✾ Chapitre 3 ✾
Félix retrouva Changbin dans l'écurie le lendemain matin. Le jeune homme était déjà en train de préparer son cheval pour leur chevauchée du jour en direction de la ville que le prêtre leur avait indiquée la veille.
— On a fait un brin de toilette Princesse ? dit le mercenaire en jetant un oeil à la tenue propre de la jeune femme.
— Tant bien que mal, soupira-t-elle en lui tendant quelques affaires pour qu'il les fixe au paquetage.
— C'est loin de valoir le confort d'un château j'imagine...
La blonde fronça les sourcils. Parfois, même souvent, elle ne savait pas comment elle devait prendre les remarques de son sauveur.
— On va manger un peu et se mettre en route, annonça Changbin en attachant la dernière lanière de cuir qui maintenait le tout ensemble.
La princesse le suivit à l'intérieur. En silence, ils avalèrent un dernier repas complet avant de quitter l'auberge, puis le village en milieu de matinée. Félix avait enfilé sa cape achetée la veille, le vent étant encore un peu frais. Elle s'était néanmoins installée aussi près que possible du cavalier et avait déposé ses mains sur ses hanches pour se maintenir bien en place sur la selle, ce qui ne le dérangeait pas le moins du monde.
— Où allons-nous ? demanda la jeune femme alors que Changbin les faisait descendre d'une colline.
— Le prêtre a dit de se rendre à la capitale à l'Est en suivant le courant de la rivière, alors je cherche la rivière, dit-il en indiquant un cours d'eau un peu plus loin d'un mouvement de tête. Deux jours de cheval, je ne pense pas qu'on pourra faire plus rapide.
— J'espère que ce cartographe pourra nous aider, soupira la blonde en posant son front contre le haut du dos du noiraud.
— Hum...
Ils chevauchèrent tranquillement toute la journée ne s'autorisant qu'une courte pause pour manger. Quand le soir fut venu, Changbin chercha un endroit pour passer la nuit. Il opta finalement pour un petit bosquet non loin de la rivière. Il alluma un feu avec des branches qui traînaient aux alentours et sortit ce qu'ils avaient acheté en nourriture au village. Pour une fois qu'il n'avait pas besoin de se fatiguer à chasser... Félix l'aida à décharger Kobalt et installa les peaux de bêtes sur lesquelles ils allaient passer la nuit. Le lit de l'auberge lui manquait déjà et elle soupira en plaçant une fourrure sur ses jambes.
— Je me demandais, fit soudain Changbin en mâchant sa nourriture, est-ce que tu es la seule héritière de ton royaume ?
Félix haussa un sourcil, surprise que le mercenaire lui prête de l'intérêt.
— Je suis l'aînée, ma mère était enceinte quand j'ai été enlevée elle ne devrait pas tarder à donner naissance d'ailleurs...
— Alors... même si tu ne revenais pas, il y aura toujours quelqu'un pour te remplacer sur le trône ?
— Oui les rois font toujours en sorte d'avoir plusieurs héritiers au cas où...
— Non pas que je m'intéresse à ta vie, fit Changbin en s'allongeant sur le côté, mais je me disais juste que si tu étais fille unique, alors la récompense serait plus importante que si quelqu'un pouvait prendre ta place.
La princesse baissa les yeux et joua nerveusement avec les pans de sa cape.
— En fait mon père... le roi, est très vieux, il a eu plusieurs autres enfants à part moi mais certains sont morts de maladie et les autres sont... bizarres...
— Bizarres ? répéta le noiraud en pouffant de rire.
— Ce sont des idiots... marmonna Félix.
Il semblait que même si la jeune femme n'était pas fille unique du roi Lee, elle était la seule capable de prendre les rênes du royaume à la mort de son père.
— Donc la récompense restera conséquente... conclut simplement Changbin en attrapant sa fourrure pour s'installer confortablement en vue de trouver le sommeil.
Félix rit jaune.
— Quoi ? fit le jeune homme en rouvrant les yeux.
— Rien, j'ai juste cru quelques instants que vous vous souciez ne serait-ce qu'un peu de moi, soupira la princesse en s'installant à son tour pour dormir.
— Désolé Princesse, il n'y a pas grand chose qui m'intéresse à part moi-même et l'argent, siffla le noiraud en lui tournant le dos.
— Je confirme... grommela-t-elle en l'imitant.
Le silence s'installa entre eux jusqu'à ce que le souffle de Changbin ne s'élève dans la nuit :
— Bonne nuit, Princesse....
***
Ils passèrent la journée du lendemain à suivre la route de l'Est jusqu'à la capitale, toujours sans savoir dans quel royaume ils se trouvaient. Les grandes murailles de pierres blanches entourant la ville finirent par se dresser devant eux en fin de journée. Ils pouvaient distinguer l'immense château bien plus imposant que le reste des bâtiments, toisant les alentours depuis le cœur de la cité. Il était même plus grand que l'église, ce qui prouvait la supériorité que les rois pensaient avoir sur Érésis.
— Rappelle-toi, tu n'es pas une princesse, dit Changbin à voix basse.
Félix tressaillit, c'était les premières paroles qu'il lui adressait depuis la veille. Elle se contenta de hocher la tête et resserra son étreinte sur les hanches du noiraud lorsque ce dernier arrêta son cheval à quelques kilomètres de la ville.
— Qu'est-ce qu'il y a ? demanda la blonde, inquiète.
— Je suis déjà venu ici, réfléchit le jeune homme en se frottant la tête.
— C'est un problème ?
— Tout dépend de qui on croise... lui répondit-il en serrant les mollets pour remettre sa monture au pas. En tout cas, je sais maintenant qu'on est dans le royaume des Bang...
Ça ne disait absolument rien à Félix mais elle avait sentit Changbin se raidir contre elle, et ça ne l'avait pas du tout rassurée. Les soldats à l'entrée des grandes portes de la ville laissèrent les deux voyageurs entrer sans trop de problèmes, après tout, ils n'avaient aucunement l'air de représenter une menace.
— Je suis d'avis qu'on aille trouver ce cartographe et qu'on file d'ici rapidement, dit Changbin en cherchant des yeux la direction de l'église.
— Est-ce qu'on ne devrait pas chercher une auberge où passer la nuit d'abord ? l'interrogea Félix en constatant que le soleil ne tarderait pas à se coucher.
— Je ne suis pas certain que ça soit une bonne idée de passer la nuit ici...
— Et pourquoi ça ?
Le mercenaire soupira longuement et secoua la tête.
— Sa majesté n'apprécie-t-elle pas les nuits à la belle étoile ? la taquina-t-il.
— Je pense juste qu'il serait judicieux de profiter d'être dans une grande ville avant de reprendre la route pour Érésis ne sait combien de temps, se justifia la jeune femme.
Changbin soupira à nouveau.
— C'est bon, Mademoiselle a gagné, céda-t-il finalement, mais on reprend la route demain matin à la première heure ! J'ai pas envie de traîner dans le coin trop longtemps...
— À condition d'avoir mis la main sur la carte que nous sommes venus chercher !
Ils s'arrêtèrent dans une auberge un peu à l'écart du centre-ville. Le mercenaire paya pour deux chambres ainsi que pour une place dans l'écurie pour Kobalt, et ils se rendirent dans les rues commerçantes. Félix paraissait gênée à cause du regard que les gens posaient sur elle. Elle remonta tant bien que mal le col de sa robe afin de cacher ses cicatrices qui devaient être la raison de la curiosité des villageois. Changbin eut l'air de le remarquer. Il tira un grand mouchoir de sa ceinture et le noua sommairement autour du cou de la jeune femme. Elle s'arrêta quelques instants, surprise.
— Merci... fit-elle en clignant des yeux.
— C'est rien... J'ai simplement pas envie qu'on attire l'attention, marmonna le noiraud en se remettant en route.
Il fit quelques achats sans vouloir en faire part à la princesse, puis se dirigea vers le lieu saint. Félix manqua de le perdre dans la foule et courut quelques mètres pour le rattraper. L'église n'avait rien à voir avec la chapelle qu'ils avaient visitée deux jours auparavant, le bâtiment de granit immaculé s'élevait bien plus haut que le reste des constructions de la cité. Changbin avait horreur des lieux saints, et plus ils étaient imposants plus ils le mettaient mal à l'aise. Remarquant l'hésitation de son sauveur, Félix pénétra la première dans l'église avant de le tirer par la main.
— On ne trouvera pas de réponses en restant dehors, se justifia-t-elle en lui jetant un coup d'œil.
À cette heure de la journée, il n'y avait que quelques prêtres et prêtresses à l'intérieur, il n'était plus l'heure de prier pour les villageois.
— Bienvenue, jeunes voyageurs, les salua le doyen à leur arrivée. En quoi les simples fils et filles d'Érésis peuvent vous aider dans votre périple ?
— Mon Père, commença Félix en s'inclinant, nous avons perdu notre chemin lors de notre pèlerinage et nous aurions grand besoin d'une carte. Le prêtre du village voisin nous a confié que nous pourrions trouver ce que nous cherchons ici.
— Où souhaitez-vous vous rendre chère enfant ?
— Nous avions pour souhait de nous rendre au royaume Lee, expliqua la princesse en suivant le prêtre jusqu'au chœur, il paraît qu'on peut y voir des reliques d'une grande rareté.
Changbin restait bouche bée devant les mensonges si crédibles de sa protégée, il n'aurait jamais pu faire preuve d'autant de tact et de diplomatie. Il devait avouer que la petite manigance de la blonde s'avérerait certainement plus efficace que sa brutalité légendaire.
Le prêtre haussa un sourcil.
— Il est vrai que certains royaumes sont célèbres pour détenir de nombreux objets sacrés, et il est très courageux de votre part de risquer un tel voyage par foi. Érésis peut être fier de compter des pèlerins tels que vous parmi ses fidèles.
Changbin roula des yeux, tout ce baratin religieux commençait grandement à le fatiguer.
— Bref mon père, intervint-il soudain, si vous disposez d'une carte susceptible de nous aider à accomplir notre noble quête religieuse, nous vous en serions éternellement reconnaissants.
— Nous disposons en effet de quelques cartes que nous conservons avec les textes saints et je serais ravi de pouvoir les partager avec vous, si toutefois...
— Bien entendu, nous souhaiterions faire un don à votre église en remerciement pour l'aide précieuse que vous êtes prêts à nous apporter, le coupa la jeune femme en le gratifiant d'un chaleureux sourire.
— Hum, cependant je dois vous avouer que ces cartes pourraient s'avérer un peu obsolètes, ajouta le vieil homme en se frottant les mains. Seuls les grands royaumes maintiennent leurs frontières comme dans le passé, mais les autres ont certainement subi beaucoup de changements.
— Nous en avons surtout besoin pour nous orienter, la précision n'est pas notre priorité.
L'ancien les observa tour à tour, un sourcil levé, puis il hocha lentement la tête.
— Je dois chercher la carte qui vous sera utile dans les archives au sous-sol, finit-il par dire, pourriez-vous revenir demain matin pour la récupérer ?
— C'est que nous sommes un peu pressés alors... commença Changbin en passant la main dans ses cheveux.
— Demain sera parfait ! le coupa Félix en posant la main sur sa large épaule. Nous vous sommes déjà extrêmement reconnaissants de tout ce que vous faites pour nous.
Elle s'inclina poliment avant d'inviter Changbin à quitter les lieux en sa compagnie.
— J'aurais préféré qu'on ait cette carte ce soir pour qu'on puisse quitter la ville à la première heure demain matin, grommela le noiraud une fois qu'ils furent dans la rue.
— Pourquoi êtes-vous si pressé de quitter cet endroit ? lui demanda Félix, perplexe.
— Disons juste que je suis déjà venu ici et que je ne pense pas avoir fait une très bonne première impression...
Il ne dit rien de plus et se contenta de partir en direction de l'auberge. Ils dînèrent en silence avant de rejoindre leur chambre respective.
— Demain on se lève, on avale un morceau, je prépare Kobalt, on va chercher cette satanée carte et on quitte la ville immédiatement, annonça Changbin avant d'ouvrir la porte de sa chambre. Bonne nuit Princesse...
— Changbin, l'interpella-t-elle avant qu'il ne disparaisse dans la pièce.
Le jeune homme s'arrêta et se tourna vers Félix, cette dernière dénoua le mouchoir qu'elle avait autour du cou et le lui tendit.
— Tu devrais le garder, lui dit-il en détournant le regard, tu risques d'en avoir encore besoin tant que nous n'aurons pas quitté cet endroit.
Félix se contenta d'un mouvement de tête et ils allèrent se coucher chacun de leur côté.
Changbin eut du mal à trouver le sommeil cette nuit-là. Jamais il n'aurait dû accepter de rester dans la capitale, il savait que si la garde royale le reconnaissait, il pourrait dire adieu à sa liberté. Ou pire : à sa tête. Il tenta de se rassurer en se disant qu'ils avaient réussi à passer inaperçu pour le moment, il suffisait désormais de récupérer la fameuse carte du prêtre et de quitter la ville aussitôt. Il y avait peu de chances qu'ils ne se fassent remarquer, après tout, la princesse et lui avaient l'air de simples voyageurs.
***
Le jeune mercenaire se leva tôt le lendemain matin, il rangea ses affaires et rejoignit l'écurie pour y préparer Kobalt, en espérant que sa chère princesse n'allait pas décider de traîner au lit jusqu'à midi. Une fois qu'il en eut terminé avec sa monture, il retourna à l'intérieur et fut plus que ravi d'y trouver Félix, attablée dans un coin de la pièce principale de l'auberge. Il remarqua que le peu d'affaires qu'elle possédait étaient prêtes et qu'elle avait à nouveau noué le mouchoir autour de son cou pour éviter d'attirer les regards.
— Bien dormi, Princesse ? demanda le noiraud en s'installant en face d'elle.
— C'est plutôt à vous qu'il faut demander ça, je m'étais presque attendue à ce que vous ayez pris la poudre d'escampette pendant la nuit, le taquina la jeune femme sans pour autant croiser son regard.
— Jamais je n'aurais abandonné mon gagne-pain, rétorqua Changbin avant de commander à manger.
— Pardon, s'excusa Félix, j'oublie parfois que je ne suis qu'une bourse pleine d'or à vos yeux...
Son ton s'était voulu cinglant, mais tout cela la rendait bien triste. Elle n'avait pas d'autre choix que de compter sur son sauveur pour rentrer chez elle, mais elle aurait pourtant préféré que la cohabitation se passerait mieux. Le noiraud ne répondit pas et se contenta d'engloutir son repas rapidement ; ils devaient impérativement quitter la capitale le plus vite possible. Ils marchèrent jusqu'à l'église en compagnie de Kobalt et furent surpris de trouver une paire de garde devant la grande porte du lieu saint.
— N'oubliez pas qu'il va falloir faire une donation au doyen en échange de la carte, dit Félix à voix basse tandis que Changbin attachait rapidement son cheval.
Ça ne faisait pas vraiment plaisir au mercenaire de devoir se séparer de quelques pièces et encore moins en faveur de l'église, mais il se consolait en se disant que la récompense pour le sauvetage de Félix lui rapporterait bien plus encore.
Contrairement à la veille, plusieurs personnes étaient en train de prier ce matin-là, certainement avant d'aller travailler. La présence des gardes ne semblait avoir aucune explication et Changbin se détendit un peu.
— Bonjour mon Père, dit Félix en s'inclinant devant le prêtre qu'ils avaient rencontré quelques heures auparavant.
— J'ai trouvé ce que vous cherchiez, lui répondit ce dernier après les avoir salués à son tour. Cette carte indique bien un certain royaume Lee. En espérant qu'elle soit toujours d'actualité, il se trouve à une vingtaine de jours de cheval.
Félix et Changbin échangèrent un regard, il semblait évident qu'il s'agissait du royaume de la princesse. Elle fit signe au jeune homme d'offrir quelques pièces, ce qu'il fit bien évidemment à contre-coeur, et le vieil homme lui tendit la carte.
— Voilà bien longtemps qu'une de mes cartes ne s'était pas avérée utile, vous m'en voyez ravi que celle-ci puisse vous servir même si, comme je vous l'ai dit, elle n'est peut-être plus très actuelle.
— Elle nous sera d'un grand secours j'en suis sûre, lui répondit Félix un grand sourire aux lèvres. Merci pour tout mon père.
Le prêtre les salua avant de prendre congé. Les bancs de l'église s'étaient peu à peu vidés et les deux voyageurs se retrouvèrent seuls.
— Parfait ! s'exclama Changbin en coinçant la carte dans sa ceinture. Maintenant qu'on a ce qu'il nous faut, on quitte cette ville de malheur !
Il prit Félix par la main et la conduisit jusqu'à la sortie, mais une fois devant la grande porte ils tombèrent nez à nez avec une ravissante jeune femme. Elle était plutôt petite, menue avec de grands yeux noisette et de longs cheveux châtains tressés tout autour de sa tête. Elle écarquilla les yeux en croisant le regard du mercenaire.
— Ch-Changbin ? bégaya-t-elle en portant une main vers sa propre poitrine.
— Lia, quel plaisir de te revoir... soupira le noiraud en passant sa main libre dans ses cheveux.
La nouvelle venue était entrée seule dans l'église mais quelques gardes supplémentaires semblaient l'attendre dehors.
— Je n'aurais jamais pensé que tu aurais le culot de revenir ici un jour, dit-elle en fronçant les sourcils.
— Ma présence ici n'est pas volontaire, je te rassure.
— Après ce que tu as osé me faire, je ne pensais pas que tu te risquerais à affronter la colère de Chan. Tu te doutes du sort qu'il te réserve s'il croise ton chemin j'espère ?
— J'ai ma petite idée là-dessus en effet, c'est pour ça que je ne compte pas m'attarder ici plus longtemps, fit Changbin en essayant de sortir.
Mais Lia le retint par le bras l'arrêtant dans son élan. Elle se tourna ensuite vers Félix.
— Je ne sais pas ce que vous lui avez trouvé à ce bandit, cracha-t-elle à la blonde, mais j'espère que vous saurez garder vos cuisses serrées, car une fois qu'il y sera passé, il disparaîtra.
— Nous ne sommes que de simples compagnons de voyage, marmonna Félix un peu gênée par les paroles de la brune.
— Raison de plus pour vite vous éloigner de lui alors...
— Lia, intervint Changbin en tirant sa protégée derrière lui, écoute. Je ne pensais pas que ça se passerait comme ça, je vais quitter cette ville et ne plus jamais y remettre les pieds.
— Tu sais ce que j'ai dû endurer à cause de toi ? pleurnicha la princesse, les yeux brillants. Quand mon père m'a mariée alors que je n'étais plus pure ? Je suis devenue la risée du royaume ! Même dire que j'avais été violée n'a pas suffi à racheter mon image !
— Je n'ai jamais abusé de toi Lia, souffla le noiraud en fronçant les sourcils.
— J'étais jeune Changbin, et tu m'as retourné le cerveau avec tes belles paroles pour que je cède, s'écria la jeune femme en ravalant ses larmes. C'est avec toi que je voulais me marier !
Le mercenaire détourna le regard et tira sur la main de Félix pour qu'ils quittent les lieux.
— Je suis désolé Lia, dit-il à voix basse, je suis désolé que tu te sois méprise sur la vraie nature de notre relation, je ne voulais pas te faire de mal...
— Je te déteste ! hurla la princesse. Comment peux-tu te montrer si détaché ?
Alerté par les cris de cette dernière, un beau jeune homme aux cheveux bruns et bouclés pénétra dans l'église.
— Lia, qu'est-ce qu'il y a sœurette ? Je t'ai entendu crier...
Il s'arrêta net en apercevant Changbin.
— Toi ? fit le nouvel arrivant en plaçant sa main sur le pommeau de son épée. Jamais je n'aurais pensé te revoir un jour en ces lieux ! Visiblement tu ne tiens pas à la vie !
Il leva les yeux vers Félix, toujours cachée derrière le noiraud.
— Et tu t'ais même trouvé une nouvelle proie ? Tu n'apprendras donc jamais !
— Si tu faisais un peu plus attention à tes sujets Chan, tu te rendrais compte qu'elle n'en fait pas partie, grommela Changbin en sortant son épée de son fourreau, nous ne faisions que passer et nous allions justement partir.
Chan dégaina à son tour sa lame et il se mit en garde. Changbin serra la main de Félix et l'attira à lui.
— Sors d'ici, détache Kobalt et prépare-toi à partir, lui ordonna-t-il à l'oreille.
La princesse n'eut pas le temps de rétorquer quoi que ce soit qu'il l'avait déjà poussée vers la sortie. Le brun ne l'en empêcha pas, il se fichait bien de la jeune femme, c'était Changbin qui l'intéressait. Il leva sa lourde lame et la laissa s'abattre sur le noiraud. Ce dernier para l'attaque et riposta aussitôt, profitant d'une ouverture pour passer dans le dos du prince et lui asséner un coup de pommeau sur la nuque. Mais Chan avait été trop rapide et il revint tout de suite à la charge.
Les bruits de leurs lames s'entrechoquant résonnaient dans l'église. La princesse Lia s'était écartée et même si le mercenaire l'avait fait souffrir par le passé, elle n'avait aucune envie qu'il soit tué par Chan. Et elle avait encore moins envie que ce dernier ne perde la vie dans ce duel.
— Je suis navré prince Chan, souffla Changbin en parant une autre attaque, mais ça n'est ni l'endroit ni le moment pour un combat !
Il savait pertinemment que le prince était fort et doué pour le combat à l'épée, de plus, la haine qu'il lui vouait ne faisait que le rendre plus violent et hargneux. Changbin devait rapidement trouver un moyen de se débarrasser de lui avant de prendre la fuite.
— Tu as déshonoré ma famille et humilié ma sœur, tu n'es qu'un malfrat de la pire espèce ! cracha Chan en poussant violemment sa lame contre la sienne.
— Ça m'ennuierait grandement de perdre la vie sur un malentendu, rétorqua le mercenaire en résistant de toutes ses forces, je n'y peux rien si ta chère et tendre sœur croit trop aux contes de fée !
Le prince fit un pas en arrière et Changbin en profita pour sauter afin de lui asséner un coup sur l'épaule. Chan perdit l'équilibre et tomba sur le sol. Son adversaire alla coller la lame de son épée à sa pomme d'Adam et y exerça une légère pression, juste assez pour que la fine couche de peau ne se rompt et qu'un mince filet de liquide vermeil ne s'en échappe.
— Non ! pleura Lia. Laisse-lui la vie sauve, je t'en supplie !
— Tu vois, prince, le nargua Changbin, il y a des jours où l'on gagne et d'autres où l'on perd, et aujourd'hui, tu as perdu...
— Je te hais ! grogna le brun en serrant les dents.
Le mercenaire donna un coup de pied dans sa main, lui faisant lâcher son épée et l'envoyant à plusieurs mètres de là. Il releva la tête pour regarder la princesse.
— Encore désolé d'avoir ravivé de vieux et mauvais souvenirs, mais cette fois c'est promis, je ne reviendrais jamais.
Des larmes roulèrent sur les joues de la jeune femme, elle savait qu'elle avait été stupide et que Changbin n'était pas totalement responsable de la situation. Il l'avait prévenue et elle avait cru pouvoir contrôler ses sentiments, mais au final, elle aussi avait perdu. Il lui adressa un dernier regard avant de quitter l'église en courant. Lia resta immobile, incapable de réagir.
— S'il croit qu'il va pouvoir filer comme ça ! s'écria Chan en épongeant le sang de son cou avant de se relever. Gardes ! Arrêtez cet homme !
Changbin avait bondi hors de l'église, passant devant les gardes aux yeux écarquillés avant qu'ils n'entendent l'appel de leur prince. Le mercenaire traversa la rue, Félix l'y attendait, déjà en selle. Il prit son élan et sauta sur le dos de son cheval, se calant derrière la blonde avant de talonner l'animal.
— Accroche-toi Princesse, dit-il en lui arrachant les rênes des mains par derrière.
Kobalt fit un bond en avant et partit au galop, ses gros sabots martelaient le sol pavé de la cité et résonnaient dans la rue à chaque foulée. Les gardes devant l'église se lancèrent à leur poursuite mais, étant à pieds, ils se firent aisément distancer. L'un d'eux sonna l'alerte en agitant une des cloches présentes un peu partout dans la capitale. Des soldats déboulèrent de tous les côtés, tentant d'arrêter, ou au moins de ralentir les fuyards dans leur galopade dans la rue principale de la cité.
Changbin voulait atteindre l'une des grandes portes le plus rapidement possible avant que les gardes n'aient la brillante idée de les fermer. Le gros cheval noir glissait sur les pavés et il manqua plusieurs fois de perdre l'équilibre lorsque son cavalier lui demanda de changer brusquement de direction. Les grandes portes de bois était désormais en vue ; Changbin donna un nouveau coup de talons dans le ventre de sa monture et le hongre allongea un peu plus l'encolure pour prendre de la vitesse, la ligne droite qu'il traçait rendant la tâche plus facile.
— Allez mon gros, allez ! l'encouragea Changbin, les dents serrées et les doigts crispés sur les rênes.
Félix avait fermé les yeux, elle ne donnait pas cher de leur peau si par malheur ils ne parvenaient pas à s'échapper. Il ne leur restait que quelques mètres à parcourir avant d'atteindre leur but. Un garde se positionna sur leur passage, entre les deux battants de bois. Kobalt dressa les oreilles et Changbin ne le fit pas dévier de sa trajectoire pour autant. Le soldat finit par céder au dernier moment et sauta sur le côté, peu désireux de se faire piétiner par l'animal contre lequel il n'avait aucune chance.
Les gardes n'eurent pas le temps de bloquer les portes et les deux fugitifs parvinrent à quitter la cité. Changbin jeta un coup d'œil par-dessus son épaule, personne ne semblait les avoir pris en chasse, mais il préféra tout de même creuser la distance par précaution en gardant le galop pendant un certain temps. Malgré sa corpulence, Kobalt était un cheval très endurant et son cavalier savait qu'il pourrait tenir un moment avant d'avoir besoin de se reposer. Il prit la direction de la forêt, du côté opposé duquel ils étaient venus. Une fois enfoncés dans les bois, il y aurait peu de chances pour que leurs poursuivants - si poursuivants il y avait - ne les retrouvent.
***
Une fois qu'il trouva s'être suffisamment éloigné de la capitale, Changbin ralentit son cheval, ils avaient galopé un long moment et l'animal avait besoin de récupérer. Changbin soupira longuement comme s'il avait retenu son souffle depuis le début. Félix, elle, n'avait toujours pas ouvert la bouche.
— On va marcher encore un peu, lui dit Changbin, et ensuite on s'arrêtera près d'un cours d'eau pour que Kobalt puisse boire et se reposer.
La jeune femme se contenta de hocher la tête. Ils continuèrent un peu en silence jusqu'à ce que Félix ne se décide finalement à lui adresser la parole.
— Vu la réaction de la famille royale quand elle vous a vu, je comprends que vous ne vouliez pas rester dans la cité...
— C'est un peu compliqué... dit simplement le noiraud en passant une main dans ses cheveux.
Félix n'avait pas demandé à en savoir plus et pourtant Changbin avait envie d'en parler.
— C'était il y a deux ans, je suis arrivé dans cette ville, je cherchais du travail et j'ai entendu dire que le roi avait besoin de quelqu'un pour se débarrasser d'une bande de malfaiteurs qui rodait dans les alentours. Ils pillaient les marchands avant que ceux-ci n'arrivent jusqu'à la capitale, rendant le commerce difficile. Je suis alors allé trouver le roi et j'ai proposé mon aide. La récompense offerte était importante et à l'époque j'avais vraiment besoin d'argent, encore plus qu'aujourd'hui. J'ai côtoyé la famille royale pendant un moment, je me suis même rapproché du prince. Et puis par la force des choses, de la princesse. Lia était très gentille avec moi, très attentionnée, elle était un peu plus âgée et nous nous sommes rapidement très bien entendus. Je ne lui ai jamais rien fait espérer, elle savait très bien que dès que ma mission dans la capitale serait terminée, je reprendrais la route. Elle semblait avoir accepté mes conditions car ça ne l'a pas empêché de... comment dirais-je... de tomber sous mon charme !
Il laissa échapper un petit rire nerveux puis continua.
— Ça a commencé avec des choses très simples et puis, ce qui devait arriver arriva. Nous avons été très intimes, si tu vois ce que je veux dire... Je lui répétais que je reprendrais la route dès ma mission accomplie, et elle me disait toujours qu'elle comprenait et que c'était normal. Cependant, soupira-t-il, le jour où j'ai réussi à me débarrasser des bandits, le roi m'a offert une énorme récompense et à même sous-entendu que je pouvais prendre la main de sa fille, or, ça n'était pas du tout ce dont j'avais envie mais je crois qu'elle s'attendait à ce que j'accepte la proposition de son père. Alors que c'était tout bonnement hors de question... Après tout, pour rien au monde, ni pour personne je n'accepterai de rester enfermé derrière les murs d'un château. Et puis il faut dire aussi que je ne pensais pas du tout qu'elle se serait tant attachée que ça...
Félix laissa échapper un petit rire ce qui fit hausser un sourcil à Changbin.
— Quoi ?
— Vous voyez, c'est pour ça qu'il faut apprendre à connaître les gens avant de leur sauter dessus... surtout les femmes, dit-elle simplement.
— À aucun moment je n'ai pensé qu'elle imaginait réellement se marier avec moi, ça ne m'avait jamais traversé l'esprit ! Bien entendu elle m'a détesté et visiblement, elle a menti à tout le monde sur ce qui s'était réellement passé. Pas étonnant que son frère me déteste autant si elle a été lui dire que j'avais abusé d'elle... Ah vraiment les princesses...
— Vous regrettez ? lui demanda Félix, un peu surprise.
— Je... hésita Changbin. Oui, je regrette... je regrette de ne pas avoir été plus clair... Je n'avais pas envie qu'elle souffre, et pourtant c'est ce qui s'est passé...
— Vous savez, reprit la jeune femme, j'ai été étonnée tout à l'heure.
— À cause de quoi ?
— Pour la première fois depuis que nous nous sommes rencontrés, je vous ai entendu vous excuser... et vous aviez l'air sincère ! Alors je me dis que finalement, il y a peut-être quelqu'un de bien au fond de vous.
Changbin se redressa, comme surpris par ce que sa protégée venait de lui dire. Il ne s'était jamais considéré comme une bonne personne et ça n'était pas non plus ce que les autres pensaient de lui. Ce que Félix pensait de lui n'aurait pas dû avoir d'importance et pourtant, ça en avait. Il inspira profondément puis expira tout l'air de ses poumons, comme essayant d'évacuer une gêne présente à l'intérieur de lui.
— Étonnamment, murmura Félix je suis presque sûr qu'il y a du bon en vous...
Changbin déposa les rênes sur l'encolure de son cheval et enveloppa ses bras autour de la taille de la jeune femme. Il posa ensuite son visage contre son épaule et ferma les yeux. Encore une fois, il n'aurait probablement pas dû être autant touché par ses paroles, et pourtant...
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro