se laisser marcher sur les pieds.
Les deux jeunes hommes s’occupèrent du bois jusqu’en milieu d’après-midi. Ils allèrent ensuite atteler un des chevaux de la ferme afin d’aller charger les bûches et de les ramener jusqu’à la maison. Pendant ce temps, Félix avait aidé Jeongyeon avec la lessive tandis que Siwon avait commencé à regrouper toute la marchandise que Jisung aurait à amener en ville le surlendemain. La charrette était bientôt totalement remplie, il ne resterait plus que les légumes frais à mettre au moment de partir. La famille de fermiers était bien connue en ville et leur marchandise ne manquait jamais de trouver preneur dès l’arrivée de Jisung.
— Félix, tu veux venir voir les lapins ? demanda le brun après le repas alors que la princesse allait rejoindre la grange en compagnie de Changbin.
Elle adressa un sourire au jeune fermier et hocha la tête avant de le suivre vers l’enclos qui abritait les petits rongeurs. Changbin resta quelques instants sur place, un sourcil interrogateur levé.
— Des lapins ?
— Oui, tu ne les avais pas encore vus ? s’étonna Félix en s’arrêtant.
— Non ?
— Ils sont adorables ! s’extasia-t-elle en disparaissant derrière le bâtiment.
Le noiraud resta sur place, un peu surpris. Lui, il chassait les lapins, alors il n’avait jamais pensé à les trouver mignons. Il pouvait s'intéresser à la couleur de leur pelage car ça influait sur le prix auquel il pouvait revendre les fourrures, mais autrement il s’en fichait bien. Il n’aimait cependant pas savoir Félix seule avec le jeune fermier et ce fut ce qui le motiva à faire le tour de la grange.
Il trouva la princesse assise dans l’herbe dans l’enclos des rongeurs, quatre ou cinq d’entre eux avaient déjà pris place sur sa jupe tandis que Jisung, installé juste à côté, lui tendait un lapereau âgé de quelques jours seulement. C'eût le don d’énerver un peu le noiraud, mais il s’adoucit très rapidement en voyant le visage tout souriant et les yeux plissés de joie de sa protégée. Le tableau était particulièrement plaisant et il ne put s’empêcher de sourire à son tour en contemplant la jeune femme.
— Changbin tu veux en tenir un ? Ils sont tout doux ! s’extasia Félix en l’apercevant.
Le mercenaire fut sorti de sa rêverie par la voix de la blonde.
— Euh… Nan pas vraiment. Je les chasse moi d’habitude… grommela-t-il, feignant l’ennui.
Félix fit la moue et reporta son attention sur le petit rongeur blanc et noir qu’elle avait dans les mains. Elle déposa son nez contre le minuscule museau du lapereau et sourit.
Changbin se sentit rougir, il déglutit.
— J’vais me coucher… râla-t-il en s’éloignant des deux autres pour rejoindre la grange.
Félix aurait voulu le suivre mais elle était toujours couverte de lapins et Jisung posa la main sur son épaule.
— Laisse-le bouder, il cherche à se rendre intéressant c’est tout !
La blonde hésita quelques instants, de toute manière elle n’allait pas tarder à aller dormir elle aussi alors elle verrait le noiraud bien assez tôt.
Changbin s’était allongé sur son lit de paille, sa couverture couvrant simplement ses jambes. Il fixait le plafond, les bras croisés derrière la tête. Qu’est-ce que ce Jisung pouvait l’agacer ! Et Félix alors ? Mademoiselle jouait les princesses de conte de fées avec ses maudits petits rongeurs ? Eh bien tant mieux pour elle si ça lui faisait plaisir…
Le noiraud grommela en se tournant sur le côté, toute cette situation lui donnait presque mal à la tête alors qu’il n’y avait rien de compliqué. Pourquoi se souciait-il autant de Félix d’ailleurs ? Si ça lui plaisait de côtoyer le fermier, c’était son problème. Et si elle le préférait à lui… Il secoua la tête, il n’était quand même pas jaloux de Jisung juste parce qu’il avait joué avec Félix et des lapins ? C’était ridicule. Totalement ridicule. Il se maudissait pour se torturer ainsi l’esprit pour des broutilles pareilles.
— Changbin, tu dors ? appela soudain la voix de la princesse.
Le noiraud tourna la tête vers l’entrée de la grange et vit la jeune femme s’avancer timidement.
— J’allais m’endormir… râla-t-il en reposant la tête sur son oreiller.
— Oh… Pardon alors…
Elle grimpa sur les ballots de paille et s’installa à sa place. Changbin entendit le bruit des draps et sentit leur lit de fortune s'affaisser légèrement lorsque la blonde s’allongea. Il expira longuement par le nez tandis qu’il essayait de se convaincre qu’il n’était pas en train de bouder comme un enfant, même s’il savait que c’était totalement le cas.
Il sentit soudain une pression dans le haut de son dos, c’était la petite main de Félix qui exerçait de légères pressions circulaires entre ses omoplates.
— Tu es en colère contre moi ? murmura-t-elle.
— Non, lâcha Changbin après un silence.
— Pourtant c'est l'impression que tu donnes…
Elle continua ses caresses et le noiraud se détendit peu à peu. Il sentit ensuite la jeune femme venir se coller à lui et agripper sa chemise de ses petits doigts.
— Je ne veux pas que tu sois en colère… ajouta-t-elle dans un soupir qui alla chatouiller son oreille.
Changbin frissonna lorsque Félix déposa un baiser dans sa nuque et il se décontracta totalement lorsqu'elle passa un bras autour de sa taille.
— Je peux dormir comme ça ? demanda-t-elle en lui caressant doucement le ventre tout en fourrageant dans ses cheveux avec son nez.
Le noiraud lui attrapa la main et entrelaça leurs doigts.
— Oui...
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