Le mercenaire et sa protégée avaient traversé plusieurs petits villages tout en continuant leur périple vers le royaume des Lee. Les soldats envoyés par le Prince Chan semblaient avoir cessé leur poursuite et leur chevauchée était redevenue paisible. D'après la carte, un voyage de plusieurs jours dans la nature les attendait, sans aucune trace de civilisation à l'horizon. Ça n'enchantait pas tellement Félix qui avouait sans problème préférer les nuits à l'auberge qu’à la belle étoile. En termes de confort, ça n'était pas comparable. De plus, une fois le soleil couché, les températures baissaient rapidement et la fraîcheur nocturne n'aidait pas vraiment à trouver un sommeil réparateur. 

Il était plus prudent de suivre les cours d'eau, même si cela rallongeait considérablement leur voyage. Et même si Changbin s'en était plaint au départ, il avait finalement avoué que c'était plus rassurant, au moins ils étaient sûrs de ne pas mourir de soif. 

Le paysage avait commencé à changer, toutes les immenses plaines vallonnées avaient fait place à une zone montagneuse et boisée. Ils avaient chevauché pendant trois jours après avoir quitté le dernier village et en milieu d'après-midi, Changbin décida de s'arrêter jusqu'au lendemain près d'un bois, au pied d'une cascade. À vrai dire, la princesse avait insisté car elle trouvait l'endroit splendide. Une grande chute d’eau venait former un petit lac avant de prendre le courant de la rivière, des rochers ainsi que des saules pleureurs entouraient le tout et lui donnaient un côté intime, presque magique.

— Hum... est-ce que... commença Félix en jouant nerveusement avec les manches de sa robe.

— Quoi ? Tu veux pas que je reste là ? dit Changbin en étalant les peaux de bêtes autour de là où il avait prévu d'allumer le feu.

— En fait... j'aimerais bien profiter de l'endroit pour me laver...

Le visage de la princesse s’était empourpré et le mercenaire sembla enfin réaliser ce que cela impliquait.

— Oh ! Je vois... Eh bien… Je... je vais aller faire un tour plus loin...

Il prit quelques affaires de rechange et commença à s'éloigner. Lui aussi avait bien besoin d'une toilette complète, et il en profiterait pour laver ses habits même s'il aurait volontiers profité d'avoir l'occasion de voir sa protégée sans ses vêtements.

— Si tu as besoin de moi, crie, lui dit-il avec un petit sourire taquin. Enfin... je peux rester là et te laver le dos si tu préfères. 

Félix rougit de plus belle et secoua la tête, l'idée que le noiraud puisse la voir entièrement nue la gênait terriblement, d'ailleurs, hormis ses domestiques et sa mère lorsqu'elle était jeune, personne ne l'avait jamais vu dans le plus simple appareil. Et elle avait tout à fait conscience que Changbin ne saurait jamais se tenir. Déjà qu'en temps normal il avait ce côté pervers, alors mieux valait ne pas le tenter.

— Je plaisante, soupira le mercenaire en s'éloignant pour de bon, je serai plus loin, je reviens dans un moment.

Le jeune homme parcourut près d'un kilomètre à contre-coeur, il aurait volontiers pris un bain au pied de la cascade en compagnie de sa protégée, mais ça n'arriverait pas. Une fois le campement hors de vue, il lâcha ses affaires sur un rocher et se déshabilla à la hâte, impatient de se décrasser dans l'eau cristalline de la rivière. Les journées de chevauchée l'avait lui-même fatigué de sa propre odeur. 

Une fois nu, il mit un pied dans l'eau puis le second. Elle était fraîche, mais supportable, et il finit par s'asseoir à l'endroit le plus profond qu'il put trouver. Il laissa son corps s'habituer peu à peu à la température avant de se débarbouiller du mieux possible. Il se frictionna à l'aide d'un peu de sable afin de se débarrasser de la couche de poussière qu'il avait accumulée avant de se laver les cheveux. Il eut l'impression d'être moins bronzé une fois propre et cela le fit rire.

Après s'être détendu quelques minutes en essayant de se vider la tête, Changbin se saisit de ses vêtements sales et entreprit de les laver tant bien que mal. Tout en frottant le tissu et le cuir, son esprit se mit à vagabonder et l'amena à penser à Félix. Il imagina la princesse restée seule se baigner au pied de la cascade, l'eau cristalline perlant sur sa peau parsemée de taches de rousseur, passant les mains sur sa petite poitrine tout en se lavant, puis son ventre plat pour ensuite descendre vers...

Changbin secoua la tête, heureusement que l'eau de la rivière était fraîche, autrement il aurait eu du mal à remettre son pantalon en cuir après toutes ces pensées lubriques. C'était bien la première fois qu'il ressentait une once de honte à imaginer une femme nue, mais avec la princesse quelque chose était différent, du moins depuis peu.

Une fois qu'il eut terminé de se laver et de nettoyer ses vêtements, Changbin s’essuya à l'aide d'un linge sec et enfila sa tenue de rechange. Il ne savait pas depuis combien de temps il était parti, mais s’il avait eu le temps de se laver et de s’occuper de ses vêtements, alors Félix devait en avoir terminé elle aussi.

Il rebroussa lentement chemin, il ferait sécher ses habits près du feu une fois celui-ci allumé. Le soleil commençait à disparaître derrière le sommet des montagnes, il faisait encore clair. Il approchait du campement, le bruit de la cascade qui se faisait de plus en plus fort au fur et à mesure qu’il progressait en était un bon indicateur. Il aperçut d’abord Kobalt qui broutait tranquillement, mais Félix n’était pas avec les affaires. 

Changbin essaya de se faire plus discret et il finit par s’arrêter net. Son regard se porta sur une silhouette dans l’eau, c’était indéniablement Félix. Le noiraud avait d’abord reconnu sa chevelure dorée avant que ses yeux ne découvre avec bonheur le corps pâle mais surtout nu de la princesse. Elle se tenait de dos, l’eau lui arrivant juste sous les fesses et elle en versait en coupe sur ses épaules. Ses cheveux ruisselaient, elle avait dû les laver également avant l’arrivée du mercenaire. Ce dernier était bouche bée. Bien qu’il se tenait assez loin et que sa protégée était de dos, il pouvait parfaitement discerner sa peau claire, sa taille fine, ses hanches étroites mais surtout, ses très jolies fesses que le reflet du soleil sur la surface de l’eau faisait briller. 

Changbin déglutit alors que Félix s’apprêtait à rejoindre la rive. Dans un réflexe étrange, il se tourna et s’appuya contre un tronc, dos à la scène. Il ne pouvait pas faire ça à la princesse, elle lui avait accordé sa confiance, ça n'était pas correct. Et bien qu’il aurait volontiers passé des heures à découvrir et admirer son corps nu, quelque chose dans son esprit l’en empêchait tout bonnement. Il avait envie de se frapper mentalement, pourquoi diable réagissait-il de cette manière ? Depuis quand se sentait-il coupable à l’idée de reluquer une jeune femme à son insu ?

Il se prit la tête dans les mains de frustration et grommela pour lui-même. Oui, il l’avait trouvée sublime, et il ne pouvait nier encore ressentir une pointe d’excitation que son entrejambe se faisait une joie de lui rappeler. Néanmoins, il essaya de rapidement chasser cette vision presque érotique de son esprit, il devait retrouver son calme avant de rejoindre la princesse.

Changbin patienta peut-être un peu trop longtemps - jusqu’à ce que la nuit ne commence à tomber - pour être certain de ne pas avoir l’air suspect. Il avait ramassé quelques brindilles et du petit bois afin de pouvoir allumer rapidement le feu pour la nuit. Il revint silencieusement au campement, et remarqua que Félix avait déjà allumé un petit feu en l’attendant.

— Ça a été pour te laver le dos, Princesse ? la taquina Changbin pour cacher son trouble.

La blonde se contenta de lui sourire tout en remettant un peu de bois dans les flammes. Le mercenaire disposa ses vêtements encore humides à côté afin de les faire sécher et alla chercher de quoi dîner dans les sacs. Il restait encore du pain, de la viande séchée, du fromage et quelques fruits, et les deux voyageurs s’installèrent sur leur peau de bête pour manger. Il faudrait qu’il chasse ou qu'il pêche le lendemain afin de ne pas trop taper dans leurs réserves. Le prochain village n’était pas tout près. 

— Ça va pas ? demanda le noiraud à Félix en la voyant grelotter.

— Si, c’est juste que mes cheveux sont encore mouillés, alors j’ai froid… avoua la jeune femme en s'emmitouflant dans sa cape.

Le mercenaire soupira, lui aussi avait encore les cheveux mouillés et pourtant il n’avait pas froid. Les princesses étaient vraiment des petites natures.

— J’vais quand même pas devoir dormir avec toi pour te réchauffer ?

La blonde leva les yeux vers lui et son visage se teinta de rouge. Elle secoua furieusement la tête, pas pour dire non, mais plutôt pour se débarrasser de sa gêne évidente. Changbin haussa simplement les épaules et alla chercher les fourrures, il en jeta une sur sa peau de bête et garda l’autre en main tout en jetant un coup d'œil à sa protégée. Il haussa un sourcil.

— Alors ? 

Félix se mordit la lèvre, hésitante. Ça n’était pas qu’elle n’avait pas confiance en lui car après tout, ils avaient déjà dormi ensemble et plus tôt, Changbin n’était même pas venu l’embêter pendant qu’elle se lavait, alors elle savait qu’il était capable de se tenir, mais…

Sentant son hésitation, Changbin haussa les épaules et lui lança l’autre fourrure.

— Comme tu voudras, dit-il avant de mettre quelques grosses branches dans le feu pour tenir la nuit, avant de s’installer sur sa couchette et de couvrir son corps.

Il ferma les yeux, presque vexé que sa protégée ait refusé sa proposition, et il laissa échapper un long soupir. Le silence n’était troublé que par le bruit de la chute d’eau et celui du crépitement des flammes, mais des froissements s’élevèrent après quelques instants et Changbin finit par rouvrir les yeux. Il eut un mouvement de recul lorsqu’il découvrit Félix, debout devant lui, sa fourrure dans les bras, les sourcils froncés et les joues rouges. Le noiraud se redressa sur son coude tandis que la princesse se mettait à genoux sur sa peau de bête avant de s’allonger contre lui en lui faisant face.

— J’ai pas envie d’avoir froid toute la nuit… se justifia-t-elle en marmonnant.

Le noiraud cligna rapidement des yeux, son cerveau avait besoin d’un peu de temps afin de comprendre ce qui se passait. Félix voulait partager sa couche. Il déglutit avant de se rallonger à son tour, s'arrangeant pour que sa fourrure les couvre tous les deux avant de placer celle de la blonde au-dessus. Elle le fixait dans les yeux malgré la gêne évidente qu’elle ressentait. Changbin tendit timidement la main et la passa dans les mèches encore humides de sa protégée, elle se rapprocha un peu, histoire de sentir la chaleur émanant du corps du jeune homme contre elle.

— Merci pour tout… soupira-t-elle en lui adressant un petit sourire.

Le noiraud fit non de la tête comme pour lui signifier que c’était tout naturel - même si ça ne l’était pas du tout. Il se ressaisit, il ne devait pas oublier que son périple avec la jeune femme n’était qu’une mission, une fois de retour dans son royaume, Félix et lui n’auraient plus rien à voir ensemble. Alors il n’avait pas à s’attacher, il ne devait pas s’attacher. D’abord parce qu'il ne s’attachait jamais. Il n’était pas du genre sentimental et encore moins romantique, et ça ne risquait pas de changer à cause d’une demoiselle en détresse.

— Je suis désolée de vous causer autant de soucis… et d’être un tel fardeau… ajouta-t-elle avec un sourire désolé.

À nouveau, Changbin fit inconsciemment non de la tête. Pourtant, il l’avait longuement pensé, qu’elle était un fardeau, qu’elle était pénible et qu’elle avait intérêt à lui rapporter une sacrée somme d’argent une fois de retour chez elle pour compenser le tout. Et pourtant, quand il la voyait comme ça, vulnérable, timide, reconnaissante, quelque chose en lui lui faisait oublier tous les inconvénients de sa mission.

Félix approcha une de ses petites mains du visage du noiraud et elle lui caressa la joue du pouce avant de s’avancer un peu plus. Elle déposa un tout petit baiser au niveau des commissures des lèvres de Changbin avant de lui sourire adorablement.

— Bonne nuit Changbin… lui murmura-t-elle avant de se retourner pour faire face au feu.

Le jeune mercenaire resta quelques instants pantois. Il aurait volontiers sauté sur la princesse, mais il n’en fit rien. Étrangement, ça n’était pas ce dont il avait le plus envie dans l’immédiat. Il se décala jusqu’à être totalement collé au dos de Félix et passa son bras autour de sa taille avant d’enfouir son visage dans ses cheveux encore humides. Il la sentit se blottir contre lui jusqu’à trouver une position confortable, et il inspira profondément le doux parfum de lavande qui se dégageait de sa chevelure et de sa peau. Il fourragea avec son nez jusqu’à ce que ça ne lui chatouille plus le visage et expira de bien-être.

— Bonne nuit Princesse...

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Merci à ChocoBred d'avoir réalisé cette superbe illustration ❤️